JOURNAL D'YPRES ET DE L ARRONDISSEMENT. 2e ANNÉE. N° 142. JEUDI, 8 SEPTEMBRE 1842. FEUILLETON. On s'abonne Ypres rue du Temple, 6, et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre. Pour Ypresfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro 0-25 Tout ce qui concerne la ré daction doit être «dressé,/ranco, l'éditeur du journal, Ypres. Le Progrès parait le Dimanche et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligue. IATEKIEFB. Vt«. lfPRES, te 7 Septembre. CONVENTION AVEC LA VILLE DE BRUXELLES. La chambre des représentants vient de sanc tionner par un premier votela convention conclue par l'état avec la ville de Bruxelles. Trente deux voix contre trenteont accueilli le mode présenté par le ministère, pour sauver la capitale de la Belgique de la crise financière dans laquelle elle se trouve plongée. Le sacri fice fait par le pays est grand sans doute, mais nous sommes fondés le croire inévitable. Quelles que soient les causes actuelles ou passées qui aient pu plonger la ville de Bruxelles dans celle pénurie, nous croyons qu'une nation est tenue de venir au secours de sa capitale obérée. Bien souvent la situation financière de la première ville d'un pays, influe sur le crédit du gouvernement, et aucune nation, dans le siècle où nous vivonsne peut se passer de ce premier élément du commerce et de la richesse publique. Notre approbation est loin d'être acquise sans réserve celte loi volée par la chambre. Celle mesure est plutôt nos yeuxune donation qu'un contrat titre onéreux. La ville de Bruxelles cède au gouvernement des collec tions de tableaux et d'objets scientifiques d'une valeur inappréciable mais il n'en est pas moins certain, que les musées de tableaux et d'histoire naturelle, les bibliothèques publiques, etc., continueront orner la capitale de la Belgique et qu'ainsi la ville de Bruxelles aura les mêmes avantages qu'actuellement, sans devoir en sup porter les charges. D'un autre côté, les trois cent mille francs de rente sont accordés par l'état, pour satisfaire non les dettes anciennes de la capitalemais celles créées depuis 1830 et parmi elles se trouvent les indemnités reclamées du chef des pillages. L'indemnité due par suite des désordres dont la ville de Bruxelles a été le théâtre, monte une somme exorbitante. Mais la justice n'a pas encore prononcé et les sommes reclamées de ce chef ne sont point judiciairement fixées. II est permis de croire, que les évaluations des dégâts commis aux propriétés privées, ne seront point intégralement admises par les tribunaux et qu'ainsi peut-être, le trésor de la ville trouvera une diminution dans la dette présumée. D'ailleurs nous croyons devoir rappeler quoique ces souvenirs n'aient rien .d'honorables pour le paysque bien des villes ont vu les mêmes désordres porter le trouble dans leur sein et écraser leurs finances de charges acca blantes. Toutes cependant ont payé les indem nités reclamées par les victimes de l'anarchie sans le secours de l'état. Bruxelles seule fait exception. Mais la vérité, on pourrait alléguer le grand nombre des propriétés dévastées et leur valeur. Dans la discussion sur la convention nous avons trouvé, avec indignation qu'un orateur catholique s'était posé en défenseur de ces excès et qu'il avait cru pouvoir avancerque ceux qui par leur conduiteavaient provoque' ces désordresdevaient en être les seules victimes. L'honorable membre qui a prononcé ces paroles, n'y a certes pas songécar il a prêché l'anar chie, et encouragé les mauvaises passions d'une populacetoujours disposée commettre les plus graves excès. Malgré toutes ces objections contre la loi adoptée par la chambre nous croyons devoir l'approuver au point de vue politique, mais en déplorant la nécessité qui a placé la ville de Bruxelles dans la position de devoir solliciter l'intervention de l'état, pour remettre ses finan ces flot. La feuille d'annonces se permet de nous injurier, parce que nous avons blâmé nos repré sentants de n'avoir pas, l'exemple de M. Ver- haegen, interpellé le ministre de la guerre, rela: tivement au dépôt de poudre qui se trouve dans le magasin de la rue d'Elverdinghe. Elle saisit cette occasion pour rejeter celte responsabilité sur l'administration communale, qui, d'après lui, n'aurait point adressé de récla mation ce sujet. Nous l'ignorons. Mais nous rappellerons qu'à des temps déjà éloignés de nous, la régence qui étaient confiés alors les in térêts de la ville et qui les gérait la satisfaction de la grande majorité de nos concitoyens, avait fait des réclamations incessantes contre l'exis tence de ce magasin et sans qu'elles eussent été écoutées. Ce fait, que personne n'ignore, n'était pas de nature encourager nos magistrats réclamer contre ce dépôt. Mais nos députés qui n'ont jusqu'ici rien de mandé en faveur de la ville auraient pu saisir celte occasion de prouver au moins leur bonne volonté. Leurs réclamations eussent eu plus de poidsque celles de l'administration communale. Mais, rien. Aucun d'eux n'a ouvert la bouche. S'il se fut agi de donner quelques cent mille francs l'évêque de Liège, pour bâtir le sémi naire de Bolduc, ou d'allouer 45 mille francs l'archevêque deMalines, pour chercher Borne lechapeau rouge,alors il en eut été autrement. L'organe clérical tombe dans une étrange aberration, quand il prétend qu'à l'occasion du déplacement de ce dépôt de poudre, on eut dû demander la démolition des magasins et des remparts. 11 existe cependant un fnagasin l'ex térieur de la ville, dont l'usage offre bien moins de dangers que l'emploi de celui dont on se UNE SOIRÉE DE BARBAROUX. XJn soir d hiver de l'année 1792, les députés de la Convention sortaient d'une séauce orageuse, et réunis par groupes, ils discutaient encore sur les délibérations du jour l'orage parlementaire n'était pas apaisé; mille questions brûlantes, mille intérêts divers parta geaient les représentants. Les Girondins étaient alors au sommet de leur gloire ce météore brillant, celte pléiade lumineuse devait jeter de l'éclat pendant quelques mois encore, puis elle devait disparaître. Yergniaud, Guadet et Foufrède entouraient un jeune homme qui se livrait aux récriminations les plus véhémentes contre Robespierre; et, tout en gourmandant l'imprudence de ce jeune collègue ils s'a bandonnaient parfois aux rires immodérés qui suscitaient des plai santeries aussi vives qu'acérées. Si vous voulez continuer l'aise, disait le nonchalant Yergniaud, venez chez moi, nous serons du moins l'abri devant un bon feu il fait un froid glacial, mon cher collègue, si les vignes de Médoc ont supporter une saison pareille, je vous prédis que nous ne pourrons pas boire du bordeaux un prix raisonnable, avant quinze ans. Quinze ans dit Guadet avec un accent mélancolique, est-ce que tu comptes vivre encore quinze ans, Vergniaud? i Pourquoi pas? répondit Vergniaud, suis-je un roi pour crain dre la colère de la république Le procès de Louis XVI allait commencer, il occupait alors Paris tout entier, et plus particulièrement les Girondins, qui, dit-on, fu rent longtemps indécis sur le parti qu'ils prendraient dans cette lutte mémorable. Dans ce moment un petit Savoyard, sa sellette sur le dos, se jeta dans les jambes de Vergniaud et, une lettre la main, il dit Lequel de vous, citoyen, est le représentant Barbaroux! Tenez, Barbaroux, voilà pour vous, fil Vergniaud, en arrachant le billet des mains du petit savoyard je parie que c'est quelque ex marquise qui veut savoir comment est fait un des juges de son roi, et si vous avez par hasard des cornes la tête et le pied fourchu. Barbaroux était un des plus beaux hommes de son temps Mra® Roland, dans une seule phrase, donne une idée singulière de sa beauté c'était, dit-elle, la tête d'Antinous sur le corps d'Hercule. Il prit le billet, et, s'approchant d'une lanterne, il lut les mots sui- vans Citoyen Si vous ne craignez pas d'accéder une invitation qu'on ne peut pas signer, trouvez-vous ce soir même, neuf heures, dans la rue Saint-Honoré il y aura une voiture en face le n° 56, montez dedans sans crainte, elle vous conduira auprès d'anciens amis. -h Vous avez raison, Vergniaud, dit Barbaroux après avoir lu cette épitre mystérieuse, c'est une ex-marquise. J'en étais sûr... Irez-vous? .-<Eh! eh! je ne sais. Barbaroux ayait peine vingt-sept ans, sans être précisément las de la vie agitée qu'il menait, tout ce qui le faisait momentanément sortir du cercle politique qu'il parcourait, lui était précieux. Une aventure en dehors de ses fonctions était, quelle qu'elle fût, une bonne fortune, et il trompait Vergniaud en afFectantde l'indécision. Il ne parla plus de Robespierre mais saisissant le plus léger pré texte, il quitta sescollègites etrentra chez lui, pourselivrer, pendant les quelques heures qui le séparaient encore de ce rendez-vous, toutes les suppositions qui se présenteraient son esprit. 11 y a un plaisir particulier rêver ainsi, quand l'événement qu'on attend ne peut avoir qu'une issue heureuse. Il n'avait rien craindre, en effet, point de vengeance particulière redouter, et sa position la Con vention était telle que, lui de plus ou de moins, la marche des événe ments serait toujours la même. Il était beau, et un avis mystérieux donné un jeune homme dont les qualités physiques sont remar quables, paraît toujours avoir du rapport avec la plus douce des pas sions, et celle qui occupe le plus un certain âge de la vie» C'était donc une femme qui lui avait écrit et une femme qui l'aimait voilà ce que l'écrivain inconnu appelait d'anciens amis. Il regardait la pendule dont l'aiguille était trop leDte son gré et il se demandait en rappelant sa mémoire toutes les figures de femmes qu'il avait remarquées aux tribunes de la Convention, laquelle il allait trouver ce rendez-vous. Neuf heures sonnent enfin et il quitte son logis pour aller dans la rue St-Honoré vis-à vis le n° 56, il trouve une voiture qui paraissait l'attendre; il ouvre la portière, monte sans hé siter, et le cocher frappe ses chevaux.

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