JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
DIMANCHE6 AOUT 1843.
3e ANNÉE. N° 237.
FEUILLETON.
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YPRES, le 5 Août.
FAIBLESSE DE POUVOIR.
Le Journal Historiquel'organe le plus in
fluent du parti catholique-politique, se plaint
de ce que le gouvernement se trouve déconsi
déré et sans force, et que de jour en jour les
actes du ministère mixte portent davantage
le cachet de la débilité.
Nous aussi, nous déplorons la faiblesse du
pouvoir, mais non pour les mêmes motifs. Le
parti catholique qui soutient le ministère mixte,
ne doit imputer sa débilité qu'à ses propres
fautes, l'impopularité du but qu'il veut at
teindre par ce cabinet d'hommes d'affaires
ayant en apparence, une teinte de libéralisme,
mais en réalité, dévoués nos adversaires.
Mais le ministère qui se trouve actuellement
au pouvoir, porte en lui-même les germes de
cette faiblesse. Composé de personnes qui ne
professent point les mêmes nuances d'opinion,
un tiraillement intérieur se fait incessamment
sentir. Les intérêts des divers ministres ne sont
point les mêmes, ils ne poursuivent point tous
le même but, avec la même ardeur.
Que le parti catholique se plaigne du peu de
force d'un tel ministère, cela ne doit point nous
étonner. Accoutumée être servie avec le plus
entier dévouement, il semble l'opinion catho
lique que le ministère ne soigne pas assez ses
intérêts les plus vitaux. D'un autre côté, le ca
binet n'ose pas se prononcer davantage pour ses
bons amis, les catholiques, car la pensée secrète
de ce ministère serait entièrement dévoilée. Son
but est du reste assez immoral, pour que bien
des personnes n'aient point voulu ajouter foi
ce qu'on croyait pouvoir faire réussir force
d'astuce et de déceptions.
Le ministère a continué sa triste existence
l'aide d'un système de bascule, qui finira par lui
faire perdre la confiance du parti qui le soutient.
Il n'est plus déjà assez dévoué au parti catholi
que, aux yeux des feuilles cléricales, et cepen
dant pour pouvoir lui rendre les services qu'on
attend de lui, il ne peut trop pencher de son
côté. Quelques semblants de libéralisme de
temps en temps l'ont encore soutenu dans l'o
pinion publique. Mais qu'il se garde de trop
incliner vers le parti libéral, ses amis devien
dront alors ses adversaires. Ceux qui ne l'ont
soutenu au pouvoir, que parce qu'il faisait leurs
affaires, l'en précipiteront du moment que le
cabinet se permettra un acte qui indiquera quel
que velléité de secouer le joug qui pèse sur lui.
- Au point où est arrivé la décadence du parti
catholique dans l'opinion publique, un cabinet
exclusivement de cette couleur, ne peut lui
être aucunement utile et doit encore précipiter
sa ruine. C'est là une vérité, dont on ne veut
pas convenir ouvertement, mais au moins on a
paru agir d'après cette idée, puisque ce parti
soutient un système de bascule, bien qu'elle
ait pu faire arriver au pouvoir, un cabinet
exclusivement elle et saimixture.
Jusqu'ici le parti catholique-politique a été
bien servi par ces soi-disant libéraux, qui ont
abandonné leur bannière, pour, lâcher de déci
mer l'opinion, dont autrefois ils étaient les dé
fenseurs. Mais de jour enjoùr, le parti du clergé
perd du terrain, et notre avis, le dévouement
de quelques ministres suivra en sens contraire, les
fluctuations de la fortune de l'opinion cléricale.
Si le pouvoir est faible, ce n'est pas au parti
catholique s'en plaindre, car il l'a voulu. Cest
l'impopularité du parti qui le soutient, que le
ministère doit son discrédit. C'est l'immoralité
de sa mission, qu'il doit sa déconsidération. Qu'il
marche avec autant de franchise et d'énergie
dans la voie légale qu'il use aujourd'hui de
caulèle et d'astuce pour pouvoir en sortir. Il
perdra l'appui du parti catholiquemais il
gagnera celui du parti national, du parti qui
combat pour le maintien de la Constitution et
de la liberté menacées par les entreprises d'un
pouvoir occulte, soutenu par tous ceux qui rê
vent le retour'des abus des siècles passés.
Nous apprenons que le chef du clergé de no"
tre ville vient d'inviter les autorités civiles as
sister la procession solennelle, qui doit avoir
lieu Dimanche, jour de la fête communale.
Celle circonstance aplanit les difficultés qui
ont eu lieu l'occasion de la Fête-Dieu. Nous en
félicitons Mr le doyen et nous espérons que la
règle qui vient d'être adoptée, sera suivie désor
mais et que nos processions seront aussi brillan
tes que jamais.
Les feuilles qui défendent une opinion qui
n'est pas la nôtre... au contraire, usent et abu
sent, depuis quelque temps surtout, d'une lac
tique fort déloyale... pour ne pas dire plus.
Le nom de notre journal parait leur faire
mal, ils ne peuvent le prononcer sans faire la
grimace l'écrire sans être victime d'une atta
que d epilepsie... et cela se conçoit, car nous
nous appelons Le Progrès.
Que ces feuilles s'abstiennent de reproduire
nos articles de fonds rien de plus naturel, on
n'aime pas se souffleter soi-même, mais du
moment où il ne s'agit plus de principes, ne
pourraient-elles avoir un tantinet de bonne
foi. Ainsi, quand elles empruntent une petite
nouvelle notre journal, ne conviendrait-il pas
qu'elles citassent la source où elles l'ont puisée,
ce sont là des égards que l'on se doit entre
confrères.
Nos adversaires qui sont fort experts én fait
de relicences et de pelils moyens, rie "procèdent
LA FIANCEE DE MADRID.
II.
l'assemblée de famille.
[Suite.)
La porte retomba lentement. Un malaise inexplicable semblait
régner entre ces trois personnages qu'une si étrange circonstance ve
nait de réunir. Mais cet état d'incertitude ne fut point de longue
durée. Aussitôt qu'elle se fut assurée qu'on ne pouvait les entendre,
la marquise vint Diégo et lui dit d'une voix brisée
Eh quoi! Diégo, serait-il vrai?...
Fernande attendait la réponse avec anxiété.
Rien de tout cela n'est vrai, madame, répondit le jeune homme.
En effet, s'écria Fernande, cette voix que j'ai entendue pour la
seconde fois cette nuit, cette voix dont le son est encore là, présent
mon oreille...
N'était pas la mietine, n'est-ce pas? Vous avez raison, Fernande,
ce n'est pas moi qui aurais tant osé, ce n'est pasmoi qui aurais voulu,
par cet acte de coupable folie, donner raison mes ennemis contre
moi. Non je n'ai pas commis ce crime infâme, mais je viens vous
sauver de ses conséquences terribles! Vous avez repoussé mon amour,
Fernande, acceptez mon dévouement Vous devez cette faveur mes
prières, ce prix ma confiance, celte satisfaction votre honneur
j ignore qui a pu être assez téméraire pour s'introduire cette nuit
chez vous; mais je crois que cet homme, quel qu'il soit, s'y est in
troduit malgré vous. Insensé ou coupable, je suis sur que vous l'avez
chassé honteusemeut. Maintenant, on me sait aventureux, léger, ir
réfléchi que je prenne la responsabilité decelte faute, que j'offre de
l'effacer sur-le-champ, et personne ne doutera de ma sincérité...
Prononcez donc, Fernande... mais, au nom du ciel, au nom de votre
réputation compromise, ne songez plus au couvent! N oubliez pas
qu'une semblable retraite serait une sorte d'aveu qui vous perdrait...
Rappelez-vous surtout que si, aux yeux du monde, le couvent peut
expier une faute, il ne la répare jamais!
Ainsi, dit la marquise, vous voudriez...
Épouser Fernande; oui, madame. Quel hommage plus écla
tant puis-je rendre sa vertu?... Eu m accusant, je la justifie... Au
lieu d'une esclandre fatale, on ne verra plus dans l'événement de cette
nuit qu'une folle équipée de jeune homme, que la démarche incon
sidérée d'un étourdi. Ou me blâmera, mais Fernaude sera sauvée...
Oh répondez, madame, que faut-il que j'espère?
Si ma fille y consent dit la marquise en l'interrogeant du
regard.
Fernande n'aimait ni ne haïssait Diégo. Jusqu'alors le souvenir de
don Ruiz avait fermé son cœur tous les vœux de ses nombreux pré
tendants. Mais aujourd'hui une voix plus forte s'élevait eu faveur de
Diégo. Confiant et généreux, il venait se présenter Fernande, non
pas sous le masque intéressé de l'amant qui sollicite, mais avec la no
ble abnégation de l'ami qui se dévoue. Rien ne pouvait la sauver du
déshonneur^ pas même la mort. Et lui Diégo, au Heu delfortner des
Soupçons que l'apparence eût excusés, au lieu defft'éloipuer delle
comme tant d'autres allaient sans doute le faire,'Diége venait lui dire
qu'il était sûr île son innocence et lui tendre la main.
Si don Diégo de Soria, dit-elle d'une voix émpe, est vraimen'
persuadé que je suis encore digne de lui j'accepterai l'appu
que m'offre sa générosité, sans scrupule et sans remords. v
Rentrons, dit la marquise, et faisons sur-le-champ part d».
cette résolution noire famille. Ah! vous êtes un noble cœn; LJiégo.
Dieu seul pouvait inspirer une belle âme ce moyenn^'unique
peut^tre qui existât au monde de sauver ma fille. Merçî, Diégo,
merci.
Messieurs, dit la marquise en reiitrant avec Fer& s^-h; et Diégo
dans le salon, il n'est plus question de couvent, m#is un pro
chain mariage. Il ne s'agit plus d'une injure qui se doive laver dans
le sang, mais de i'impiudeuce d'un jeune homme, notre ami', pres-
que notre enfant, qui a commis une étourderie^aps^n prévoir lefr
suites, et qui n'a seuti la gravité de sa faute que loriqy ii n'était plu
- -«A A
liter h
vôtre.
Le vœu de la marquise était un ordre. D'ailleurs ce^li
était le plus heureux qu'on put souhaiter. Les pluarvieux
blée adressèrent don Diégo quelques avis d une Mtenvi
tère, quelques remontrances paternelles. Diégo écoula tj
(fpférence parfaite, e\ l'on sç sépagi.