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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. N° 185.
DIMANCHE5 FÉVRIER 1843.
FEUILLETON.
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■MTERIEl'B.
YPRES, le 4 Février.
TOUJOURS DES FRAUDES ELECTORALES.
La presse cléricale vient de rompre le silence
qu'elle a prudemment gardé jusqu'ici, l'endroit
des fraudes électorales.
La Gazette de Liègejournal de 1 evêque Van
Bommela la première taché d'atténuer l'effet
produit dans le payspar les révélations non
contredites de la presse libérale. Elle renvoie
aux libéraux, l'accusation portée contre le parti
catholiqued'employer des moyens propres
fausser les élections prochaines. Elle prétend
que les indignes manœuvres appliquées unique
ment jusqu'ici par la faction cléricale, sont pra
tiquées également par le parti libéral. Elle re
proche aux libéraux d'avoir créé cinquante faux
électeurs Romsée, village de 1,300 âmes.
Voilà une précieuse découverte et une bonne
fortune pour le parti catholique. Grande rumeur
parmi les feuilles moralesorganes avoués du
clergé. Plusdedoute; lesentendre, les libéraux
sont convaincus d'avoir mis en usage les moyens
frauduleux employés par leurs adversaires.
Eh bien cette accusation est simplement une
calomnie. Des faux électeurs ont été fabriqués
dans celle commune, mais dans un intérêt privé
et l'occasion des élections communales. Les
partis politiques n'étaient pour rien dans cette
fraude. Elle ne ressemble en aucune façon,
celles dévoilées par la presse libérale.
La Gazette le sait très-bien. Mais celte feuille
véridiquerédigée par des membres de cette
caste, qui seules prétendent avoir reçu la mission
d'enseigner la morale, est sciemment atteinte
et convaincue de mensonge et de calomnie.
Ne sachant que répondre et n'ayant aucune
fraude reprocher leurs adversaires, de guerre
lassecet organe du parti clérical a essayé
d'égarer l'opinion publique, en imputant aux
libéraux des actes faux et calomnieux.
Après la Gazette de Liège est descendu dàns
l'arène le Nouvelliste. Ce dernier se contente',
faute de mieux d'accuser vaguement le parti
libéral d'avoir en certain lieu, engagé certaines
personnes diviser les contributions payées par
elles, sur plusieurs têtes qui de celle manière
pourraient former des électeurs certains.
Voilà certes une accusation foudroyante et
surtout précise. Mais le Nouvelliste ne se con
tente pas d'accuser ses adversaires ses efforts
ont bien un autre but. Il s'attache démontrer
la moralité du mensonge, \ajustice de la fraude
et la légalité du dol.
Bonnes gens que nous sommes, nos yeux,
déclarer la chose qui n'est pas, paraît un men
songe. Eh bien le Nouvelliste se charge de
nous expliquer le contraire, en prouvant qu'au
cune loi ne le défend. Déclarer des chevaux
qu'on ne possède pointune industrie qu-'on
n'exerce point, un mobilier qui n'existe pas, ne
sont pas aux yeux des rédacteurs casuistes de
la feuille de l'évêché, des mensonges La fausse
déclaration faite pour parvenir exercer une
prérogative qui ne vous appartient pasne
constitue pas au gré des dévots écrivains du
parti catholique une fraude
Vertueux Nouvelliste! vous prétendez qu'au
cune loi ne défend cette manière d'agir. Mais
vous organe du clergé et du parti qui par
essence se prétend moral et religieux que
faites-vous donc de la loi divine? Dieu lui-même
n'a-t-il point dit: tu me mentiras tas!"
Cette faction qui approuve ouvertement le
mensonge et préconise le dol et la fraude
naguère exigeait exclusivement et avec menaces
l'enseignement moral et religieux dans les éco
les Et le pays serait tenu de confier l'éducation
de la jeunesse cette caste ambiTftuse qui s'est
avilie jusqu'à prêcher l'îmfnoralité politique?
Si nous ne savions dans quels égarements
peut tomber un parti fanatique -^qu'aucun
frein ne retientnous pourrions nous étonner
bon droit, de tant d impudeur et de bassesse.
Mais déjà un pays voisin nousafo.ùrni l'exemple
de ce que peut produire la soif de la do'mi'-
nalion chez le clergé et combien il devient
méprisable, quand il se laisse uniquement do
miner par ses intérêts temporels.
On nous annonce que le cabinet des Beaux-
Arts sera sous peu de jours, ouvert sinon au
public, du moins aux souscripteurs qui contri
buent annuellement la prospérité de cette
institution.
Les bâtiments qui se trouvaient en face du
palais de justice ont été vendus il y a peu de
jours et ne tarderont pas être démolis. Les
terrains qu'ils occupent, seront probablement
bientôt mis en vente. avis aux spéculateurs.
Un cultivateur de nos environs s'était rendu
en ville jeudi passé. Il lui prit fantaisie d'assister
l'audience du tribunal correctionnel. Il entre
le chapeau sur la tête, mais bientôt le gendarme
de service lui crie silence là basce qui vou
lait dire chapeau bas. Faisons remarquer que
ces mots: silence là bas. ont le privilège d'occa
sionner d'ordinaire un remue-ménage, un bruit
extraordinaire dans l'auditoire. Ce cultivateur
ôle son chapeau le place terre côté d'un
panier renfermant des denrées coloniales, qu'il
était venu acheter en ville. Le ministère public
en était au troisième argument de son réquisi
toire il disait que la justice doit se montrer
sévère l'endroit des voleurs, que la sévérité
seule peut en imposer ceux qui s'approprient
le bien d'aulrui. Notre cultivateur écoutait
bouche béante, les belles phrases qu'il ne com
prenait pa.4, vu que la langue française lui était
totalement inconnue. Le tribunal abondant
dans Le sens du ministère public, venait de con
damner lé prévenu, convaincu de vol, quand
notre cultivateur, se retournant pour prendre
son panier et sa coiffure s'aperçut qu'il n'aper
cevait plus rien.
Un adroit filou alléché sans doute par l'odeur
-des dites denrées coloniales (du café), avait
enlevé l'un et l'autre.
WSÎ2 &£ï®5ï,ï?saa.
I.
l'écrivain public,
Il y a quinze ou seize ans, la cour de la Sainte-Chapelle offrait
un aspect différent de celui qu'elle a aujourd hui. C'était là, dans
un renfoncement derrière l'escalier et au-dessous de la salle d'au
dience de la première chambre de la cour royale, que demeurait,
depuis quinze ou vingt ans, un brave homme nommé Duverrier,
entrepreneur bail du transport des prisonniers, sorte d'industrie
assez lucrative pourlui permettre de satisfaire une passion prononcée
pour les fleurs rares. L'entrée de la caverne obscure où il logeait
ressemblait l'étalage d'un jardinier fleuriste, et l'herbe qui croissait
entre les pavés prolongeait la verdure quelques pieds au-delà de
l'espace resserré qui lui servait de jardin.
Plusieurs boutiques d'écrivains publics, adossées aux murs de la
- Sainte-Chapelle, s'étaient ouvertes depuis le changement dont nous
avons parlé. Mais cette époque il n'en existait qu'une seule placée
droite de la voûte qui mène la rue de la Barillerie. Le locataire
de cette misérable échoppe, qui avait la forme d'une guérite et n'é
tait guère plus spacieuse, accrochait chaque matin, sur le côlé Fe
plus en évidence, un tableau présentant des modèles d'écriture de
tout genre, avçcj de grandes lettres méconnaissables sous les orne
ments la plume dont elles étaient chargées. Il ne pouvait regarder
ces preuves écrites de son habileté saris lever les yeux au ciel et pous
ser un profoud soupir, comme si leur vue eût réveillé en lui le sou
venir douloureux d'une situation plus prospère et du mépris injuste
ou il était tombé. Sur la partie qui encadrait les quatre carreaux
sales et ternes qui laissaient pénétrer le jour dans ce réduit, étaient
écrits en caractères jaunes Rédactionmémoiresplacets, lettres de
fêle et de bonne annéeet sur la porte on lisait A. C. Ternisien, ex
professeur d'écriture de l'Université. Mais cette enseigne, accom
pagnée d'une pareille qualité, ne produisait, malgré i'absen&e
concurrence, qu'un fort médiocre résultat, en juger par les vête
ments du pauvre écrivain.
Malgré son excessive économie, son travail .^-'aurait pas suffi sa
ebétive existence, mais il était possesseur d'un petit capital, amassé
péniblement daug des' temps plus heureux, et, qui devait, quand la
vieillesse qui s'approchait pas rapides aurait éteint sa vue, lui ache
ter un lit dans quelque hospice.
"Eh bien! quelles nouvelles'y a-t-il aujourd'hui? C'était la
question que Ternisien adressait son voisin Duverrier toutes les
fois que celui-ci passait oôté de la boutique, et Duverrier ne man
quait pas de répondre
Je vous en demanderait a
La conversation éu>, çe par -ect invariable préambule,se prolon
geait pendant quelque temps. C'étaient d'abord les affaires politi
ques qui, comme on lé^pehse bien, n'allaient au gré ni de l'un ni de
l'autre. Après ces considérations supérieures, jnu'passait aux faits
personnels. Duverrier, dont l'industrie prospérait, redevenait alpr5>
optimiste, et Ternisien continuait voir tout en noir.
J'ai une chose assez rassurante vous annoncer, lui dit un jour
l'homme aux prisonniers.
Qu'est-ce que c'est, mon voisin?
Hier, comme j'arrosais mes fleurs, M. D.... le référendaire, qui
est très-bien avec le président, s'est approché de moi et m'a dit
"Vous avez de bien beaux dahlias,, père Duverrier. Moi j'ai saisi
la taille au bond par intérêt pour vous et je lui ai demandé
la permission de lui offrir des ognons du T^noléon 'pour-M^petit