JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTERIEUR.
3' ANNÉE. N° 237.
DIMANCHE, lo OCTOBRE 1843.
INDUSTRIE LINIÈRE,
FEUILLETON.
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YPRES, le 14 Octobre.
On ne peut point se le dissimuler, la position
de l'antique industrie flamande est très-grave
et le remède appliquer cette espèce d'agonie
lente qui la tue, n'est pas facile trouver.
Déjà depuis longtemps l'industrie linière avait
perdu quelques-uns de ses principaux débou
chés. II lui restait encore la France. Mais là
aussi, on s'est occupé du lissage du lin et celte
srnière ressource, grâce des droits élevés qui
jirolègent le travail national français, menace
>de nous être entièrement enlevée.
Deux opinifens sur celte question se trouvent
en présence. L'une est d'avis que l'industrie li-
j nière ne menace de nous quitterque parce
que nous restons slationnaireset que nous ne
voulons ^oint fair.e usage des mécaniques qui
fabriquent plus bas prix f* Tin tissu aussi
beau, mais moins solide, que le produit de l'an
cienne industrie.
Les adversaires de celte opinion prétendent
que la faveur dont jouissent le fil et la toile faits
la mécanique, «je sera que momentanée, qu'il
serait même possible de lutter contre la fabri-
calionà l'aide des nouvelles, machines, avec nos
métiers tisser perfectionnés. Mais pour lutter
avec avantage, on demande l'intervention du
gouvernement, on désirerait qu'un droit em
pêchât la sortie du lin.
Jusqu'ici, comme organe des intérêts de l'ar
rondissement d Ypres, nous n'avons point été
appelés prendre parti dans cette polémique.
D'abord les intérêts du district sont plutôt agri
coles qu'industriels. D'ailleurs il ne contient
plus de villages, où une partie de la populatiort
s'occupait autrefois, pendant l'hiver, lisser le
lin. Les habitants de nos campagnes ne con
naissent plus depuis longtemps, cette aisance
dont l'industrie linière faisait jouir naguère
d'autres localités. On tisse bien encoremais
de rares exceptions près seulement pour l'u
sage de la famille et non pour l'exportation.
Qu'on ne s'étonne point, si nous n'avons
jusqu'ici jamais louché cette question. Main
tenant on réclame, pour donner une vie fac
tice une industrie qui décline visiblement,
des droits prohibitifs sur la sortie du lin. Malgré
toute notre sympathie pour la classe malheu
reuse des tisserands qui, nous le savons, tra
vaillent souvent pertenous ne pouvons que
repousser énergiquement ce nouveau droit. Les
tisserands sont dans la misère et si la sortie du
lin est rendue impossible, nos cultivateurs se
trouveront dans une position aussi pénible, sans
amener aucun soulagement pour les malheu
reux tisserands.
Ce n'est pas parce que nous voulons défendre
exclusivement les intérêts agricoles, que nous
nous opposons l'application d'un droit sur la
sortie du lin.. Mais nocs n'aimons pas voir
le gouvernement entrer glatis la voie des prohi
bitions. Si les droits prohibitifs nous sont favo
rables il doit en être de même pour les états
voisins et alors de quel droit pouvons-nous ré
clamer des traités de commerce?
Ce nouveau droit exercerait-il une influence
favorable [industrie linière? Il est permis
d'en douter. Le lin s'est assez mal vendu cette
année.-Bien des cultivateurs conservent encore
leur récolte et ne peuvent la vendre même un
prix bien moindre que celui d'il y a quelques
années.
Nous croyons que l'ancienne industrie linière
est destinée périr. A nos yeux, tous les efforts
possibles ne la relèveront pas de la décadence
dans laquelle elle est tombée. Peut-être don-
neça-L-elle encore quelques signes de vie, peut-
être parviendra-t-on galvaniser ce cadavre,
mais le pays saura, au prix de quels sacrifices.
Le gouvernement même nous paraît suivre une
fausse voie. Au lieu de donner son appui ceux
qui défendent*outrance le ftiélier et le rouet
de nçs ancêtres, il eut mieux valu, nous paraît-
il, disposer le pays changer le mode de fabri
cation d'un tissu, dont notre pays produit la
plus belle matière première.
On se rappelle sans doute encore, (bien que
l'on oublie vite), la longue circulaire de Nos
Seigneurs les évêques, dirigée explicitement
contre les mauvais livres, mais implicitement
contre toute publication qu'un veto eut rangée
dans cette catégorie.
La croisade prèchée par nos modernes apô
tres de la chrétienté, porte déjà ses fruits. Soit
que nos croisés d'aujourd'huicomme ceux
d'autrefois, poussés par un zèle outré, dépas
sent la limite des ordres qui leur sont donnés,
soit que quelque post scriptum secret et connu
seulement des adeptes, ail été ajouté la circu
laire toujours est-il que déjà l'on cherche
étendre la censure, de fa presse au théâtre.
Le Nouvelliste de Bruges, notre confrère et
ami, vient de publier une lettre dans laquelle
M. Trois étoiles se plaint d'avoir vu ail théâtre
de Bruges une Scène révoltante, et quq toute
l'assemblée ait été scandalisée par la coquetterie
et la lubricitéd'une actrice.
Or donc, on donnait ce jour-là La Grâce de
Dieu, pièce fort jolie et pas le moin» du monde
immorale. 31. Trois étoilesséduit par l'affiche
du spectacle, se rendit au théâtre, croyant sans
doute que La Grâce de Dieu était une espèce de
sermon, voire même une réfutation du livre de
Jansenius qui s'occupa beaucoup? de la ^jrâce
de Dieu.
Mais hélas! au troisième acte comme il fut
désillusionné! Qu2arriva-t-il que-vit-il Il
vit une actrice quitter sa rolje d'apparatsous
laquelle il put reconnaître unë autre robe, imi
tant un costume de nuit, en un mot, il vil une
scène qui rappelait celle deFra Diavoloet dans
son imagination surexcitée par ce spectacle,
croyant voir ce qu'il ne voyait pas, il se frapp
la poitrine, ferma les yeux et se dit part lu
comme Tartuffe
II.— [Suite.)
Quelques jours après celle causerie de salon, Gustave trouva, danS
un paquet de dépêches, et sans timbre, une lettre son adresse, ainsi
conçue -
Pour des motifs qu'il est inutile d'exposer, on n'a pas cru devoir
cacher plus longtemps M. de Valbergun événement que d'abord
on avait résolu de lui laisser igndrer. M. de Valberg est, depuis
quatre mois, père d'une fille sur le sort de laquelle il n'a aucune
inquiétude concevoir, car elle reçoit les soins d'une mère qui
l'aime avec tendresse, et sa fortune l'appelle occuper une place
brillante dans là société. Cependant comme il n'est rien de plus
incertain que l'avenir, on a joint par prévoyance ce billet la
moitié d'une bague coupée dans son épaisseur, sur laquelle est
gravée la date de la naissance de l'enfant; celui-ci, dans le cas où
cela serait nécessaire, se fera reconnaître en représentant l'autre
moitié. «le Domino blanc.
Jesuis père! s'écria Gustave eu.pressant l'anneau contre ses lèvres:
puis il repoussa tout-à-coup avec bumeur et 1 anneau et la lettre.
II suffira de quelques taots d'explication pour faire comprendre
cette brusque transition entre deux mouvements si contraires un
nouvel amour avait trouvé place dans le cœur de Gustave.
Beauté, jeunesse, fortune et liberté, ce sont quatre talismans dont
un seul suffit pour attirer sur les pas d'une femme un essaim de pré
tendants; la baronne de Valdeu, qui les possédait tous, devait être
et était, en effet, suivie d'une foule d'adorateurs mais pas un n'avait
encore acquis le droit de porter la tête haute et de jeter sur ses
rivaux un superbe regard de mépris; elle leur faisait tous un sort
égal, c'est-à-dire qu'elle répondait leurs empressements par une
souveraine indifférence, et que, sous ce rapport, nul n'avait se
plaindre d'être moins bien partagé que les autres.
Gustave, dès le soir de son admission chez le comte de Felshcim,
avait subi, sans sén douter, 1 influence magique des charmes de la
jeune veuve; il s'abandonna sans défiance au plaisir d'admirer uu
esprit fin et délicat, des grâces qui n'avaient rien d'étudié; sa pensée
n'allait pas, il est vrai, au-dèlà du bonheur de la voir, de causer avec
elle mais ce bonheur lui était si précieux qu'il eût négligé les affai
res les plus importantes plutôt que de manquer une seule des
soirées du comte.
Cependant l'idée ne lui était pas encore venue de donner un nom
cette attraction sympathique qui le rapprochait sans cesse de la
baronne; ce, fut {a lettre cju'on a lue plus haut qui vint l'éclairjB
soudainement sur la véritable-situâtron/ic son cœur.
Il était père! fcour un homme commei Gustave, ce titre-là était un
engagement sacré; mais la mère s était deroi>ée toute
ches, et elle paraissait résolue lui refuser jusqu'à
templer les traits de son enfant; mais son cœs
pour une autre femme, et il ne l'avait jamais si<
cette circonstance; consentira-t-il faite le s
nir pour demeurer le jouet d'un être dont^
tration comme la vue ses regards Ne serai
Mais cet enfant que le malheur peut amen
demander aide et protection, aura-t-il la c^j
de le repousser?Et alors, s'il était mariés
discorde dans son ménage! S'exposer i.
ce pas une folie plus grande encore? j
Telles sont les réflexions qui vienj
dans son esnr^r'e poursuivre jusqua
décourag