INTÉRIEUR.
5e ANNÉE. - N° 430.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
YILLE D'YPRES. conseil communal.
Feuilleton.
On j'abonne A Tpbes, Marché
au Beurre, et chex tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
par trimestre.
Pour "Yprèsfr. 5-00
Pour les autres localités 6-00
Prix d'un numéro0-25
lefrMrès
DIMANCHE, 15 JlllN 1845.
Tout ce qui
tion doit être
l'éditeur du joui
Le Progrès
che et le Jeudi de chaqu
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
VIRES ACQUIRIT EUNDO.
YPRËS, le 14 Juin.
MARCHE PROGRESSIVE DE L'OPINION LIBERALE.
Le résultat des élections est connuLe parti ca
tholique et le ministère n'ontpas trop s'en louer.
Si dans les petites localités, comme Ypres, on
n'a pu entamer la lutte avec avantage contre
les nombreux électeurs campagnards, au moins
dans les grands centres de population, les can
didats du clergé et du ministère ont échoué.
De compte fait, l'opinion libérale est en pro
grès. Si sa marche est lenteelle n'en est que
plus sûre. Toutes les grandes villes échappent
la domination cléricale, malgré la perfide loi
électorale. C'est un fait démontré l'évidence
par le résultat des dernières élections.
Pour le parti clérical il ne s'agissait plus de
gagner de nouvelles voix la chambre. Pour
lui, la lutte se bornait maintenir le statu quo.
Il n'était plus question, comme en 1841, d'éli
miner les libéraux en masse de la représentation
nationale, le scrutin électoral a prouvé que cette
exorbitante prétention était au moins ridicule.
En 1843, l'opinion libérale, loin de se contenter
de défendre ses positions, son tour, a voulu lut
ter avec ses adversaires, pour obtenir une place
plus large au palais delà nation. Elle a réussi. A
Liège, Verviers, Tournai, les candidats du
clergé ont succombé dans la lutte et M. Dubus
a eu même le triste courage, pour rentrer la
chambre, de se laisser élire par l'arrondissement
de Turnhout.
En 1845, le ministère et le clergé n'avaient
rien épargné pour échapper un échec Brux
elles. Intrigues, décorations, cadeaux ministé
riels de toute espèce avaient été mis en jeu.
Les candidats réélire avaient été décorés, des
subsides pour les communes appelées voter,
étaient accordés quelques jours avant les élec
tions; enfin la corruption la plus effrenée avait
été essayée, pour remporter la victoire de haute
lutte. Des journalistes sans pudeur, véritable
gibier de cour d'assisesétaient chargés de
diffamer dire d'expert, non-seulement les can
didats libéraux, mais encore les électeurs indé
pendants qui ne voulaient pas se soumettre
recevoir le mot d'ordre du ministère ou du
clergé.
Quoiqu'il en soit, les élections de Bruxelles
et d'Anvers sont un coup mortel pour le système
corrupteur intronisé par M. Nothomb.
La grande majorité des électeurs de ces
grandes villes, centres d'industrie et de lu
mières, a condamné la conduite du pouvoir
et l'ont déclarée.fatale au pays.
II est remarquer que le parti clérical
Bruxelles s'est effacé et qu'il s'est caché derrière
le ministère. Convaincu de son impopularité, il
n'avait garde de présenter ses candidats sous sa
propre bannière. C était le drapeau ministériel
qui devait couvrir et M. Meeus et M. Coghen.
Mais l'on ne s'y est pas trompé; lesélecleurs ont
décidé que parti clérical et ministère ne faisaient
qu'un. C'est la seconde ville du pays, où sous
peine d'être hué, un candidat n'ose se présenter
sous les auspices du parti-prêtre et cela ne
fera que croître et embellir.
L'opinion libérale gagnera, par suite des der
nières élections, au moins cinq voix la cham
bre, et elle n'en a pas perdu. Nous ne pouvons
compter la perte de M. Jadot comme un échec.
Depuis l'entrée de M. Mercier l'apostat, au mi
nistère, l'ex-dépulé de Marche marchait dans les
voies d'un modérantisme qui plaisait beaucoup
au parti clérical. M. Orbancelui qui le rem
place, nous paraît destiné devenir une véri
table moelle ministérielle.
Après une pareille victoire, il doit être permis
aux suppôts du jésuitisme de maudire et l'opi
nion libérale et les journaux qui marchent sous
sa bannière. Aussi les feuilles vertueuses du mi
nistère et du clergé se battent-elles les flancs,
pour tâcher d'atténuer la portée de l'échec que
vient de subir leur parti. Qu'on ait réussi dans
quelques petites villesdans quelques arron
dissements arriéréscela est-il comparable
l'échec qu'on a subi Bruxelles, la capitale po
litique du pays? L'effet moral d'une déroute
aussi complète peut-il être compensé par le main
tien de ses candidats dans quelques localités,
où il n'y avait pas même lutte? Ayons confiance
dans 1 avenir du parti libéral. Sa prépondé
rance est une affaire de temps, mais il y arri
vera. Ne peut on pas espérer avec raison que
l'époque n'en est plus très-éloignée, quand on voit
l'opinion libérale Bruxelles aux prises avec le
ministère, le clergé, la finance et la cour et
remporter une victoire complète
Un arrêté du 7 juin porte
Sont accordées l'académie de dessin et d'ar
chitecture d'Ypres, douze médailles, dont deux
en vermeilquatre grandes et six petites en
argent.
Dans notre dernier n9, nous avons dit que
nous espérions que le collège électoral d'Ypres
ne serait convoqué que dans quatre ans.
Nous ne voulions parler que des élections pour
la chambre des représentants, car dans deux
ans, en Juin 1847, les électeurs auront re
nouveler le mandat de leur sénateur M. Malou-
Vergauwen et faire choix d'un second man
dataire au sénat.
Se ance publique du Mercredi, 18 Juin 1845,
trois heures de relevée.
ORDRE DU JOUR t
i° Communication de pièces.
2° Arrêter le compte de l'exercice i843 et le
budget de l'exercice i84-% du mont de piété.
3° Délibérer sur une demande adressée la dépu-
tation permanente du conseil provincial par le Sr
Edmond Coineyn, l'effet d'être autorisé établir
une fabrique d'ainidon, dans sa demeure, rue des
Chiens n° 54.
4" Arrêter l'état des dépenses imprévues pour
l'année 1844-
5Etablir les droits la pension pour:
A. La veuve et les enfants de Louis Bouckaert, em
ployé dans les bureaux de l'administration; B. La
veuve de François Menu, en son vivant agent de
police en cette ville.
6° Délibérer sur une demande de subside formée
par M" la veuve Rabau, pour la reconstruction d'une
maison en bois.
On nous apprend que la foudre est tombée
au village de Messines, sur les bâtiments d'une
ferme appartenante l'hospice de Messines,
occupée par la Ve Dember. Ils ont été entière
ment réduits en cendres, sans qu'on ait pu rien
sauver du mobilier, nides céréales qu'ils conte
naient. Les bestiaux seulement ont échappé ce
désastre.
Le triomphe du parti libéral Bruxelles et
Anvers est des plus remarquables. Les moyens
les plus violents comme les plus honteux ont
été employés contre ses candidats, le ministère
aa Q3SÎ2351 2)3 2»42 ^327^3,
NOUVELLE.
II. (Suite.)
Les détails que je pourrais vous donner sur notre traversée et sur
ma vie de marin seraient aussi déplacés ici que peu intéressants pour
vous; je les paierai d'autant plus volontiers sous sileuce que je ne
puis, sans un sentiment de dignité blessée, me rappeler tout ce que
j eus souffrir alors d'humiliations physiques et morales; je dois
ajouter encore qu'une fois en mer, cet homme qui m'avait accueilli
ave® tant de bienveillance, ne s'occupa plus de moi, et que je ne pus
même faire parvenir mes plaintes jusqu lui, parce qu'il ne daignait
pas les entendre.
Nous arrivâmes Saint-Pierre. Mon premier soin fut de cheroher
me procurer une place, quelle qu'elle fut, parce que je ne voulais
aucun prix retourner bord du navire qui m'avait amené. C'est
ici que commence cette suite bizarre et non interrompue de petits
événements qui d échelon eu échelon m'ont hissé au plus haut de
l'échelle sociale. Par de pelits moyens fou peut arriver un grand
but, de même que par de grands et puissants moyens l'on n'arrive
trop souvent, qu un but médiocre.
Sans protection, sans autre garantie que la conviction de ma pro
bité, la paix de mon cœur, je me présentai hardiment chez un colon
de Saint-Pierre et le priai de me recevoir dans sa maison, lui pro
mettant de me soumettre au travail qu'il n'imposerait. Par malheur
pour moi, j'avais faire l'un de ces hommes qui ne sont ni bous
ni méchants, parce qu'ils n'en ont pas le loisir, et qui se renferment
dans un profond égoïsine que l'habitude des spéculations immenses,
et le dédain de richesses acquises avec trop de facilité, enracinent
incurablement. Monsieur Durbin, c était son nom, me demanda
froidement qui j'étais, d'où je venais et comment j'avais la hardiesse
de me présenter ainsi dans sa maison sans la recommandation d une
personue qui lui réponde de ma moralitét
A ces questions faites d'un ton sec et blessant, je sentis que tout
espoir était perdu pour moi si je ne parvenais émouvoir cet homme
d'argent, car je savais déjà jusqu'à quel point je pouvais compter
sur mon capitaine, mais comment éveiller la pitié chez un impi
toyable? comment trouver une fibre sensible dans ce cœur que l'or
avait si fortement cuirassé? Le désespoir me donna cette force, ce
courage; le souvenir de ma pauvre mère et de mes malheurs me
rendit éloquent. Je lui fis, avec chaleur le récit des événements
cruels qui veuaieut de frapper ma famille, de ma fuite, ma traversée
et mon déuùment. Je fus persuasif parce que j étais vrai; jamais je
n'avais parlé avec une facilité si aboudante; par moments, quelques
larmes, témoins muets et fidèles, venaient donner uue force nou
velle mes paroles; en terminant je tirai vivement de ma poitrine le
sachet qui y était suspendu et je montrai Monsieur Durhin l éou
que m'avait donné ma mère en divisant en deux parts le seul
argent qui lui restât, et je m écriai avec véhémence voila mon ré-
poudant, le sauf-couduil de mon honneur! Peut-être mes maius qui
jamais ne connurent les pénibles travaux, seront-elles réduites
creuser la terre, peut-être serai-je forcé de me nourrir la sueur de
ce front qui naguère pâlissait l'étude, maisje me résignerai tout:
je veux accomplir mon serment!
Que savez-vous faire? me demanda M. Durbin lorsque j'eus
achevé.
Je ne saurais vous définir tout ce que cette simple question me
donna de bonheur, d espoir. J'éprouvai comme une sorte de vertige
et j'aspirai l'air avec force pour ne pas étouffer, mon cœur se dilata
Je ne vous parlerai pas de mes études, lui répondis-je, je ne
crois pas qu'elles puissent vous être utiles; je vous dirai donc que
je sais lire, écrire et calculer.
Ma réponse parut satisfaire M. Durbin qui sortit de la pièce où il
m'avait reçu, eu me faisant sigue de le suivre.
Nous entrâmes dans son bureau. A noire entrée un jeune homme#
occupé aux écritures, se leva et salua le chef.
Voici du renfort que je vous amèue, lui dit celui-ci, vous 1 em
ploierez comme vous l'entendrez. Vous vous êtes plaint quelquefois
du surcroît d,e travail que l'accroissement successif de nos relations
commerciales vous occasionnait, je désire que ce jeune homme puisse
vous être utile, il paraît avoir de la bonne volonté, essayez-le.
Ce premier commis qui s'appelait Bernard, était d un extérieur
très-agréable, mais jeune encore, (il n avait pas trente ans\ ses traits
portaieul déjà 1 empreinte dune précoce lassitude, d une froideur
sans dignité, qui ne lui valurent pas ma sympathie. La manière
dont il se conduisit envers moi, ne fut pas propre vaincre l'éloi-
gnement qu il in'inspifa tout d'abord. D'après les paroles de M.
Durbin, je devais supposer qu iI se hâterait de m'employer il n'en
fût rien, et le croirez-vous? autant que cela lui fut possible, il
m écarta de la petite enceinte, dont il avait la singulière manie de
vouloir être roi sans sujets! Je ne péuétrai que bien tard les causes
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