4e ANNEE. N° 400.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
INTÉRIEUR.
DIMANCHE, 2 MARS 1845.
Feuilleton.
On s'abonne Ypr.es, Marché
A.
auveurre, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
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pour Ypres. fr. 5-00
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Prix d'un numéro s 0-25
Tout ce qui concerne U ré
daction doit être adressé, franc»,
l'éditeur du journal, i Ypres.
Ze Progrèparait le Dimanohe
et le Jeudi de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Quinte centimes par ligne.
YPRES, le V Mars.
Jeudi, 4 heures du matin, est décédé
Bruxelles, M. De Florisone, représentant du dis
trict d'Ypres. Depuis quelques jours il était in
disposé, mais rien de grave ne paraissait menacer
sa santé. On croyait cependant reconnaître les
symptômes précurseurs d'une fièvre typhoïde,
quand le mercredi soir, il demanda instamment
être administré. Les médecins ne trouvaient
dans son état rien qui eut pu motiver une pa
reille mesure, mais dans la nuit, la position du
malade empira tel point, que quelques heures
après il était mort.
M. De Florisone n'était pas âgé. Il avait été
nommé représentant en 11537 et réélu en 11541.
Encore quelques mois et une troisième réélection
lui eut conféré un nouveau mandat pour quatre
ans. Intègre et obligeant, M. De Florisone, sans
défendre la chambre les principes libéraux,
méritait l'estime des gens de bien.
En vertu de l'art. 50 de la loi électorale, en
cas de vacance par option, décès, démission ou
autrement, le collège électoral doit y pourvoir
et sera réuni dans le délai d'un mois. L'élu ne
sera donc nommé que pour quelques mois,
puisqu'au mois de juin prochain il sera sou
mis la réélection comme appartenant la série
qui en U545, doit obtenir un nouveau mandat
de quatre ans.
Peut-être nos ministres qui n'aiment pas que
les électeurs campagnards fassent trop de cour
ses au chef-lieu, remettront-ils cette élection.
Déjà, les électeurs de l'arrondissement d'Ypres
ont fait ce qu'on appelle une corréepar suite
de l'absorption de M. J. Malou au profil du mi
nistère. Il se peut qu'on croira inutile de con
voquer le collège électoral d'Ypres. pour con
férer un mandai de trois mois, d'autant plus
que déjà la loi a été violée par le ministère mixte
son avènement en 11541, et en faveur de quel
ques membres du cabinet, dont la réélection
n'était rien moins qu'assurée.
Quelques règlements provinciaux contiennent
des dispositions qui certes ont pour but l en-
couragemeiil de l'agriculture, de l'élève des
chevaux et l'amélioration de la race bovine.
Mais malheureusement elles sont loin d'être ex
actement a ppliquées. Des concours sont ouverts,
des expertises sont ordonnées, des prix sont dé
cernées, mais, la vérité, on attend assez long
temps avant de payer les sommes dues de ce chef.
Nous en connaissons un exemple. Un fermier
de nos environs, a présenté un étalon au con
cours et a remporté le premier prix Ypres et
Bruges. Ceci se passait en 1843. En 1844, il
a oblenu la gratification de cent francs. Il pa
raît cependant que de tous ces encouragements
en espèces, il n'a rien touché II est déplorable,
quand on ouvre des concours et qu on donne
des prix, qu'on ne puisse parvenir en loucher
le montant que quelques arjïées après. Nos fer
miers et nos agriculteurs ne sont point riches,
au point que le payement dû d une somme de
700 francs ne puisse leur être agréable. Nous
soumettrons ces observations l'autorité pro
vinciale et nous espérons qu'il y sera fait droit.
Par arrêté royal du 20 février, est nommé
membre de la commission administrative de la
maison d'arrêt d Ypres, M. François De Codt,
membre sortant.
Lundi, 24 de ce mois, une commission pro
vinciale est venue Ypres, faire l'expertise des
étalons, pour la monte de 1845. Des prix ont
été décernés. La Ve Van NVonlerghem, de Zonne-
bekea obtenu le premier prix, et Pierre-
Antoine Van Heule, de Laogemarck, le second.
Le 12 Mars prochain, aura lieu l'expertise
des taureaux, par une commission présidée par
le commissaire de l'arrondissement d'Ypres, M.
Deneckere-De Coninck.
Le roi, ce qu'on assure, dit le Journal de
Bruges, vient d'élever la dignité de Baron,
M. Ch. Pecsleen deLampreel, membre de la dé-
putalion permanente du conseil provincial de
la Flandre occidentale, en récompense de ses
longs et loyaux services.
S-
On nous écrit de Messines
Tout en soutenant, de toutes les forces dont
nous sommes capables, l'article concernant le
carnaval de notre ville, inséré dans votre n° du
13 du courant, nous croyons devoir ajouter,
ce compte rendu, celui d'une scène d'un tout
autre genre, et qui s'est passée dans la maison
même de noire pasteur, M. le curé Bylo
c'est-à-dire, d'une de ces scènes qui, depuis un
an, se renouvellent assez fréquemment, Mes
sines, d'une manière parfois comique, il est
vrai, mais qui pourraient fort bien avoir, la
longue un dénouement tragique!...
En résumé, voici les faits
Depuis plus de deux siècles, la place de fos
soyeur est desservie, de père en fils, par la
famille Bondue, famille pauvre, mais laborieuse,
honnéle, et, par conséquent respectable. Après
une longue maladie, le sieur P.-J. Bondue,
fossoyeur depuis 50 années au moins, vient de
mourir, l age de 75 ans. Pendant sa ma
ladie, deux de ses enfants, un frère et une
sœur, qui, d'ailleurs, partageaient avec le
vieillard, le pain gagné la sueur de leur front,
le suppléèrent et firent toute sa besogne. Dans
le cas où il plairait l Ètre suprême de l'appe
ler lui, Bondue fils pouvait, devait donc
nourrir l'espoir légitime de remplacer son père.
Celui-ci mourut, en effet, le 19 janvier dernier.
Le fils fit chez tous les membres de la fabrique
de l'église, les démarches et sollicitations néces
saires, et tous, convaincus de la justice de celte
[Suite et fin.)
X.
Betiré au fond de sa prison, Morton réfléchissait aux moyens
qu'il pourrait employer pour affermir sou pouvoir une fois rendu
la liberté, car l'idée qu'ou osât atteuter la vie d'un Douglas ne lui
Tenait même pas l'esprit; il se demandait lequel des deux partis
était le plus sur ou d amoindrir peu peu l'aulorilé du roi de ma
nière le mettre enfin sous sou entière dépendance, ou de faire
disparaître violemment l'obstacle qui entravait sa marche, lorsque
sa porte s'ouvrit et vit eutrer le geôlier.
Qu'est-ce que veux-tu lui demanda Morton. Mi lord,
c'est votre jugement qu'ou vieut de vous lire. Déjà eh quel est
donc celui qui sesl chargé de cotte mission? Milord, c'est mon
seigneur le comte d'Arran. Le comte d'Arran! s'écria Morton
frappé de surprise. C'est impossible il n'y a plus de comte d'Arran.
Vous vous trompez, Milord, dit alors une voix bien connue du
prisonnier, il y a un comte d'Arran et le voici devant vos yeux.
Morton pâlit tout-à-coup il se trouvait en présence de James
Stewart.
Si voua en doutez* milord, interrogez ces messieurs, dit James
en se tournant vers quelques lords qui l'accompagnaient, ils vous
diront que le roi a daigné m'accorder ce titre que je porte depuis
deux jours.
Morton ne répondit rien, il semblait anéanti.
Ce n'est donc pas moi, milord, qu'il faut accuser de ce qui
vous arrive aujourd hui, mais bien le destin, qui l'a prédit il y a
longtemps; il fallait que la prophétie eût enfin son accomplissement,
et c'est aujourd'hui que le cœur sanylanl doit tomber par la bouche
cTArran, car, c'est moi, comte d'Vrrau qui viens lire James Dou
glas, comte de Morlou, l'anêt qui le condamne la peine de mort.
C'est bien, dit Morlou avec calme, en vous voyant paraître, en
apprenant quel titre vous portez, je me suis attendu cette sentence.
C'est vous qui m avez jeté daus l'abîme, James mais je vous par
donne une fatalité plus forte que vous-même vous poussait votre
insu. Quel jour cet ariêt doit-il avoir son exécution Demain
daus la matinée. D'ici-la, me sera-t-il permis de voir la comtesse?
Avant une heure, milord, elle sera près de vous.
Le lendemain, Morton eut la tête tranchée sur la grande place
d'Édimbourg.
Une heure après celte exécution, James vit venir lui Jack
Maxwell, dont il avait fait son domestique de confiance. Jack mar
chait d'un air triste et pensif, la tête penchée vers la terre cl les
mains croisées derrière le dos.
Eli! grand Dieu, comme te voilà soucieux, lui dit James; que
t'est-il doue arrivé, mou pauvre Jack? Je viens de voir exécuter
le comte de Moi ton, répoudit Jack. Et ce spectacle t'a aflecté
ce point Peste je ne te croyais pas le cœur si sensible. Monsei
gneur se trompe sur mes sentiments; ce qui m'a péniblement affecté»
ça été de voir la place que j'ambitionne depuis si longtemps, occupée
par un autre dans cette belle et grande cérémonie. Eh quoi tu
persévères donc toujours dans cette incroyable folie Monsei
gneur, si vous eussiez assisté comme moi cette exécution, si vous
eussiez vu l'admirable tableau qu'offrait celle scène, le peuple cou
vrant la place entière comme un tapis mouvant, et dévorant des yeux
1 éebafaud qui le dominait de toutes parts au sommet de cet écha-
faud deux hommes se détachant sur l'horizon, immobiles et impo
sants comme uu groupe de marbre, 1 un James Douglas, comte de
Morton, régent d Écosse, genoux et la tête sur le billot l'autre,
Patrick, le bourreau, debout, la tête couverte et la hache la main;
si vous eussiez, vu cela, alors, monseigneur, cet homme, aux pieds
duquel viennent échouer souvent les plus hautes destinées cet
homme que lambititux rencontre brusquement face face au mo
ment où il croit toucher le but de ses rêves; cet homme que voul
méprisez de loiu, vous eût donne le frisson et vous n auriez pu vous
empêcher de couveuir que c'est un rôle terrible et magnifique quo
celui qu'il remplit de temps autre aux yeux de tout un peuple.