JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNEE. N° 205.
DIMANCHE, 16 AVRIL 1843.
INTERIEUR.
FEUILLETON,
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Quand le concours des collèges fut organisé
par le ministère libéral, l'administration com
munale crut devoir demander un subside pour
l'institution de la ville au gouvernement, afin de
lui donner ainsi la faculté d'entrer en lulteavecles
autres établissements d'instruction moyenne du
pays, et raviver de celle manière, le zèle et l'é
mulation, tant des professeurs que des élèves.
Mais les ministres libéraux furent renversés
peu de temps après et leurs successeurs n'ont
pas encore pris de décision cet égard.
Cependant le but du conseil communal s'est
trouvé rempli. Le collège a été soumis
l'inspection du gouvernement, et nous trouvons
dans le rapport du ministre de l'intérieur, sur
l'enseignement moyen, une'nolice très-favora
ble sur le collège d'Ypres.
Après avoir parlé de la c|ivision des classes, le
rapport s'exprime ainsi
L'enseignement littéraire est généralement
assez satisfaisant et il ne manque que peu
d'améliorations pour mettre le collège d'Ypres
même d'entrer en lice, sans trop de désavan-
tage, avecd'autresétablissements, dont le per-
sonnel est beaucoup plus nombreux, (page
lxxxvii du rapport). Les éludes mathémali-
ques sont bonnes, surtout pour la partie élé—
mentaire, (page lxxxviii du rapport).
A la suite de ce rapport se trouve le compte-
rendu du dernier concours. Les classes de Sixiè
me ou de Septième, la Troisième et la division
supérieure des Mathématiques étaient appelées
y prendre part. Ces classes du collège communal
d'Ypres ont concouru et-l'exception de la
Sixième, dont il n'a pas été-fait mention, les
autres classes s'en sont tirées avec honneur.
Si la Sixième n'a point réussi, celles'des autres
collèges n'ontguère fait mçrveille. Nous croyons
pouvoir en donner la raison. Le choix de la
version qui était la matière du concours pour
cette classe, n'était pas heureux. Elle était trop
difficile et ne pouvait guère être soumise avec
espoir de succès, des élèves qui commencent
leur première année de Latin.
La troisième classe a mieux réussi elle occupe
le dixième rang entre toutes celles, au nombre
de 19, qui ont concouru. Elle se trouve placée
avant les Troisièmes des athénées de Namur et
de Bruges, des collèges de Monset de S' Trond,
et marche la tête de tous les établissements
qui n'ont point de Septième, et dont les élèves
par conséquent, ont une année de latin de moins.
Pour la trigonométrie, le résultat est le même.
Le collège d'Ypres occupe le dixième rang et
devance l'athénée de Liège, les collèges de Has-
selt, d'Enghien, de St. Trond, etc.
Ce résultat pour un premier concours, n'est
certainement pas mépriser, si on veut observer
que le personnel du corps enseignant des diverses
institutions qui y ont pris part, est loin d'être de
même force, numériquement parlant.
En somme, le concours a prouvé que le col
lège d'Ypres est loin de mériter ce dédain que
la minorité de notre ville professe pour lui. Les
études y sont aussi fortes et aussi bien dirigées
que dans beaucoup de collèges de deuxième
ordre et si sous le rapport de la religion, l'ensei
gnement y est incomplet, tous nos concitoyen-
connaissent ceux qui en sont la cause et coup
sûr, elle ne peut être imputée ni au corps pro
fessoral ni l'administration communale.
Par arrêté royal du 12 avril 1843, le roi vient
de nommer M. Alphonse Vanden Peerèboom,
conseiller provincial et échevin de la ville
d'Ypres r capitaine commandant le corps des
sapeurs-pompiers.
YPRES, le 15 Avril.
LE COLLÈGE COMMUNAL.
Il existe Ypres un établissement d'instruc
tion moyenne incessamment en butte aux atta
ques sourdes et détournées de la part de certain
parti. Ce collège est resté debout, même pen
dant la plus mauvaise époque de la révolution
de 1830, mais non sans efforts. Pendant la
toute-puissance du parti dominant dans le con
seil de la cité, rien n'a été négligé par lui, pour
emporter de haute lutte, le renvoi des profes
seurs. Mais la majorité du conseil communal,
par un vole mémorable, a consacré l'existence
de celte institution.
Le mauvais vouloir des coryphées du parti-
prêtre n'en a pas été abattu. N'ayant pu réussir
dans cette attaque de front, on a pris les voies
détournées. Déboire», avanies, diminutions de
pension ont été employés tour-à-tour, pour en
gager les professeurs donner eux-mêmes, de
guerre lasse, leur démission. Peu satisfaits de voir
leurs intrigues déjouées par la fermeté de ces
hommes dévoués leur haute mission, ils éle
vèrent une concurrence. Un collège unique
ment placé sous l'influence épiscopale. fut or
ganisé par les soins de la commune. On crut
ainsi porter le dernier coup au collège com
munal.
Les élections de 1836 en décidèrent autre
ment, et le collège intrus fut privé de l'ap
pui des autorités communales. Il continue
d'exister, grâce l'appui dçs ecclésiastiques.
Depuis le refus de subside fait l'établissement
rival par le conseil communal, la calomnie s'est
acharnée de jour en jour davantage sur le col
lège de la ville, qui a cependant depuis long
temps acquis droit de cité parmj nous.
UN MARIAGE ENTRE ARTISTES.
(Suite et Fin,)
On n'avait pas osé parler d'avance M. Straub de l'essai qui se
tentait alors, parce qu'en cas d'échec, Edmond devait nécessairement
perdre quelque chose de son estime mais le jeune couple, dans l'hy
pothèse d'un beau succès, se proposait de tout dire la fois.
Henriette se retira dans sa chambre et se coucha 1 heure ordi
naire. Celte fois le sommeil n'approcha pas de son chevet elle atten
dait avec une pénible anxiété que sa petite pendule d'albâtre eût
sonné minuit pour aller reconnaître les signaux convenus. Vers onze
heures et demie elle entendit dans la rue et presque sous ses fenêtres
des pas nombreux qui semblaient s'arrêter devant la maison de M.
Straub, puis des chuchotements, des interpellations demi-voix et
des rires étouffés. Henriette se leva, courut sa fenêtre, mais elle
n'aperçut rien les croisées d'Edmond n'étaient pas éclairées, et
comme la nuit était fort obscure, elle ne put rien apercevoir de ce
qui se passait dans la rue.
Au moment où elle venait de regagner son lit tout en prêtant la
plus grande attention au singulier bruissement, du voisinage, une
musique composée d'un grand nombre d'instruments se fit entendre;
la symphonie s'ouvrit par un adagio dont l'effet mélancolique inter-
lompait avec une sorte de solennité religieuse le silence de la nuit.
Puis les combinaisons de l'harmonie se développèrent peu peu, et
f - f
la paisible rue de Courcelles, muette comme la tombe l'heure de
minuit, retentit d'un bout l'autre des puissants accords d'une musi
que énergique.
Pendant les premières mesures de ce morceao remarquable, l'é-
tonuement d'Henriette participa de beffroi; ses dents claquèrent
avec force, ses idées tourbillonnèrent, et elle perdit en quelque sorte
l'usage de ses sens. Elle était sous l'influence d'un spasme nerveux
et elle ne se sentait ni la force ni le désir de se lever. Au bout de
quelques miuutes, le mouvement rapide de la musique et l'intensité
des sons làTanimèrentiet lui rendirent presque toute sa connaissance.
Ce fut alors qu'elle reconnut des motifs, que le violon d'Edmond lui
avait cent fois fait entendre-, elle commença soupçonner le but de
cette sérénade, et elle se mit sangloller de joie. La pauvre enfant,
tout-éperdue de bonheur, sauta bien vite bas de sou lit, et, tout en
chancelant de convulsions spasmodiques, elle courut vers sa fenêtre...
Celles d'Edmond étaient alors ouvertes, et sa chambre était resplen
dissante de clarté. Henriette n'entendit et ne vit rien davantage;
elle tomba privée de sentiment et ne revint la vie que longtemps
après, quand les deux maisons étaient déjà rendues au silence et
l'obscurité.
Le lendemain matin, la jeune fille était brisée d'émotions, et le
vieillard était d'une humeur massacrante il remarqua la pâleur
d'Henriette, et il alla tout naturellement au-devant des explications
qu'elle allait lui donner cet égard, eu s'éoriant avec colère
C'est l'abominable tapage de cette nuit qui t'a rendue malade.
Les misérables! les musiciens de village! se sont-ils assez escrimés
de leurs ophicléides, de leurs trouibonnes En vérité, rien ne man
quait ce concert de démons que les détonations de l'artillerie
Brrrr continua-t-il avec un rire amer, nous payons bien cher une
police pour veiller au repos de Paris, et voilà que le cuivre de M-
Kossiui, que je croyais caserué l'Opéra, va faire invasion dans nos
paisibles quartiers, pour épouvanter nos femmes et troubler le sorn*-
meil des gens hounêtes... J'espère bien que les propriétaires de la
rue porteront leurs plaintes au préfet de police, afiu que ces pertur
bateurs de l'ordre .pubHc soient sévèrement punis... Ce pauvre Ed
mond doit avoir passé une triste nuit Je ferai demander de ses nou
velles en sortant du Cabinet de lecture.
Henriette croyait dormir encore et ressentir l'effet d'un pénible
cauchemar, lorsqu'elle entendit cet anatbême sur la musique d Ed
mond; car c'était elle qui avait été exécutée pendant la nuit. Les
artistes de l'Opéra-Comique, dans l'enthousiasme du succès qu'avait
obtenu leur camarade, s'étaient réunis spontanément pour aller, ;*u
sortir du théâtre, jouer sous ses fenêtres les plus jolis motifs de l'opéra
que le public venait de couronner.
Ainsi donc l'objet des plus chères espérances d Edmond et d'Hen
riette devait en causer la ruine; la gloire que le jeune musicien venait
d'obtenir allait le ranger au nombre des compositeurs privilégiés de
la nouvelle école, et par couséqueut au milieu des antagonistes les
plus détestés de l'opinion musicale de M. Straub. Jamais cette idée
ne s'était offerte l'imagination des imprudents jeunfes gens, et