JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. INTÉRIEUR. 3e ANNÉE. N° 225. DIMANCHE23 JUIN 1813. FEUILLETON. On s'abonne Ypres, rue dtf Temple, 6, et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre. Pour Ypresfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro 0-35 Tout ce qui concerne 1» ré daction doit être adressé,franco, l'éditeur du journal, Yprei. Le Progris parait leDimanobr et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligna. TT PRES) le 25 Juin. L'opinion libérale n'a qu'à se féliciter du ré sultat de la lutte électorale. Quoiqu'elle n'ait point répondu entièrement son attente, il est un fait désormais certain, c'est que la majorité du corps électoral lui est acquise. En additionnant les voix obtenues par les candidats libéraux et, d'un autre côté, celles ob tenues par les candidats cléricaux, on trouve que les premiers ont eu 23.0-45 et les seconds 22.172 votes. Les voix données aux candidatu res mixtes, celles qui ont été appuyées par les deux partis et aux candidatures libérales oppo- séesà d'autres candidatures de la même opinion, ont été laissées en dehors de ce calcul. Il en Tésulte que les voix obtenues par les candidats «libéraux dépassent de plus de 800 le nombre de voix données aux candidats du parti-olérical. Ge calcul fait par 1 Observateur démontre ce que le parti clérical espère gagner, en désirant de tout cœur l'application du principe du frac tionnement aux élections générales. Dans les districts qui ne comptent que peu d'électeurs, le clergé prédomine. Mais dans les grands cen tres de population, son influence y est nulle. En divisant le pays en autant de bureaux qu'il y a de fois 40,000 habitants, on espère neutraliser cette influence des grandes villes et trouver dans l'esprit de localité, un auxiliaire qui ferait reconquérir au parti clérical, cette majorité qui est déjà perdue pour lui. On doit sentir, maintenant que le libéralisme a acquis la majorité du corps électoral, combien une modification de ce geure porterait obstacle au développement de son influence. Le cordial M. Demonceau, appuyé par M. Éloy iWlde Bur- dinnea déjà fait la chambre l'éloge du frac tionnement. Mais le temps n'était pas encore venu de lancer une proposition aussi hardie. M. De Theux a daigné ne pas approuver la con duite de ses amis et s'est contenté de dire, que pour le moment, il ne demanderait aucun chan gement la loi électorale. Reste voir si les dernières élections n'ont point modifié ses pro jets cet égard. Un fait extraordinaire résulte de ce calcul c'est que la minorité du corps électoral forme la majorité la chambre des représentants. On peut expliquer facilement celte anomalie, qui n'est que latconséquence des bases vicieuses et partiales du droit électoral. Les bureaux qui comptent le plus de votants sont ceux des grandes villes et proportionnellement ils ont plus d'électeurs que les districts qui n'ont point pour chef-Jieu, un grand centre dépopulation. Tout a été combiné dans la loi électorale pour donner la prépondérance au parti clérical et nous pouvons dire hardiment que la majorité du pays légal n'est point" représentée au palais de la nation, aïnAî qu'elle devrait l'être. Dimanche dernier a eu lieu la procession annuelle de la Fête-Dieu les autorités civiles et militaires n'y assistaient pas. De là réflexions, observations commentaires et qui pis est commentaires peu bienveillants, comme le fait observer dans un article fort poli du reste, notre confrère de la Grand'Place. Nous pensons avec notre confrère que le clergé, en négligeant dinviter lautorité civile est la seule cause qui a déterminé l'abstention de nos magistrats mais nous douions fort que tes membres de notre administration commu- nate àiffnf vu d'ans cette négligence une simple question d étiquette. Nous vivons une époque où les deux puis sances existent, sinon de droit, au moins de fait. Le clergé cherche chaque jour gagner du terrain dans le domaine de l'autorité civile. Peu peu il néglige les égards qu'il lui doit. Nos magistrats ont voulu protester tacitement con tre celte tendance illégale et nous ne pouvons que les féliciter d'avoir, en cette circonstance, défendu les prérogatives de l'autorité civile. Quant l'espèce de dispense que le chef de l'autorité civile aurait octroyée, nous sommes convaincus, que c'est là une assertion hasardée et que le désir de disculper l'autorité ecclésias tique a seul fait émettre. Notre confrère et le public ne doivent nulle ment craindre que nos magistrats aient voulu fronder les sentiments religieux de leurs conci toyens, le vote unanime du conseil qui a décidé le 14 de ce mois, d'assister la procession en corps et en masseest une réponse péremptoire cette insinuation peu charitable. Quant l'autorité militaire et la gendar merie, les chefs de corps n'ayant pas été requis ni invités par qui que ce soit, ne pouvaient donc mettre leurs hommes sous les armes. Si nous écrivons ces lignes, c'est moins pour répondre l'espèce de sommation que nous lance notre confrère, que pour défendre la vérité et la justice, ainsi que les droits de l'au torité civile. Après tout, c'est là une affaire peu grave, car nous espérons qu'à l'avenir d'un côté les formes seront observées et que de l'autre, nos magistrats voudront bien se rendre l'in vitation qui leur sera faite. En terminant, nous ferons remarque? que nous sommes fiers et heureux de compter des amis parmi les conseillers communaux, parmi ces hommes qui, aux dernières élections, ont su réunir une si imposante majorité. Nbus sommes heureux en outre, de la bienveillance qu'ils veulent bien nous montrer, car les con fidences qu ils nous font, profitent tous, puis qu'elles nous mettent même de rendre pu bliques, les-décisions de notre administration communale.' Nous pensons que nos concitoyens voient celle circonstance _avec plaisir. UNE PARTIE D ECHECS. II. («Suite.) le cachot. C'était un tableau curieux voir et digne de la savante palette de Rembrandt ou de Salvator Rosa, que cette partie bizarre engagée entre le prêtre et le condamné. Le jour éclairait la figure noble et pâle de don Guzman, et les raypns qui s'échappaient de la fenêtre en ogive se brisaient sur la face bienveillante de Ruy Lopez qui, tout en jouant, essuyait fe dérobée des larmes que la pitié faisait couler Les émAjLions des deux joueurs étaient bien différentes} Ruy Lopez jouait a'jÇec une distraction qui ne lui était pas habituelle, ce qui le rcndaf^ fùférieur sa force ordinaire. Don Guzman, au contraire. paF unç Je ces bizarreries de la nature humaine, et stimulé par l'exal. tation qui le dévorait, jouait avec une adresse de combinaison ex traordinaire. En cé moment le sang de Caslille ne lui faisait pas dé faut, car jamais le duc n'avait fait preuVerde plus de lucidité et de calcul. Cette présence d'esprit pouvait être comparée la dernière lueur de la lampe qui s'éteint, au dernier chailt plein d harmonie du cygne mourant. Le noble pair paraissait, en eftct,-détaohé de la terre et libre de toute pensée décourageante il semblait être déjà passé l'étatd'essence spirituelle, auquel le bourreau allait bientôt le réduire* Don Guzman^avait attaqué son adversaire avec une impétuosité qui dès lors lui avait acquis une Victoire presque certaine. Ruy Lopez» oubliant, malgré lui, pour ainsi dire, ses tristes préoccupations, se défendait vaillammenf, mais tout son savoir était peu près inutile. La parlie'était devenue de plus en plus compliquée. L évêque cher chait pftrer un échec mat inévitable^mais loin encore, et" don Guz man luttait avec cette frénésie que donne l'assurance d'un succès prochain. Le monde était oublié} le temps passait sans qu'on pensât lui. L'univers, c' était l'échiquier il y avait pins qu'une vie d'anxiété dans chaque mouvement! Heureuse illusion* si Dieu eût permis qu'elle durât Mais non, les mfuutes ont franchi les distances qui les séparent des quarts, les quarts des demi-heures, et l'heure fatale est arrivée! Un bruit lointain se fait entendre} il approche, il grandit la porle a tourné sur ses triples gonds de fer, et le duc est arraché son jeu et son rêve par laréalité froide et terrible qui se présente lui sous les traits du bourreau!... Les satellites de Calavar, armés de torches et d'épées, s'avancè rent portant un billot couvërt d'un drap noir, et dont la destination était assez annoncée par la hache qu'ils avaient posée dessus. Us mirent leurs torches dans les niches préparées, pendant qu'un d'eux jetait sur le sol de la poudre de cèdre. Tout cela fut exécuté en un instant, on n'attendait plus'que le condamné. Ruy Lopez se leva tremblant là vue de'Calavarj mais le duc ne txAigea pas, i resta les yelix fixés sur-l échiquier, sans faire attention ni aux hom mes, ni au billot! C'était son tour de jouer. Calavar voyant cette immobilité, mit sa main sur l'épaule du duc, i t j puis il ne prononça qu'un mot, un seul mais dans ce mot il y avait de perdu toute une jeunesse, tout un passé, toute une vie! 11 dit Venez! Le prisonnier tressaillit comme s'il eût mis le pied sur un serpent. laissez-moi donc achever ma partie, dit-il impérieusement.r Impossible, répondit Calavar. —i Mais, drôle! je Lai gagnée. J'ai certainement un échec mat forcé. Laissez-moi lejouer. -h Impossible, répéta le bourreau. Les trois heures sont donc écoulées Les serviteurs,.qui étaient restés appuyés sur leurs épées, s'avan cèrent ces mots. Le duc élait placé contre le mur, au-dessous de l'étroite fenêtre,, La table se trouvait donc entre lui et Calavar. Il se Ieva.ct d'une Ydix impérieuse moi oelte partie, s'écria-l-il, et loi ma tête aprôé! Jusqu'à ce que j'aie fini, je ne bougerai pas. Il me fa4tuhe demi-hcuie attends' donc.

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Le Progrès (1841-1914) | 1843 | | pagina 1