JOURNAL
D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. N° 152.
JEUDI, 15 OCTOBRE 18^2.'
INTERIEUR.
FEUILLETON.
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YPRES, le 12 Octobre.
COUP DE TÊTE MINISTERE.
Le ministère mixte posé tant d'actes
déplorables, vient enccrëe d'îfn ajouter un nou
veau au nombre déjà passablement élevé de ceux
commis par lui, depuis son avènement au pou
voir.
Les deux chambres avaient accédé aux mar
chands de vin, une restitution.de âfrp. c. §in*
les droits d'accises. La diminution des droits
d'entrée sur les vins par suite de l'acceptation
de la convention linière devait amenei1 une
perte considérable pour celte branche du com
merce.
L'application du principe de non-rétroacti
vité avait déjà été suspendue dans des circon
stances semblables et malgré la rude opposition
du ministre des finances, la loi passa et une in
demnité fut accordée.
Que fait le ministère? Ceux qui ont cru qu'il
n'avait aucune énergie, aucune vigueur, se sont
bien trompés Il s'agissait d'indemniser quelques
particuliers, des pertes qu'ils devaient nécessai
rement subirpar suite de l'acceptation d'un
traité de commerce conclu dans le but de venir
au secours d'une industrie l'agonie. Eh bien
le ministère a refusé de sanctionner celte loi
votée par les deux chambres et qui était géné
ralement acceptée comme une mesure équita
ble. Elle est devenue d'autant plus juste, que
depuis le vote de la loila condition des négo-
ciantsen vins est empirée. Les vinsen bouteilles
qui devaientau dire du ministrepayer huit
francs de droits l'entrée, par cent flacons, n'en
paient plus que deux.
Sous le point de vue constitutionnel, le refus
de sanction est parfaitement légal. L'art 69 de
la constitution donne ce droit au ministère. Mais
voyez donc avec quelle opportunité il a saisi
l'occasion de faire preuve de courage. Les inté
rêts d'une classe de commerçants sont léâés, les
deux chambres sont d'avis qu'une réparation est
utile, et le ministère, tout en ayant le pouvoir
de l'accomplir, refuse par amour-propre, de venir
en aide ceux qu'une convention commerciale
acceptée dans l'intérêt du paysconstituait en
perte.
Nous aurions pu concevoir ce refus de sanc-
tjon de la part du ministèresi l'existence de
l'jttat se trouvait en danger, ou si un parti ayant
momentanément la majorité eut voté des lois
oppressives pour la minorité. Alors le toiriistère
eut fait preuve de courage et d'énergie et mé
rité le nom de mixtesi, par exemple, il eut
refusé de sanctionner la loi qui décrète le frac
tionnement des collèges électoraux, loi détesta
ble, cauteleuse et hypocrite et qui n'a qu'un
butcelui de faire dominer la minorité sur la
majorité.
Mais ce ministère mixte n'était pas en position
de poser cet acte de courageuse impartialité.
II voulait cependant donner un signe d'énergie
pour faire preuve que toute vitalité n'est point
éteinte en lui. Aussi le coup de tête qu'il vient
de faire, est sans danger pour son existence.
C'est sur des intérêts particuliers que le dom
mage est tombé.
Son amour-propre aidant au peu d'énergie
qu'il possède, lui a fait poser un acte très-pré
judiciable un grand nombre de négociants.
Ils avaient déjà lieu de se plaindre du tort que
devait leur causer la nouvelle interprétation mi
nistérielle des articles de la convention linière,
concernant les vins.
A Monsieur le rédacteur du Journal Le Progrès.
Ypres, le 12 octobre 1842.
Monsieur le Rédacteur,
L'époque des élections communales approche;
dans quinze jours, ces opérations si importantes
seront terminées. Cet événement, vous ne.pouvez
l'ignorer, fait le sujet de toutes les conversations
car on en comprend l'importance il s'agit de savoir
en effet, si tout ce que l'administration précédente
a fait de bien et de louable, sera détruit et si nous
rétrograderons tout d'un coup vers une époque déjà
loin de nous.
Depuis peu de temps, il a paru dans le journal
que vous dirigez, quelques articles généraux sur les
élections. Ces articles, sans nul doute, produisent le
meilleur effet, mais permettez moi de vous faire
observer qu'il est temps de renoncer ces théories
générales, et de procéder leur application. Car,
ainsi que je l'ai dit en commençant celle lettre,
l'époque des élections est proche de nous.
Ainsi, par exemple, pourquoi ne pas indiquer
vos candidats? On assure que vous désirez voir réé
lire tous les conseillers sortantj, même ceux qui ne
partagent pas vos opinions politiques. Cette mesure,
monsieur, me paraît plus généreuse que prudente.
Je me garderai néanmoins de la blâmer, car elle est
la réponse la plus belle et la plus noble que vous
puissiez faire vos adversaires. Ils vous accusent
d'être exclusifs et dominateurs, de repousser tous
ceux qui ne sont pas vos co-religionnaires politiques.
A leurs vaines déclamations, vous répondez pac un
acte de générosité et de modération, sans exemple,
peut-être jusqu'à ce jour!
Mais trois des conseillers sortants doivent pour
divers molifs, être remplacés. Quels candidats pro
poserez-vous cet effet? Le public en désigne plu
sieurs; les noms que l'on entend prononcer le plus
fréquemment sont ceux de MM. Ernest Menjhc-
lynckmembre du bureau de bienfaisance, Alphonse
Van den Peerehoommembre du conseil provincial,
et Pierre Beke, avocat et ex-commis-greffier du juge
d'instruction. Ces candidats seront-ils acceptés et
soutenus par vous?
Votre silence, monsieur, deviendrait dangereux
s'il se prolongeait plus longtemps, il pourrait faire
naître des divisions sur le choix des personnes
élire et l'union seule peut nous assurer la victoire.
Pardonnez-moi, monsieur, les observations que
PHYSIONOMIE DES DIVERS QUARTIERS DE
LONDRES. {Suite.)
L'Obélisque est entourée de tavernes où l'incubation du vol, de la
fraude et du meurtre s'opère tous les jours. Pénétrez dans l'un de
ces repaires, vous le trouverez rempli de dames élégamment et ri
chement parées et de messieurs gu'elles ont choisis. Lqs mœurs de
ce monde vous sont incontiues. Surmontez un moment votre dégoût,
soyez philosophe, et pensez que plus d'un cinquième de la population
de Londres se compose de ces gens-là; que toutes ces allées tortueu
ses en sont remplies, et que plus d'un valet de chambre, plus d'une
femme de service, sortent de leurs rangs et s'introduisent dans nos
familles. L'histoire de Thomas Smith peut servir de modèle et de-
chanlillou il était garçon de boutique quelques-uns des écus jetés
dans le comptoir par son maître ont passé dans sa poche d'une ma
nière assez illicite, et Thomas s'est trouvé sans place. L'argent du
maître avait servi gagner le cœur de miss Molly Peggs, et il était
bieujuste que son chevalier, si généreux envers elle, reçût sou tour
quelques marques de sa bienveillance. Thomas, qui la besogne de
la boutique ne plaisait que médiocrementse trouve donc l'ami de
cœur et l'obligé de miss Molly. La société qu'elle fréquente devient
la sienne, il marche de pair avec Jones et Johnson, jeunes gens du
grand monde, ce qu'ils prétendentet de fort bonne compagnie,
qui ont un cabriolet, des montres d'or, des maîtresses qui vivent
largement, mais aux dépens du public. Initié bientôt dans leurs
mystèresThomas devient leur aide et leur complice. Il apprend
l'argot, il se lie avec ces officiers de police qui, au moyen d'une ré
tribution assez forte, ferment les yeux sur toutes les peccadilles dont
ils sont témoins et dont ils partagent le bénéfice. La carrière ainsi
ouverte, le voilà lancé; sa première entreprise réussit; bientôt il
vit comme un sultan. Miss Molly n'est plus le seul objet de sa préfé
rence, son sérail se forme, il brille parmi ses associés, et les tavernes
de l'Obélisque sont témoins de plus d'un combat entre les belles qui
se disputeut son cœur. Vous pouvez le voir se promener dans Bond-
Street, le cigarreà la bouche, l'air conquérant, vétu d'habits que le
meilleur tailleur de Londres ne désavouerait pas. Hélas! le dénoue
ment de ce beau drame a lieu sur la place publique et après tout le
nom de Thomas Smith ne résonne pas mal sur un échafaud. Son
éloquence n'est pas moins énergique que celle de ses compagnons de
malheur et de danger, et l'histoire de son procès, la gravure sur
bois qui représente ses derniers momens, toute cette gloire que la
publicité anglaise accorde au filou et l'escroc, ne lui vout pas plus
mal qu'à un autre.
Qui le croirait? dans la salle voisiue, de petits Thomas Smith
s'exercent et préludent eux aussi boivent, jouent, commettent de
petits vols dignes des galères, s'enivrent de gin, out leurs maîtresses
et jouent les lovelaccs. Ces apprentis du vice ont de quatorze
quinze ans, leur seule lecture est celle du calendrier de Newgate,
Journal dans lequel les faits et gestes des héros de galère sont relatés
avec une exactitude déplorable. Je sais deux ou trois tavernes qui
n'ont pour h.ibitans que ces petits messieurs, tous connus de la po
lice, qui se contente de savoir qu'ils existent, et qui ne s'avise pas de
leur chercher querelle. Tous, ils sont destinés tôt ou tard sentir
rodeur de la ruec'est-à-dire paraître eu cour d'assises, telle est
l'expression consacrée. Pour classer la mauvaise odeur, on a soin de
couvrir de rue de serpolet et de quelques autres herbes odoriférantes
les tables et les bancs sur lesquels viennent s'asseoir les accusés.
La police active se fait plusou moins bien dans toutes les capitales,
on oublie seulement la police préventive on sait que les voleurs exis
tent on sait où its se trouvent, mais tant qu'ils n'ont pas commis
de crimes palpables, tant qu'on ne peut pas prouver par de bons et
valables témoignages le vol avec ou sans effraction, la filouterie de
telle ou telle nature, on les laisse eu paix et en liberté; permis eux
de grandir, de s'exercer, de parcourir tous les degrés de leur profes
sion, on les surveille dans leurs mornens de repos, on les perd de vue
quand ils travaillent. Si le filou est bon artiste et homme de talent,
il peut, de quinze cinquante ans, vivre du fruit de ses rapines sans
quejamais la main crochue du squelette qu'on nomme Justice vienne
le saisir et l'arrêter. On voit circuler dans Londres des gens qui peu-
daut quarante ans nout pas eu d autre profession que celle d'escroc
et qui, greâe leur adresse et peut-être aussi aux conseils de quel-