AFFAIRE BAELDE.
Empoisonnement «l'une servante
par sa maîtresse.
demande, lui promirent formellement leurs
suffrages, M. le curé Bylo, comme les autres
membres.
Le 2 février, trois heures de relevée, pré
cisément le même jour et la même heure où
Rome, comme Messines, dans toute la chré
tienté enfin, se célébrait le carnaval, le conseil
de fabrique se réunissait chez M. le curé, pour
procéder légalement la nomination d'un nou
veau fossoyeur.
L'assemblée se composait de MM. le curé
président, et de trois fabriciens, auxquels la
nomination était dévolue et de MM. les bourg
mestre et échevins, chargés de la recevoir et de
l'homologuer.
La réunion ainsi formée, M. le bourgmestre
demande M. le curé, d'émettre son vole pour
la nomination du fossoyeur... Eh bien! le croi-
rait-t-on? M. le curé vola, non pour celui
qui il avait formellement promis son suffrage,
non pour Bondue,fils, mais pour un individu,
ayant nom Vancrayelynyheet qui est, tout
la fois, suisse de l'église c'est-à-dire son suisse,
son barbier, son jardinier.bref, son factotum)...
Le plus ancien fabricien, homme d honneur
et de cœur, d'esprit et de sens, justement indi
gné de la scène jésuitique, dans laquelle M. le
curé veuail de jouer le principal rôle, fit une
allocution brève, mais équitable et chaleureuse.,
et, concluant, dit que voler pour tout autre
que pour le fils de I ancien fossoyeur, serait une
injustice, une déloyauté!... Inutile d'ajouter
qu'il vota pour Bomlue, fils.
Interrogés leur tour, les deux autres mem
bres du conseil de fabrique répondirent tout
bêlement: «comme M. le curé!...» Sau
tez o! dignes moulons de Panurge
Et si M. le curé avait voté pour la lance du
suisseces bénévoles MM. auraient donc émis
aussi, leur tour ce mémorable vote: «comme
M. le curé?...» Tant est grande et despotique,
l'influence du jésuitisme sur les esprits faibles
et fanatisés, sur les hommes du cens campa
gnard, en un mot!...
Du reste, tout ceci est parfaitement dans l'es
prit de l'église et du parti-prêtre. C'est le digne
pendant, eu attendant les autres, de l'expulsion
de la maîtresse de lécole des pauvres, qui a
été honteusement chassée, parce que, selon
l'élégante et charitable expression de M. l'abbé
Bylo, elle était usée\... d où la conclusion logi
que, que la nouvelle maîtresse, installée par
M. le curé, n est pas encore usée, line autre
école est, peut-être la veille de devenir veuve
de son digne et respectable instituteur.
De tout ce qui précède, il résulleévidemment
que, contrairement l'opinion du correspon
dant curialde certain journal, il n est pas
besoin de mettre un masquepour avoir une
fausse figure car il est des personnes et le dit
correspondant doit en savoir quelque chose,
qui, sans masqueont constamment une figure
fausse, hypocrite, jésuitique enfin!... c'est
tout dire. Un Messinois.
James demeura uu uioœ> lit stupéfait. Allons, dit-ii enfin, je
tâcherai de te procurer cet emploi, puisqu'il t'offre taut de charmes,
et de plus je te procurerai uue noble té le le jour de ton entrée en
fonctions.
Une fois mattre du pouvoir par la mort de Morton, James se jeta
dans uu tel débordement de vices qu'on en vint bieutôt regretter
son prédécesseur. I.es lois du royaume, les Gnauces de l État, l'hon
neur des familles, il se joua de tout avec une audace et uue impu
dence sans exemple, montrant le plus profond dédain pour I opiuion
publique, quand elle flétrissait ses excès, et réprimant les murmures
"Se la noblesse par l'exil et la ooDfiscation.
Il vit euliu se soulever coutre lui tous les principaux lords de
l'Écosse, qui forcèrent le roi exiler sou favori dans le comté d'Ayr.
James mena pendant près de dix années une vie misérable
dans ce pays aride et dévasté; puis, toujours rongé par l'ambition,
il se hasarda se montrer dans le pays oiéiidional de Dumfras, afin
de se rapprocher de la cour, conservant l'espoir d'y pouvoir reparaî
tre et de retruuver Ks bonnes grâces de Jacques.
Uu jour qu'il chevauchait travers les champs, accompagné de
Maxwell, le seal de ses serviteurs qui lui fût resté fidèle dans le
malheur, Maxwell cria tout-à-coup.-. Alerte! Monseigneur, l'épée
au poing!
James releva la tête et rit venir ventre terre trois cavaliers ar.
Cour d'Assises de la Flandre Occidentale.
Présidence de M. Vuylsteke. - Fin de VAudience
du j+ février.
La courest composée de MM. Vuylsteke président,
VanSeveren, vice-président du tribunal de première
iustance séant Bruges, Jooris, beriller el Vercau-
teren juges, iVlaerteus, procureur criminel et Van
Troys, greffier.
Le jury est composé de MM. F. Plankaert, rentier
Courtrai, chef du jury; le comte de la Sema, pro
priëlaire Bruges: F. Perlau, négociant Bruges;
J. de Busschere, avocat Bruges D. Diiauw, idem
N. Haelewyck,couseiIlercominunala Iugelmuuster;
C. Retnby P. Delpaire; P. Tack De Vos, brasseur
Courtrai, B. Ancot-Lambrecht, propriétaire Bruges;
J.Cruyl, hôtelier Bruges; L. Verinandel, secrétaire
communal Lendeiede.
Uujurésupplémeniaire,M.Ch. Lowie,cultivateur
Studen, assiste aux débats.
Ou procède l'audition des témoins.
i" témoin. M. Ch. Amare, commissaire de police
Ypres, fut informé le iB juillet dernier par un de
ses agens, de la mort subite de la fille Leroy, des
rumeurs qui circulaient a cet égard et du désir de la
femme Baclde de faire enterrer le cadavre Je pluslôt
possible. 11 envoya de suite uu sergent de police
prendre des informations citez la femme Baelde;
celle-ci déclara que sa servante avait été indisposée
el soignée pur le docteur Lanuoy. Les reiiseiguemeiis
pris chez ce dernier portent que la tille Leroy avait
été légèrement indisposée, qu'il l'avait traitée et qu'il
pouvait être tranquille sur les cause; du décès.
L'enterrement eut lieu le vendredi iy juillet,
mais le bruit el l'agitation dans le public allaient
toujours croissant; des altroupemeus avaient lieu
devant la porte de lu l'emme Baelde, ou disait ouver
tement qu'elle avait fait périr sa servante d'une
tnauière ou d'autre. Le témoin a rendu compte de
ces circonstances au procureur du roi qui a ordonné
l'exhumation et l'autopsie du cadavre de la fille
Leroy. Le témoiu a assisté ces opérations et a fait
constater l'identité du cadavre parie docteur Lanuoy,
qui'avait soigné la servaute. Les experts oui d'abord
constaté des traces de poison et dans le cadavre et
dans la fiole qui avait contenu la médeciue prise par
la détunle.
Ou a liait venir ensuite la couturière Marie Van
Oost, celle-ci a décLré que c'était la plus jeune fille
Baelde, Clémence, qui avait étéchercher la médecine
chez le pharmacien, que la défunte en avait pris et
qu'elleuvail vomi immédiatement; que le lendemain
elle avait pris le tout a la fois, que la femme Baelde
avait mis du sucre dans le petit lait qu'avait bu la
iille Leroy.
Marie Vati Oost a dit encore qu'elle avait passé la
nuit du 17 au 10 chez Baelde; ensuite elle a changé
sa déclaration prétendant qu'elle n'y avait pus
couché, que les enlaus de baelde étaient venus l'é
veiller de bon malin, disant que la servaute était
très-malade et qu'a son arrivée, elle l'avait trouvée
morte.
La fille Clémence Baelde, interrogée par le témoin,
a reconnu qu'elle avait été chercher la médecine
chez le pharmacien; mais elle a soutenu que sa mère
11'avail pas mis de sucre dans le petil lait, el a ajouté
niés, qui u étaient déjà plus qua ciuquaute pas de lui. 11 voulut se
mettre eu garde, mais avant qu'il eût tiré^sou épée du fourreau, l'un
de ces hommes lui avait traversé le corps d'un coup de lance.
James Stewart, lui dit cet homuie, je suis James Douglas de
Torthorwald.
James ne put rien répondre, le sang l'étouffait.
James Douglas douua ordre aux deux servrleurs qui l'avaient
suivi, de transporter le blessé sur la tour de Torthorwald, au pied de
laquelle s était passé cet évéuement. Et hâtez-vous, ajouta-t-il,
car j'ai promis de le livrer vivant.
Puis s'adressaut James: Lord Stewart, si vous eussiez voulu
prendre la peine d étudier l'histoire de l'Écosse, vous auriez vu qu'il
n'y a pas d exemple qu'au Douglas ait reçu un affront sans que lui
ou les sieus en aient tiré vengeance, et vous n'auriez pas trahi le
comte de Morton.
James distinguait peine le sens des mots qui frappaient son
oreille son sang s'échappait Ilots de la large blessure que lui avait
faite la lance de Torthorwald, et il commençait tout fait perdre
connaissance, lorsqu'une voix le fît tressaillir et lui rendit subitement
toute sa préseuce d'esprit. James Stewart, souviens-toi de Mao-
Intosch
James ouvrit des yeux effarés et rit se dresser devant lui la figura
imposante et sinistre d'Ulrique da Morton.
qu'elle, Clémence, avait été appeler, le i-8, de bon
matin, la couturière Van Oost, d'où il résulterait que
cette dernière n'a pas passé chez Baelde la nuit du
décès de la servante.
Le témoin a l'ail des perquisitions chez la premi/p e
accusée; il y a saisi quelques pct'iles bouteilles, hiais
il ne sait pas ce quelles contenaient.
La femme Baelde avait la'réputation de tenir une
très-mauvaise conduite; son mari avait des enfans
d'un premier lit, et le bruit a couru qu'un des en-
fans était décédé par suite des mauvais traitetnens
qu'elle lui avait fait essuyer. Il y a eu sou vent entre
elleet son mari desquerellesdanslesquelles la police
a dû intervenir. Une nuit le témoin a été appelé
chez Baelde et il a trouvé la première accusée
ensanglantée, les cheveux en désordre et tenant un
couteau la main. Baelde est parti la suite de celle
rixe pour Mayence. Le témoin ne saurait cependant
dire qui était la causede ces mésintelligences. Baelde
avait la reputaliou d'être le plus sage.
La temme Baelde ne tenait jamais longtemps ses
domestiques, et leur départ, il y avait toujours des
querelles; tantôt l'accusée refusait de leur donner
leurs habits; tantôt elle ne voulait pas les payer, et
la police ainsi que le juge de paix ont été souvent
appelés décider les querelles. Lorsque la servaute
Leroy est décédée, Baelde n'était pas chez lui, il n'y
est revenu que quelques jours après.
L'accusée Baelde dit que la moitié de la déposition
du témoin est fausse; qu'il a coutre elle des motifs
d'animosité.
Le témoin persiste dans ses dires, et déclare n'avoir
aucun motif d'en vouloir l'accusée.
M. le président demande l'accusée Baelde si elle
n'a pas donné des vêtements de Catherine Leroy
Marie Van Oost.
L'accusée répond négativement. Elle avoue avoir
fait avec sa servante un voyage West Nieuwkerke,
avoir eu une querelle avec son mari, la suite de
laquelle elle a pris de l'argent dans le coffre de ce
dernier.
Aux interpellations de M. le président, l'accusée
Marie Van Oost répond qu'elle n'a pas passé la nuit
du 17 au ib juillet dans la maison Baelde, que les
enfants sont venus l'appeler de bon matin, qu'arri
vée chez la femme Baelde, elle est montée dans la
chambre de la servante el qu'elle a vu avec effroi
que celle-ci était morte; qu'elle a conseillé la
ieiiime liaelde d'appeler le médecin, ce qui a été
fait. Le lit de la détuute n'était pus beaucoup dé
rangé.
L'accusée Baelde soutient n'avoir pas touché au
lit. Elle ajoute qu'elle n'était pas présente lorsque
la médecine a été apportée et qu'elle n'a pas vu
Catherine Leroy en prendre la première fois. Elle
était elle-même malade en ce moment.
M. le président lui lait observer que cela n'est pas
vraisemblable, puisqu'elle n'a pas parlé de sa mala
die au docteur, et que d'un autre côté elle se mon
trait si soigneuse de la santé de la servante.
L'accusée soutient l'exactitude de sa version.
A diverses interpellations de M. le président et de
M. le procureur du roi, l'accusée Van Oost répond
que c'est aux solicilalious de la dante Baelde, qu'elle
a d'abord déclaré avoir couché dans la nuit du 17 au
irt juillet chez celle dernière qu'elle 11'a pas eu de
vêleUienls appartenant a Catherine Leroy que c'est
sa co-uccusée qui a préparé le petit lait pour la ser
vante, mais qu'elle ne sait pas si elle eu a donné
elle-même cette dernière.
Uue fois déjà je t'ai donné cet avertissement, reprit la com
tesse, tu n'eu as pas tenu compte, tu n as pas craint de te jouer
d'Ulrique de Morton, pauvre iuseusé Tu ras mourir, James, mais
nou d uue noble mort, la fin honteuse du comte de Mortou sera ta
tienne.
Elle appela Jaok!
Uu claquement sec et sonore répondit cet appel, et James vit la
forme hidense de Jack Maxwell caiaooler devant ses yeux tioublés
par l'approche ue la mort, semblable ces monstres étrangers qu'on
aperçoit eu rêve.
Merci, Monseigneur, dit Jack son ancien maître, vous
m'aviez promis uue noble téte pour le jour ou j entrerais en fonc
tions et vous tenez parole, car c'est anjourd hui ma première exécu
tion, en parmi les plus illustres tète» de 1 Éoosse, je vous assure qu'il
n'eu est pas une que je prise 1 égal de la votre.
Finissons-en, dit Ulrique.
James voulut jeter un deruier regard sur la nature, mais avant
que sa paupière se fût ouverte, sa tête roulait terre.
Ulrique de Morton ordonna qu'elle fût mise au bout d'une pique
et plantée sur la tour de Torthorwald. Et, dit l'histoire, son corps
fat jeté aux chiens et aux pourceaux.
C. GDÉAOOLT.