JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2" ANNÉE. N° 148.
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JEUDI, 29 SEPTEMBRE 1842.
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FEUILLETON.
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YPRES, le 28 Septembre.
Il a quelques jours, nous récapitulions quel
ques-uns des griefs que la Belgique est en droit
de reprocher au soi-disant ministère mixte
fruit de l'alliance du clergé et 3e la haute no
blesse. La liste des bévues nous paraissait assez
longueil y en avait pour tous les ministres.
Nous ne pensions pas devoir revenir de sitôt
sur des faits qui humilient la nation Belge, mais
une nouvelle faiblesse, une nouvelle preuve de
l'impérilie et du peu de dignité du ministère
actuel vient d'être signalée par les journaux.
Dans la discussion sur la convention linière
l'honorable M. Verhaegen interpella le ministre
des finances sur la portée de la clause du traité,
qui diminuait le droit de douane sur les vins
importés en flacons. Par le nouveau traité, le
droit ancien de six francs se trouve réduit
deux. Mais une question se présentaitcette
réduction annulait-elle le droit de 6 fr. auquel
se trouve soumise la verrerie étrangèreou
fallait-il seulement payer deux francs l'entrée
pour cent flacons de vin le verre compris?
Le ministre des finances parut étonné d'une
question aussi simple et répondit qu'il allait de
soi, que le dégrèvement ne portait que sur le
vin et qu'en outreles cent flacons continue
raient être passibles du droit ancien de 6 fr.
l'entrée. C'était répondre d'une manière pé-
remploire et prendre l'engagement d'assujettir
les cent flacons de vinun droit de douane
de 8 francs.
A une réponse aussi décisive, le doute deve
nait injurieux. Qu'est-il arrivé cependant? La
chambre des représentants s'était peine ajour
née indéfiniment, que cet engagement solennel,
pris en face du pays, est oublié. Par une cir
culaire administrative le ministre des finances
vient d'ordonner le contraire de ce qu'il a pro
mis. Il ouvre la frontière aux vins en flacons, le
verre comprisraison d'un droit de 2 francs
pour cent bouteilles.
Que doit-on penser d'un ministre, qui avant
de conclure un traité de commerce, ne se donne
pas même la peine de. l'examiner sous toutes ses
faces? Cent flacons vide payeront 6 francs
de droit d'entréetandis que rçmpjis de vin
ils n'en payeront plus que deux? Comment'
qualifier une pareille anomalie dans un tarif
de douanes! N'est-ce point le comble de.la
légèreté que de conclure des traités de com
merce, sans avoir pesé toutes leurs cônséquen-
ces avec maturité. i
Que le ministère ait manqué de perspicacité,
nouspOOvons l'admettre. Mais pourquoi induire
en erreur et la chambre des représentants et le
pays? Après une réponse aussi positive que celle
donnée par le ministre des finances t'.honora-
ble M. Verhaegen, on devait croire que cette
question avait été décidée dans les conférences
des plénipotentiaires chargés de la conclusion du
traité. Hélas! non. 11 paraît qu'en France, cet
article du traité avait été compris autrement.
Sur les réclamations du cabinet françaisnotre
ministre des finances s'est haté de se soumettre
aux injonctions de nos voisins et de leur faire
indirectement une concession de plus, au grand
détriment des verreries et des marchands de
vin du pays.
Voilà ce ministère mixte qui ne voulait que
s'inquiéter des intérêts matériels du pays Voilà
les œuvres de ces ministreshommes d'affaires.
Les questions irritantes de la politique devaient
être mises en oubli Nous ne pouvons que dé
plorer la manière dont ils ont dirigé les intérêts
moraux du pays. Ce n'était point au bénéfice de
la nation qu'ils avaient celte mission. Né des
intrigues du clergé le cabinet des hommes
d'affaires devait offrir en holocauste la faction
cléricale, nos libertés les plus précieuses. Les
franchises communales détruitesl'enseigne
ment primaire placé sous la direction d'une
caste ennemie jurée de toute instruction, telles
sont les preuves qu'il n'a point failli sa
mission.
Mais les intérêts matériels, dont nos hommes
d'affaires se chargeaient spécialement et qui
sous leur ministère, devaient prendre un déve
loppement inoui, ont-ils été mieux gérés Hélas!
nous n'en avons que trop de preuvesnous
pouvons juste litre nous écrier Dieu nous
préserve d'un cabinet de semblables hommes
d'affaires
TRIOMPHE DE LA SOCIETE DE GUILLAUME TELL.
Veni, vidi, vici.
Si nous n'avons pas annoncé le départ de
notre belle société de Guillaume Tell pour
Bruxellesc'est que nous avons cru inutile de
constater un fait connu de tous. Cette société
a trop bien su mériter les sympathies de nos
concitoyens, pour qu'ils ignorassent qu'elle se
proposait de concourir au tir donné Bruxelles,
lors des dernières fêtes de septembre.
Dix-huit membres de la première section
active de cette société ont répondu l'appel
fait par la société de la capitale. Ils étaient
commandés par leur président, M. Auguste
Vanden Bogaerde et accompagnés de leur char
mant et miraculeux nain.
Le 24, la compagnie de nos arbalétriers était
partie peine de l'Hôtel royal, où le comman
dant avait choisi son quartier-généralqu'elle
fut entourée d une foule compacte qui l'ac
compagna jusqu'à la place Rouppe, lieu destiné
la revueaprès laquelle on devait décerner
les médailles d'honneur. Mais ce fut son arri
vée surtout, qu'elle fut accueillie par d'unanimes
bravos. Ce verdict du public fut promptement
confirmé par les juges du concours. Presque
tous les journaux de la capitale ont annoncé
déjà, que la société de Guillaume Tell d'Ypres
obtient pour prix de la plus belle tenue, une
médaille en vermeil, (valeur 50 francs.)
C'est qu'elle est belle la tenue de nos arba
létriers riche et gracieuse elle unit au mérite
d'être élégante, celui d'avoir un caractère mar
tial. Les uniformes éclatants chargés de galons
et d'ornements, ne sauraient être comparés
l'uniforme simple et beau de nos arbalétriers
journal d'dn officier de la marine anglaise. Suite
C'est surtout en lisant les curieux souvenirs de Tom Cringle, les
mille aventures qui signalèrent ses campagnes sur mer qu'on peut
faire cette réflexion Le beau métier que celui de matelot Les
pauvres recrues auxquels Tom Cringle joua un si méchant tour
Cove, et la Torché elle-même, eurent une bien triste fin.
Nous faisions voile pour la Jamaïque les officiers, encore
table, riaient, buvaient, chantaient depuis quatre jours nous fuiions
les Bermudes, favorisés par le vent le soir avait déjà répandu ses
ombres; la mer sifflait, bruissait, écumait; la brise s'élevait peu
peu, les vagues croissaient, l'air devenait plus humide, et le bruit
lointain des élémeus était pour nous un indice prophétique d'un
orage prochain. Mais, peu soucieux de ces menaces de la nature, nos
chansons, nos joyeux propos, n'en continuaient pas moins.
Tout coup la tête chauve du vieux maître canonuier, semblable
quelque apparition fantastique de sinistre présagevint se placer
dans l'espace vide que laissait la porte entr ouverte.
Mille pardons, monsieur Splinter, dit-il eu s'adressant au lieu-
lecant.
Qu'y a-t-il, Kennedy?
Il y a, répondit le vieillard en hochant la tête, il y a, monsieur
Splinter, que j'entends distinctement le bruit d'une voile ou celui
d'un bâtiment qui glisse sur l'onde mais je n'y puis rien voir, et je
ne connais que l'œil de M. Cringle qui soit assez perçant pour dis
tinguer quelque chose dans une nuit si noire.
Bon, pensai-je, mon ami Thomas, toi la corvée. Quitter la ta
ble pour aller bayer aux étoiles, c'est bien pour un amoureux mais
un affamé
M. Cringle pourrait demeurer sur le gaillard jusqu'au lever do
la lune; elle ne tardera pas paraître, et alors tout sera dit.
Eh bien! Tom, voulez-vous y aller? me dit le lieutenant.
Voulez-vousc'était une prière mais Thomas avait déjà assez
d'expérience pour savoir qu'uDe prière faite par un chef est un ordre
auquel il faut se hâter d'obéir, aux risques des conséquences. Je sortis
donc sans répondre, et d'assez mauvaise humeur au fond, quoique je
me rendisse mon poste en apparence de très-bonne grâce.
Le temps était gros, j'endossai ma vieille jaquette, j'armai mon
occiput d'une bonne casquette de loutre, bien résolu de le défendre
toute outrance contre 1 humidité de la nuit, et je commençai la
malencontreuse faction. La pluie me battait au visagepénétrait
mes habits; les vagues en se brisant contre les flancs du navire, fai
saient rejaillir l'eau jusque sur moi; une phosphorescence singulière
augmentait la transparence de l'onde de plus en plus tumultueuse.
Fatigué d'une tension continuelle, ma vue se troublait; je me re
tournai un instant, et je mis la main sur mes yeux, pour en reposer,
en rafraîchir les fibres. Lorsque je les rouvris, je vis briller devant
moi le plus singulier fantôme que jamais homme peu crédule ait vu
s'élever devant lui c'était la lougue et pâle figure du vieux Kennedy,
rendue plus pâle encore et plus terrible par une lueur bleue, scintil
lante, phosphorique, qui animait alors ses traits. Je tressaillis.
Qu'avez-vous donc, monsieur Kennedy? d'où vient cette ré
verbération bleuâtre qui éclaire votre visage en ce moment d'une
manière si étrange
Je ne suis pas savant, monsieur Cringle je doute néanraoius
oui, je doute que vos livres puissent vous expliquer ce mystère. Mais
qu'importe! soyez attentif, observez, et il en arrivera ce qui pourra.
Frappé de surprise, et, s'il faut le dire, de terreur je levai les
yeux, et j'aperçus l'extrémité du mât de misaine une flamme mé
téorique jetant une lumière pâle, verdâtre et chatoyante. J'avais lu
des descriptions de ce phénomène, j'en avais souveut entendu par
ler, mais jamais il ne s'était offert mes regards; et, quoique la raison