5e ANNÉE. - N° 135.
INTÉRIEUR.
JOURNAL D YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
JEUDI, 3 JUILLET 1845.
Feuilleton «lu Progrès
lu yvais raïuœ
On s'abonne Ypres Marché
au Beurre, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
par trimestre.
fr. 5-00
Pour Ypres
Pour les autres localités 6-00
Pria d'un numéro0-25
Le Progrès
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé, franco,
l'éditeur du journal, Ypres.
Le Progrès parait le Diman
che et le Jeudi de chaque semaine.
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
VIRES ACQUIRIT EUNDO.
Y PUES, le 2 Juillet.
Nous n'avons pas l'intention, comme nous
l'avons déjà fait pressentir nos lecteurs, de
parler encore des pigeons envoyés par la rédac
tion du Nouvelliste de Bruges monsieur le
principal du collège de S'-Vincenlpour être
lâchés par luiimmédiatement après les der
nières élections; mais en relisant notre dernier
article en réponse aux platitudes de l'organe
cle'ricâtre d'Ypres, nous y avons rencontré une
phrasesur laquelle nous croyons devoir revenir,
non que notre idée présente quelque équivo
quecar nous croyons l'avoir suffisamment
motivée, mais parce que nous prévoyons que
les scribes qui s'occupent de la rédaction du
susdit organe, s'en empareront avec leur cynisme
et leur mauvaise foi habituels, pour en déna
turer le sens et la lettre peut-être même est-ce
déjà fait en ce moment, et notre article ser-
vira-t-il aujourd'hui même de correctif aux
nouvelles injures que nous attendons de nos
vertueux Nini-Moulins.
Venons au fait Nous avons avancé, et
nous maintenons que la polémique propos de
bottes de la feuille jésuitique n'a été soulevée
que dans le but d'exciter la discorde au sein du
corps enseignant du collège communal, parles
éloges que celle feuille s'est permis de donner
un des membres de ce corps; ces louanges,
fussent-elles méritées du reste, perdent tout leur
relief, en partant d'une source aussi suspecte,
et seraient de nature jeter la défiance entre
des hommes honorables, si ce qu'elles ont d'as
tucieux et de déloyal ne sautait aux yeux. Que
nos sacripants se le tiennent pour dit, celte
nouvelle manœuvre ne leur réussira pas plus
lin établissement qu'ils convoitent de toutes
leurs forcesque les grossièretés l'aide des
quelles ils cherchent lui ôler la considération
publique.
Pour notre partnous engageons fortement
le personnel du collège mépriser, et les in
sultes et les éloges que leur prodiguent de
misérables folliculaires—qui ont fait divorce,
depuis longtemps, avec la pudeur, comme avec
le sens commun Il ne peut rien y avoir de
commun entre des hommes qui se respectent et
ces gens là.
Nous venons d'exprimer franchement notre
pensée et nous ajouterons que nous n'avons
nullement eu souci d'arrêter en quoi que ce soit
l'élan des détracteurs du bel établissement que
les sympathies du public ont défendu et main
tenu travers les orages politiqueset qu'elles
sauront protéger encore, malgré les efforts im
puissants de quelques fanatiques qui en rêvent
la ruine qu'ils poursuivent leur système de
diffamation, nous le voulons biennous le dé
sirons et pour cause, mais qu'ils se bornent
cela, car mieux valent le fiel et les ordures que
distillent les colonnes de leur libelle, que le
miel et les aromates l'aide desquels ils s'effor
cent de les parfumer.
ment pas songé sans la sotte incartade de ce
curé. Impartial de Bruyes
Dans la nuit du 29 juin dernier, une rixe
sanglante a eu lieu Cortemarcq, entre les
nommés Verschaeven, Jean-François, et De-
clercq, Louis, tous deux domiciliés dans ladite
commune. Le premier a reçu de Deciercq,
Louis, un coup de couteau au bas-ventredu
côté gauche, blessure mortelle.
Le coupable a été arrêté et conduit en la
maison d'arrêt Bruges.
ACTES DE DEVOUEMENT.
On nous écrit de Furnes, 28 juin
Avant-hier 26 juin c'était la kermesse de
Coxyde, petit village trois quarts de lieue de
Furnes. Plusieurs personnes notables de la ville,
attirées par le beau temps, entr'autres M. le
commissaire d'arrondissement, étaient assises
la porte d'un cabaret, écoulant patiemment
les sons aigres que tirait d'un mauvais violon
un pauvre ménétrier cfune soixantaine d'an
nées, quand arrive M. Focqueur, curé de l'en
droit, au moment où le vieillard demandait
quelques centimes la compagnie. Le prêtre
devient toul-à-coup furieux, et l'œil en feu et
l'écume la bouche, il dit au malheureux mé
nétrier qu il ne savait pas comment il osait se
présenter là; qu'on devrait le chasser comme
un chien; que celait un mauvais sujet (ee/i
sleyle vent), et que tous ceux qui lui donnaient
de l'argent étaient aussi mauvais sujets que lui,
etc.etc.
Or, le grand crime de cet homme, c'est de
chercher subvenir sa subsistance, en faisant
quelque fois danser nos gros paysans, aux ker
messes des environs.
Personne n'osa prendre la défense du mal
heureux, mais on alla un peu plus loin danser
dans une autre guinguette, aux sons du même
violon, récréation laquelle on n'eut probable-
RÉCOMPENSES ACCORDÉES PAR ARRÊTÉ ROYAL DU 13 JUIN.
Province de la Flandre occidentale.
Bastaigny (François), prépose des douanes
Warnèton pour avoir sauvé la vie un jeune
homme près de mourir dans la Lys, une mé
daille en argent.
Poisonnier (Philibert), Bas-Warnéton, pour
avoir sauvé la vie un jeune homme près de
mourir dans la Lys, une médaille en argent.
Lisnyder (Joseph), Dixmude, pour avoir
sauvé la vie un homme qui allait périr dans
rYser, une médaille en argent et 15 fr.
On écrit d'Herenlhals, 24 juin Hier, vers 10
heures du soir, le nommé L. Naemhouls âgé
de 22 ans, cultivateur au hameau de Schranse,
sous la commune d Oolen, a été attaqué sur le
chemin public par le nommé Vanolmenâgé
de 25 ans, fils d'un cultivateur, demeurant au
hameau de Yenne, sous Herenlhals. Naerahouts
venait de reconduire sa maîtresse et retournait
chez lui, lorsqu'il rencontra Vanolmen qui, après
lui avoir dit quelques injures, lui porta un coup
de couteau sur la tête.
Naemhouls fut renversé et perdit connais
sance; l'agresseur celle vue redoubla de fu
reur et porta sa victime encore six autres
blessures l'épaule et au dos. Heureusement
aucune n'est mortelle d'après la déclaration du
médecin. Vanolmen est en fuite. Il parait que
c'est la jalousie qui l'a porté commettre ce
crime.
NOUVELLE.
premiere partie.
I. (Suite,)
Lorsque le lendemain Albert aborda Estelle, son émoi ion fut si
profonde qu'il ne put que lui tendre silencieusement le livre d'Heu
res, mais elle le repoussa doucement
Ce n'est pas pour reprendre ce livre que je vous l'ai donné,
dit-elle, d une voix tremblante et douce comme celle d'uu enfant,
gardez-le, monsieur, gardez-le en souvenir de la fille du marquis
d'Ambez.
En prononçant ces dernières paroles, elle avait donné sa voix une
inilexion singulière qui ne put échapper Albert.
Mademoiselle d Ambez! s'écria-t-il, oh! pourquoi me rappeler
ce titre? Est-ce pour me faire comprendre toute ma folie?
Ce n'est pas sans intention que je vous ai parlé ainsi, reprit
Estelle; j'ai voulu vous faire sentir qUe si le marquis d'Ambez ne
pouvait descendre jusqu i\ vous, c était vous de vous élever jusqu'à
lui. Je ne partage pas son orgueil, maisje ne désobéirai jamais mon
père. Vous m'aimez généreusement; si je n'en avais la conviction
vous ne seriez pas ici; je vais doue vous dire toute ma pensée, La
paix du royaume est meoacée, le peuple est fatigué de l'oppression,
de grands événements vont s'accomplir. Nous ignorons quels en
seront les résultats, mais c'est du seiu des révolutions que surgissent
les hommes de génie. La carrière est ouverte, des dangers vous y at
tendent peut-être, mais vous songerez au but.
La voix d'Estelle d'abord si tremblante, s'était raffermie par
degrés, et lorsqu'elle eut achevé, l'énergie illumiuaitencoresesyeux.
Albert, que cette révélation si inattendue avait interdit, reprit
cependant un peu de sang-froid
Merci, dit-il, d'une voix profondément attendrie, merci, ma
demoiselle, de vos conseils et de l'intérêt que je vous inspire. Sans
vous, j'aurais végété peut-être longtemps encore dans cette inaction,
qui use les forces de l'esprit plus encore que de pénibles travaux;
sans vous je n'eusse même pas osé espérer et maintenant j'ai plus que
de l'espoir! Je saurai justifier tant de bonté.
Deux partis vont diviser notre pays, déjà leur position commence
se dessiner nettement: la noblesse, avide de domination, le peuple,
avide de liberté. Dans quels rangs dois-je servir?
Le choix est embarrassant, je dois en convenir, répondit made
moiselle d'Ambez, pour moi surtout qui ne suis qu'une jeune fille
paifaiteinent ignorante en matières politiques. Je ne saurais mesurer
les chances de succès des deux partis, mais il me semble que les
masses ayant pour elles la raison, le bon droit et la force ne peuvent
manquer de triompher.
C'est donc le peuple que je dois servir? dit Albert, mais si je
lutte contre la noblesse, quel espoir de rapprochement peut-il me
rester entre le marquis d'Ambez et moi?
Estelle comprenant la difficulté de cette position, baissa la tête et
garda le silence.
Les traits du jeune homme exprimaient eu ce moment une douleur
si navranle, un découragement si profond, qu'Estelle en fut saisie;
elle voulut ranimer son courage
Eh quoi! lui dit-elle, vous désespérez déjà? Mais si votre force
vous abandonne maintenantque de viendrez-vous pendant celte
lutte que tout nous annonce devoir être longue et terrible? Quelles
sont donc vos pensées?
-h Vous voulez les connaître? demanda Albert avec tristesse.
Oui, quelles qu'elles puissent être, je le désire.
Me permettrez-vous une seule question? demanda-t-il.
Laquelle?
Aucun événement douloureux ou étrange n'a-t-il frappé votre
existenoe? S'est-elle toujours éccrulée douce et calme comme mainte
nant au château de votre père?
Toujours.
Et si l'on vous disait qu'il y a des existences que le hasard, ou
la fatalité, comme vous voudrez 1 entendre, a brisées d'une manière