JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
JEUDI, 4 MAI 1843.
3' ANNÉE. N° 21#.
FEUILLETON.
Tout ce ,'^ui concerne la ré
daction doit être adressé, franco,
l'éditeur du journal, Ypres.
Le Prcjrc parait le Dimanche
et le Jeudi de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
On s'abonne Ypres, rue du
Temple, 6, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT
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Prix d'un numéro 0-35
YPRES, le 3 Niai.
A NOS LECTEURS.
y a deux ans, pareille époque, le Progrès
parut pour la première fois Ypres; alors déjà
le pays s'agitait aux préoccupations d'une lutte
l'issue de laquelle est attaché sou avenir, alors
les meilleurs esprits comprirent que la question
décider se résumerait désormais en ces termes
La Belgique suivant l'élan progressif que la
civilisation a imprimé au monde moderne, per-
sévérera-t-elle dans la voie de l'émancipation
ou abandonnant les soins de sa dignitéeu
même temps que ceux de ses intérêts moraux
se laissera-t-elle exploiter par quelques faiseurs
ambitieux et hypocrites, en un mot, se laissera-
t-elle traîner la remorque des nations éclai
rées?
Un compte-rendu succinct suffira pour rap
peler nos lecteurs que tel était en effet l'état
des choses, lorsque notre journal fut fondé
Le ministère libéral, encore debout." était le
point de mire des attaques les plus furibondes
et les plus déloyales de la faction qui venait de
mettre l'ordre du jour de la chambre la main
morte cet avant-coureur de la dîme nos ad
versaires remplirent le pays d'irritation, puis ils
invoquèrent hypocritement l'irritation qu'ils
avaient semée, pour renverser une administra
tion qui n'avait d'autre tortque celui de ne
s'êlre pas prêtée docilementcomme celle qui
lui succéda, aux exigences libeiTici*l<<%du parti-
prêlre. y
Bientôt après, la croisade dirigée contre le
ministère fut tournée contre l'opposition aux
chambres; les "élections survinrent, et, Dieu
sait les efforts que tenta la faction, pour s'assurer
l'omnipotence. INous assistâmes alors un scan
daleux spectacle nous vîmes nos érêques lancer
des mandements électorauxetabusant de
l'ascendant que leur donne la juste vénération
du peuple pour le culte de ses pèresse faire
meneurs de parti. Dès lors, les subalternes en
couragés ou intimidés par le pernicieux exemple
et les ordres de leurs chefs ne craignirent pas
de conduire et de guider leurs ouailles dans l'a
rène où se vidaient nos débats politiques, comme
jadis, sous Vandernoot, il les conduisaient la
boucherie.
Cependant la presse cléricale déclarait ennemi
tout ce qui n'était pas dévoué la faction et
l'un de ses organes les plus incendiaires s'écria
quil fallait vaincre les libéraux en masse. On
sait du reste avec quel sentiment d'indignation
fut accueilli cet insolerit manifeste. Dès lors le
libéralisme menacé de proscription, dut pour
voir sa défense; il comprit que l'association
pouvait seule lui assurer cette unité d'action qui
fait la force de nos adversaires, et qui lui avait
longtemps manqué. Dès comités surgirent de
toutes parts, et la lutte commença s'organiser.
Ce fut de ce conflit entre deux principes
antipathiques que naquit le Proyrès. Placé sous
le patronage des hommes les plus recomman-
dables et les plus influents de notre cité, a-t-il
rempli le but de sa mission C'est ce qu'il ne
nous appartient pas de décider que le public
juge-
Nous avons jeté un coup d'œil rétrospectif sur
les causes qui ont provoqué la création du
Progrèsil nous reste signaler quelques-uns
des incidents les plus remarquables attachés
sa carrière de journal.
Il arriva comme on s'y attendaitdu reste
que son apparition fut de la part de dos adver
saire.-? le signal d'une manifestation peu dissi
mulée de dépit. Le Progrès n'était pas né encore
que déjà l'organe officiel de l'évêché de Bruges,
le Nouvelliste le condamnait par anticipation.
Ce n'est pas tout, il existaità Ypresune ancienne
feuille d'annoncesfort innocente du resteet
fort insignifiantehors pour ce qui concernait
les annoncesnos adversaires tentèrent d'en
faire un organe de parti, et la feuille d'annonces
perdant sa candeur première, se mit, de par les
religieux et les moraux par excellence, crier
deux fois par semaine, que le Progrès était un
journal impie c'était là, il faut l'avouer, ré
futer maladroitement les arguments d un jour
nal qui s'est fait une loi de respecter constam
ment la religion, tout en arrachant le masque
des fourbes qui en font un marche-pied, pour
s'élever en richesses, en honneurs et en puis
sance lin levier pour soulever de mauvaises
passions.
On sait qu'entr'autres privilèges, nos adver
saires revendiquent surtout çelui d'être lus seuls
et crus sur parole. Aussi organisèrent-ils bientôt
contre le Progrès un autre genre de croisade
des affidés se mirent la piste du journal, s'ef
forcèrent d'en empêcher la lecture, et essayèrent
de détruire, au milieu d'une population éclai
rée l'effet que doit nêcessairemcut produire
une feuille qui a pris tâche de censurer tes
actes répréhensibles d'un clergé oubliant "qiie
sa mission est toute d'humilité, de charilé,
de conciliation. Los imprudents! ne savent-
ils donc pas que la vérité se fait jour, quel-
qu'effort. que l'on fasse, pour la tenir sous le
boisseau
Telle fut, telle-est encore aujourd hui la po
sition du Progrès vis-à-vis de la caste qui nous
opprime et qui voudrait étouffer jùsquiJarrai
son. Quelle poursuive sa tâche, nous poursui
vrons la nôtre, et nous verrons en définitive
dans lequel des deux plateaux dè la balance le
bon sens public jettera son poids. Nbus ne pous
préoccuperons pas plus que par lé- passé, des'
injures grossières et des vaines déclàmàlîros
LA M AIN DE LA MADONE. -
chronique vénitienne (I70QJ.
III. fSuiie ét Fin.)
Les conseils de Giuseppe étaient sages. La comtesse Anina, pleine
de reconnaissance pour ceiai^qui avait conservé les jpurs de sbîi fils,
déclara que si elle échappait au péril, qui-la menaçait encore, son
plus cher désir serait ^d'assurer son bonheur et celui de sa fiancée,*.
En attendant l'arrivée de Ferdinando, elle quitta ses riches vête
ments pour prendre ceux de Maria, la jolie fille de la matrone, et
comme il eût été impossible cette deriiière de oacher une étrangère
dans sa maisou, Aniua fut présentée au voisinage comme une pa
rente. Pour aider la vraisemblance, la jeune dame prit gaimeht
sa part des travaux du méuage, et les caresses qu'elle prodiguait
son enfant compensaient largement les privations que lui imposait
sod séjour dans l humble maison de sa libératrice. A
Enfin, lorsqu'on sut le retour de Ferdinaudoà Venise, les cônfé-
déiés tinrent conseil. Les femmes étaient d'avis de faire tout savoir
au capitaine. Mais le prudent Giuseppe fit observer qu'en raison de
la surveillance dont Ferdinando était l'objet, le seigneur Ruberto
Pavola uepourrait manquer de surpreudretoutesles communications
de ce geuie et de reconnaître ainsi la retraite de sa nièce, L^ayis de
Giuseppe prévalut Une seconde fois, et dès le soir même, U déclara
tion d Anina au conseil des Trois fut déposée dans la gueule du Lion
de Sainl-Maro.
La dénonciation de la sTgnora Anina fut communiquée au conseil
par l'un dessecrétaires.Xa plaignante, tout en iuvoquant les privilèges
de son rang, ne faisait counaître ni son nom, ni celui du sénateur
qu'elle accusait; elle se contentait de désigner le crime et elle de
mandait s'en expliquer devant le conseil des Trois.
Tandis que" le secrétaire donnait lecture de cette accusation, dont
le titre de la plaignante et le rang de l'accusé faisaient une affaire de
la plus haute importance, les figures graves et sévères des trois juges
suprêmes ne laissèrent voir aucun signe de méoontenlemenl ou de
curiosité. Un silence glacial succéda, comme de coutume, la com
munication du secrétaire; celui des trois sénateurs qui remplissait les
fond ions de président n'éleva la voix pour émettre sa propre opinion
que lorsqu'il se fut écoulé un assez long temps pour que chaque
membre eût pu asseoir sou jugement.
- Le sénateur rappela ses collègues que si tops les enfants de Venise
-avaient indistinctement droit la haute protection du conseil des
Trois, plus forte raison utie daine de naissance illustre devait être
admise faire valoir ses griefs contre un des princes de 1 état, dût-il
être le doge lui-même. Eu conséquence, le juge proposait ses col
lègues d'expédier l'instant au signor Ferdinando Celini, capitaine
de là milice, affectée la garde du doge et du sénat, l'ordre d'aller
chercher, .avec quelques soldats d'élite, la noble signora qùLvéqj^-
mait fa protection du conseil, afin que l'emploîdes sbires, dans cette
circonstance, tféflVayât pas inutilement la jeune et illustre dame.
Cet avis^. qdi devait nécessairement entraîner là perte du signor
Ruberto Pâvolà,' préfàlut; il fut décidé l'unanimité que la plai
gnante était dé-Ce moment sons la protection immédiate du conSeili
et que le signor. Ferdinandesérait chargé d'aller ofTrir une garde
d'honneur la comtesse pour la conduire dans l'un des appartements
du palais duc'aL.
Or, lç sénateur qui avait provoqué cette décision n'était autre que
le signor Rufierto P^vohi lui-même, et le perûde vieillard avait de
viné quel étaV i'auteur de la plainte.
Un autre que Rqberto eut tenté de détourner l orage en essayant
de faire mettre la dénonciation au néant. Mais, soit que le vieux
sénateur, en véritable noble de Venise, préférât sa propre sûreté
l'accomplissement de. ses devoirs, comme président du conseil des
Trois, soil qu il craigujt qu'une simple opposition de sa part n eclai-'
rât ses soupçonneux collègues, il n'hésita pas un moment paraître
se condamner lui-même.
Deux heures après celte séance, le gondolier Giuseppe, mandé se
crètement au palais P a vola, était admis eu présence du vieux patricien.
Giuseppe, dit celui-ci en présentant au goudolier ub parche-
min auquel pendait le sceau de la république, «:tu es ibvesti des
fonctions de goudplier-patron au service de- l'état, èl dès y