INTÉRIEUR. JOtRNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. FEUILLETON. JEUDI, 8 JUIN 1843. 3e ANNÉE. N° 220. Y PRES, le 7 Juin. L'altenlion du pays et de la presse est fixée sur l'issue de la prochaine lutte électorale. Dans tous les arrondissements qui doivent renouveler le mandat de leurs représentants, l'esprit public n'est occupé que du choix des candidats pour la représentation nationale. Le corps électoral paraît être sorti de la torpeur dans laquelle il paraissait plongé depuis 1834. Les électeurs in dépendants semblent animés du vif désir de déplacer la majorité de la chambre et du sénat. Tout paraît jusqu'ici combler les vœux des libéraux belges. Après avoir été opprimé, tenu sous le pied par le clergé, le pays s'est réveillé. La lutte tend s'organiser. Ce n'est pas que nous voulons nous dire certain du succès. Si nous triompherons dans quelques comices, nous aurons aussi des perles déplorer. L'essentiel pour le parti libéral, c'est de ne point recu ler. Pour nos adversaires qui se sont posés en maîtres absolus, le maintien du statu-quo est une défaite. Pour nous, ce serait une victoire. Si le parti libéral disposait seulement des moyens dont nos ennemis politiques peuvent faire usage, notre triomphe ne serait pas' douteux un instant. Quand on voit la cour, le ministère et le clergé employer avec impudence tous les moyens même la corruption, faire élire les apô tres de la réaction et que, loin d'emporter leur nomination de haute lutte, ceux-ci ne sont souvent élus qu'à un très-petite majorité, il faut en convenir, ces faits démontrent la puissance de l'opinion libérale réduite elle-même. Quand même nous ne parviendrions pas encore cette fois modifier la majorité réactionnaire, il ne faudrait pas désespérer. Luttons toujours avec persévérance et le succès couronnera nos efforts dans l'avenir. La commune de Wytschaete a été agitée il y a peu de jours d'une manière inusitée l'occa sion de l'enterrement d'un habitant de la même commune, mort récemment sans avoir reçu les sacrements. Voici les faits qui nous sont signalés cette occasion Le nommé V..., homme avantageusement connu sous le rapport de la probité et des sen timents religieux tombe malade. Son état empirant rapidement suggère la famille l'idée de le faire administrer; elle s'adresse en consé quence au sieur Boone, frère du jésuite de même nom et curé de la paroisse. Le curé se rend l'invitation des parents, mais le malade, soit ignorance de son état soit répugnance se confesser au curé auquel il n'accordait pas plus sa confiance, qu'à son vicaire, puisqu'il est no toire qu'il avait l'habitude de venir faire ses ac tes,, de dévotion Ypres, refusa de répondre aux exhortations du prêtre il mourut. Il fallut procéder l'inhumation; alors le curé qui, ce qu'il paraît, voulait un éclat, déclara que les dépouilles mortelles ne pouvaient repo ser en terre sainte sans une autorisation de l'évêque. Pendant qu'il en référait son chef, l'autorité intervint, et il fut décidé que, non- seulement, le défunt serait enterré au cimetière commun, mais encore qu'il serait loisible ses amis de venir dans l'église, réciter une prière sur son corps, et pour le repos de son âme. Un cortège improvisé se mit en marche; mais le curé informé de son approche, ferma de son autorité privée la porte du temple et se retira cbg.z lui avec les clefs, non sans vociférer contre l'impiété du siècle, notamment contre celle qui distingue la ville d'Ypres entre toutes les autres villes. (l) ;Celteâulorisation ne fut point accordée. Ces faits ont soulevé Wytschaete une indi gnation générale, et nous avons cru devoir les enregistrer, tant pour l'édification "Au public, que parce que nous considérons ce nouvel acte de modération cléricale comme propre servir d'argument contre ceux qui s'obstinent pré tendre tort que le clergé n'est pas intolérant. C'est bien le cas ici, ou jamais de s'écrier Quousque tandem iS-i VILLE D'YPRES. conseil communal. Séance publique. Jeudi8 Juin 1843, quatre heure* de relevée. Ordre du jour 1° Proposition de la part des Hospices de ven dre une partie de terre provenant de la fonda tion de la Ladrerie, au sieur Vandermeersch- Deneckere, marchand de vins en cette ville. 2° A délibérer sur le changement du tarif sur les boissons distillées l'exportation et l'im portation. 3° A fixer les réjouissances publiques l'oc casion de la fête communale, (Tuyndag). 4" Vérification des pièces concernant une concession de bail emphytéotique d'une partie de terre appartenante la ville, située au nord" de l'étang de Dickebusch. 5";Approbalion du compte de l'administra tion dé la caisse d'amortissement pour l'exercice 11142. v 6° Approbation du budget de l'administra tion des Hospices civils; pour l'exercice 1 {143. 7Approbation du compte de l'administra tion des Hospices civils-, pour l'exercice 1842. 8° Approbation du cahier des charges de la location d'une maison et terres labour, appar tenantes^ la fabrique de l'église S'-Nicolas. 9° A stàtuer surîes pétitions des habitants de la rue André Gérarct. (Suite.) IV. Trois mois se sont peine écoulés, depuis le jour où nous avons.yu pour la première fois le vieux pécheur d'Ischia assis devant la porte de sa maison, rayonnant de tout le bonheur qu'il avait su créer au tour de lui, trônant comme un roi sur son baijo de pierre, et bénis* sant ses deux enfants, les plus beaux de lile. Maintenant tout est changé dans l'existence de cet homme, na guère si heureux et si envié. La riante maisonnette qui se penchait sur le golfe, comme un cygne au bord d'un vivier transparant, est triste et désolée. La petite cour, bordée de lilaset d'aubépine, où des groupes joyeux venaient s'asseoir la chute du jour, est silencieuse et déserte. Aucun bruit humain n'ose troubler le deuil de cette morne solitude. Seulement, vers le soir, le flot de la mer, ému par de si grands malheurs, vient murmurer sur la grève des notes plaintives. Carminé a été condamné. La nouvelle de la mort du noble prince de Monte-Forte, si jeune, si beau, si universellement adoré, ne mit pas seulement en émoi l'aristocratie napolitaine, mais toutes les clas ses en furent profondément indignées. Il fut pleuré partout le monde, et un cri de vengeanceunanime s'éleva contre le meurtrier. La jus- lice informa avec une effrayante promptitude. »?Âu reaté!, les magistrats appelés par leur office juger cette déplo- ràbje^îîaire firent preuve d'une intégrité irréprochable. Aucune con sidération étrangère leur devoir, aucun égard dû une famille si noble et si puissante ne put ébranler la conviction de leur con science. L'histoire a gardé le souvenir deoe mémorable procès, et elle n'a aucun reproche faire aux hommes qui ne s'adresse en même temps l'imperfection des lois humàines. L'apparence, ce fatal dé menti que le génie du mal donne si souvent ici Êas la vérité, acca blait le pauvre pêcheur des preuves Ips plus évidentes. Ménico, chez qui la peur avait disajpé les scrupules, interrogé le premier en sa qualité de confident du jeune prince, déclara avec une froide impudence que son illustre maître,,ayant montré le désir de se dérober pour quelques jours aux importunités d'une jeune dame, dont la passion commençait le fatiguer, il l'avait suivi dans l'île avec trois ou quatre de ses domestiques, et qu'il avait adopté lui-même le déguisement de pèlerin, ne voulant pas trahir l'incognito de son excellence aux yeux des pêcheurs, qui.n'auraient pas manqué d'ob séder de leurs sollicitations un si puissant personnage. Deux gardes champêtres qui s'étaient trouvés par hasard sur le versant de la colline, au moment du crime, confirmèrent par leur témoignage la longue déposition du valet j cachés par un taillis, ils avaient vu Carminé fondre sur le prince, et avaient distinctement entendu les dernières paroles du mourant, criant au meurtre. Tous les témoins, ceux-là même qui avaient été assignés la re quête de l'accusé, aggravaient sa position par leur déclaration qu'ils "vi; s'efforçaient de rendre favorable. Aussi l'instruction,'avec sà perspi cacité habituelle sinon infaillible assurance, avait-elle établi que le prince Luigi de Monte-Forte, dégoûté momentanément du séjourdç la ville, s'4tait réfugié dans la petite île d'Ischia pour s'y livrer pai siblement aux plaisirs de la pêche, qui avait été de tout temps son goût prédominant (preuve était annexée au dossier que le prince avait assisté constamment tous les deux ans la pêchèdu thon dans ses do maines de Palerme); qu'une fois ainsi caché dans l'île, Carminé avait pu le reconnaître, étant venu, peu, de'jours auparavant, accompagner sa sœur la féte de la Madone de l'Arc, et avait sans doute formé le projet de l'assassiner; Dans |a jonrnée qui précéda |a nuit du crime", on avait remarqué l'absence de Carminé, et l'agitation de son père et de sa sœur. Vers le soir, le prince avait congédié son domestique et était sorti tout seul, suivant son habitude, pour se promener au'bord de la mer. Surpris par l'orage et ne connaissant pas les détours 1 île, il avait erré autour de la maison du pêcheur, pour chercher un abri. Alors Carminé, encouragé par les ténèbres et par le bruit de la tempête, qui devait couvrir les cris de sa victime, après une longue hésitation, s'était décidé consommée son crime, et ayant fait feu sur le malbeureux jeune homme sans pouvoir l'atteindre, il l'avait achevé coups de hache enfin, au moment où, aidé par Prospéro, it allait jeter le cadavre la mer, les serviteurs du prince ayant paru, les assassins étaient montés la chambre de la jeune,iille, et ayant imaginé leur fable absurde, s'étaient mis genoux devant la "Vierge pour donner le change la justice. - - -32! |fp Tout ce qui concerne la ré daction doit être adîreSsé,franco, l'éditeur du journal, Ypres." 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