JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNEE. N° 188.
JEUDI, 16 FÉVRIER 1843.
FEUILLETON.
On s'abonne Y près rue du
Temple, 6, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
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daction doit être adressé,franco,
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Le Progrès paraît le Dimanche
et le Jeudi de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
IXTEKIEt K.
Y PUES, le 15 Février.
AU NOUVELLISTE.
La feuille cléricale de Bruges le Nouvelliste
daigne s'occuper d'un petit Journal qui végète
dans une petite ville du petit royaume de
Belgique. Nous en sommes très-flaltés, car c'est
du Progrès qu'il s'agit el nous devons en con
venir, la position éminenle de l'organe de
l'évêché. ne devait pas nous faire espérer tant
de condescendance de sa part.
Toutefois nous pouvions nous attendre une
réplique du dévot journal. Nous avions traité
la question des fraudes électorales au point de
vue moral et religieux. Nous avions cette
occasion, convaincu les logiciens du Nouvelliste
de prêcher l'imposture et de préconiser le
mensonge.
Inde irœ. On aurait pu croire que le Nou
velliste dans sa réponseeût repoussé loin de
lui les doctrines relâchées, professées dans un
de ses derniers articles. Mais point. Pour prou ver
comme quoi il n'a point soutenu la légalité de
la fraude, le béat journal s'avise de relever
une prétendue contradiction qu'il croit avoir
découverte dans l'appréciation faite par le
Progrèsdes résultats des élections communales.
Nous avions dit que les fraudes pratiquées
Bomsée l'avaient été dans un intérêt purement
privé. Son bourgmestre, ancien ami du Commis
saire de 1 arrondissement île Liège, avait encouru
l'inimitié de ce fonctionnaire vindicatif. Tous
les moyens avaient été employés pour empêcher
sa réélection comme membre du conseil com
munal. Sentant péricliter sa candidature, il s'a
visa, mais seulement alors, de créer cinquante
faux électeurs. Cette ruse méprisable lui a réussi
el il lui a dû sa nomination. t
Il n'y a donc ici d'autre mobile que l'intérêt
privéqui a guidé le bourgmestre de Romsée.
D'ailleurs, véridiqueNouvelliste, l'individu dont
il s'agit n'a déserté la bannière du parti clérical
que par suite d'une ambition froissée et faisait
antérieurement partie des vôtres.
Et quand même nous les compterions dans nos
rangs, encore nous hâterions nousdesligmatiser
les moyens qu'il n'a pas hésité employer dans
son propre intérêt. Sommes-nous clairs main
tenant. vertueux Nouvelliste el quoi s'il vous
plait aboutit cette logomachie que vous nous
débitez comme réponse notre article.
Certes nous n'avons jamais prétendu que les
élections communales n'aient eu pour effet de
dessiner les partis politiques en Belgique; ni
vous non plussiVicére Nouvelliste. Car comment
expliquer autrement, et le fractionnement el la
nomination de cette foule de Bourgmestres en
dehors du conseil, et par dessus tout, la vivacité
et (importance bien appréciée de la lutte.
Remarquons que le Nouvelliste n'a pas porté
la discussion sur son véritable terrain. Le but
de notre article était de prouver que les soi-di
sant défenseurs de la morale et de la rejigion,
que les vertueux et honnêtes par excellence,
savaient quand leur intérêt parait l'exiger, faire
avec le Ciel des accommodements. Nous avons
démontré sans être contredits par le Nouvelliste,
que les organes seuls du clergé ont l impudeur
de défendre les fraudes indignes mises en œuvre
pour fausser la représentation nationale.
Quant la réprobation publique dont la
feuille cléricale semble nous menacer, nous
croyons que le journal qui défend le vrai et le
juste, n'a pas la redouter. Le bon sens flamand,
puisque hfNouvelliste l invoque, sera pour nous,
quoi qu'if en puisse dire. Un clergé intoléranf
et ambitieux n'a pas encore suffisamment pesé
sur la nation, pour l'avoir abrutie au poiht de
ne |>as apercevoir les pièges grossiers qui lui
sont tendus.
La salle du Musée de la Société de ÏSeaux-Arts
de celte ville, sera ouverte MM. les souscrip-
leurs, les Jeudis 16 et 23 de ce rtioisdepuis
10 heu res du malin jusqu'à une heure dei
relevée.
Le public y sera admis pendant toute la
durée de la foire, du 12 au 26 du mois de
mars prochain, depuis 10 heures jusqu'à midi.
■f.ceiucL J
Une nouvelle société de chœurs s'est organi
sée depuis peu de temps Bruxelles. Dirigée
par MAL Van Maldeghem frères, compositeurs
et professeurs de musique, la Société Gombert
a déjà fait des progrès marquants. Nous espé
rons qu elle pourra bientôt reproduire les com
positions de l'illustre maître dont elle a pris le
nom. On sait que M. N. Gombert, notre com-
pal iote el l'un des plus célèbres compositeurs
du 16e siècle, était maître de chapelle de l'em
pereur Charles-Quint.
CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS.
Séance du y février.
La chambre des représentants a adopté aujour
d'hui le projet de loi qui maintient pour iK.,2 le
mode de nomination des membres du jury d'examen
pour les grades académiques.
Elle s'est ensuite occupée des articles du projet de
loi relatif la répression de la fraude. Les onze
premiers articles ont été adoptés avec quelques
amendemeus. La suite de la discussion a été renvoyée
demain.
Au commencement delà séance, M. Delehaye,
par forme de motion d'ordre, a demandé un prompt
rapport sur la pétition des négocians de Gand qui
réclament de promptes mesures contre les ventes
l'encan. La commission chargée de l'examen de
cette pétition a été invitée présenter son rapport
dans le plus bref délai.
Le sénat s'est occupé dans sa séance de ce jour de
la discussion des articles du budget des travaux
publics. .'f
M. le ministrerépondant une interpellation de
M. le comte de Quarré a annoncé qu'il publierait
incessamment clans le le tableau des recettes
du chemin de fer pour i K4aet qu'il avait donné
des ordres pour qu'un tableau semblable fût publié
mensuellement. Répondant un auLre interpellation
de M. le baron d'Hooghvorst, il a annoncé que l'in
tention du gouvernement était d'alFecler au minis
tère des travaux publics, l'bûtel de la Place Royale.
(Suite.)
III.
une amie.
I>c lendemain, pendant que Jules était chez Fanny, une .scène
dont le dénouement, s il se réalisait, devait déranger les plans formés
parles dei x amants, se passait rue de Lille. Mm* Valabert avait reçu
la visite de la comtesse de Septeuil, femme d'une ancienne noblesse,
immeusémeut riche, et liée intimement avec plusieurs personnages
fort en crédit !a cour. La conversation avait été longue ente elles
deux. Froide d'abord et réservée de part et d'autre, car il ne s'agis
sait pas d une visite ordinaire, mais d'une entrevue eu quelque sorte
sollennelle, elle s'était animée et était devenue assez intime, quand
chacune d'elles après de longs détours diplomatiques, avait jugé
propos de convenir du motif qui les léunissait. L'entretien était
terminé et déjà Madame Valabert avait accompagné la comtesse
jusqu'à la porte de sou salon; déjà les deux femmes avaient échangé
un adieu amical quoique empreint d une certaine dignité, lorsque
l'arrivée de déux nouveaux persounages retarda de quelques minutes
leur séparation. -
L un était un homme de quarante quarante-cinq ans, d'une
physionomie ouverte et annonçant la santé la plus florissante et
1 absence complète de toute peine intérieure. Ses manières étaient
celles d'un homme habitué vivre dans le monde, mais elles man
quaient de grâce, d'élégance et de distinctions naturelles. Ses yeux,
d un gris perlé et la lleur de tête, n'avaient que des regards sans
aucune expression que celle d un conteutemeut perpétuel. Il portait
le nez au vent comme tous les gens qui, gonflés d'eux-mêmes,
s'imaginent produire sur les autres l'impression agréable qu ils
éprouvent en se regardant dans un miroir. M. de Saint-Gilles avait
quitté le service la seconde restauration il s'était lancé dans les.
affaires et y avait réussi comme beaucoup d'autres par des spécula-
tionssans trop comprendre ce qu'il faisait. Le hasard l'avait enrichi
et la fortune 1 engraissait.
L autre personne qui l'accompagnait était une femmejeune encore,
qui touchait peut être sa vingt-sixième année et qui ne paraissait
ni plus ni moins que sou âge. Ses traits avaient couservé la linesse et
la fraîcheur de la jeunesse; son sourire était charmant; tous ses
mouvements, doux, calmes et harmonieux. Sa beauté n'était pas de
celles qui frappent au premier coup 'd'oeil, mais qui s'insinuent peu
peu et se gravent dans le cœur et qui sont plus sûres de conserver
l'amour qu'elles ont inspiié que d'éveiller le désir. Sa peau brune
contrastait avec ses yeux bleus el ses cheveux blonds; mais ce signe
presque toujours certain d'une organisation passionnée où se confon
dent deux natures opposées, la langueur voluptueuse et la vivacité
ardente, était démenti par la réserve de sou regard, par l'expression
de bonté répandue sur sa figure. On eût dit, lorsqu'elle levait les
yeux sur quelqu'un, qu'elle était en quête d'une souffrance pour la
consoler, et quêtes peines d'autrui pouvaient seules troubler la sé
rénité de sou âme. Malgré toutes ces qualités, Adèle I.aui)ay n'avait
jamais été heureuse. Mariée vingt-et-un ans un homme qui avai
plus du double de son âge, elle n'avait jamais connu, défaut des
enivrements de 1 amour, le bonheur tranquille, qui vaut mieux et
dure plus longtemps. Son mari était un de ces hommes, sans vices ni
vertus, dont la vie se passe quitter une idée pour une autre, for
mer un projet qu'un nouveau projet renverse, natures incomplètes
dépourvues de patience et de volonté, qui germent partout et ne
portent de fruits nulle part. Elle l'avait suivi dans, plusieurs villes oû