JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2" ANNEE» N° 157.
DIMANCHE, 30 OCTOBRE 1842.
FEUILLETON.
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Temple3 6, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
par trimcstrêi -
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daclion doit être adressé, franco,
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PRIX DES INSERTIONS.
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IMTEBIEIIB.
29 Octobre.
Le résultat de presque toutes les élei
qui viennent d'être faites, est connu, pal
plupart des villes l'opinion îibéral# a rei
comme Ypres, une victoire complète. »t
A Bruxelles, Liège, Gand, Tourna^,-Loti va in*
Hasselt, Wavre, Bincheetc. etc., nos adver
saires sont battus
Dans un grand nombre de bourgs et de vil
lages les candidats libéraux ont également
triomphé!
Cette victoire du parti libéral est un fait de
la plus haute importance et qui doit exercer
sur l'avenir de notre patriel'influence la plus
heureuse. A moins d'être frappés d'un incon
cevable aveuglement, nos adversaires doivent
reconnaîtrecombien l'opinion libérale fait de
rapides progrès. Ils doivent avouer que la
grande majorité des Belges s'est rangée sous
notre bannière et que le triomphe du parti
libéral n'est plus une question en Belgique?
C'est dans les villes surtout, grands centres
de population et où les lumières sont répandues
en plus grande abondance c'est dans les villes
que l'opinion libérale s'est généralement mani
festée. Les villes, métropoles, pour ainsi dire,
des localités moins importantes gravitants au tour
d'elles, ne peuvent manquer d'y faire de nom
breux prosélytes, et communiquer leurs con
victions et leurs sentiments aux habitants des
campagnes. Le triomphe général du parti li
béral n'est donc plus un problême c'est tout
au plus, une question de temps, que les progrès
de la civilisationla marche des idéeset la
force même des chosesne peuvent tarder
résoudre.
Ces vérités nous paraissent incontestables
et nous espérons que les résultats des dernières
opérations électorales ne permettront per
sonne de les révoquer en doute. C'est sous ce
point de vue, pour ne pas parler des autres
avantages, que nous nous félicitons surtout des
succès obtenus par les libérauxet que nous
avons dit, en commençant cet article: la vic
toire. du parti libéral doit exercer sur l'avenir
e notre patrie l'influence la plus heureuse.
En effet, l'essence même d'un gouvernement
constitutionnel est le système des majorités.
Du moment où celle majorité est clairement
déterminée, la minorité doit s'y soumettre, elle
abandonne le champ de bataille, bat en retraite,
capitule enfin, toute lutte cesse. La paix est
signée entre tous, et l'histoire seule conserve le
souvenir des combats qui ont été livrés.
C'est alors qu'un pays longtemps partagé en
deux camps, peut efficacement s'occuper de ses
intérêts, c'est alors que les arts et le commerce
fleurissent, c'est alors qu'un pays peut exécuter
de grandes et belles choses Éloignant les pré
occupations irritantes de la politique, tous les
citoyens travaillent d'un commun accord, au
bonheur de la patrie. "La minorité se rallie
bientôt la majorité qui ne peut tarder
oublier les luttes qu'elle a soutenues et traiter
en amis, ceux qu'elle combattit jadis. C'est là
aussi un devoir pour la majorité.
Espérons que ces jours heureux ne tarderont
pas luire pour notre pays. Espérons que les
dernières élections auront dessillé les yeux nos
adversaires; qu'ils comprennent enfin, combien
sont inutilesles obstacles qu'ils cherchent
mettre au progrès des idées de l'époque.
Si l'avenir démontre que nos prévisions con
ciliatrices n'ont été que des utopies, si la leçon
donnée le 25 de ce mois, reste sans fruits, si de
nouveaux efforts sont faits pour vaincre les
libéraux en masseen un mot, si la guerre
avec les suites désastreuses qu'elle entraîne
recommence encore, la faute en sera, non pas
nous, mais nos adversaires. Seuls ils seront
responsables des conséquences graves que leur
conduite aurait pour notre belle patrie.
Le Ntiuvellisle de Bruges paraît fort peu satis
fait du résultat des "élections Yprés.' Oubliant
les désirs de conciliation qu'il exprima si souvent,
par de doucereuses paroles, voilà qu'il embouche
encore une fois, la trompette guerrière, et qu'il
lance des invectives contre les électeurs Yprois.
En lisant, le dévot journal, on croirait en
vérité que nous sommes des révolutionnaires
des sans-culottesdès émeutiers du premier
ordre. A Ypres, où lès élections se sont faites
avec un calme admirable, on aura peine com
prendre l'énigme débitée par notre confrère de
Bruges. Le seul moyen de l'expliquer serait de
dire, que le Nouvelliste a été victime d une mys
tification.
Pour apprendre notre confrère se méfie;-
un peu de ses correspondants Yprois, -qui se
montrent parfois plus zélés que justes, nous
croyons devoir lui donnér-ùne petite explication,
quelques détails sur les faits qui ont précédé les
élections.
Sur huit conseillers sortants, cinq seulement
consentaient être réélus. Deux d'entr'eux ap
partenaient au parti libéraldeux autres ne
partageaient point nos opinions. Le bourg
mestre Mr Vanderstichele de Maubus esr
timé de tous, paraissait devoir réunir tous tes
suffrages.
Les hommes influents du parti libérât, après
avoir médité peut-être, les articles conciliateurs
du Nouvellistepartagèrent l'opinionr" de ce
journal. Leur modération était d'aufant plus
grande que les forces de notre parti sont plus
considérables.
Nous ne tardâmes pas, etil y a déjà longtemps,
proposer la réélection de tous les conseillers
sortants. Nos adversaires se moquèrent de nous
et nous répondirent par des paroles fort peu
courtoises, par des mots que le Traité de la
civilité puérile et honnête ne manque pas de
proscrire. Celte ingratitude ne nous fit pas
changer de système.
LES PAROISSES DE LA GRANDE-BRETAGNE.
Rien de ce que je vais décrire, aucun des malheurs populaires
dont le tableau va s'offrir nos lecteurs, n'est le fruit de l'imagina
tion. Parcourez les paroisses de l'Angleterre, vousy trouverez l'ori
ginal des peintures douloureuses que la vérité m'oblige reproduire
ici. Lisez les rapports du comité sur le paupérisme, tous ces abus
s'y présenteront saignans, palpitans, hideux. Je méprise cette pré
tendue pliilantropie qui ne sait pas voir, pour les guérir, les plaies
véritables de l'humanité, les maux réels que la société endure.
Aussi, est-ce faire une chose utile, je crois, que dedévoiler ici sans
ménagement toutes ces douleurs cachées, toutes ces souffrances dont
l'Europe ne se doute pas, et que les riches d'Angleterre affectent
d'ignorer.
Les législateurs ont cru que, pour faire cesser la misère qui pèse
sur les habitans de nos campagnes, il ne s'agissait que de voler un
fonds supplémentaire qui, ajouté leur salaire, balancerait la somme
de leurs besoins. Mais cette mesure, loin d'apaiser le mal, n'a fait
que l'aggraver la répartition de la taxe a été la source de diflicultés
sans nombre, d'injustices criantes et surtout d'une démoralisation
qui gagne aujourd'hui toutes les classes industrieuses. Peut-être
qu'en faisant toucher du doigt tous les désordres qu'occasione cette
taxe, le gouvernement, la vue de tant de maux, songera-t-il enfin
y porter remèile. Tel est du moins le but que je me propose, en
écrivant ces pages.
C'était un grand jour pour les pauvres de la paroisse de Thorpe
le jour de paie. Donkin, Voverseer, ou inspecteur, s'apprêtait dis
tribuer l'argent que la paroisse destine aux malheureux dénués de
toute ressource. Manniug, seigneur ou squire de l'endroit, alla s'as
seoir en face de Donkin. A la vue du squire, dont l'habitude n'était
pas d'assister de pareilles scènes, ordinairement dénuées de tout
intérêt, le fermier Goldby s'écria
Vous ici, monsieur N'avez-vous pas assez souvent l'occasion de
vojr ces pauvres, et quel plaisir pouvez-vous trouver être témoiu de
la distribution qui va se faire?
-h Mais vous-même, répondit Manning, n'avez-vous pas quelques
motifs qui vous amènent ici? Vous désirez savoir, n'est-ce pas, com
ment on dispose de votre argent et tout ce qui passe entre les
mains de Donkin est pour vous l'objet d'une active surveillance? Eh
bien! mon motif est le vôtre.
Ma foi, reprit l'inspecteur Donkiii, je désirerais bien que tout
le monde fît comme le fermier Goldbyj au moins celui-là aime
se rendre compte de ce qui se passe. Quand nous sommes seuls en
semble, nous tenons tête aux pauvres qui nous aocablent de deman
des; mais lorsque vous m'envoyez Woolleston je ne sais où donner
de la tête.
Ah! où est-il, ce Woolleston? J'ai lui parler, interrompit le
seigneur.
S'ilvousa vu, soyez persuadéqu'il viendra, s'écria Donkin en sou
riant. Il aime beaucoup faire sa cour monseigneur et aux pauvres.
Vous êtes injuste envers lui il fait une grande partie de votre
besogne.
—a Oui, et il la fait si bien que nous ne savons comment nous dé
barrasser des mille réclamations qui nous arrivent tous les jours.
N'est-ce pas vous, monseigueur, qu'il doit sa place
Sans doute; mais, vous entendre, on croirait qu'il est mon
esclave, et qu'il est d'accord avec les pauvres et avec moi pour ruiuer
la paroisse. A propos, j'ai vous parler d'une réclamation de la veuve
Brand; elle veut être rayée de la liste des pauvres.
C'est singulier; quelle ressource a-t-elle? s'écria Donkin.
Je n'en sais rien. Voici le fait Elle est venue, l'autre jour, me
dire qu'elle voulait payer et non pas recevoir la taxe des pauvres-