JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
3e ANNEE. N° 228,
JEUDI, 6 JUILLET 1843.
Ainsi que le besoin s'en Faisait généralement
sentir, M. le comte de Briey vient d'être casé
Ta légation de Francfort. Toute la Belgique a
senti la nécessité de ne pas laisser rouiller dâns
le repos, les sublimes talerïts diplomatiques de
cet honorable Comte, arrivé de plein saut au
ministère des finances, puis celui des affaires
étrangères. M. Nolhomb devait une fiche de
consolation cet honorable collègue, qu'il pa
raît avoir expulsé du ministère sans trop de
façons.
FEUILLETON.
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v pres, le 5 Juillet.
L'apposition était d'avis que la légation de
Francfort était depuis trop longtemps vacante,
Tjue les adieux de M. Nolhomb duraient éter
nellement et elle soupçonnait que le ministre
des affaires étrangères tenait cette place ouverte
pour y caser une excellence ministérielle en
retraite. C'était, comme disait M. Osyune
pomme contre la soif. Le ministre, M. de Briey
se recria hautement, protesta de son désintéres
sement la chambre et deux jours après, M. le
prince de Chimayfut nommé au poste de Franc
fort.
Cette nomination ne parut rien moins que
définitive. Celte excellence avait débuté dans la
diplomatie. Fatigué de cette partie il entra
dans la carrière administrative et dans les der
nières élections, nous avons eu la preuve qu'il
voulait lâter de la parlementaire, mais on peut
ajouter, non pour longtemps.
Comme nos ministres roturiers n'ont rien
refuser aux Princes, Comtes, Barons, etc.,
sous peine de s'entendre appeler pé...., le
prince de Chimay qui ne s'était jamais rendu
son poste, a été déchargé de ses fonctions di
plomatiques l'approche des élections et M. de
Briey vient de le remplacer.
C'est probablement mû par le désir de don
ner une haute influence diplomatique M. le
comte de Briey, qu'on vient de proroger l'arrêté
qui donne l'Allemagne gratis, les privilèges
que nous avons été forcés d'accorder la France.
Toute la Belgique s'élève contre notre mauvais
système de douanes. Nos tarifs sont si peu éle
vés que les concessions sont impossibles et on
continue envers l'Allemagne ce jeu de dupe, qui
consiste tout donner et rien recevoir.
Mais, nous dira M. Nôthomb, ayez patience
ce noble comte de Briey ira défendre les inté
rêts commerciaux de la Belgique en Allemagne.
Je l'ai dû engager donner sa démission de
ministre, parce qu'il n'était pas trop capable,
mais en Allemagne, il fera merveille. Meilleur
choix ne pouvait se faireje vous en donne ma
parole et vous savez ce qu'elle peut valoir.
Voilà de quoi non-seulemént cônlenler la
Belgique mais même la jeter dans le ravisse
ment. Désormais, M. Nolhomb le garantit, il
serait injuste de douter que sous peu de mois,
M. le ministre plénipotentiaire comte de Briey
ne vienne présenter la signature du roi et la
ratification de la chambre, un traité commer
cial avec la Zoll-vervin. basé sur des concessions
réciproques. La Belgique ne peut plus en con
sentir, car toutescelles possibles sont accordées
et l'Allemagne ne nous en fera qu'avec une ex
trême parcimonie. N'importe, la Belgique peut
tout espérer de l'habilité de M. le comte de Briey
qui ne peut manquer de se rendre célèbre par
ses œuvres diplomatiques, lui qui n'a déjà plus
rien envier aux célébrités parlementaires en
œuvres oratoires.
Nous avions annoncé dans notre avant-der
nier n°, que quelques actionnaires de 1 Obser
vateur et de la Revue Nationale demandaient
la .dissolution de l'acte de société qui les lie,
pârdé c^Me la direction politique se trouvait con
centrée entre les mains des directeurs du Jour-^
nal et de la Revue, et sans que les bailleurs de
fopds eussent aucune influence exercer, quant
la marché politique de ces publications.
Si nous avions connu la source de celte insi
nuation, nous ne l'aurions pas accueillie dans
nos colonnes. C'était une erreur, et Y Observa
teur qui se trouvait en cause, s'est empressé de
la démentir. Nous croyons bien que les auteurs
de ces bruits ont été mûs par le désir de voir
tenir cette conduite par les actionnaires du
Journal et de la Revue. Ils" font une assez rude
guerre aux empiétements du parti catholique-
politique pour s'être attirés son inimitié.
Cette nouvelle inventée par le vertueux Nou
velliste fait depuis quelque temps la base de
toute la polémique de certain journal d'Ypres.
Nous verrons s'il aura la loyauté de démentir
l'assertion, inexacte pour ne rien dire de plus,
éditée et propagée par les journaux moraux
honnêtes et vertueuxmais qui le mensonge
paraît être pain béni, dès qu'il peut être utile
au parti.
La semaine passéeles élèves des lre et 3mi
classés latineVel de la classe d'arithmétique dé
signées par le sort, pour prendre part au con
cours des collèges, ont composé, en présence
d'un professeur du collège d'Audenarde, délé
gué cet effet par le gouvernement. Nous fai
sons des vœux pour que les élèves de notre
établissement communal réussissent au concours
et réduisent ainsi au silence, les voix calomnieu
ses et envieuses qui ne laissent passer aucune
occasion d'attaquer une institution, qui peut ne
pas plaire au clergé, mais qui n'en a pas moins
rendu de grands services^ la jeunesse de la ville.
Dimanche passé a eu lieu lé tir au roi de la
Société de Guillaume Tell. Les confrères, en
grande tenue, se sont rendus en cortège au lieu
de leurs exercices, hors delà porte de Dixmude.
Un temps agréable a favorisé cette fête.
Elle n'a pas duré longtemps, M. Vanden
Bogaerde, le chef-homme de la société, a abattu
au cinquième tour, l'oiseau supérieur, et cu
mule de cette manière les deux dignités sociales
SARAU.
Vers le milieu du siècle dernier, Venise" vivait encore. La Vénus
des mers, dépouillée de sa puissance, ne pleurait point encor sur ses
grandeurs perdues comme la Niobé antique sur ses enfants» Si les
fiers patriciens reposaient dans la tombe avec leurs armures de fer,
leurs fils se vengeaient sur les plaisirs des oublis de la gloire. Faute
de lauriers, on se couronnait de rosesjCe n'était que fêtes Venise.
Dans son ardeur de mascarades et de plaisirs, la jeunesse de Saint-
Marc conviait l'Europe entière ses folles nuits.
Parmi les étrangers qui avaient répondu ce joyeux appel, on
citait le comte O'Faël. En 1751, ce riche seigneur Irlandais était
arrivé au palais Barbierî avec sa femme et la comtesse Mathilde, et
leur unique enfant Sarah. Pour peindre cette charmante créature,
il faudrait une plume presque divine» Quoique née sous le ciel delà
brumeuse Angleterre, la jeune héritière avait, par un singulier jeu
de la nature, l'ébène, le regard et les lignes pures et sévères que
Dieu et Rome placèrent sous le pinceau de Raphaël. Au capitole ou
au champ de Mars, Sarah eut conduit les chœurs des fêtes séculai
res. Pétrarque l'eût chantéeet Dante se serait arrêté devant elle
saisi d'admiration. Lorsqu'elle traversait, grave et silencieuse, les
galeries du palais Barbierî^ l'on eût dit la poésie venant visiter la
demeure des arts et saluer les chefs-d'œuvre du Tintoret et du
Titicb.
Dans ce beau c#rps se trouvait une âme plus belle encore; Le
front de Sarah rayonnait d intelligence, et son cœur ne renfermait
que de généreux élans.
L'amour de la comtesse Mathilde pour son enfant tenait delà folie»
Le duc de Candia ayant fait observer un jour cette mère idolâtre
que de longues nuits passéeS"dans les fêtes |k)uvaient altérer sa santé
d Qu'importe, avait-elle répondu, quand je dors je ne vois pas ma
fille.
Parfois cependant Sarah devenait rêveuse. O ma mère, disait-
elle alors, hâtons nous de jouir de notre félicité! Aujourd hui est
trop beau pour que demain soit comme aujourd'hui. Le bon
heur, hélas a ses inquiétudes comme le malheur ses espérances, et
les fêtes du cœur sont plus courtes que les jours du printemps.
Sarah avait amené d'Irlande une jeune fille vermeille comme une
rose diaprée. Enfants elles avaieut dormi daus le même berceau et
le même lait les avait nourries. Lorsque Nancy voyait un nuage de
tristesse se répandre sur le front de*sa sœur d'enfance, elle accou
rait auprès de celle-ci avec le sourire sur les lèvres et la théorbe la
main. Elle lui chantait les douces mélodies de l'Irlande, ou Jes
.i/i A.,.
iiyranes les plus sauvages d,e l'Écosse, deux souvenirs de la patrie
absente. Mais l'œil de Sarah s'animait peine, et sa tête, restait
inclinée. Quel était le Secret de Cette mélancolie? Demandez ta
mouette qui lui a'appris deviner l'approche de l'ouragan.
Le carnaval „étail venu et le comté O'Faël résolut de donner un
bal qui devait effacer les magnificences que les seigneurs prodi
guaient al&rs pour ces sortes dë C^tef. Il ouvrit le livre d'or de là
séiénissimerépublique et invita toute l'aristocratie de Venise et tous
les étrangers de marque qui se trouvaient alors dans celte ville. Le
palais Barbieri fut déboréivec un luxe inouï; l'on envoya chercher
sur la terre ferme les fleurs les plus rares pour décorer les escaliers
de marbre de l'imposant édifiée. L'or, disposé par des mains savau-
tes, courut en festons sur les domiciles, et les "glaces de Venise
répétèrent l'infini les statues antiques et les chefs;d'œuvre de
p'einture qui ornaient les galeries; f v,
Parmi les patriciens, un seul ne fut point invité, c'était cependant
le plus riche et le plu3 beau de tous. Félix Malespina, héritier de l'il
lustre famille dont il portait *le nom, passait juste titrç pour le
jeune noble le plus débauché de Venise, Il faisait scandale dans tn\q
ville où le scandale était presque impossible, tant les mœurs élaierit
corrompues. Ses fêtes étaient des saturnales; il n'aimait que l'orgie,
non, il est vrai, l'orgie ignoble et honteuse qui «herche l'ombre éi