JOURNAL D'YPRES ET RE L'ARRONDISSEMENT.
2e ANNÉE. N° 208.
JEUDI, 27 AVRIL 1843.
FEUILLETON.
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IHTEIIIEI'R,
YPRES, le 26 Avril.
LES PRÉLATS BELGES.
Après avoir élevé la voix, pour rendre la
Belgique son indépendance, nos évêques ont
pris tâche maintenant de la réduire sous leur
joug. Depuis longtemps les hommes clairvoyants
ont aperçu la trame de cette intrigue, mais le
peuple Belge, franc et loyal, ne pouvait se faire
l'idée de voir ses prélats, qu'il avait appris
vénérer, jouer un double jeu, et ne prêcher la
liberté que pour la lui ravir un jour leur profit.
C'est ce qui est arrivé cependant. A peine
l'encyclique a-t-elle paru, que nos évêques dé
mocrates se sont empressés d'adhérer cet ordre
de Rome, et du jour au lendemain, eux et leurs
adhérents ont blâmé ce qu'ils avaient préconisé,
méprisé ce qu'ils avaient acheté au prix d'une
révolution.
Depuis ce jour la bannière de la réaction a
été arborée sous la direction de l'aréopage de
Malines. C'est de là que partent toutes les at
teintes portées nos franchises, c'est là qu'on
élabore tous les plans subversifs de nos libertés.
Bien des personnes, qui la vérité, quand
elle n'est pas agréable, déplait, ont voulu long
temps se faire illusion sur les entreprises ré
trogrades de nos évêques l'endroit de notre
Constitution. Mais la vérité n?a pas lardé se
faire jour. Dès ce moment, le parti ennemi de
nos libertés a été jugé, on l'a flétri du nom de
cléricalon l'a nommé parti-prêtre et jamais
dénominations n'ont été mieux appliquées.
La faction qui a rêvé l'oppressiffu de la Bel
gique, tire en efFet sa principale force de cet
esprit de servilité et d'obéissance passive de ses
adhérents, quand les chefs ont parlé. Ces chefs
sont les évêques. Ce sont eux qui, du fond de
leur palais, donnent le mot d'ordre. Au nom de
celte religion, qui, son apparition, fut un pre
mier cri de liberté jeté au monde, on prêche la
croisade contre cette Constitution, dont la con
quête a fait répandre tant de sang.
Il est inutile de dire que cette levée de bou
cliers de la part des évêques contre les lois de la
Belgique, n'est point amenée par un intérêt
.religieux. Non car jàmais l'autorité reli
gieuse (puisqu'autorilé il 'y a,) n'a été plus libre
dans son action. Les pensions des dignitaires
ecclésiastiques mêmes ne sont acceptées par eux
que comme une liste civile. Ils n'ont donc point
se défendre, ils sont Agresseurs et au nom de
cette religion de paix et d'amour, dont ils. de
vraient plus que les autres se trouver pénétrés,
nos prélats se sont mis la tête du mouvement
réactionnaire. Ils ont abusé de la liberté qui
leur a été octroyée, pour semer la discorde et
diviser le pays.
Que ceux qui doutent encore de la part prise
par nos évêques dans ces dernières luttes, se
donnent la peine de lire un article de la Revue
des deux Mondes. L'auteur est, si nous ne nous
tromponsun des principaux rédacteurs de
Y Indépendant. Le passage suivant en est un
extrait.
Le parli catholique est le plus puissant, parce que comme tout
parti soumis ane autorité qui ne discute pas, il est plus solidement
organisé. C'est le clergé qui le dirige, et le clergé obéit a'veugiement
ses évéquesDans les élections générales les rôles sont arrêtés
d'avance, les candidats désignés, les manœuvres électorales exécutées
avec cet ensemble d'action qui caractérise l'obéissance hiérarchique,
lia son budget volontaire, que d'abondantes souscriptions volontaires
alimentent et qui pourvoit ses dépenses politiques. Euûn il a formé
l'aide de l'é^i.ipopat un état dans l'étatLe parti oatholique
compte peu de noms, les évéques, hommes très-remarquables pour
la plupart, en'sout les chefs réels quoiqu ils ne se tiennent pas dans
la lumière. L'archevêché de Malines en est le centre
Ouinos évêques sont des hommes remar
quables, s'il suffit pour l'être, de prétendre i*avir
la liberté un pays qui a eu l'imprudence de
mettre entre leurs mains assez de force pour le
troubler s'il suffit d'avoir créé et discipliné une
faction fanatique disposée faire bon marché
des lois fondamentales du pays. Alors ils sont
remarquables mais comme hommes seule
ment, agités par une ambition insatiable que
rien ne peut assouvir; comme mauvais prê
tres, parce qu'ils mettent dans leurs désirs,
l'autorité temporelle au-dessus de leurs devoirs
spirituels. L'expérience a dû leur prouver qu'une
religion appuyée sur le pouvoir perd de sa force
et ne semble plus être qu'uu instrument d'op
pression.
Quelques-uns d'entr'eux sont certainement
remarquables, mais ce n'est nullement comme
évêques qui ont pris pour modèle cet archevê-
que de Lyon, M. De Bonald le nom d'un d'en
tr'eux ira la postérité flétri du nom de traitre
son roi et son pays.
Le'succès R seriôblé jusqu'ici couronner les
tentatives do clergé belge, guidé par ses évê
ques. Qu'ils se tiennent en garde cependant, le
jour des revers peut n'être pas éloigné. Qu'on
n'oublie point que toute action violente amène
une réaction certaine. -
Certaine feuille locale s'est permise de nous
taxer - d'iilconsidération parce qu'elle prétend
que nous aurions dit; que la ville était prête
céder une partie de ses droits sur instruction
moyenne au gouvernement et l'évêque. Le
Progrès ne peut avoir dit cela récemment, at
tendu que depuis longtemps la douhle-HKjpec-
tion est admise et que le Conseil communal l'a
officiellement annoncé l'évêque. Mais si nous
.(avons dit, nous soutenons avoir bien dit; nous
répétons encore que c'est une concession
et aussi longtemps qu'il n'interviendra pas de
loi, qui règle l'instruction moyenne, l inspeclion
LA MAIN DE LA MADONE.
chronique vénitienne (1700).
II. (Suite,)
Un jour de bonne résolution, Giuseppe se para de ses babils de
fêle et se rendit chez Giacomo Bariletta, dans le dessein de lui faire
connaître franchement les sentiments qu'il éprouvait pour sa fille.
Mais la destinée funeste qui pesait sur lui le poursuivit jusque dans
la demeure de celle qu'il aimait. Lorsque Giuseppe s'oilrit ses re
gards dans la maison de son père, Maria éprouva un saisissement si
violent qu'elle se trouva mal. La signora Bariletta et son mari ne
manquèrent pas d'attribuer sou évanouissement la terreur que lui
inspirait le réprouvé. Giuseppe voulut expliquer sa démarche, mais
son émotion avait jeté de l'embarras jusque dans le son de sa voix.
Le vieux gondolier et sa femme le contraignirent se retirer avant
qu'il eût pu faire connaître ses intentions. Toutefois la signora Bari
letta les soupçonna vaguement, et sa frayeur, en y réfléchissant, fut
aussi grandè que si quelque ogre se fût présenté pour dévorer sa fille.
Lorsque le trouble de Maria fut calmé, les appréhensions de sa mère
et l'indignation de son père lui semblèrent si difficiles combattre
qu'elle ne se sentit pas le courage de l'essayer.
Mais il était écrit que cette démarche intempestive déciderait de
l'avenir du pauvre gondolier. Un de ses confrères qui avait élevé
des prétentions la main de Maria et qui avait fait agréer ses vœux
aux parents de la*jeune fille, se regarda comme personnellementof-
4fcnsé par la téméraire démarche de Giuseppe. Il résolut d'en tirer
une vengeance, une vengeance italienne^ sûre et terrible.
Le lendemain de ce jour fatal, un inconnu entra sur le soir dans la
gondole de Giuseppe.
Au Lido, dit-il d'une voix presque étouffée par le! manteau
qui lui couvrait entièrement le visage.
—'«Un seul coup de cette bonne dague t'en éloignera pour tou
jours, n répoudît le passager en se débarrassant de sôii manteau et en
se précipitant sur Giuseppe.
Le gondolier n'avait pas eu le temps de se mettre en défense j ce
pendant il opposa le manche de son aviron au tranchant de la dague.
Mais comme.le coup était violent, et qu'il fut.obligé de faire un faux
mouvëmeut,pour le parer, il perdit l'équilibre et tomba dans l'eau»
«Dans quelle partie du Lido?» répondit le gondolier en démar- entraînant avec lui l'aviron et la dàgue qui s'y était profondément
rant sa gondole, n Les sables sont vastes et plus d'un canal y conduit. fixée.
Aux sépulcres des Juifs. Giuseppe qui était, comme la plupart des gondoliers, un e&éèUcut
C'est un endroit peu convenable pour une promenade l'en- nageur, eut bientôt réjoint la barque, lyiais l'inconnu s'opposa de
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trée de la nuit. 11 n'y a qu'un amoureux ou un bravo qui puisse
choisir ce lieu de propos délibéré. Mais ce ne sont pas mes affaires et
je ne suis pas responsable des desseins ni des actions de mes passagers.
longtemps avant que la barque fût arrivée en vue du Lido la nuit
était tombée tout-à-fait. Le passager ne faisait pas un seul mouve
ment, et ses regards étaient continuellement fixes sur le gondolier
qui ramait en silence. Enfin Giuseppe s'appuya sur son aviron en le
T tenant presque horizontalement couché sur la tolletière, tandis que
le canot filait rapidement sous la dernière impulsion du vigoureux
rameur.
Si l'obscurité, dit-il, ne confondait pas les objets vingt
brasses de la gondole, nous verrions déjà poindre au milieu dessa
bles les sépulcre^qûe vous cherchez. Deux coups d'aviron vont nous
conduire au rivage. w
tout son pouvoir au dessein du gondolier, et il essaya de délacher de
la nacelle les doigts qui s'accrochaient ses bords comme des grap-
pins de fer. Non-seulement les efforts de lassassio ne suffirent point cJS-
cette mauœuvre, mais ils le mirent la disposition de sa victime
car Giuseppe réussit s'emparer d'une de ses mains;
-Pendant quelques instants les deux athlètes prolongèrent cette
lutte bizarre. Tantôt l'inconnu, cé.iaut l'étreinte puissante de Giu-
seppe, se penchait jusqu'aux bords de la gondole, et alors son ennemi^
se trouvant totalement submergé, perdait toute sa force. Tantôt il so*
retirait en arrière pour se dégager des bras d'airain qui le retenaient,
et alors Giuseppe, suivant le mouvement ascensionnel, se trouvait
près de franchir les bords de sa barque.
Cependant l'inconnu, quoique vigoureux y s'affaiblit par degrés un
dernier effort de sou redoutable antagoniste l'entraîna dans EAdria-