JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. 2° ANNÉE. N° 202. JEUDI, 6 AVRIL 1843. FEUILLETON. On s'abonne Ypres, rue du Temple, 6, et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT par trimestre. Pour Ypresfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'uu numéro 0-25 Tout ce qui concerne la ré daction doit être adressé, franco, l'éditeur du journal, Ypres. - Le Progrès parait le Dimanche et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligne. IATERIEIIII. YPRES, le S Avril. LE BUDGET DE LA GUERRE. La majorité mixte, celte création mirobolante de M. Nolhomb paraît décidément animée d'intentions malveillantes l'endroit du budget de la guerre. Cet appui si solide du ministère mixte paraît ébranlé et sans le secours d'une partie de l'opposition le budget de la guerre risquerait beaucoup d'être considérablement écorné par le côté droit de la chambre. Déjà depuis quelques années, le même spec tacle a lieu au palais de la Nation. Chaque fois qu'il s'agit de discuter le budget du ministère de la guerre, certain parti paraît décidé remet tre en question l'existence de l'armée. Parce que la neutralité de la Belgique est mise sous la sauve-garde des cinq grandes puis sances, on trouve inutile d'avoir une armée res pectable, bien organisée, et qui au besoin compte pour quelque chose dans l'état militaire de l'Europe. Nous ne sommes pas de cet avis. De ce que notre armée ne pourrait pas dans tous les cas peut-être, sauver le pays d'une invasion de la part d'une grande puissance faut-il rendre l'organisation militaire nulle, tandis qu'il est prouvé que dans des. cas donnés, une armée de 80 mille hommes bien organisée, et telle que doit être la nôtre sur pied de guerre peut avoir quelque poids dans les destinées de l'Europe. Voilà certainement des motifs puissants pour conserver un état militaire respectable. Ajou tez cela que c'est le seul moyen, eu cas de conflit entre les grandes puissances, de mainte nir notre indépendance et de défendre rtotre nationalité. En temps de guerre, la violence remplace le droit. Les nations désarmées sont méprisées et deviennent la proie du premier soldat heureux. Pour n'en citer qu'un exemple, voyez la république de Venise. Après une exis tence nationale de plus de treize siècles, elle a été effacée de la carte de l'Europe sans la moin dre résistance, par le général Bonaparte. Nous croyons que tout homme animé de l'a mour de la patrie, ne peut vouloir la dislocation de 1 armée. Niais d'autres considérations méritent un sérieux examen. Depuis quand les militaires ne sont-ils plus citoyens belges, pour qu'on les traite ainsi? A entendre ceux qui attaquent le budget de la guerre, l'étal militaire est devenu un état de paria, exposé aux caprices d'une sec tion centrale qui présente des nouveaux plans d'organisation avec un aplomb vraiment éton nant. Un hâbleur fanatique, brasseur de son métier, s avise de lire quelques auteurs qui ont écrit sur celte partie, et se croit toutes les connais sances nécessaires, pour se mettre en opposition avec le chef d'une administration aussi compli quée que celle de la guerre. Vraiment, on peut s'apercevoir que le traité de paix avec la Hollande est accepté, et nous croyons que celte considération a poussé les députés de certain parti, traiter notre armée avec si peu de cérémonie. Grand nombre d offi ciers ont embrassé l'état militaire, quand la Bel gique avait besoin d'eux et les appelait sous les drapeaux. Maintenant elle paraît en paix les services de ceux qui étaient disposés sacrifier leui1 existence, pour la défendre, sont devenus inutiles. L'économie est invoquée afin d'obtenir le renvoi du service de plus de mille officiers, qui ont peut-être abandonné une position ho norable pour voler la défense de la patrie, et qui certes ne méritent pas qu'on compromette leur avenir avec une telle légèreté. Ce sont surtout les armes spéciales qui parais sent avoir encouru le courroux du rapporteur de la section centrale. L'artillerie en particulier, ne possède pas l'estime de M. Brabant. 11 opine qu'elle doit être réduite de moitié. Si la rigueur, il est possible de faire un fan tassin passable en six semaines jde temps, il s'en faut que les armes spéciales ne demandent pas une instruction plus longue et plus minutieuse. D'ailleurs le budget demandé par le ministre ne doit servir qu'à l'entretien d une armée de 35,000 hommes. Avec un personnel moindre, la con servation des cadres devient impossible, et c'est là le point essentiel, pour toule armée bien or ganisée. On renvoie les soldats, mais on conserve ce qui fait la force et l'unité de tout corps, des cadres instruits et complets. Nous ne pouvons prévoir quel sera le sort du budget de l'armée mais chaque annéenous voyons le parti dominant faire ses efforts pour démolir notre état militaire. L'esprit qui dirige le pouvoir est antipathique l'armée. Ce n'est pas la première foisque uous voyons un gou vernement où domine l'élément clérical, se met tre en opposition avec les intérêts de l'armée qui sont aussi ceux, qu'on ne s'y trompe point, de la Belgique entière. Mais il s'agit bien des intérêt» de la Belgique et de la défense éventuelle de son indépen dance. Il s'agit de faire des économies et c'est sur l'armée qu'on frappe pour les obtenir. Les autres budgets ont passé sans la plus minime réduction; on doit donc se rattraper en lésant les intérêts de ceux qui ne sont point représentés dans la chambre. L'honorable M. Verhaegen l'a dit: On trouve des fonds pour une foule d'autres dépenses, pour des séminaires, pour les hauts dignitaires du clergé. Il s'agit de faire des économies. Allez MM. les officiers avec 2/3 de solde, voilà strictement de quoi ne pas mourir de faim et avec les économies obtenues sur vos traitements, nous aurons des cardinaux mieux payés que des ministres.» La loi qui doitavoirpour but d'assurer iexé cution paisible et régulière de la loi du 3 mars 1831, autrement dite, loi en faveur des frau des électorales et des candidats du clergé, est devenue une mystification modèle. Le petit UN MARIAGE ENTRE ARTISTES. [Suite.) Par Tune des premières matinées du gracieux mois de mai, au moment où Edmond, arrêté devant la maison de M. Straub, lui con sacrait, comme de coutume, quelques minutes de muette admiration, il arriva qu'une des persiennes s'ouvrit, et que la plus jolie petite nymphe qu'on puisse voir, en bonnet de baigneuse et en déshabillé blanc, s'offrit tout d'un coup aux yeux étonnés du jeune musicien. 11 faut croire que l'extase dans laquelle Edmond se trouva plongé n'échappa point la perspicacité de la jeune fille, qui rougit excessi- ment et qui se retira sur-le-champ, mais non pas sans avoir échangé un regard timide avec son naïf adrùiratëur. A partir de cette époque, Edmond négligea les études qui absor baient ordinairement les premières heures de sa matinée; il passait le temps chercher, travers le massif feuillage, des jours qui lui permissent d'entrevoir la maison endormie de M. Straub. Comme Edmond n'avait pas de montre il interrogeait la dégradation des ombres, quand il faisait beau temps, et l'arrivée des laitières, ainsi que le passage des marchands ambulants, lorsque le ciel était cou vert; de cette manière, il savait au juste le moment où il ne lui était plus permis d'espérer que certaine persienne s'ouvrirait avant son départ pour le Conservatoire, qu'il ne retardait jamais sous aucun prétexte. Quelquefois la fenêtre s'entrouvrait, et la jeune fille, qu'on nom mait Henriette, mais qui alors n'avait aucun nom qui pût s'offrir l'invocation du jeune enthousiaste, paraissait, et semblait interroger le temps pour avoir le prétexte d'élever les yeux du côté de la man sarde d'Edmond. Une bonne centaine de pas au moins (caloulée vol d'oiseau, bien entendu), séparait les deux jeunes gens; mais celte distance, loin de nuire aux communications sympathiques de leur amour naissant, permettait la timide enfant d'imposer certains sa crifices sa pudeur, en s exposant de si loin des regards qui se per daient dans l'espace. Mais chacuu des deux jeunes gens avait celte conviction instinctive et si douce que l'objet aimé se tenait là pour lui seul, et tous deux se livraient avec une adorable candeur aux charmes de cette intelligence mutuelle et presque fantastique. Lorsque, après quelques minutesde cette correspondance, Edmond passait en tremblant d'espérance et d'amour devant la grille de M. Straub, Henriette se gardait bien de rester la fenêtre; le pauvre jeune homme, qui ne se fût point arrêté s'il eût aperçu Straub, ralentissait sa marche et la suspendait machinalement pour interro ger d'un regard mélancolique la solitude de l'appartement il ne sa vait pas que son amante, qui commençait s'armer innocemment des perfides précautions de sou sexe, était placée derrière une autre croisée où elle recueillait, le cœur palpilaut, les joues couvertes d'une rougeur brûlante, ces longs regards si doux et si tristes, qui se diri geaient vers sa chambre déserte et qui semblaient pleurer si amou reusement son absence. Un jour Edmond, après avoir inutilement considéré cette fenêtre entr ouverte où le bonheur ne lui apparaissait que de loin, aperçut travers le feuillage et les interstices d'une persienne voisine le rayon, uement de deux grands yeux, qui le regardaient avec une expression d'autant plus éloquente qu'elle était sous la garantie du mystère Lorsque les regards des deux jeunes gens se rencontrèrent, ut (lara- bloyants d'un amour qui croyait n'avoir pas besoin de contrainte, ce moment fut rapide comme l'éclair; mais, comme l'éclair aussi, cetle double lueur fut étincelaute et porta de vives lumières dans les deux cœurs qui s'ignoraient mutuellement encore. Edmond tressaillit comme s'il venait de subir l'attouchement de l'étincelle électrique Henriette couvrit le visage de ses deux mains. Dans ce moment, la, persienne cessant d'être retenue, s'eut l'ouvrit au soufile du vent et livra la jeune fille éperdue aux yeux de son amant. Le lendemain, la fenêtre ne s'ouvrit point 1 heure accoutumée; cependant la nalure était radieuse et il semblait au jeune artiste que l'azur du ciel était plus pur, l'air plus frais et le matin plus riant» sou amour, son bonheur et sa jeunesse avaient des parfums qui se mêlaient aux suaves exhalaisons du printemps, ses pensées nageaient

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