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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. N° 1S1.
DIMANCHE9 OCTOBRE 1842.
iVi l un i ie.
FEUILLETON.
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YPRES, le 8 Octobre.
L'ÉLECTION COMNftJNALE.
Le temps est venu, il fa»t y songer. L'époque
des élections communales s'approche rapide
ment. La loi du 30 mars 1036 fixe le dernier
mardi d'octobre, pour celte importante opéra
tion. En vertu de cette disposition, mardi vingt
cinq de ce mois, s'assemblera le collège électoral
d'Ypres, pour choisir ses mandataires et leur
confier la gestion des intérêts de la cité.
Huit conseillers auront au 1er janvier 1843,
accompli leur mandat. C'est plus que la moitié
du conseil qui est composé de 15 membres.
Les membres sortants sont
MM. Va-nderstichele de Maulms, Bourgmestre.
Donny-Vandaele, Échevin.
Iweins-Desimpel, Propriétaire,
Smaelen, id.
Vandermeersch, Notaire.
De Langhe, Propriétaire.
Vandenbogaerde, Greffier du Tribunal de
première instance.
Lambin, Notaire.
Presque tous nos conseillers ont toujours
bien mérité de l'opinion libérale. Tous ont
rempli avec zèle et aptitude les fonctions que
les électeurs leur avaient confiées. Cependant
quelques uns ne partagent point l'opinion de
la majorité de leurs concitoyens. La minorité y
a aussi quelques représentants.
Nous croyons pouvoir émettre ici l'opinion,
qu'il serait juste de ne point désirer des épura
tions. Que les électeurs libéraux donnent une
grande preuve de modération et de tolérance
qu'ils démontrent leurs adversaires, qu'ils ne
sont point exclusifs. Maintenons donc sur la
liste des candidats libéraux tous les noms des
conseillers sortants qui veulent bien accepter
un nouveau mandat.
Mais trois places resteront vacantes, M. Donny
qui s'est acquitté avec tant de distinction de la
fonction d'échevin, qui a fait marcher les affai
res de la ville qui se trouvaient dans ses attri
butions, avec une régularité et un ordre si remar
quable, M. Donny ne fait plus partie du conseil
communal. La qualité de membre de la Députa-
•tionPermanente luidéfend d'acceplerun mandat
de la commune. Deux autres conseillers. MM.
De Langhe et Iweins-Desimpel donnent leur dé
mission. Il sera donc nécessaire de pourvoir la
nomination de trois conseillers nouveaux.
Il est fâcheux que tous nos conseillers ne
puissent être soumis une réélection. Le choix
de candidats nouveaux est toujours difficile et
c'est là cependant l'opération la plus importante.
Il est de toute nécessité qu'on s'entende, qu'on
soit unanime dans ses vœux. Qu'on y songe
bienla moindre division peut faire éprouver
un échec l'opinion libérale. La plus grande
prudence sera nécessaire. Déjà par le fraction
nement nos adversaires ont mis la loi de leur
côté. Remporter la victoire quand le collège
électoral formait une seule section, leur parais
sait impossible. Mais en le divisantils conser
vent l'espoir d'introduire dans le conseil com
munal, quelques-uns de leurs dévoués.
Déjouons ces espérances, serrons nos rangs,
que tous ceux qui tiennent les intérêts de la
cité pour quelque choses'unissent que tous
ceux qui croient que l'indépendance des magis
trats communaux est une condition nécessaire,
pour parvenir une bonne administration de
la commune, s'entendent et se présentent dans
l'arène armés de leur bon droit et de la justice
de leur cause.
Il ne faut point se faire illusion. Ce n'est
point dans l'intérêt de la cité, ni de nos conci
toyens, que nos adversaires se donnent tant de
mouvement. Ils veulent être partout les maîtres
absolus. Le clergé qui les protège et qui met
les armes spirituelles dont il est investi, au ser
vice de leur cause, veut faire prévaloir ses in
térêts sur ceux des habitants, qui seront ainsi
relégués au second rang. Il appelle son aide,
pour servir ses alliéstout ce que l intrigue a
de plus délié. La ruse et l'astuce sont les armes
.favorites de nos adversaires. Tâchons de les
combattre, de neutraliser les misérables moyens
qu'ils emploient, en faisant choix de candidats
,qui méritent l'approbatipn de tous les électeurs
modérés et indépendants.
Le résultat des futures élections dépend de
nous..Soyons fermes et énergiques, défendons
la cause des libertés publiquessans nous in-
quiéterde nos adversaires. Ils ne deviennent forts
que par notre faiblesse. Leur domination qu'ils
veulent étendre partoutne peut être qu'éphé
mère, car elle n'a point d'écho ni dans la cité
ni dans la nation.
Il y a quelques joursle Moniteur clérical
gourmandait d importance les journaux de l'op
position pour avoir osé ébruiter que son cher
ministère mixte, qui avait si bien fait les affaires
du parti clérical, était en pleine dissolution. Si
nous devons en croire le Globele ministère
dont quelques membres avaient déjà donné
leurs démissions, s'est raffermi. Il paraît que les
ministres sortants n'ont pu s'entendre sur le
partage de la curée.
Quelques hauts postes diplomatiques vacants
depuis longtemps et pour cause, tentaient l'avi
dité de nos hommes d'affaires. M. Nothomb
qui doit penser pour sixa cru qu'on ne pou
vait décemment donner ces missions des mi
nistres qui devaient résigner leurs fonctions,
pour cause d incapacité. Ce serait singulière
ment adroit que de faire représenter la Belgique
en pays étrangers, par des hommes qui force
de bévues ministérielles ont accéléré la disso
lution du cabinet dont ils faisaient partie.
Ainsi nous aurons encore pendant quelque
temps, le ministère mixte. La session est close.
Ces messieurs peuvent maintenant se remettre
de leurs échecs. Mais nous doutons fort que le
ministère ait le courage de se représenter devant
les chambresleur prochaine réunion sans
modification.
PHYSIONOMIE DES DIVERS QUARTIERS DE
LOKDRES.
Vous pouvez avoir vécu dans une capitale pendant cinquante ans,
et ne pas savoir combien de nations diverses vous ont coudoyé tous
les jours, i'e sont des races aussi distiuctes qu'il est possible; ce ne
sont plus les mêmes mœurs, ui les mêmes habitudes, ni les mêmes
physionomies vous pourriez passer d'Italie en Espagne et d'Espagne
en Flandre, sans trouver des différences aussi tranchées entre l'ha
bitant de la Sierra-Morena et l'indigène de Venise entre le pâtre
des Abruzzes et le citadin de Bruxelles. Mais qui observe attentive
ment l'humanité qui la juge digne de ses regards et de son examen
On a trop d'intérêt discuter, trop de pelitrs passions faire réussir,
trop de petits succès poursuivre. Cet Océan d'hommes qui vous
presse de ses vagues roule autour de vous sans être même aperçu.
J'avais, pendant trente ans, habité les environs de Hyde-Park, et
durant cet espace de temps je n'avais jamais mis le pied dans les en
virons de Spilalfield 11 me prit euvie de voyager dans ces terres
australes et inconnues C était un jour de fête. Certes, si j'étais tombé
des nues au milieu d'une ville étrangère, je n'aurais pas eu plus de
sujets d'étonnement. Tout était nouveau rien ne me rappelait la
partie septeutrionale de Londres et les êtres qui 1 habitent. Ce qui
ine frappa d'abord, ce furent les proportions diminutives de tous
ceux qui m'entouraient je ne voyais que petits hommes, chétifs
étiolés, malades, difformes; aussi peu semblables aux Loudouiensde
1 autre côté de la ville, que le Lapon, haut de quatre pieds, ne res
semble l'Américain géant. L'excès du travail et de la misère
courbe sous une vieillesse prématurée le jeune homme de vingt ans,
qui paraît eu avoir quarante. Vous ne rencontrez pas un vieillard
qui ne soit mutilé contourné qui ne réunisse la décrépitude.de
l'âge quelque difformité repoussante; ce ne sont que bossus épaules
rondes, monstres aux jambes arquées et aux longs bras, hommesdont
la tête longtemps ployéesur leur poitrine a conservé cette position
oblique, tel est le résultat d'une vie de labeur ces malheureux sont
restés courbés sur le métier tisser la soie véritable instrument de
supplice qui leur donne peine du pain et les flétrit dès le premier
âge. Là une épine dorsale droite est une merveille, un homme qui a
plus de cinq pieds est un géant, si vous le rencontrez par hasard
dans le pays dont nous parloussoyez sûr que ce n'est pas un in
digène.
La ville de Londres se souviendra longtemps de celte prucession
solennelle des tisserands de Spilalfield qui, il y a peu d'années,
quitta sa région natale et s'achemina vers la chambre des communes
pour lui demander justice, c'est-à-dire du pain. Cette armée de
pauvres pygmées en baillons, ces figures d'inanition et de décrépi
tude prématurée; cette maigreur générale, ces teints hâves et plom
bés, étaient bien pins éloqueus que ne pourront l'être jamais tous lus
discours de nos faiseurs de phrases.
Comment s'étonner de cet amoindrissement de l'espèce humaine?
Longtemps les malheureux auxquels nous devons nos habits de luxe
n'ont gagné que quatre schelliugs et demi ^5 fr. 60) par semaine, et
encore ce misérable salaire qui, sextuplé, aurait peine suffi aux be
soins matériels de leur vie, s'interrompait-il tout-à-coup, la sixième
ou septième semaine, pour reprendre après une interruption de huit
jours. Us ne gagnaient réellement que la somme nécessaire pour
acheter du pain et de l'eau. Ils croyaient cependaut leurs droits
politiques et ne négligeaient pas de les faire valoir. J assistai aux dé
bats d'un comité formé par eux et dont les séances avaient lieu dans
une taverne; mais, attendu leur pauvreté, de l'eau, placée dans un
grand touueau où l'on puisait avec des écuelles de bois, était le seul
rafraîchissement sur lequel les assislans pussent compter.
Que les philosophes et les hommes politiques y peusent donc, qu'ils