JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
3e ANNÉE. N° 234.
JEUDI, 27 JUILLET 1843.
FEUILLETON.
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YPRES, le 26 Juillet.
SESSION DU CONSEIL PROVINCIAL.
La session du Conseil provincial a élé close
par un petit discours aigre-doux de M. le gou
verneur. Tout en faisant l'éloge du président
d'une certaine commission et surtout de son
rapporteur, chargée de rechercher les moyens
les plus efficaces, pour obvier au progrès déplo
rables du paupérisme, commission.qui, pour
le dire en passant, ne débitera que des belles
phrases sans autre utilité, M. de Muelenaere n'a
nullement parlé du Conseil qui cependant a dé
cidé celle année, des questions très-remarqua
bles. Le grand nombre de décisions prises par le
conseil, témoigne de son zèle et de son activité.
La taxe provinciale sur les chiens, l'ad.oplion du
règlement sur les chemins vicinaux, les votes
émis sur des questions des travaux publics, dé
montrent que celte session n'a pas été stérile.
Mais M. le gouverneur n'a point donné des
éloges au Conseil, parce qu'il l'a trouvé animé
d'un esprit d'opposition auquel il ne paraissait
pas s'attendre et qui s'est accru depuis la dernière
session. En effet, les discussions qui ont eu
lieu pendant celle session sont les premières qui
se sont surtout fait remarquer par un esprit
plus indépendant et moins servile l'égard du
commissaire du gouvernement. Nous sommes
heureux de pouvoir le dire, la députalion en
tière de l'arrondissement d'Ypres s'est surtout
distinguée. M. le gouverneur s'est montré assez
peu satisfait du Conseil provincial, son discours
paraît le faire sentir. Nous n'en sommes pas éton
nés, depuis 1836, date de son institution le
conseil ne servait qu'à prendre sur lui, la res
ponsabilité de la solution des questions difficiles
ou impopulaires qui embarrassaient l'autorité
provinciale. Quelques voix généreuses s'élè-
vaient bien contre ce servilisme, mais restaient
sans écho dans le Conseil. Maintenant il a sem
blé vouloir suivre une autre marche et M. le
gouverneur, qui ne souffre point la contradic
tion, n'a point eu lieu de s'applaudir du nouvel
esprit qui paraissait l'animer.
Grâce aux démarches actives de la députalion
de l'arrondissement d'Ypres au Conseil provin
cial, le règlement pour amélioration de la race
bovine sera modifié par la députation perma
nente, chargée en outre de mettre en exécution
les changements qu'elle aura trouvés néces
saires.
Nous croyons pouvoir remercier au nom de
l'arrondissement les conseillers qui ont pris
cette question cœur. Ils ont rendu un service
signalé grand nombre de leurs concitoyens.
D'ailleurs les modifications demandées ne por
teront point obstacle l amélioration de la race,
puisque les herbagers n'élèvent que pour la con
sommation.
L absence d'un taureau dans la pâtureeut
élé extrêmement nuisible dans les herbages clos
de nos environs, surtout pendant les saisons
pluvieuses et celte défense n'importait en rien
au but que l'on désirait atteindre par le règle
ment sur la race bovine.
La Société de S' Georges, établie la cour de
Ste Barbe, Ypres, a décidé qu'elle offrirait aux
sociétés de la petite arbalète du royaume et de
l'étranger, un tirage qui aura lieu le 13 août
prochain, (2e dimanche de la kermesse).
Les prix donnés par la société, consisteront
en une louche et deux couverts en argent, en
semble de la valeur de 120 francs.
La Société des Eclaireurs de Noé vient d'en
voyer Paris un certain nombre de pigeons.
Ces intéressants messagers lancés 7 heures du
malin, sont revenus vers les 11 heures.
Les deux premiers prix ont été remportés par
M. Jean Yandenpeereboom-Bergman, et le 3rae
par M. Hennion, directeur des messageries Van
Gend.
Vengeance, dit-on, est le plaisir des dieux et
des femmes sensibles; le fait suivant prouve que
la vengeance a des attraits même pour les pale
freniers.
Un louageur de cette ville, le Srmécon
tent d'un de ses garçons d'écurie, le renvoya.
L'expulsé s'irrita fortement de 1 arrêt prononcé
contre lui et jura de se venger d'une façon
exemplaire. Dans ses idées étroites de palefrenier,
il pensa que la meilleure manière de se venger
de son maître, serait de nuire ses chevaux.
Aussitôt fait que pensé. A la faveur des ténèbres
épaisses de la nuit, que les réverbères munici
paux ne cherchent pas même combattre il
s'introduisit dans l'écurie et avec une dextérité
qui ferait envie tous les figaro de l'endroit,
rasa la crinière de tous les chevaux et leur coupa
les crins de la queue jusqu'au dernier.
On peut difficilement se faire une idée de la
stupéfaction des personnes qui entrèrent les
premières l'écurie.
Les chevaux tondus n'en font pas moins un
bon et loyal service, et pendant qu'ils trottent,
fauteur du méfait réfléchit en prison aux incon
vénients que le plaisir de la vengeance peut
entraîner.
Hier, un jeune enfant jouant sur le parapet
du rempart entre la porte de Menin et de Lille,
tomba dans le fossé extérieur de la ville sur lin
de ces ilols plantés d'arbres. Ses petits camara
des appelèrent au secours et bientôt on mil une
barque l'eauOn croyait ne trouver qu'un
cadavre. En arrivant I île on aperçut le petit
bonhomme jouant aux billes, en attendant qu'on
vint le chercher... 11 n'avait pas la plus légère
contusion.
Un soldat a été arrêté le 2ô, prévenu d'avoir
voté une montre en argent appartenant a un
caporal-fourrier du 5e régiment d infanterie, en
garnison en celte ville.
r—
Dimanche dr, 23 de ce mois, deux marchands
ambulants ont été arrêtés, prévenus d'avoir volé
du foin pour leurs ânes; le lendemain ils,ont
élé mis en liberté.
Un affreux malheur est arrivé hier au son
10 heures et demie, rue du Pays de Liège
entre la rue de Flandre et le Canal! un homme
LA FIANCEE DE MADRID.
I.
un rival inconnu.
On remarquait l'extrémité occidentale de la ville de Madrid,
vers le commencement du xvne siècle, un château de forme coquette
dont l'atchilecture mauresque attestait l'antique origine, et qui, de
puis on temps immémorial, servait de résidence la noble et glo
rieuse descendance de la maison d'Ovéda. Ce château, situé presque
l'entrée de la ville et comme penché sur le versant d'une colline,
dominait les eaux peu abondantes du Mançanarès et s'y reflétait
comme dans un miroir. Quelquefois, quand les vapeurs du matin
s'élevaieîft froides et épaisses au-dessus du nuage gris, alors, portique
de marbre taillé en ogive, chapelle gothique aux vitraux coloriés,
petites tourelles bordées de crénelures, tout disparaissait dans une
ombre pâle, tout se confondait sous le voile humide du brouillard.
Souvent aussi, le contempler par une belle soirce d'été, sous le
clair regard de la lune, on eût dit d'un géant immobile, placé en
avant de Madrid, comme une sentinelle avancée.
C'est par une de ces soirées splendides que le château dOvéda
était devenu le point de mire des c^ésœuvrés et des curieux de Ma
drid. Les regards des promeneurs se sentaient instinctivement attirés
vers une longue file de croisées qui versaient sur la demi-obscurité
de la nuit comme une blanche traînée de feu. L'oreille aussi s éveil
lait et se faisait plus attentive aux sons harmonieux que la brise lui
apportait, amoindris et presque éteints par l'espace. Il y avait, comme
on le voit, fête chez la marquise d'Ovéda, fête qui réunissait dans un
cercle brillant, la meilleure comme la plus ancienne noblesse d'Es
pagne et du Portugal, alors confondue sous le sceptre la fois débile
et violent du pclit-fils de Charles-Quint, Philippe III.
La marquise d'Ovéda était veuve d'un seigneur qui avait été con
nétable sous Philippe II et qui lui avait légué, outre les revenus d'une
immense fortune, une réputation d honneur et de probité dont l'éclat
ne le cédait celle d'aucune autre maison de Castille. Une nuit, le
vieux marquis, son retour d'un bal donné la cour du jeune Phi
lippe III, où il avait conduit sa fille dona Fernande, tomba dans une
profonde rêverie, et, ayant'appelé sa femme, la supplia de lui jurer
sur l Évangile que jamais, dater de ce jour, elle ne souflrirait cjue
Fernande se montrât au palais du nouveau roi. La ma^nse s'é
tonna d'abord de celte recommandation étrange, mais llar
refusa de s'expliquer davantage et la mère effrayée f|Ve
qu'on lui demandait. Ce serment d'ailleurs n'engageait la
que jusqu'au jour où Fernande serait mariée, et pour ras^u
remeut son cœur paternel, don Manuel d'Ovéda expric
sa fllle devint l'épousé de don Ruiz de Soria, fils du
de Soria, son frère d'armes et son unique ami.
Fernande souscrivit avec joie ces conditions
merveilleusement avec la secrète inclination de son'cc
don Ruiz de ce premier amour qui sème dans les âmC
souvenir éternel. De son côté, don Ruiz, .élevéf^^tjpt
que les guerres de Flandre l'avaient fait oVphèliu, i'
chimère, poursuivait le même rêve. Aussi, lorsqu'à soiï
marquis d'Ovéda étendit sur leurs têtes les brtts débile
enjoignant leurs mains, le mot de fiançailles, les 04
en même temps de tristesse et de joie, jfejetèrent