5e ANNÉE. - N° 436.
INTÉRIEUR.
DIMANCHE, 6 JUILLET 1843.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Feuilleton du Progrès.
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VIRES ACQIIIRIT EUNDO.
fPBES, le 5 Juillet.
Le résultat des élections du 10 juin a été
foudroyant pour l'opinion cléricale. Pour eu
être convaincu il ne faut que remarquer les
efforts extraordinaires faits par les journaux de
cette couleur, pour échapperaux conséquences
de cet échec. A peine l'opération du scrutin
accomplie, les feuilles jésuitiques s'efforçaient de
faire croire, que le coup u'était adressé qu'au
ministère et son chef, M. Nothomb, tandis
que les journaux ministériels tâchaient de pan
ser les blessures de leur parti sur le dos des
catholiquesainsi que le faisait observer élé
gamment le Journal de Bruxelles.
Laissons ces honnêtes journalistes stipendiés
se consoler de la défaite du parti qui les subsi-
die, en calomniant l'opinion libérale. Au prix
d'une victoire aussi complète que celle rempor
tée Bruxelles et Anvers, on peut supporter
avec patience les injures des coupe-jarrets de la
presse et des vertueux Nini-Moulins. Le succès
prédispose pardonner bien des infamies.
Mais en haut lieu, on a senti toute la gravité de
la situation. Après un conseil des ministres, ces
hauts fonctionnaires ont jugé indispensable d'of-
friratiroileurdémission.Leurchef, M.Nolhomb,
qui a engagé la lutte avec l'opinion libérale au
profit du jésuitisme, quoique sorti des rangs des
libéraux, M. Nothomb, qui a subi tant d'avanies
pour la conservation de son portefeuille et sa po
sition de chef de cabinet, a dû se résigner la
retraite.
Non-seulement il est dans la situationque
le chef du système mixte cesse de prétendre
diriger les affaires du pays, mais il faut que ce
système entier de corruption et de rouerie poli
tiques fasse place un mode de gouvernement
honnête et loyal et pour cela il est indispensable
que la démission des autres ministres soit ac
ceptée par le roi.
Le résultat mathématique des élections du
10 juin est significatif sans déplacer tou
tefois la majorité la chambre. De compte
fait, le parti libéral gagne six voix au moins.
Mais l'effet moral d'une victoire aussi glo
rieuse remportée Bruxelles, contre toutes les
influences réunies de la cour, de la banque, du
ministère et du clergé et cela seulement par la
popularité des idées libérales, est bien autre
ment puissant pour l'avenir. Voilà ce qui doit
atterrer nos adversaires et leur faire calculer
combien peu de temps il faudra encore pour
3u'ils se trouvent en minorité la chambre. Car
n'est point douteux, quand les grandes villes
ne prétendent plus subir le règne de la sacristie,
que dans chaque petite commune il ne se forme
uu noyau d'opposition qui grandit avec le temps
et finit par met Ire la raison les tyranneaux de
village, tout-puissants encore maintenant.
Les journaux jésuitiques se consolent de cette
défaite inattendue, en criant sur les toits, que
la majorité la chambre est encore acquise
leur parli. Sans vouloir examiner jusqu'à quel
point la partie flottante de la représentation
puisse être impressionnée par les dernières
élections, nous accordons au parli jésuitique la
majorité Mais alors nous leur demandons pour
quoi les chefs du parti ne saisissent-ils pas les
rênes du pouvoir? Pourquoi ne forme-t-ou pas
un ministère catholique
La réponse est facile, mais on se gardera bien
de la donner 011 est convaincu tel point de
1 impopularité des doclriues jésuitiques qu'on
n'ose les avouer, ni occuper le pouvoir par les
hommes de son parti. Il faut que des complai
sants, des transfuges, et pourquoi ne le dirions-
nous pas, des traîtres leur opinion et leurs
amis politiques, fassent les affaires du parti ca
tholique. hucore ne peut-on tromper pendant
longtemps le bon sens du pays légal, et ce
qui le prouve, c'est que derrière MM. Nolhomb
et Mercier, les pseudo-libéraux, on a très-bien
entrevu la queue théocralique de Nos Seigneurs
lés évêques, au profil de qui le pays était exclu
sivement exploité par personnes interposées.
Nous n'aurions pas le droit de nous plaindre,
si le parti jésuitique usant de sa majorité, sai
sissait ouvertement les rênes du pouvoir, qu'il a
toujours tenues d'une manière occulte. Qu il ose
se montrer, mais il s'en gardera, car il apprécie
trop bien son intérêt pour ne pas comprendre,
que le pouvoir exercé par lui saus intermédiaire,
lui deviendrait fatal et précipiterait le triomphe
complet de l'opinion libérale. D'un autre côté,
les eunuques politiques seront plus difficiles
trouver la chambre, depuis que les dernières
élections en ont éliminé quelques-uns et fait
voir ceux qui seraient disposés jouer ce rôle,
le sort qui les attend. Nous espérons donc que
nous ne verrons plus de ces apostasies scanda
leuses et si les élections n'eussent eu que ce ré
sultat immédiat, encore faudrait-il s'en féliciter.
Nous sommes heureux de voir qu'on a rendu
justice aux réclamations des journaux, concer
nant le programme des travaux du conseil pro
vincial qui vient d'être communiqué au public.
Jusqu'ici on avait eu soin de tenir secrètes les
questions traiter par le conseil provincial; on
paraissait peu disposé mettre le public au
courant des affaires décider par l'assemblée
des mandataires de la province. Celte année
l'on s'est exécuté, mais seulement un peu lard.
Si l'on veut donner celle mesure toute l'utilité
qu'elle est susceptible de rendre, qu'on fasse
parvenir aux conseillers l'analyse des affaires
qui seront soumises au conseil au moins qua
torze jours avant l'ouverture de la session et
qu'elle soit rendue publique par la vôie des jour
naux. Il devient temps de porter la publicité
dans les arcanes du gouvernement provincial,
qui a toujours eu une certaine tendance étran
gler sans bruit, les questions soumises ses dé
libérations.
L'omission d'un mot a rendu la finale du
second paragraphe du premier article du précé
dent n° pour ainsi dire inintelligible. Nos lecteurs
auront ia complaisance de la rectifier comme
suit 2e 14e ligne cette nouvelle manœuvre
ne leur réussira pas plus a nuire un établis
sement, etc.
Le garde-ville Leboucq vient d'être sur sa
demande, admis faire valoir ses droits la
pension. Son fils le remplace daus ses fonctions
de garde-champêtre.
Le sieur Leboucq père, est provisoirement
préposé la garde du jardin public.
On nous écrit de Messines, le 4 Juillet:
Les obsèques de M. Deleij, notre instituteur
communal, ont eu lieu hier. Le discours sui
vant a été prononcé sur sa tombe par M. Ange
Gauquier, l'un de ses anciens élèves.
Cher* concitoyen*
L'aflluence de monde en ce lieu lugubre, prouve
suffisamment que nous rendons les derniers devoirs
uu homme de bien.
Aussi nous n'ajouterons que fort peu de mots
LIE LIME Q'HEUO&SS.
nouvelle.
première PARTIE.
I. (Suite.)
Albert se tut; ce souvenir si simple et si louchant d'une enfance
si proche encore, Lavait accablé. Une vive émotion dominait aussi
Estelle
Quel âge aviez-vous alors? demanda-t-elle au jeune homme.
Fortin poursuivit ainsi
Je venais d'atteindre ma onzième année. Mes parents résolurent
de me faire faire ma première communion Marmande, ville voisine
du pensionnat où j'avais été élevé. Je devais m'y rendre la veille du
jour solennel; une famille dès longtemps amie delà mienne m'y atten
dait. La veille du jour Gxé pour la solennité, j'arrivai donc Mar
mande. Savez-vous quel spectacle m'y attendait? La maison enve
loppée de deuil était fermée, une lampe funèbre projetait sa pâle
lueur sur le seuil, une croix, noire surmontait la porte... En entrant,
je tombai dans les bras d'une mère en pleurs Sa fille aînée était
morte dans la journée Voilà sous quels lugubres auspices j'ac
complis mes premiers devoirs religieux!
Je continuai mes études. 11 y avait, parmi mes camarades de classe,
un enfant appartenant une riche et noble famille de la Gironde.
Nous étions du même âge et d'une certaine conformité de goûts
qui nous approcha bientôt. Il ne connaissait pas encore l'orgueil que
donne ordinairement la fortune et le rang. U semblait ni'aimer
beaucoup, et en reconnaissance de cette affection que je croyais sin
cère, je le servis de tout mon pouvoir d'enfant. Il avait l'esprit lourd
et peu disposé l'étude; je laidais dans ses compositions il était
d'une constitution délicate, j'étais robuste et je le piotègeais avec
succès contre les attaques de ses camarades plus forts que lui.
Quatre ans se passèrent ainsi, sans que rien vint troubler notre
bonne intelligence.
Nous étions en Rhétorique. Le moment de ces vacances tant dé
sirées allait amener la distribution des prix, et les compositions dé
cisives commencèrent, Je m'étais livré avec tant de persévérance et
d'ardeur l'étude de l'art sublime d'émouvoir et de convaincre que,
de l'ayeu de mes rivaux eux-mêmes, je devais remporter le premier
prix. Il n'en fut rien cependant: mon protège l'emporta. Je l'avais si
bien aidé dans sa composition, qu'elle fut jugée supérieure la
mienne. Le premier prix lui fut donc décerné, et je figurai humble
ment en seconde ligue. Mais, malgré nous, la vérité dut se faire jour*
je n'en reçus que plus de félicitations de mes camarades, et je vis
avec douleur la haine prendre place dans le cœur de celui pour
lequel j'avais consenti sacrifier jusqu'au plus légitime amour-propre.
Celle haine injuste prit racine avec tant de Vigueur, qu'aujourd'hui
encore, je suis persuadé que ce jeune homme est mon plus redou
table ennemi.
Mon père satisfait de son sort; heureux de la considération que lui
valait son titre de médecin, m'edgagea suivre la même carrière.
J'y consentis et il m'envoya Paris.
Déjà, cette époque des esprits pénétrants, frappés de la faiblesse
du roi et de l arrogauce toujours croissante de la noblesse, prédisaient
hautement 1 aveuir que le soulèvement populaire allait donner la
France. Dans les pioviuces, les jeunes gens des écoles se réunissaient
déjà pour former ces redoutables associations, qui décidèrent des
changements importants, apportés récemment dans la forme du
gouvernement. Je suivis l'entraînement général, et négligeant mes
études primitives, je me jetai hardiment dans ces luttes de presse si