JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2° ANNÉE. N° 140.
JEUDI, Ier SEPTEMBRE 1842.
INTERIEUR.
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l'PRES, le 31 Août.
DE LA. MAJORITÉ DES FEUILLES CATHOLIQUES
ET DE M. DE MERODE.
Tel est le vœu de la majorité catholique de
la nation. Ainsi s'expriment les organes de
certain parti, quand ils font leurs efforts, pour
faire entrer dans le dispositif des lois, quelques-
uns de ces principes favorables au pouvoir spi
rituelmais subversifs du pouvoir civil. Et ce
ne sont point seulement les journaux de la fac
tion qui s'arrogent la mission de s'énoncer au
nom de la majoritémais le comte de Mérode
se pose aussi l'organe de cette majorité catholi
que. Moins que tout autre, cet honorable re
présentant eût dû se permettre cette étrange
aberration car on n'a point encore oublié
que le mandat de représentant de l'arron
dissement de Nivelles ne lui a été confié qu'à
une demi voix de majoritéet encore était-ce
le vole d'un fou.
Mais quelle est donc celle majorité dont cer
taines feuillesdisent représenter l'opinion? Est-ce
la majorité légale? Est-ce une majorité idéale,
fictive l'usage du parti? Ici nous devons dis
tinguer. Si les journaux catholiques prennent
la défense de quelque pointdu dogme ou de dis
cipline ecclésiastique nous convenons qu'alors
ils représentent l opinion de la majorité de la
nation.
Mais, ni la religion, ni la morale ne sont inté
ressées dans ce débat. Aucun organe du parti
libéral n'a jamais attaqué ni le dogme, ni la
morale. Mais il s'agit de savoir, si, se couvrant
de ce manteau sacré, un clergé ambitieux ab
sorbera le pouvoir civil, et transformera la Bel
gique en un fief ecclésiastique ayant pour
suzerain l'archevêque de Malines.
Là gît toute la question. Nous croyons que
le parti qui annonce des prétentions aussi exor
bitantes, loin d'être en majorité, n'offre qu'une
minorité imperceptible. Quelques gros bonnets
du clergéunis avec quelques membres de la
haute noblesse, ont organisé entre eux, une
société anonymepour exploiter la Belgique,
au profit de leurs intérêts de caste.
Nous ne contestons point que jusqu'ici, le
parti clérical n'ait toujours obtenu la majorité
dans les campagnes. Mais là même, elle tend à-
lui échapper. Et elle lui échappera du moment
que les électeurs campagnards qui ne possèdent
point l'entente de la vie politique l'égal de
ceux des villes, concevront que le prêtre, arbitre
suprême dans le sanctuaire, devient simple ci
toyen dans les collèges électoraux. S'il s'y pré
sente au nom de la religion, la menace la
bouche, pour influencer les élections au gré de
ses supérieurs, il souille son caractère sacré et
commet un abus.
Dans les villes, jamais la majorité n'a été ac
quise la faction. La meilleure preuve qu'on en
puisse donner, c'est que le parti a inventé le
fractionnement des collèges électoraux des villes.
La majorité électorale des cités, le faisait trem
bler. On n'a point reculé, pour tâcher de con
jurer un pareil échec, de faire du gâchis. Les
élections communales se feront donc soiis un
mode nouveau, et la faction théocratique espère
que l'incertitudela division et les rivalités de
quartier déplaceront la majorité.
11 n'y a pas jusqu'à cette béate feuille que la
ville d'Ypres laisse végéter obscurément dans
son sein, depuis vingt-cinq ans, qui ne possède
l'effronterie de prétendre représenter l'opinion
de la majorité de nos concitoyens. Elle ne peut
cependant avoir oublié, que deux fois, une
majorité imposante a protesté contre celte ar
rogance. Deux fois les candidats qu'elle a pré
conisés, ont vu les citoyens leur refuser toute
confiance. Si nous en croyons nos pressenti
ments la majorité sera bien éloignée de favo
riser les prétentions de quelques hommes sou
tenus par le clergé.
Corrigez donc, s'il vous plait, cette manière
de parler. Non tous tant que vous êtes, vous
n'avez aucune mission pour vous exprimer au
nom de la majorité. La majorité éplairée de la
nation, et laquelle devrait appartenir la pré
pondérance politique vous est déjà échappée
depuis longtemps, ou plutôt ne vous a jamais
appartenu.
Elle repousse l'influence d'une faction hostile
nos libertés, répudie ses empiétements sur
le pouvoir civil, et blâme amèrement son avidité
insatiable, jamais satisfaite. Nous ne pensons
pas que ce soient là des preuves, que les sym
pathies de la majorité éclairée de la Belgique
sont acquises la faction cléricale.
Et, s'il en est ainsi, de quoi devons-nous être
le plus étonné, ou de la véracité plus que
douteuse de certaines feuilles, ou de leur
outrecuidance.
On nous communique la note suivante que
nous croyons devoir insérer
Un français ne peut pas se taire quand on
insulte sa nation.
A la distribution des prix du collège des Jésuites
Malines, les élèves ont chanté des couplets dans les
quels on traite les français d'assassins, et on invoque
le malheur sur leur nation.
Tant de fiel entre-t-il dans l'âme des dévols
11 est écrit celui qui maudira son frère sera mau
dit septante fois sept fois. Mais les jésuites n'y x'egar-
dent pas de si près.
J'ai vu l'intolérance aux pieds des saints autels,
En invoquant les Dieux égorger les mortels.
Disciples d'Ignace, frappez la terre du pied, vous
en ferez sortir des victimes. La Belgique vous accorde
un asile, et déjà, vous payez son hospitalité par des
blasphèmes Vous nous appelez peuple d'assassins!
ne craignez-vouspasque l'ombre du grand rois'écrie
votre aspect
J cn ai pâli d'horreur et de ma barbe grise,
J'ai senti tous les poils se dresser de surprise,
J'ai cru que Ravaillac resorti de l'enfer,
Une seconde fois me perçait de sou fer.
Vous ne savez doue pas ce que sont les jésuites,
Quels fléaux dans le monde ils traînent leur suite,
Qu'en traces de sang partout leurs exploits sont écrits,
Que l'eufer a pleuré quand on les a proscrits
i i
LE ROCHER DE ROSENFELD. {Suite.)
V.
Sur la grande place de Mayeufeld, se trouvait une maison qui se
distinguait par son aspect la fois sérieux et élégant, son fronton
était orné de petites colonnes autrefois recouvertes de brillantes do
rures que les intempéries de l'air et l'action du soleil avaient effacées
en partie. Entre ces colonnes étaient posées, dans des niches, de jo
lies petites statues. Tous ces objets formaient un ensemble des plus
agréables la vue, et offraient cet aspect varié que l'on admire dans
l'architecture des habitations et des monuments bâtis aux 15e et 16e
siècles. Cette maison était habitée par le noble Bertliold, l'un des
plus riches seigneurs du canton. Berthold était parrain d'Oswald.
Comme ce dernier et Pierre le Noir traversaient la place, il les aper
çut et fut très-surpris de voir son filleul en aussi mauvaise com
pagnie. Le seigneur Berthold le fit appeler, on introduisit Oswald
dans un riche salon gothiqueoù le jour pénétrait par de hautes
croisées en ogives formées de vitraux peints. Aussitôt que Berthold
l'aperçut, il s'avança avec empressement vers lui, et témoigna toute
sa surprise de le voir Mayenfeld, en compagnie d'un individu
aussi mal famé que Pierre le Noir. Oswald lui fit connaître en peu
de mots, les motifs de sa présence et les raisons qui l'avaient déter
miné s'engager.
Le seigneur Berthold, après l'avoir écouté attentivement, lui dit:
Vous avez eu tortOswald de vous être adressé, sans deman
der conseil, nn homme tel que Pierre Je Noir.
Si vous étiez venu me trouver d'abord, je serais parvenu facile
ment aplanir tous les obstacles.
La tille de Miller est loin d'être un parti aussi brillant que votre
père le croit. Elle appartient une famille qui jouit de fort peu de
considération, et dont la fortune a été gravement compromise dans
ces derniers temps. La réputation de cette jeune fille, n'est pas non
plus exempte de tout reproche.
Aussitôt que votre père connaîtra toutes les particularités que je
suis même de lui apprendre àce sujet, je suis convaincu qu'il renon
cera vous faire contracter un mariage aussi peu convenable. Quant
l'engagement que vous venez de signer, j'espère que nous parvien
drons le faire annuler moyennant quelque argent.
Oswald se confondit en reraercimenls, et témoigna au seigneur
Berthold tous ses regrels d'avoir pu le méconnaître. Un messager
fut expédié Eisdoifet le lendemain de bonne heure Hesserley
arriva, heureux de retrouver son fils, dont le départ lui avait occa
sionné un vif chagrin. Le seigneur Berthold parviut facilement le
faire consentir l'union d'Oswald avec Eininy. Il fut résolu que le
mariage aurait lieu dans six semaines, aussitôt la foute des neiges,
afin de permettre aux parents qui devaient assister la cérémonie,
de parcourir la route presqu'impraticable en hiver. Le seigneur Ber
thold se chargea de faire annuler l'engagement contracté par Os
wald et recommanda ce dernier, de ne pas oublier de venir
chercher avant son mariage, le cadeau de noce qu'il destinait
Emmy.
Oswald avant de prendre congé de son parrainlui exprima encore
une fois, avec effusion, combien il était reconnaissant de ce qu'il ve
nait de faire. Il demanda son père la permission d'être le premier
apporter d'aussi bonnes nouvelles sa future.
Afin d'arriver plutôt, dit-il, j'irai par Rosenfeld, le chemin est
périlleux mais l'amour me donnera la force et le courage de sur
monter tous les obstacles.