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Notre confrère, malgré la formule dubitative
qu il employé, devrait fort bien savoir, que si
nous obtenons plutôt que lui la confiance de
nos conseillers, c'est que lui maltraite autant
que possible l'administration qui régit la ville,
tandis que nous, guidés par notre impartialité,
nous la soutenons, quand les actes qu'elle pose,
méritent noire appui et nous sommes heureux
pour la ville de n'avoir eu pour ainsi dire jus
qu'ici, que des éloges lui décerner.
NOUVEL EMBELLISSEMENT AU JARDIN PUBLIC.
On débite comme certain que l'autorité mu
nicipale vient de décider, qu'il sera établi une
première travée de balustrade au mur du Marché
au Bois, en face du Palais de Justice, et que la
ruine attenante ce mur disparaîtra pour faire
place une statue, obélisque, ou autre objet
destiné produire un point de vue l'entrée
du jardin par la rue de S'-Marlin. On ajoute
que la décision sortira son effet en tous points,
avant l'époque de la prochaine fête communale.
Si la version est exacte, chacun conviendra que
nos dignes magistrats ne pouvaient mieux choi
sir le moment de faire quelque chose d'agréable
leurs concitoyens, qu'en leur donnant pour
cadeau l'occasion de la fêle communale, un
objet qu'ils désiraient ardemment depuis long
temps. Aussi n y a-t-il pas un bon habitant
qui ne soit disposé prouver l'occasion, que
la mémoire du cœur ne lui fait jamais défaut.
Tandis qu'on ne néglige rien pour mener
perfection notre beau parc, I autorité ne peudra
pas de vue qu'un objet indispensable s'y laisse
désirer. Une pompe pour fournir de l'eau l'ar-
rosemenl journalier, y serait d une utilité in
contestable. Pour atteindre ce but, il suffirait
de placer l'intérieur du jardin la pompe qui
se trouve l'extérieur, au Marché au Bois. Celte
pompe de la forme la plus élégante serait un
ornement pour le jardin, tandis que dans la rue,
elle ne produit pas d'effet, Cette pompe, aussi
bien que celle de la rue des Récollets, ne con
viennent pas aux endroits de leurs situations.
Elles y offusquent la vue. Des pompes basses y
seraient infiniment (Jusconvenables. En plaçant
la première au jardin, on pourrait transporler
celle de la rue des Récollels, au milieu du carré
du cloître de S'-Marlin distance égale du
doyenné et de la maison de M. le notaire Van
Eecke, ou elle produirait un bien meilleur effet
que dan>-^t rue des Récollels.(1)
Du reste, il y a d'autres pompes qui ne de
mandent qu'à être mieux placées entre autres
celle de la fue du Temple, et celle de forme pi-
ramidale Esplanade.
On espère également que pour la même épo
que de la Tuindag. la partie du mur proxi
mité de l'ancienne cathédrale, cessera de défi-
gurer cet important quartier de la ville.
Cet espoir paraît d'autant plus fondé, qu'on
est convaincu qu'il suffirait que des hommes
(I) Outre cela, il lest certain qu'on lie saurait trop multiplier les
mcnvuî de se procurer de l'eau, proximité des édifices communaux,
tels que l'église de S':Martin, lé Palais dé Justice, la Bibliothèque
publique, le couvent des Clarisse», etc.
honorables, loyaux et désintéressés, tels que
ceux qui forment le personnel des administra
tions de la ville et de l'église, voulussent s'a
boucher pendant un quart d'heure pour que
tout soit convenu et arrêté. Démolir un vieux
mur, ériger un mur nouveau autour du terrain
du couvent, sont les points sur lesquels il s'agit
de s'eulendre.
11 suffirait que le mur ériger fût bâti en
panneaux et pilastres. Celte forme se marie
toute espèce d'architecture. Ce serait pousser
la manie du puritanisme gothique jusqu'au ri
dicule, que de vouloir donner au mur dont il
s'agitun aspect ogival. Il n'est aucunement
besoin qu'un mur de clôture soit calqué d'après
l'ordre architectural de l'édifice, dont ce mur
sert ceindre le terrain. Parmi les nombreux
exemples faisant autorité, on peut citer les Tui
leries le Luxembourg. Ces palais construits
d'après divers ordres d'architecture, ont pour
clôtures de leurs magnifiques jardins, des murs
panneaux quadrangulairesdes grillages,
barrières et balustrades du goût le plus mo
derne tels que ceux qui bordent la rue de
Rivoli.
Ainsi il ne faudrait autour du terrain du cou
vent, qu'un beau mur l'instar, mais moins
élevé, que celui du terrain du collège commu
nal comme il ne faudrait autour de l'église de
S'-Martin, en remplacement du mur démolir,
qu'une seule rangée de peupliers d'Italie, plan
tés les uns des autres, une dislance telle qu'ils
puissent faire l'effet d'un voile transparent, des
tiné rehausser l'éclat extérieur, de même que
la majesté intérieure de l'imposant édifice.
D'après certaines opinions, la sûreté et la dé
cence publiques pourraient être plus ou moins
compromises, en privant l'église de toute clô
ture du côté de la rue de S'-Martin. Mais de
telles idées sont évidemment erronées, si l'on
songe seulement que de ce côté, il ne peut y
avoir plus de dangers que de l'autre côté de la
même église au midi, entre ses deux porches,
et qu'au pourtour, dans tout leur circuit, des
églises de S'-Pierre et S'-Jacques. Or, comme
de ces trois points, il ne s'est jamais élevé de
plaintes, il est bien certain qu'on n'aura pas
se répentir d'avoir désobstrué la principale ab
side de l'église, ainsi que la rue de S'-Marlin.
Communiqué
MM. le comte de Beaufort, Suys, Roelants et
J. Dugniolle, membres de la commission royale
des monuments, sont arrivés vendredi dr en
cette ville. Ils ont visité l'église S'-Marlin et
n'ont pu que déplorer le triste état dans lequel
se trouve cet édifice, qu'ils ont longtemps ad
miré. Ces messieurs ont émis l'opinion que des
réparations considérables étaient urgentes pour
prévenir des catastrophes nous espérons qu'ils
appuieront les justes réclamations que mes
sieurs les fabriciens ne cessent de faire et que la
ville d'Ypres conservera un njonument qui
mérite de fixer l'admiration de tous.
Messieurs les membres de la commission
royale ont ensuite visité le bâtiment des halles
dans ses moindres détails; ils ont examiné avec
soin les travaux de restauration que l'on y exé
cute en ce moment et ont approuvé en tout
point, la manière de travailler que l'administra
tion locale avait adopté.
La bibliothèque publique, les archives, le
cabinet des beaux-arts les églises de l'hôpital
civil, delà Belle e t de l'Hospice S'-Jean ont aussi
fixé l'attention de ces messieurs, qui ont déclaré
que peu de villes marchaient plus rapidement
dans la voie du progrès que la ville d'Ypres, et
qu'ils avaient dans tout le pays, rencontré peu
de localités renfermant plus d'objets antiques et
d'anciens monuments.
S'il est vrai de dire que l'allégresse du peuple
est une preuve de la prospérité publique, il faut
avouer que l'industrie dentellière est dans l'état
le plus florissant. Jamais, en effet, les dentel
lières n'ont célébré leur fête annuelle d'une
manière, sinon plus brillante, du moins plus
bruyante. Suivant l'ancienne coutume des
chariots pavoisés ont parcouru les rues de la
ville, mais un grand nombre d'ouvrières négli
geant les vieux usages, ont profité de ces jours
de fête pour visiter, les unes Courtrai et le che
min de fer, d'autres Ostende et la mer; c'est
là une heureuse innovation, mille fois mieux
vaut-il faire un petit voyage que de se prome
ner par les rues, en criant tue-tête, etc.
Il paraît que du reste tout s'est bien passé,
l'ordre le plus parfait n'a cessé de régner. II y
a eu la vérité un certain nombre de rixes, une
grande quantité de bonnets lacérés et quelques
yeux pochés. Mais voilà tout, car nous ne sa
chons pas qu'il y ait eu celle année des mem
bres fracturés cela prouve qu'on peut s'amuser
fort bien, sans se casser mutuellement bras et
jambes.
Dans une réunion préparatoire, tenue le 11
juin 1843, quelques anciens frères d'armes, qui
ont servi sous les drapeaux de l'armée française
jusqu'en 1815, et qui désirent se procurer, par
des réunions habituelles, l'occasion de renou
veler de grands et glorieux souvenirs ont
usant de la prérogative accordée par l'art. 19
de la Constitution, résolu d'inviter les belges
d'une conduite irréprochable résidant Ypres
et dans la banlieue, qui ont servi sous les dra
peaux de l'année française, pendant la période
de 1792 1815, se réunir dimanche, 25 juin
1843, 5 heures de relevéel'estaminet le
Parnassus-HofPetite Place Ypres, l'effet
d'y statuer sur l'organisation de la société fra
ternelle et philanlropique des anciens frères
d'armes des armées françaises.
VILLE D'YPRES. CONSEIL COMMUNAL.
Séance publique. Lundi26 juin 1843, 4 172
heures de relevée.
Ordre nu jour Procéder l'ouverture des sou
missions pour le remboursement de la dette, confor
mément l'art. 6 de l'arrêté du 7 Mai i84i.
Duc, répondit Calavar, je vous respecte, mais je ne puis vous
accorder cela. Il y va de ma vie.
Don Guzmau fit un mouvement; puis, détachant les diamantsqu'il
portait ses doigts, il les jeta froidement aux pieds di* bourreau
Je (inirai la partie, dit-il négligemment.
Les bijoux roulèrent et restèrent intacts sur la poussière. Les exé-
f culeurs se regardèrent étonnés.
Mes ordies sont précis, cria Calavar avec impétuosité. Pardop,
noble duc, si nous employons la force; mais la loi du roi et la loi
-d Espagne doivent être accomplies. Quittez donc votre place et ne
perdez pas vos derniers instants dans une lutte inutile. Parlez au duo,
seigneur évéque! Diles-lui de se soumettre sa destinée.
La réponse de Ruy Lopez fut prompte et décisive.
H saisit la bâche placée sur le billot, et, faisant un moulinet au-
dessus de sa tête, il s'écria
Par l'enfer, monsieur le duc finira la partie.
'Effrayé par le geste qui accompagnait ces paroles, Calavar recula
«l tomta presque sur ses acolytes. Les épées se levèrent, et la bande
«an guifUi re se prépara au combatM ai.- Ruy I opez, qui paraissait s'clre
chapgé en Hercule, jeta sur le parquet sou lourd tabouret de chêne.
Le premier de vousjqui dépasse cette liroiU;'fixée par l'Église
el\ mort, ciia-l-il d'une voix puissante. Courage, noble.duc! 1 œu-
II ny a que quatre de ces mécréans. Le dernier vœu de yolrc
seigneurie sera accompli, dussé-je y perdre la yie Et vous, dam
nés, malheur qui osera mettre la main sur un évêque de l'Eglise
du Christ! Qu'il soit maudit jamais et qu'il soit retranché du
troupeau des fidèles en ce monde, pour être un démon hurlant dans
Pautre! Baissez vos épées et respectez l'oint du Seigneur,
Ruy Lopez continua lancer, dans un jargon mêlé d'espagnol et
de latin, une de ces formules d'excommunication, de'damnation et
de malédiction qui, cette époque, agissaient si fortement sur les
masses.
L'effet de ce discours fut prompt. Les aides restèrent immobiles,
et Calavar pensa que tuer un évêque sans un ordre précîs du roi,
c'était encourir de grands malheurs en cè monde et uye damnation
dans l'autre.
Je vais chez le roi, dit-il.
Va-l'en au diablehépliqiial'évéquejense tenant toujours en garde.
Le bourreau ne savait que faire. Ifaçfléchissait. Aller annoncer
cette nouvelle Philippe qui attendait la- tête du traîtrec'était
s'exposer grandement. Attaquer le prêtre et le condamné, le combat
était hasardeux car Ruy Lopez était vigoureux, et le duc souriait
l'idée d'un combat la position était délicate. Calavar prit enfin le
parti qui paraissait le pl^s sage il attendit.
Promettez-vous réellement de finir dans une demi-heure?
demanda-t-il.
Je le promets, répondit le duc.
Continuez donc alors, répliqua le bourreau.
La trêve ainsi conclue, les joueurs reprirent leur place et leur
partie.
Calavar, qui jouait aussi aux échecs, considérait involontairement
les coups de chacun des joueurs, et ses satellites formaient une
barrière qui semblait dire au duc
Vous finirez aussi avec la partie!
Don Guzman regarda m! instant autour de lui, et son sang-froid
ne l'abandonna pas.
Je n'avais jamais joué en si noble compagnie, dit-il soyez
témoins, pWdards, qu'une fois au moins dans ma viej j'ai gagné don
Lopez, afin^de l'attester après ma mort.
Puis il se remit jouer*, en souriant d'un rire froid et pâle comme
le rayon du soleil qui brille un instant sur le sommet couvert de neige
des Alpes.
Quaut l'évêque, il serra fortément la poignée-dé là hache, de sa
main droite, en accompagnant ce'mouvement de cette réflexion:
Si j'étais sûr, se dit-il, que le duc et moi nous sortissions de eet
antre de tigres, je vous casserais bien la tête tous quatre!
{La suite etJin au prochain X9.)