EXTÉRIEUR. France.
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l'effroi et la consternation. Des rouliers, en lon
geant la roule de Saint-Yrieix Excideuil,
avaient entendu un bruit extraordinaire der
rière la muraille du cimetière qui se trouve
près de là. A ce récit, les habitants de l'auberge
et les autres personnes qui s'y trouvaient ayant
dit Mais si c'était Pierre qui ne fût pas encore
mort? De quel Pierre voulez-vous parler?
Parbleu de celui qu'on a enterré ce soir,
l'entrée de la nuit, et que nous venons d'ac
compagner jusqu'à sa dernière demeure; Pierre,
le fils de..., que Ion a cru mort deux autres
fois, et qui, après avoir été vicillé jusqu'au len
demain, était toujours revenu de mort en
vie!.... On se lève de table et on se rend en
foule au cimetière, on écoute, on entend un
bruit sourd; mais répété, qui semble sortir de
terre. Alors on ne doute-plus, 011 pénètre dans
le cimetière et on arrive au lieu de la sépulture.
On découvre le cercueil avec hâte, et I on aper
çoit Pierre encore vivant, mais dans le plus
triste état, ayant les mains et les pieds tout
ensanglantés, tant il s'en était servi rudement,
quoique logé assez l'étroit, pour se faire en
tendre des passans. Mais le pauvre garçon ne
revint pas la vie pour longtemps car i! avait
peine respiré une quinzaine de minutes, qu'il
rendait, dans le cimetière même et pour tou
jours, le dernier soupir.
On lit dans le journal Y Afrique
Abd-el-Kader est toujours sur le territoire
du Maroc; l'empereur, la vérité, lui a fait si
gnifier de sortir de ses états; mais la réponse de
l'émir a été que la terre n'appartient qu'à Dieu,
et qu'il avait les mêmes droits que l'empereur
y séjourner.
Sur ce, Abder-Rhaman a donné des ordres
au chef de l une des tribus les plus puissantes
de la frontière, l'effet d'engager l'émir se
rendre près de luiet quand il l'aurait en son
pouvoir de le conduire Fez; mais Abd-el-Kader,
soupçonnant une surprise, ne se rendit l appel
qui lui avait été fait qu'à la tête de deux mille
cavaliers marocains; de' là il interpella son
tour le chef de tribu sur les motifs qui l'avaient
décidé agir. Celui-ciintimidé par les forces
qui le menaçaient, avoua les ordres qu'il avait
reçus d'Abder Rhamanet, comme on s'en
doute bien ne put les exécuter. Voilà où en
sont les choses, au dire des indigènes.
Il est du reste évident pour tout le monde
ici qu'Abd-el-Kader fomente une révolution
dans le Maroc, et que, si notre gouvernement
ne vient pas en aide l'empereur, non avec les
armes débiles de la politiquemais avec les
baïonnettes, celui-ci, qui a contre lui de nom
breux méconlens, un parti puissant indépen
damment de tous les fanatiques, pourrait bien
devenir victime des dangers qui le menacent.
Je vous annonce que, le 18, cinq heures
du matinla police et la force, ont fait une des
cente chez MM. Belly et Dru, où elles sont res
tées 4 heures examiner la correspondance du
journal VAfrique et le moindre chiffon. Je vous
laisse penser l'effet produit par ce petit coup
d'étal
Nous sommes encore sans aucun autre dé
tail sur celte incroyable affaire. Les lettres de
nos correspondans, ce qui ne nous était encore
jamais arrivé, ne nous sont point parvenues au
jourd'hui. Qu'est-ce que cela veut dire? Nous
attendons de plus amples renseignemens pour
savoir ce que nous devons penser, ce que nous
devons craindre, et quelle conduite il nous reste
tenir.
Paris, 27 Avril.
Lorsque M. Thiers a annoncé qu'il adresse
rait le 2 mai prochain des interpellations au
ministère, au sujet de l'existence des congréga
tions de jésuites en Francele bruit avait été
immédiatement répandu que le ministère du !r
mars avait fait sa paix avec le 29 octobre, et que
les interpellations annoncées avaient pour but
de détourner l'attention publique des fortifica
tions. Cependant M. Thiers nous semblait en
hostilité si patente avec M. Guizot qu'une nou
velle de cette nature nous paraissait peu près
impossible. Il parait néanmoins que le bruit s'en
est accrédité dans la plupart des cercles diplo
matiques, car Londres on parlait tout haut, il
y a deux jours, de la réconciliation de M M. Thiers
et Guizot. 11 paraîtrait que la réconciliation
entre l'ex-président et le président en activité a
eu lieu par l'intermédiaire de madame la prin
cesse de Lieven. On ajoute même qu'une lon
gue conférence qui a eu lieu entre le roi et M.
Thiers, a eu pour objet la ratification du traité
de paix.
On assure que des ouvertures viennent
d'être faites monseigneur Affrearchevêque
de Paris, pour lui faire accepter le chapeau de
cardinals'il voulait prêter son concours au
gouvernement pour faire exclure les jésuites de
la France.
M. le ministre de la marine vient d'en
voyer au commandant de la station de Bourbon
des ordres pour qu'un bâtiment de l'État soit
expédié Rassora et y prenne les sculptures
enlevées au palais de Ninive. Ces sculptures qui
ont été heureusement descendues jusqua Bug-
dad sur des radeaux faits de peaux de chèvres
et de bois, y sont arrivées depuis longtemps, et
1 heure qu'il est, elles doivent être rendues
au lieu de leur embarquement pour la France
qui est Bassora, ville Arabe au confluent du
Tigre et de l'Euphrale.
Le roi a donné des ordres pour que des sal
les soient préparées au Louvre afin d'y déposer
ces sculptures aussitôt qu'elles seront arrivées.
La Beine des Français, étant née le 26 avril
1782, est entrée hier dans sa 64e année. Il v a
grand diner aux Tuileries cette occasion.
La Reine a maintenant été dix fois grand-
mère, elle le sera bientôt trois fois de plus.
On annonce que M. Guizot rétabli de son
indisposition, reprendra sa plaee demain la
chambre des députés.
Le débat qui s'ouvrira vendredi sur les
congrégations religieuses donne de sérieuses
préoccupations au ministère. Il est troublé, et
sa position se complique par les singulières
fut aussiiôt exécuté. Les missionnaires de Gori
ont été expulsés de la même manière.
Italie. On écrit de Livourne,20 avril:
Les nouvelles de Ravennes sont affligeantes.
On dit que la commission militaire a déjà
prononcé huis-clos une sentence qui con
damne trois prévenus, dont l'un n'a pas encore
dix-huit ans la peine de mortet plusieurs
autres aux galères vie.
L'exaspération est grande parmi la popula
tion. Les membres de la commission n'osent
pas sortir de leur résidence sans être escortés
par un fort détachement de carabiniers.
D'après les lettres de Rome, le tribunal de la
Sacra Consulta aurait prononcé son tour une
sentence par laquelle M. Galelti, avocat de Bo
logne, est condamné aux galères perpétuelles,
et M. Serpieri, de Rimini, vingt ans de réclu
sion.
Deux prisonniers politiques sont morts der
nièrement San-Leo, par suite des souffrances
qu'ils ont endurées dans ce fort.
Athènes, 6 avril. Les craintes qu'on
avait l'occasion de l'anniversaire du 6 avril
1826, jour où a éclaté la guerre de l'indépen
dancen'étaient pas fondées. L. M. ont assisté
un service divin dans la cathédrale et ont été
reçues avec acclamations par le peuple assemblé.
Douze cents individus qui ont pris part la
guerre de l'indépendance, et qui, jusqu'à ce
jour, n'avaient obtenu aucune récompense,
viennent d'obtenir le grade de phalangites, au
quel sont attachés des droits une pension.
Le sénat a adopté, sans aucune modification,
les lois sur la taxe du bétail et sur la confection
des listes du jury pour l'année 1845, ainsi que
celles concernant la piraterie et la baraterie,
déjà adoptées par la chambre des députés.
On a arrêté dans le port d Hydra un petit
navire qui avait bord 400 barriques de poudre.
On a prétendu que celte poudre était destinée
aux trois provinces delà Ménésie, del'Acarnanie
et de l'Arcadieet venait d'Angleterre. Les
journaux ministériels réfutent cette •assertion.
Quelques troubles ont éclaté Missolonghi
mais les autorités ont promplement rétabli
l'ordre.
On écrit de Liège, 23 avril
M. le vicomte D. N., colonel en non-activité,
qui a dernièrement tenté de se suicider, vient
d'être placé dans une maison de santé afin de
le mettre l'abri de nouvelles tentatives mal
heureuses.
Le tribunal de police correctionnelle de
Toulouse s'est occupé mercredi de l'affaire de
M. Belcaslel, jeune avocat, qui avait, dans la
salle d'audience de la cour d'assises, donné un
soufflet M® Gasc. M. Belcastel a exposé dans
les termes les plus convenables et avec l'expres
sion d'un vif regret de s'être laissé entraîner
un acte de cette natureles circonstances qui
pouvaient atténuer la gravité de l'offense; le tri
bunal n'en a pas moins prononcé contre lui la
peine de six mois de prison et de 200 francs
d'amende.
Le 18 de ce mois, toute la population de
la petite ville d'Angoisse (Dordogne) était dans
côté, quand je vois sortir des arseuaux, où les rongeait une rouille
séculaire, les vieux engins de bataille que la phiosophie du dernier
siècle avait forgés et que nos mains débiles, dressées une autre
besogne, ne manœuvrent plus qu'avec peine; quand je vois tout ce
mouvement, j'éprouve, je l'avoue, quelque chose comme ce ser
rement patriotique qui me saisirait le cœur si je voyais, par impos
sible, l'étranger menacer la France!
D'où lui viennent de tous côtés
Ces enfants qu'en son sein elle n'a pas portés?...
D'où viennuent ces hommes qui parlent de royauté au nom de
Maxiana, de liberté au nom d'Escobar, de pauvreté en invoquant
Ea "Vailette, d'humilité en souvenir de Le Tuilier? D'où viennent
ces hommes qui disent que la Révolution a été faite pour eux, qui
acceptent ses bienfaits, se cantonnent dans les palais que sou gou
vernement leur ouvre, se prélassent dans la pourpre qu'il leur
a donnée, et qui dressent oontre lui des tribunaux d'exception où ils
condamnent, au nom de Dieu, les œuvres de ses jurisconsultes les
plus respectés? D'où viennent ces hommes qui préludent par l'inves
tissement des familles la domination de l'Etat, et par la captation
des testamens au rétablissement de la feuille des bénéfices? D'où
Yienncnt-ils? et qui leur a délivré un sauf-conduit la frontière? et
une fois entrés, qui leur a donné droit de bourgeoisie dans nos cités,
qui leur a ouvert des chapelles? qui leur a montré le chemin des
chaires publiques? qui les soutient? qui les tolère? qui les relève de
la chute de 1850 et de la débâcle de Juillet?
Quant moi, je suis de ceux qui croient que les jésuites ont été
chassés de France en juillet 1830.
Si nous avions fait «ne révolution pour avoir un peu plus de
jésuites eu 1845 qHC nous n'en avions, en 1828, après les ordon
nances de M. Feurlrier, nous aurions fait une sotte chose. Je dis
plus, nous aurions trompé le pays. Le pays s'est insurgé contre les
ordonnances. Qu'était-ce que les ordonnances? le jésuitisme qui
ressussitait par uu coup d'Etat, inspiré par les professeurs de cour,
prophétisé par M. de Quclen destiné rétablir l'influence sacer
dotale au-dessus de tous les pouvoir» et cacher le manteau du Roi
constitutionnel sous le cilicedu pénitent humilié. Voilà quel était le
sena du coup d'Llat médité et exécuté eu juillet. Et qu'on ne se dise
pas que les jésuites, qui demandent aujourd'hui, eu se moquant de
nous, leur place au soleil de la liberté, qu'on ne se dise pa$
qu'ils n'auraient pas exploité leur profit la servitude publique. L«
gouvernement fondé par les ordonnances eut été une théocratie de
moines, tempérée, comme au bon temps, par des mousquetades, une
Saint-Barthélémy l'état chronique.
La France a fait une révolution contre ces prétentions stupides et
furieuses. Soyons de bon compte; était-ce pour leur donner raison
quinze ans plus tard? Personne ne le croit, excepté les jésuites.
On a renversé le Roi Charles X; donc on a renversé 1 influence
politique des confesseurs, celle des faux dévols, celle des abbés de
cour, celle des hypocrites patentés, celle des marchands d'indul
gences, des pourvoyeurs d'absoluliou et des colporteurs de pieuses
calomnies! Ou a détiôué en trois jours trois générations de rois donc
on a chassé les jésuites avec lesquels ces malheureux princes avaient
fait alliance et qui les ont entraînés avec eux daus l'ab/aie d'où les
jésuites seuls pouvaient revenir. On a brisé dans la poussière dune
iusurreclion victorieuse le plus vieux trône du monde; donc, on a
condamné la même chute et la même démolition 1 échafaudage
éphémère sur lequel le jésuitisme osait l'appuyer, et qu'il adosse in
solemment aujourd'hui au temple de nos libertés et de uos lois!
Cuvillier-Fleury.
(Journal des Débats-)
(La suite au prochain n®.)