5e ANNÉE. - N° 447.
JEUDI, 14 AOUT 1845.
JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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TIRES ACQUIRIT EUNDO.
YPRES, le 13 Août.
CLOTURE DE LA TIIUINDAG.
Si noire kermesse, qui esl entièrement ter
minée aujourd'huin'a pas élé aussi brillante
celte année, que les précédentes, il faut l'attri
buer au ciel, qui, par ses intermittences conti
nuelles de soleil et d'ondées pluvieuses, a tenu
les étrangers longtemps indécis et les a enfin
décidément détournés de venir prendre part
aux plaisirs de notre fête communale.
La journée de dimanche surtout a été mar
quée par un temps nébuleux, sombre, froid, et
qui a semblé singulièrement influer sur le
moral de chacun on eût dit, en voyant la foule
chéminer silencieusement aux abords de la
place, que le malencontreux vent d'ouest qui ne
cessait de souffler avec force, avait emporté sur
ses ailes rapides la bonne humeur de nos com
patriotes.
C'est la seconde année que les éléments vien
nent déranger ainsi nos projets de réjouissances
nous nous souvenons très-bien que, l'année
dernière, on se serait, comme celle-ci, cru en
décembre, au temps de la canicule.
Nonobstant le mauvais temps, les déterminés
amateurs de la sarbacane n ont pas abandonné
un instant leur tirage, auquel plusieurs sociétés
avaient pris part. Tous les oiseaux supérieurs
ont été abattus, et nous regrettons de ne pou
voir. faute de renseignements suffisants, faire
connaître les noms des vainqueurs.
Le deuxième bal de la Concorde quoique
moins nombreux que le premier, attendu qu un
grand nombre d'étrangers avait déjà quitté la
ville dimanche, n'a élé cependant ni moins
brillant, ni moins animé que le premier; cha
cun s'accorde le proclamer 1 une des plus
agréables soirées que nous ayons eues de long
temps.
BIBLIOTHÈQUE, MUSEE.
Les salons du musée et de la bibliothèque qui
ont été ouverts au public pendant tout le temps
de la kermesse ont élé visités celle année par
un grand nombre de curieux, et, cette occa
sion, chacun a pu constater un fait, c'est l'ac
croissement rapide que prennent ces deux éta
blissements. Plus de deux cents oiseaux
étrangers l'Europe sont venus récemment en
richir notre collection ornilhologique déjà si
intéressante auparavant, 011 remarque parmi
eux un bel oiseau de flamme. Le cabinet a
acquis en outre deux beaux reptiles, dont l'un
est uu magnifique échantillon du Boa constric-
tor outre ces objets, nous avons observé une
foule d'autres acquisitions nouvelles, dont le
détail serait trop long, de sorte qu'il est possible
de prévoir dès présent que, dans un avenir
peu éloigné, le local des beaux-arts 11e sera plus
assez vaste, pour répondre sa destination.
La bibliothèque aussi, s'est considérablement
accrue depuis 1 année dernière et a acquis plu
sieurs ouvrages précieux. Parmi les curiosités
nouvelles que nous y avons remarquées, se
trouve uu livre d heures revêtu des armes de la
maison d'Autriche, et qui, d'après des docu
ments dignes de foi, a appartenu I impératrice
Marie-Thérèse transmis ensuite sa fille Marie-
Christine gouvernante des Pays-Bas, ce livre
est devenu en vertu d'une donation qu'en fit
celle princesse, la propriéléd'un évéque d'Ypres
qui Ta apporté dans nos murs. Il se trouvait en
dernier lieu eu la possession de madame la
douairière W alwein-Bouchelet.
EXPOSITION DE TABLEAUX.
L'exposition de tableaux et de dessins ouverte
dans une des salles de l'académie, et laquelle
ont surtout participé' les artiste!! et amateurs de
notre ville esl loin d'être dénuée d'intérêt; nous
y avons remarqué plusieurs toiles qui se distin
guent sous le rapport du dessin, du coloris, de
la vérité des détails, et font honneur ceux qui
les ont conçues. Bien que le cadre trop restreint
de notre journal ne nous permette pas de
signaler tout ce que nous avons vu de beau
dans le salon de l'Hôtel de Ville, nous dirons
cependant quelques mots de deux œuvres de
Bossuetreprésentant, lune une vue prise en
Espagne, sur les bords du Guadalquivir, l'autre
la Graud'Place et la Ilalle d Ypres, composition
que nous avons déjà pu admirer, mais que l'au
teur vient de retoucher en entier.
iNous ne nous arrêterons pas faire l'éloge de
ces deux tableaux, un mol suffira; nous dirons
Monsieur Bossuet Persévérez dans la voie
que vous vous êtes tracée et les applaudisse
ments ne vous failliront pas, et la ville d'Ypres
ne vous comptera pas sans quelque satisfaction
au nombre de ses enfants.
iNous ne parlons pas" de l'esquisse du dôme
de I église S'-Nicolaspeinte par M. Bôhm,
parce que nous avons déjà payé ce travail le
juste tribut d'éloges qui lui est dû.
Deux têtes de Van Tours méritent de fixer
I attention du public, richesse de dessin har
diesse et vigueur de coloris, tout cela s'y trouve.
La roche Bayart de M. Roffiaen est un joli
tableau, et qui atteste des progrès marquants
chez ce jeune peintre.
Auprès de ces compositions nous admirons
un joli petit cadre dû au pinceau de M. Ch. C.
II semble que ce petit intérieur est le complé
ment il une autre composition qui a figuré la
dernière exposition et représentait la décou
verte de certaine cachette en effet, une mau
vaise mansarde, un petit enfant au berceau, et
une pauvre jeune fille pleurant sur ce berceau,
tout cela nous fait l'effet d'un repentir tardif;
qnoi qu il en soiton ne se lasse pas de con
templer l'effet de lumière qui ajoute si bien au
pittoresque de celte charmante composition.
Une autre jolie petite œuvre dûe au pinceau
de M. Delbeke fait honneur au génie de cet
artiste, et son talent comme peintre.
La tète de moine de Domicent est une bonne
toile.
iNous en dirons autant d'un portrait peint
par M. de Langhe, et représentant une jeune
personne.
Les cinq portraits exposés par M. Leclercsont
frappants de ressemblanceet la manière dont
les figures sont traitées atteste chez cet artiste
un tact particuliermais nous croyons qu'eu
s attachant spécialement ce qui constitue,
nous en convenons, le principal mérite du por
trait, il n'étend pas suffisamment son attention
aux détails, qui laissent quelque:chose désirer
notamment dans le portrait de M. D.
Nous I avons déjà dit, nous ne pouvons signa
ler toutes les compositions qui se trouvent
l'exposition, et bien qu'il y en ail d'autres encore
qui méritent des éloges, nous sommes forcés de
mettre fin celte notice!
Feuilleton.
OHD1HE.
{Suite.) IV.
deux lettres et une réponse.
Un malin, On cl 11] c se promenait sur la rivière dans son balelet.
Elle ramait ellc-méuie, suivant sa pittoresque habitude. Les ra
mes étaient si légères, le courant était si mol qu'elle n avait besoiu
de faire aucun effort. Son visage était pensif, elle songeait en ra
mant. A quoi songeait-elle 7 ses amours, sans doute; mais Belle-
garde étail-il la seule pensée qui la préoccupât en ce moment A
voir parfois se fronoer ses sourcils admirablement arqués, il était
facile de soupçonner qu'un combat plus 011 moins grave se livrait
dans son esprit. De quelle nature était ce combat il ne faut pas
avoir fait une profonde asthélique de l'âme humaine pour le deviner.
Si bien organise que soit une femme, la tendresse et la vanité
entrent toujours divers degrés d'alliage dans la composition de sa
nature morale. L un de oes deux éléments, suivant la combinaison
du hasard et des circonstances, est destiné 1 emporter sur 1 autre.
Il arrive toutefois qu ils s équilibrent, mais rarement. Le plus sou
vent la vanité 1 emporte, car la femme, surtout dans les hautes
apfaèrti sociales aime faire parier de soi, aime briller. C'est en
cela d'ailleurs qu'elle ressemble le plus l'homme.
Oudine, elle, véritable orgauisation d'élite cet égard, était plus
tendre que vaine; mais récélait un principe funeste qui devait
paralyser ses meilleurs penchants elle était faible. Son esprit ou
vert toutes les suggestions extérieures était facilement dominé.
Mme de Villars, surtout, caractère froid, énergique et positif, exer
çait sur elle un empire très-grand. Avec une éloquence dune
souplesse habile, et dont elle savait dissimuler le cynismeelle
parvenait souvent faire partagera sa jeune sœur ses sentiments et
ses opinions. Cette fois elle n'avait pas manqué de peindre, dans
toute leur séduction, les avantages que leur famille pouirait retirer
de l'alTeclion que le roi lui témoignait. Maintes fois, depuis huit
jours, M"" de Villars avait vivement appuyé sur ce point; et bien
qu'elle n'eût point convaincu Ondinc, elle avait cependant réussi
la familiariser avec une idée que, sans une tenace instigation, celle-ci
n'eût certainement pas conçue.
I-e combat auquel sou esprit était en proie et qui, tandis qu'elle
ramait, se réfléchissait sur son visage, était donc déterminé par
deux pensées hostiles l amour et le calcul. L'amour était le plus
fort, mais le calcul, qui procède de la vanité, faisait de rapides pro
grès. Ondine se répétait les raisonnements de sa sœur et si elle ne
les acceptait point encore, du moins cherchait-elle, un peu l'iusu
d'elle-même, se les persuader.
De retour de sa promenade sur l'eau, et comme elle amarrait son
bateau, un messager lui présenta une lettre.
On m'a recommandé de ne la donucr qu'à vous, dit-il.
11 se retira.
A peine Ondine avait-elle fait quelques pas pour aller lire celte
lettre dans le parc, qu'un autre messager se présente et lui rem.C
une seconde lettre.
- J'ai ordre, dit-il, de ne la remettre qu'entre vos main».
Il s'en alla.
Ondine décacheta les deux lettres et lut ce qui suiti
a Mademoiselle,
Depuis que je vous ai vue je n ai cessé de penser vous. Voue
voir est devenu pour moi une nécessité si vive que je ne saurais
attendre plus longtemps. Je compte donc, malgré les hostilité*
qui vienneut de reprendre de plus belle, être ce soir vers huit
heures au uhâleau de C'œuvres, mais incognito. Je pénétrerai par
11 l'extrémité du parc, où je vous supplie de vouloir bien voua
rendre notre entrevue sera dâutaut plus assurée que votre père,
u sur un ordre que je lui ai expédié, a dû partir ce malin pour
Suis on» où il restera jusqu'à demain.
A ce soir doue, bel ange.
A vous de cœur,
u Hexri.