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lableà une commission sans préjuger ce qu'elle fet'à
après les débats. Jamais séance d'aucune diète n'a
excité un si vif intérêt.
Zurich, le 28 Février.
La grande bataille n'a commencé proprement
parler, qu'aujourd'hui, où les partis se sont trouvés
réellement en présence. La séance, quoique ayant
duré 7 heures, n'a pas épuisé, tant s'en faut, le
débat. Cinq orateurs seuls ont pu être entendus,
tant la matière est riche de sou fonds et surtout
pour les graves questions qui s'y rattachent.
Le discours de M. le colonel fédéral Luvini, dé
puté catholique du Tessin, le septième des cantons
en grandeur, a obtenu le plus de succès parmi ceux
qui ont été prononcés contre les jésuites. Je vais
essayer de vous en transmettre la substance:
Le canton que je représente, a dit M. Luvini,
est entièrement catholique. En tête de la constitu
tion, la religion catholique est déclarée religion de
l'état, et ses lois prouvent tout le respect qu'il cou-
serve pour les croyances de ses pères. Néanmoins,
le canton du Tessin n'a pas hésité se prononcer
confie les jésuites et se joindre ceux qui désirent
leur éloignemeiit de la confédération, car le canton
du Tessin n'a pas pu voir dans la question des jé
suites, une question religieuse, une question con
fessionnelle. Pour qu'elle le lût, il faudrait que l'on
pût arriver démontrer qu'en touchant aux jésui
tes, l'on touche au catholicisme, et que l'on eu
diminue la grandeur et l'influence.
Mais comme, au contraire, il est reconnu que
les jésuites ont plus d'une fois compromis le catho
licisme,qu'ils ont fourni des armes pour combattre,
qu'ils ont, par des doctrines absurdes, excité des
dissensions dangereuses; comme c'est une vérité
incontestable, que le chef de l'église catholique, en
supprimant par une bulle a jamais célèbre, l'ordre
des jésuites, proclamait la face du monde, que
c'était uniquement pour l'avantage de 1a religion
catholique qu'il le faisait, il est hors de doute que la
question sur le maintien ou l'éloiguemeut des jé
suites est tout-à-fail étrangère la religion, et, par
conséquent, n'est pas une question contessiunnelle.
Elle ne l'est pas, parce que depuis l'origine de
la société de Jésus jusqu'à nos jours, celte société
lui toujours reconnue par des hommes remarqua
bles, par des catholiques émineuts et attachés de
cœur aux pratiques du catholicisme, comme une
institution créée pour acquérir de la suprématie, soit
dans les royaumes, soit dans les républiques.
L'on me dira peut-être que si un pape a sup
primé l'ordre des jésuites, un de ses successeurs l'a
rétabli. Mais, sans entrer dans une question l béolo-
gique, je ferai observer que lor.-que Pie Vil releva
les jésuites, il avait dépassé l'âge de quatre-vingts
ans; les forces de son esprit étaient abattues pur
l'âge et par les soufTiances, et qu'il lut dès-lors
facile de lui persuader que le plus sûr moyen de
combattre les principes que la révolution Irançaise
avait fait prévaloir, c'était le rétablissement des jé
suites. Aussi ce fut pour un but politique qu'on vit
renaître de ses cendres cet ordre redoutable.
Au point où cette question est arrivée, le canton
du Tessin n'a pas hésite la considérer comme étant
de la compétence de l'autorité suprême fédérale.
Par un respect exagéré pour le principe de la
souveraineté cantonale, la confédération a pu voir
le Valais le premier, et Fribourg après lui placer
les jésuites la tête d'institutions publiques d'édu
cation, il a pu voir le canton de Scliwy tz se mettre
entre les mains du même ordre, malgré une loi can
tonale qui n'a jamais été abrogée; la confédération
-a pu voir tout cela et se taire
qui me frappe aujuutd liui. Ecoulez-moi.
X-e surlendemain de voire départ pour Mayeuce je me reudis
Reiusteiu avec mou Auua, ma femme chérie. [Sous nous y trouvâmes
eu société d'uu assez graud nombre de voyageurs parmi lesquels je
distinguai plusieurs allemands. Pendant le repas, la cuuveisaliuu
roula sur les traditions et les légendes du pays, comuie cela arrive
chaque jour eu AUeuiaguc. 1,'uu des voyageurs nous raconta sa
visite la Tour-des-Kats, celte ruine d un manoir célèbre par la
«téteniiou d une noble dame que -ou mari, convaincu de sou iufidè-
1*té, y condamna a une mort atlieuse eu la livrant a la voracité des
rats. A cette époque, Ivut seigneur élail'baut et bas justicier dans
ses domaines et ses jugements étaient sans appel. l,a noble infortu
née y subit sou soi(-épouvantable avec uue résignation, un courage
qui lui valuiçnt tes honneurs de la tradition; ceci est un des mille
incidents qui .nous oonbimeut dans cette opinion que Dieu qui lit La
femme si faible coutre le plaisir la lit'bien plus forte que nous
Contre la douleur.; Or, 1 on p;Icnd a Reiusteiu que le beau ménes
trel, l amant pour lequel la châtelaine trahit la foi jurée, se trouve
Condamné par une volonté supérieure venir, chaque jour anniver
saire de la mort de sa maîtresse infortunée, chanter un iai funèbre
dans hs souterrain de'JarTour-dee-Rets, et que depuis plus de sept
Mais au point où les choses en sont venues,
après les déplorables événemetis de Lucerne, il n'est
plus permis d'invoquer la souveraineté cantonale
pour justifier l'appel des jésuites dans ce canton,
sans décider eu même temps que, dans un danger
commun en général pour la confédération, elle 11e
peut pas y pourvoir par des mesures générales; sans
décider que c'est en vain que les articles ter et M du
pacte ont donné le pouvoir la diète de prendre
toutes les mesures nécessaires pour la sûreté, pour
la tranquillité intérieure, et sans proclamer la lace
de l'Europe que dans une question qui nous mena
ce, d'un côté, d'une influence étrangère hostile
toute idée de progrès, de l'autre du danger d'une
guerre civile et de l'anarchie, la Suisse, dans des cir
constances aussi critiques, ne sait pas prendre les
résolutions que le salut public demande.
L'on a bien pu dans le temps, malgré la souverai
neté cantonale, éloigner les rétugiés politiques de
la Suisse; l'on a bien pu saisir la diète de la question
de savoir si le canton de Tliurgovie pouvait cotiser-
ver chez lui un membre de la famille impériale,
reçu daus les formes légales, citoyen du même eau—
luu; l'on a pu condescendre tout cela la deman
de de l'étranger, et aujourd'hui que le peuple suisse
s émeut, qu'il craint pour son avenir, aujourd'hui
que pour épargner la pairie commune des maux
incalculables, il s'adresse la diète et lui demande 1111
remède contre des circonstances funestes, la diète
devrait lui répondre: Nous avons fait taire nos
scrupules sous la menace de l'étranger, mais ils
renaissent tous lorsqu'il s'agit de vous donner sa-
tislaclion, vous peuple de la Suisse! (Profonde
sensu liou.j
>1 Un pareil langage me paraîtrait de nature ex
citer l'indignation la plus vive. Certainement nous
avons le droit d'être les gardiens jaloux de la sou
veraineté cantonale, qui est la vie et l'âme des in
dividualités qui composent la confédération mais
loisqu'ii s'agit d'assurer la paix, d'éviler les hor
reurs d'une guerre entre It ères, c'est alors le cas de
faire incliner la souveraineté cantonale devant celle
de la confédération.
Au tond, la question des jésuites 11'est ni plus
ni moins question politique.C'est la grande majorité
du peuple suisse qui, par des révolutions pactliques,
a conquis après 1 >o les bienfaits d'uu sage Libéralis
me, et qui veut les gai der; c'est celle grande majo
rité qui dans l'appel des jésuites u Lucerne, là où
uue réaction s'est accomplie et se maintient par la
terreur, a vu un immense échec pour les idées libé
rales.
Cette société déjà puissante par les moyens dont
elle dispose, par des.relalions très-étendues,taisant la
guerre aux institutions libérales, soit monarchiques,
soit républicaines, une semblable société, déjà éta
blie sur divers points du territoire de la cuulédéra-
11011, veut s'implanter au cœur de la Suisse primaire,
dans la ville la plus centrale de la coutéiiération.
Ses amis ne dissimulent pas le prix qu'ils atlacheut
lu présence lies jésuites, et l'espérance de les voir
bientôt de ce centre dominer le gouveriiemeul, do
miner le clergé, dominer, avec le secours des auto
rités civiles et ecclésiastiques, les peuples catholi
ques, inquiéter lescoutédérés de la religion réformée,
acheter des jourtia ux, étaler leurs doctrines, étoutter
les écoles indépendantes, en un mot tenter la ruine
de toutes les institutions de liberté et de progrès
social. Et l'on pense que le peuple ne doit pas s'épou-
vauter de cette triste perspective
Les jésuites, ennemis déclarés de l'égalité civile,
de la liberté de la presse, d'une éducation étendue
toute la masse du peuple, sous la surveillance de
siècles il u'y a pas manqué uue seule année.
Cumule j eu avais coutume, chaque fois qu'il s'agissait de réoils de
ce genre, je me mis railler avec vivacité les légendes et ceux qui
y ajoutent foi.
Le voyageur qui uous avait parlé de sa visite la Tour-des-Rats,
meregaidu avec surprise et m'écuula sans m'iuterrompre; lorsque
je uic tus il s'avança gravement vers moi
Vos railleries «ont piquantes, me dit-il et aux yeux de bieu
des geus vous [narriez avoir raisou, mais comme cela se dit com
munément railler u est pas prouver. C'est aujourd'hui précisément
1 anniversaire de la uioit de cette malheureuse victime, et je vous
avoue ma faiblesse saus boute, je n'oserais me rendre cette nuit
daus la petite île qui supporte les ruines de la Tour-des-Rats.
Coin meut, vous croyez ces coûtes merveilleux! m'écriai-je,
eu riant, malgré moi, car je comprenais que je devais froisser mou
interlocuteur par ma gaîlé immodérée vous croyez que véritable
ment le tioubadour vient daus cette île, chanter tous les ans, ses
remords et les malheuis de sa mie!
Je le crois; me répoudit-il d'un ton très-convaincu.
A sou air sentimental, cet incorrigible accent qui caractérise la
race germanique j'avais jugé que mon interlocuteur deTait être
l'autorité civile,en prenant de plus en plus une ex-
tention dangereuse, menaceut les libertés acquises
par les cantons régénérés.
C'est là la cause de l'agitation profonde qui
règne dans les populations, alors que nous voyons
un peuple comme celui du canton de Vaud, pacifi
que, éclairé, éminemment patriotique, renverser
dans un jour des conseils généralement respectés,
uniquement parce qu'ils n'ont pas répondu au vœu
populaire qui demandait l'expulsion des jésuites,
vous pouvez apprécier jusqu'à quel point la question
est politique.
Dans l'Argovie l'on a pas oublié que pendant
que ce canton était agité cause de la suppression
des couverts, les missions jésuitiques se succédaient
la frontière lucernoise, et que le but de ces mis
sions, bien plus politiques qu'apostoliques, était de
faire des ennemis au libéralisme argovien.
Oui, les jésuites étant les meilleurs auxiliaires
du despotisme, le peuple suisse a raison de le crain
dre et de demander qu'ils soient éloignés d'un pays
qui est le centre d'une liberté sagement progressive.
Messieurs, les jésuites sont appelés Lucerne,
et si la route est souillée de sang, s'il y a des cada
vres sur leur chemin, si des cris de désolation les y
suivent, ils n'eu persistent pas moins s'y implan
ter. (Sensation). Dans la grande question du jour,
ils ne jettent pas un mot de pacification. N'est-ce
pas assez pour les juger
Mais, dit-on, ils ne sont que sept cet bont pè
res Lorsque Loyola institua l'ordre des jésuites,
il n'eût d'abord que douze disciples. Cinquante-huit
ans après, ils dépassaient 10,000, et après un siècle
l'ordre comptait plus de 19,000 pères; ils avaient
plus de 3oo résidences, de 600 collèges ils avaient
investi l'Europe et s'étaient logés au Nouveau-Mon
de. Voilà ce que uous dit l'histoire, et les annales
contemporaines de notre pays nous disent que,
transplantés sourdement dans le Valais la restau
ration, les jésuites se sont bientôt établis Fri
bourg; que quelques années plus tard ils ont péné
tré Schwytz, et qu'aujourd'hui ils se font appeler
Lucerne. Si on les laisse faire, ils ne s'arrêteront
sûrement pas là..
Leur introduction dans le canton de Fribourg
n'a-l-elle pas fait enlever l'école populaire au père
Girard, éducateur vertueux et d'une grande renom
mée Est-ce que des plaintes n'ont pas été faites
par des prêtres d'uu mérite reconnu contre la déca
dence de l'instruction supérieure dans le séminaire
diocésain Et en politique, quels changemens n'a-
vons-nous pas vu dans ce canton
i> Dans le Valais, la compagnie après avoir com
mencé modestement, n'a-l-elle pas fini par se saisir
du privilège exclusif de l'enseignement philosophi
que et littéraire eu dehors de toute surveillance do
l'autorité civile, laquelle il ne reste que l'obliga
tion de donner de l'argent Que sont devenues les
institutions libérales de ce canton
A Schwytz, l'institut des jésuites 11e s'est-il pas
rendu entièrement indépendant de l'autorité civile.
Les griefs politiquts des districts extérieurs ne sont-
ils pas oubliés
Je cite des faits en m'abstenant d'autres dont la
connaissance augmenterait l'exaspération. Dans les
conseils du Tessin, on a été peu près unanime
penser qu'il était temps d'arrêter les empiéletnens
de celle milice ce n'est que sur les moyens d'action
qu'il y a eu divergence d'opinion. L'on désire le
maintien de la paix, et c'est pour cela que la dépu-
tation, après avoir été chargée de soutenir la com
pétence fédérale dans cette matière, a reçu pour
instruction de voter en première ligne une invita-
Allemand, et ses paroles me le persuadèrent entièrement, car les
esprits exaltés se passionnent volontiers pour le merveilleux.
Eli bien, moi j'irai cette nuit la Tour-des-Rats! lui dis-je, et
je vous promets de vous rendre fidèle ment compte demain de tout
ce que j'y aurai vu et eutendu.
Je souhaite que vous ne vous repentiez pas de votre témérité
ajouta-t-il eu me tournant brusquement le dos, et il s'éloigna.
Ma femme qui me suivait partout, voulut m'accompagner aussi
la Tour-des-Rats, telle était notre habitude, et convainco-d'ailleur*
que uous ne pouvions courir aucun danger, je cédai sans besiler, a
sou dé-ir.
Yers minuit nous traversâmes le Rhin, et au bout de quelques in
stants nous uous trouvâmes en faoe d'une petite île où nous décou
vrîmes, la pâle clarté de la lune, les restes d une tour énorme,
dont le temps avait profondément creusé la base. Tout-â-coup la
barque s'arrêta et uous nous épuisâmes en vains effoitspoui la
remettre eu mouvement.
R.-Ta. Pmosort
(La suite au prochain