JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. N° 1o8.
JEUDI, 3 NOVEMBRE 1842.
LES DERNIÈRES ÉLECTIONS COMMUNALES.
-
FEUILLETON.
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IITËRIECB. YPRES, 2 Novembre.
On s'en souvient, le ministère mixte ne; par
vint au pouvoir que pour vaincre libérant
en ?nasse aux électionscomme disait le Jour-
«aZi/ysfor«(j,Me.Unacteincpnslilulionrïel du sé
nat écarta le cabinet Lebeau-'Rogier des affaires,
pareequ'on ne voulait point lui laisser faire les
élections pour le renouvellement de la cham
bre des représentants.
Le clergéla haute noblesse et le ministère
se coalisèrent pour porter le dernier coup
l'opinion libérale. On comptait bien faire sortir
de I urne, une majorité catholique plus com
pacte et éliminer jusqu'au dernier des libéraux
influents de la chambre des représentants.
Le parti libéral accepta le défi. Quoique
inférieur en nombre et surpris presqua l'im-
provisle par celle étroite alliance de ses
ennemis, il rie désespéra point de ses destinées.
Malgré la hiérarchie de ses adversaires et les
nombreux moyens d'influence, dont ils pou
vaient disposer, le parti libéral se maintint sur
le terrain et ne perdit que deux voix la ré-
présentation nationale.
Mais nos adversaires durent plus d'une fois
regretter d'avoir commencé la lutte, en voyant
combien avaient perdu dans l'opinion publique,
les députés les plus influents du parti catholique.
Ceux qui jusqu'alors avaient réuni la presque
totalité des suffrages, ne furent élus qu'à une
très-petite majorité.
Ce fut là un premier échec pour le parti, qui,
depuis 1830, tendait fausser son profit, nos
institutions libérales garanties par la consti
tution.
Les élections provinciales ne réussirent guères
mieux au gré de nos adversaires. Le parti libé
ral sortit triomphant de l'épreuve du sci ilin.
Le ministère avait annoncé depuis longtemps
que quelques modifications étaient nécessaires
la loi communale. A toute force, il prétendit
pouvoir imposer un homme dévoué aux cités,
qu'on soupçonnaitatleintes de libéralisme. Quel
ques changements furent demandés la comp
tabilité communale. Le ministère voulut tenir
ce qu'on appelle en langue vulgaire, lescordons
de la bourse de la commune. Mais on n'alla
pas si loin.
La nomination des bourgmestres en dehors
du conseil fut votée une petite majorité. Mais
au milieu de cette discussion, l'honorable M. De
Theux jeta l'idée de fractionner la commune.
Ce projet fit jeter les bauts cris aux députés et
aux journaux libéraux.. Le but de cette mesure
n'était point déguisé il s'agissait de diviser pour
régner, de faire opprimer par la minorité, la
majorité. Enfin cette mesure si utile suivant
M. Nothomb, devint la panacée qui devait rame
ner la victoire sous la bannière catholique.
Les élections communales ont eu lieu. Lin-
dépendant lui-même n'avpu s'empêcher de re
connaître, que Vesprit qui a dirigé les élections
communales., était hostile l opinion catholique.
Là, où nos adversaires étaient accoutumés
emporter la nomination de leurs candidats de
haute lutte, ils ont été vaincus. A Louvain,
Tournay et dans beaucoup d'autres communes
de troisième et de quatrième ordre, leurs can
didats ont été repoussés; Enfin jamais lutte n'a
démontré d'une maniéré plus évidente, la force
et les progrès de l'opinion libérale.
Que fera le ministère soi-disant libéral Dans
huit jours, il doit paraître devant les mandatai
res de la nation. Poursuivra-t-il son système
réactionnaire, sous les inspirations du parti qui
l'a placé au timon des affaires? Ou plus éclairé,
sentira-t-il enfin, que le parti libéral ne peut plus
être traité cérame une poignée de factieux, ainsi
qu il lui pKaisait souvent de le dire autrefois.
Nous souhaitons pour le bonheur de la Bel
gique, que le ministère se décide enfin ré
pudier le patronage du parti catholique et
maintenir nos institutions libérales contre les
empiétements de nos adversaires. S'il persiste
dans les voies de réaction, où il s'est déjà four
voyé, nous aurions alors déplorer amèrement,
dans l'intérêt du-pays, cet aveuglement incon
cevable. Qu'on en reste persuadé, rien ne doit
accélérer davantage le triomphe définitif de
l'opinion libérale, comme de présenter la
sanction de la Chambre des lois réactionnaires
telles que celles du fractionnement et de l'in
struction primaire.
Parmi les tableaux qui ont figuré au dernier
salon de Bruxellesplusieurs étaient dus au
pinceau d'artistes Yprois. Nous croyons devoir
citer en première ligne le nom de M. Bossuet.
Beaucoup de personnes ignorent que M. Bos
suet est notre compatriote il est Yproiret c'est"
l'académie de dessin de notre ville qu'il a fait,
pensons nousses premières études. Ces faits
sont trop glorieux pour que nous ne nous em
pressions de les faire connaître tous.
M. Bossuet est un artiste de premier ordre,
tous les journaux, toutes les revues ont con
staté son talent, que pouvons-nous ajouter ce
concert d éloges
Ce n'est pas depuis hier que M. Bossuet oc
cupe un rang élevé dans le monde artistique.
Professeur de perspective il a publié depuis
longtemps sur cette science plusieurs ouvrages
remarquables et généralement adoptés par tou
tes les académies du royaume.
M. Bossuet est peintre d'intérieurs et nous
pensons que dans cette spécialité, notre com
patriote n'a pas de rival en Belgique.
LES PAROISSES DE LA GRANDE-BRETAGNE.
[Suite.)
Après cette explication, les pauvres accoururent, non pas dégue
nillés et en haillons, mais bien vêtus, et réclamant leur paie, non
titre d'aumône, mais comme un salaire et une dette. La présence du
seigneur semblait les encourager. La plupart demandaient une aug
mentation; quelques-uns se plaignaient avec amertume, et prenaient
un ton arrogant qui convenait peu leur position.
Eh bien NVild, disait Goldby un homme de quarante ans, ro
buste athlète qui vivait de l'aumône publique, que voulcz-vousque Ton
fasse de vous? Doit on vous payer parce que vous ne travaillez pas.
Que je travaille ou non, s'ccria NVild, il faut que je sois payé.
Travaillez aux sables, reprit Doukin, nous ne pouvons pas vous
nourrir oisif,
En conscience, avez-vous fait tous vos efforts pour trouver de
l'ouvrage, reprit Goldby. Avez-vous cherché sérieusement vous
employer? Avez-yous pensé que la misère vous menaçait si vousne
travailliez pas?
Non, fermier Goldby comme je n'ai jamais eu la misère pour
perspectiveet que la paroisse était là rien de tel ne m'est arrivé.
Mais j'ai demandé de l'ouvrage beaucoup de personnes, qui toutes
m'ont fort mal reçu. Vous-même, ainsi que M,n« Goldby, quand je
me présente, vous ne me faites pas trop bonne mine.
J'en conviens; mais c'est pitié de voir un grand garçon de votre
taille et de votre force passer sa vie dans la paresse.
Ma foi, monsieur, c'est chose fatigante, voyez-vous, d aller de
maison en maison, et de village en village, pour trouver des gens qui
vous fassent travailler, et de recevoir comme une aumône le pauvre
salaire qui me fait vivre. Je me souviens d'un temps où un homme
courageux pouvait faire de bonnes journées, et gagner la sueur de
son front un pain que personne ne lui reprochait. Aujourd'hui ce
n'est plus cela. On semble vous faire une faveur quand on vous per
met de travailler, et si l'on vous empêche de mourir de faim, c'est
par grâce et par charité. Que je m'adresse un fermier, j'aurai
peine lui arracher la moitié de mon salaire. 11 faut bieu se sou
mettre 1 humiliation, et céder la nécessité.
Il y avait dans ces paroles du pauvre homme uu portrait si frappant
de la situation laquelle sont réduites les classes industrieuses en
Angleterre, que ni le fermier Goldby, ni l'écuyer Manning ui l'in
specteur Donkiu ne purent rien répondre. Le fermier se contenta de
jeter au hasard quelques épigrammes sur l'oisiveté et l'égoïsrae des
paysans et des journaliers; mais Manning 1 interrompit eu lui disant
Nous avons bien assez d'ennemis; si vous m'en croyez, gardons-
nous d'en'augmenter le nombre, eL soyons prudens c'est votre in
térêt et le mien de ménager ce pauvre peuple qui devient chaque
jour plus nombreux, et qui, si le désespoir s'emparait de lui, ne nous
ménagerait pas.
A peine M. Manning s'était retiré en faisaut un signe de tête
aux gens qui remplissaient la salle, Goldby pencha vers l'inspecteur.
Ce brave seigneur, lui dil-il voix basse, ne se souvient pas
que c'est notre argent qui entretient cette oisiveté, et qui oITre une
prime tous ces gens-là pour ne rien faire. Quant des ennemis et
la prudence qu'il nous recommande, je ne sais en vérité ce qu'il veut
dire. Des ennemis j'en ai bien moi, qui certes ne suis pas méchant
tous ces paresseux me regardent comme leur mauvais génie, et pour
quoi c'est tout simplement parce que je défends les intérêts de la
paroisse... Mais, dites-moi, connaissez-vous cette figure?
"Oui, c'est le valet-de-chambre de l'écuyer Manning, du sei
gneur qui sort d'ici: il a quitté sa livrée. EL bien! Wood, qu'y a-t-il
de nouveau? et quel sujet vous amène? votre maître était tout
l'heure avec nous. Pourquoi ne vous êtes-vous pas présenté quand il
y était
Je tenais la bride de son cheval, monsieur, il vient de remonter
et me voici vous n'ignorez pas que ma femme a deux enfans.
Je le sais, et je sais aussi que vous avez réclamé les secours de
la paroisse pour elle. Votre maître le sait-il? vous portez sa livrée, il
vous nourrit, rien ne vous manque, comment se fait-il que vous
ayez recours la charité publique
Ce n'est pas moi, monsieur, c'est ma femme; tout ce que me
donne la paroisse, elle le dépense pour son propre usage.
Une discussion s'éleva pour savoir si la réclamation du laquais se
rait admise. Woolleston, le clerc, proposa de s'en rapporter la dé
cision du seigneur. Cette proposition qui pouvait mécontenter Mau-