JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. 2e ANNÉE. N° 203. DIMANCHE, 9 AVRIL 1843. FEUILLETON. On s'abonne Ypres, rue du Temple, 6, et chez tous les per- cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre. Pour Ypresfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro 0-95 Tout ce qui concerne la ré daction doit être adressé, franco, A l'éditeur du journal, Ypres. - Le Progrès parait le Dimanche et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligue. ItTEIlIKIII. YPRES, le 8 Avril. LA BRITISH-QUEEN. Dans une de ses dernières séances, la cham bre des représentants a voté une somme de 91,000 francs, pour combler la brèche faite au trésor public par les deux derniers voyages de la British-Queenainsi qu'une somme de 30,000 francs pour l'entretien du steamer dans les bas sins du port d'Anvers, pendant 1843. Le parti clérical doit être bien aise de la non- réussite de cet essai de navigation transatlanti que, d'autant plus que c'était une entreprise com mencée sous le ministère libéral et qui avait de nombreuses chances de succès. Persuadé que notre système de chemins de fer resterait incomplet, aussi longtemps qu'une na vigation vapeur ne serait venue relier notre pays au Nouveau Monde, le ministère Lebeau et Rogier, avait cru devoir demander aux cham bres, un crédit pour établir une ligne de navi gation entre Anvers et New-York. Deux steamers furent achetés, mais condition que tous deux fussent livrés l'époque fixée. Le non-accomplis sement de celte clause entraînait, au choix du ministère Belge, la résiliation du contrat. A peine, celte négociation fut-elle connue, que les plus vives clameurs s'élevèrent de la part du parti clérical. On blâma cet achat, on jeta des doutes sur la solidité des navires. Enfin rien ne fut né gligé par les adversaires du ministère, pour dé crier cet essai. Le ministère fut renversé, on sait comment et par qui. Le Présidentle second steamer acheté, se perdit. Le ministère Nolhomb pouvait donc résilier le contrat, puisque l'exécution d'une clause entraînant résiliation, était devenue im possible. Que fit le ministère, soutenu par ceux qui avaient fait tout ce qui était humainement pos sible, pour nuire cette entreprise Il procéda l'acceptation de la British-Queenquoique le contrat lui donnât la faculté de la refuser. Au milieu de la défaveur jetée sur cette ten tative, la British-Queen commença ses voyages. rM un mariage entre artistes. (Suite.) Le plan d'Edmond, dont l'ingénieuse idée lui avait été suggérée par sa chère Henriette, réussit, quant ses premiers résultats pré sumés, au-delà de toute espérance. Fendant les soirées où le jeune instrumentiste n'était point obligé d'aller au théâtre, c'est-è-dire quatre fois par semaine, il ouvrait sa fenêtre et se mettait jouer de son mieux (ce mieux était en effet digne d'admiration), tout l'ancien répertoire du grand Opéra et de Feydeau. Pendant ce temps, M. Straub, qui avait fini par oonnaitre sa dis tribution des soirées, faisait apporter des chaises sous les acacias en fleurs, et savourait avec le doux parfum des brises de l'été les airs chéris qui lui rappelaient sa jeunesse d'artiste. Dans l'intervalle qu'Edmond plaçait entre ses préludes, le vieil lard, la main sur les yeux en forme d abat-vent, fixait opiniâtrement ses regards sur la fenêtre d'où s'exhalait cette mélodie si tendrement exécutée, si pieusement admirée; M. Straub s'efforçait d'entrevoir Comme on avait pu le pressentir, cette entre prise se fit en perte, la grande joie de tous les ennemis de l'ancien ministère, qui voulurent en faire tomber le blâme exclusivement sur lui. Mais cet essai ne pouvait réussir, disent nos adversaires. Pourquoi alors M. Nolhomb, a-t- il accepté ce navire, tout en étant libre de ne pas le faire? Une arrière-pensée a motivé cette conduite. Après avoir rendu la réussite de cette tentative impossible par ses clameurs et son système de dénigrement, le parti des honnêtes gens a prétendu jeter la respousâbilité de cette acquisition sur les anciens ministres, pour les perdre dans l'opinion publique. On n'a pu y parvenir, car cet indigne calcul a été dévoilé. Les traversées auraient pu se faire sans défi cit, si M. Nothomb ne s'était avisé d'une idée qui mérite de le faire passer la postérité. Le ministère de l'intérieur," qui s'en serait douté «st dominé par l'esprit de nationalité au point de ne vouloir que du charbon Belge, pour (e service du navire vapeur. Il est vrai que cette idée a augmenté les frais de plus de cent mille francs. Mais, a dit le ministre, on a constaté ainsi, que nos charbons égalaient en bonté ceux d'Angleterre. Voilà une heureuse et bien chère expérience Maintenant les voyages du steamer resteront interrompues, et le ministère a donné ordre de l'offrir en vente qui veut l'acheter. Et c'est ainsi qu'on prétend nouer des relations com merciales avec des pays, où la Belgique est peine connue I Ce n'est point ainsi qu'en agissent les nations industrielles et commerçantes. Plus'de persévé rance et de sacrifices sont nécessaires, si on veut parvenir se créer des débouchés. L'idée du ministère libéral avait de l'avenir. Seulement son exécution a été confiée entre des mains qui étaient chargées de la faire échouer. M. desmaisieres, ministre de la guerre. La démission offerte au Roi par le général De Liem a été acceptée. Cette conduite ferme a jeté nos honorables dans le plus profond étonne- ment. Quoique annoncée éventuellement, cette démission a surpris les députés. Ils ne s'atten daient nullement tant de dignité et de noblesse. Les collègues du ministre de la guerre ne les avaient pas accoutumés ce désintéressement. Rendons en grâce au général De Liem, la Bel gique a possédé en lui, un ministre qui n'a point voulu ramper devant celte majorité mixte, ce solide appui des quatre ministres restants. Mais il s'agissait de remplacer le général De Liem, au ministère. Il paraît qu'aucun militaire n'a voulu récolter cette succession, car le minis tère vient de nommer dans son sein, un ministre ad intérim. On avait le choix entre l'honorable comte de Briey, ancien garde du corps de Charles X et l'honorable Léandre Desmaisières, ancien élève de l'école polytechnique. Certes ces deux honorables membres du cabinet sont très- susceptibles de devenir ministres de la guerre, qui pourrait en douter? Le comte de Briey aurait pu prendre modèle sur ce qui existait de son temps, en France, pour organiser l'armée belge au goût du parti-prêtre. Nous aurions pu, s'il avait voulu accepter cette mission, l'assurer d'avance de la reconnaissance du parti clérical, défaut de celle de l'armée. C'aurait été une compensa- lion. Mais l'honorable comtedont le noviciat au ministère des finances n'a pas été fort brillant, a cru ne pouvoir se charger de ce fardeau. L'hon neur en est donc revenu au Sr Léandre Desmai sières, qui certes entre tous les représentants était celui qui doit convenir le moins l'armée. On ne l'a pas oubliédéjà sous le ministère de Theux, cet honorable représentant a voulu désorganiser nos institutions militaires. A celte époquecomme rapporteur de la section cen trale, il jouait le rôle que joue actuellement l'ho norable Brabant, autre lumière du parti. Cel les voilà des titres non équivoques, pour prétendre remplacer momentanément l'honorable De Liem et l'armée doit être très-satisfaite de voir sa tête celui qui autrefois avait voulu la désorganiser. Mais il s'agit d'une organisation militaire nor male pour la Belgique. Dèsqu'il est question d'organiser au gré du parti clérical, M. Desmai sières est l'homme indispensable. N'a-t-il point les traits du musicien aimé, avec cette blême impatience qu'Edmond éprouvait lui-même quelques semaines auparavant, lorsque du haut de sa mansarde il attendait qu'Henriette parût sa fenêtre pour s'enivrer de sa présence. Puis c'étaient des conversations sans fin sur le eompte du jeune in connu, car M. Straub s'était officiellement convaincu, par sa dépo sition du concierge de la maison voisine, que M. Guerfroi était un jeune homme. en effet. Ou avait des motifs très-plausibles de sup poser qu'il n'était pas riche. Le vieux musicien, dans son engoûment pour le talent dé son voisin, avait plusieurs fois manifesté l'opinion où il était que la pauvreté de ce virtuose n'avait point d'autre source que ses refus de sacrifier la mode, et de flatter comme tant d autres l'égarement du goût public pour lui devoir des sucoès passagers, mais profitables quant la fortune. Excellent et dignejeune homme s'écria M. Straub eu rentrant chez lui, saturé d'émotions et de plaisir, tu gagnerais des monts d'or si lu voulais avilir ton noble talent jusqu'à le rendre l'interprète des productions papillotées de messieurs tels et tels (le vieux musicien nommait messieurs tels et tels en toutes, lettres), ou bien griffonner des partitions la toise pour l'ignorant public de nos jours. Mais je le vois, en honnête artiste que tu es, tu préfères condamner ta jeu nesse aux privations, aux douleurs d'un travail incompris, et atten dre dans une honorable indigence, que le siècle ait ouvert les yeux sur ses erreurs. Si du moins, continuait l'excellent homme, en alten dant ce moment misérable, je pouvais contribuer soutenir ton <x>' rage et rendre ton sort plus supportable, Dieu sait que je n'hésiterais pas mettre mes petits services ta disposition... M. Straub se sentait pour son jeune voisin un fonds de tendresse qui, tous les jours, prenait un caractère plus vif, grâce aux obstacles qu'il trouvait la satisfaire. Après plusieurs jours d'hésitation et de débats prudemment agités dans les longues soirées où le violon se taisait, le vieillard, qui était plein de bonhomie et de franchise dans ses démarches, prit le parti d'aller trouver lui-même le jeune homme, pour le remercier du plaisir qu'il'éprouvait l'entendre, et pour cau ser son aise avec lui de l'objet de leurs mutuelles sympathies. Le vieux musicien, qui était un homme de bonne compagnie et qui, part les petits travers qui résultaient de son grand âge et d'ha bitudes dégénérées en manie, était un axcellent juge en fait de J'ter-

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