INTERIEUR.
lie l ran Eraïuiaii
5° ANNÉE. - N° 442.
DIMANCHE, 27 JUILLET 184o.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Feuilleton du Progrès.
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VIRES ACQU1R1T EUNDO.
ÏPKES, le 26 Juillet.
Les feuilles qui défendent le parti des hon
nêtes gens ne sont pas assez scrupuleuses, quant
leur mode de discuter, pour qu'on accepte
tous leurs arguments autrement que sous bé
néfice d'inventaire. C'est ainsi qu'elles sont en
train, depuis le 10 Juin, de prôner la victoire
qu'a remportée aux élections le partinon pas
libéral, ainsi qu'on pourrait le croire abusive
ment, si on ne lisait ces estimables journaux
mais le parti catholique.
Ce thème inventé par le Journal de Brux
elles et développé, orné, et considérablement
augmenté par ses dignes acolytes, a le mérite
au moins de permetlre d apprécier l'intelligence
du parti clérical, qui se laisse endormir par
des bourdes de cette ampleur. Nous croyons,
quant nous, que nos adversaires sont tombés
sous l'application de ce texte de Ecriture Ils
ont des yeux pour ne point voiret des oreilles
pour ne point entendre.
A qui peut-il être possible de faire croire
qu'aucun révirement n'a eu lieu dans l'opi
nion publique et que les élections du 10 Juin
n'ont aucune signification, ni aucune valeur?
C'est cependant ce que les journaux soudoyés
par le clergé tâchent de faire avaler leurs
bénévoles lecteurs qui il est défendu, sous
peine de refus d'absolution, de lire une feuille
qui pourrait détruire l'impression produite par
la lecture de ces divagations volontaires sur la
majesté et la puissance de l'opinion catholique.
A qui est-il permis de nier actuellement que
le système décevant et immoral des ministères
mixtes n'ait fait sou temps? Nul homme tant
soit peu au courant des affaires politiques ne
croira, que la démission de M. Nothomb ait
rendu le replâtrage du ministère facile et la
continuation du système mixte possible. Les
feuilles catholiques voudraient bien donner
l'opposition faite M. Nothomb, ministre diri
geant, un caractère personnel. Mais nul ne
pourra ajouter foi ces allégations de la presse
cléricalecar en M. Nothomb on devait voir
l'homme dont la pensée guidait le ministère,
et ses inspirations étaient loin de pouvoir être
absoutes au nom de la moralité et de la dignité
politiques.
Que la journée du 10 Juin ait été une défaite
pour le cabinet et le clergé coalisés, peut-on
encore en douter, quand on voit la difficulté
qu'on rencontre former un ministère né
viable? Puisque le parti catholique est si fort et
si puissant, que ne se met-il en avant. Qu'il
saisisse les rênes du pouvoir, on l'eu convie et
qu'il ne reste plus, dans l'obscurité, au second
plan. On refuse au parti libéral la moindre in
fluence sur la marche politique du pays! Soit
mais au moins, puisque le parti catholique se
croit assez fort pour ne pas avoir besoin d'ob
tenir l'assentiment de l'opinion libérale, pour
diriger les affaires du pays, qu'il ose former un
ministère et gouverner dans le sens réaction
naire. Aussi longtemps que le parti clérical trou
vera bon de se tenir en arrière et de laisser aux
Ratons la lâche de retirer les marrons du feu,
ces rodomontades vis-à-vis de l'opinion libérale
seront au moins hors de saison; car nous croyons
connaître assez bien l'esprit de domination du
clergé, pour oser certifier que, s'il ne voyait aucun
danger faire ses affaires lui-même, il ne mettrait
pas le pouvoir entre les mains de transfuges qui
pourraient, au jour du péril, déserter la cause
sainte de nos prélats politiques unis aux débris
de l'aristocratie.
Qu'on refuse au libéralisme la faculté de
fonder et de maintenir des institutions stables,
qu'importe, ne traîne-t-ilpas la remorque ce par
ti orgueilleux qui, sans y être contraint, n'aurait
jamais modifié aucune institution politique. On
n'est que ridicule, quand on ose laxer le libéra
lisme d'impuissance, sous l'empire des lois qui
nous régissent. Qui donc a donné aux peuples des
constitutions, qui doue leur a donné la liberté
de la presse, de l'enseignement et d association?
sont-ce le clergé et l'aristocratie, ou bien est-ce
le tiers-étal libéralqui on n'a rien pu re
fuser, du moment qu'il a connu sa puissance.
Du reste et nous ne pouvons que le déplorer,
un épais bandeau couvre les yeux de ceux
qui mènent le parti clérical. On dirait que les
chefs mitrés et laïques de celle opinion, sont frap
pés d'un esprit d'aveuglement et d erreur. Nous
le répétons encore, l'opinion libérale peut se ré
signer, elle peut attendre. Si le parti catholique
conserve quelque prévoyance, il se gardera de
porter une main sacrilège sur l'arche sainte de
nos libertés Avec cette certitude, nous ne som
mes pas pressés de jouir du pouvoir, l'avenir
nous appartient. La seule question qu'il peut
être opportun d'agiter maintenant, c'est celle de
savoir, si les funérailles du parti catholique se
feront attendre pendant quelque" temps, ou si
déjà le glas funèbre de sa rapide décadence com
mence tinter.
La Revue Nationale qui vient de paraître,
contient un article politique intitulé La Re
traite de M. Nothomb. Nous engageons nos lec
teurs lire cette appréciation saine et claire de
la situation politique actuelle.
On écrit de Dixmude
Les fêles données pour l'inauguration des
bustes de nos illustres compatriotes Vanden
Berghe (Montanus) et Van Roucke, avaient at
tiréjeudi dernier, une foule de curieux dans
notre petite ville, qui présentait l'aspect le plus
animé Quinze musiques dont quatre de ville,
avaient bien voulu prendre part au festival
après le banquet, le cortège s'est formé sur la
place, a défilé avec ordre devant IHôtel de ville
et s est rendu au jardin public dont le généreux
M. Borlier vient de doter sa ville natale. Les
Dixmudois ne sont pas ingrats, aussi les expres
sions de la plus vive reconnaissance étaient dans
toutes les bouches, et tous nous regrettions que
M. Boî tier ne fut pas présent. C'est le sentiment
unanime des divers orateurs qui ont pris la
parole en flamand et en français, lors de la cé
rémonie Je /'inauguration.
Le festival a commencé vers 7 heures et ne
s'esttermiuéqu'à 11 heures du soir. La musiqne
des Pompiers de votre villeavait étégardée pour
la bonne bouche, elle a jouée la dernière; déjà
les dames avaient admiré la charmante tenue de
ces musiciens, les connaisseurs en musique ont
déclaré que leur ramage ressemblait leur plu
mage.
Après la remise des médailles commémora-
tives, a eu lieu un brillant bal l'Hôtel de ville,
qui s'est prolongé jusqu'au matin.
En résumé, cette fêle était des plus brillantes,
les nombreux étrangers accourus de toutes parts,
nous félicitaient de la victoire remportée aux
élections sur les curéset nous étions heureux
de raconter les efforts faits par nous et de re
cevoir les félicitations de tous.
Les étrangers se plaisaient comparer notre
Dixmude, régie par un bourgmestre libéral des
villes plus populeuses, telles que Menin, Pope-
ringhe, et Fûmes même, où le clergé domine.
Ici, disaient-ils, tout marche, tout s'améliore,
NOUVELLE.
première partie. (Suite.)
IV.
Le marquis d'Ambez en s'altaquant aveo tant d'emportement et
de violence la passion de sa fille, avait voulu briser dans sa racine,
cet amuur qui détruisait tous ses projets. D'ailleurs George qui
aimait Jeanne de Las Sierras, avait employé toute la pernicieuse in
fluence qu il exerçait sur le marquis pour le forcer d'en agir ainsi, car
il savait déjà que si Fernand de I.as Sierras n'obtenait pas Estelle
lui n'obtiendrait pas Jeanne tout cela était convenu.
Mais ils rencontrèrent chez la jeune fille, une résistance laquelle
ils ne fêtaient pas attendu. Dès lors, ils employèrent tous ces petit®
moyens auxquels un peu d'adresse et beaucoup d'argent suiliseut
pour assurer le succès.
Mademoiselle d'Ambez fut présentée la reine Marie-Antoinette
qui l'accueillit avec cette grâce toute particulière qui la cractérisait;
elle fut invitée aux fêtes de la cour, et nous sa vous si ces fêtes étaient
brillantes! Enfin, entourée, caressée, étourdie, elle pensa moins
souvent son ami, mais pourtant resta ferme dans son refus d'ac
cepter Fernand de Las Sierras pour époux.
L'horizon se rembrunissait, le peuple prenait une attitude mena
çante, et déjà ceux qui avaient tout perdre par un changement de
choses, songeaient fuir la France et commençaient aiusi cette
longue émigration qu'ils devaient rendre si funeste leur patrie.
Fernand, conseillé par George, prolita habilement de cette cir
constance en engageant le marquis venir passer quelque temps
en Espagne, j usqu ce que la paix fut entièremeut rétablie en
France. M D'Ambez accepta cette offre avec beaucoup d empres
sement, car il comprit le but du jeune homme et il désirait aussi
vivement que lui, que ses désirs fus eut réalisés. Ils partirent tous
pour Madrid; tuait par une dernière mesure de précaution, qui
pourrait d'abord paraître inutile, George avait caché le but de leur
voyage, et c'est aiusi qu'Albert, arrivant Paris peu après leur dé
part, apprit que le marquis d'Ambez était parti pour l'Italie. Ce
changement apporta de grandes modifications dans la situation
d'esprit, où se trouvait depuis quelques mois mademoiselle d Ambez.
Avant son départ de Paris, elle recevait parfois des nouvelles delà
Réole, mais depuis sou arrivée Madrid, aucune ne parvint jus qu'à
elle; les fêtes et les bals recommencèrent avec une espèce de fureur,
et bientôt elle oublia Albert et la Giroude, et la France même!
Le capitaine de 1 Étoile s'interrompit brusquementà ce passage de
son récit, et me regarda fixement.
Mes traits n'exprimnienl en ce moment ni émotion ni surprise.
Vous ne paraissez pas vous étonner de ce résultat, me dit-il,
aveo une impatience qu'il voulait vainement déguiser, car il avait
compté sur de grandes exclamations, sur le doute et 1 incrédulité
que je devais manifester en appreuaut ce changeraent'subit d Estelle.
Pourquoi m'en étounerais-je, lui répondis-je froidement, ce
résultat u est-il pas le sort commun de toutes nos passions, lorsque
l'absence et les plaisirs se melleut de U partie? Croyez-moi, c'est une