59 ANNÉE. - N° 471.
INTÉRIEUR.
DIMANCHE, 9 NOVEMBRE 1845.
JOURNAL D YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
LU LflOIN AMpURIlUX.
On s'abonne Ypres, Marché
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cepteurs des postes du royaume.
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Le Progrès
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tion doit être adressé, franco
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che et le Jeudi de chaque semaiaer
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TIRES ACQUIRIT EUNDO.
YPRES, le 8 Kovembre.
Le triste rôle auquel est descendu la presse
dite catholique, doit paraître inexplicable, si on
considère, qu'il y a deux ans peine, le parti
clérical se disait fort et puissant et sans crainte
aucune sur l'issue de sa lutte avec l'opinion
libérale. En outreil tenait presque toutes les
places sa disposition et la corruption est selon
lui. un moyen gouvernemental parfaitement ad
missible. Et cependant pour lui, les jours dere-
Ters son venus; ce qu on croyait impossible, il
y a cinq ans, est cependant arrivé, le parti
clérical est la veille de se trouver minorité
non-seulement dans la nationmais encore
dans tous les conseils communaux et provin
ciaux, en attendant que la prochaine élection
pour les chambres, le réduise jouer ce rôle au
parlement.
Les journaux soi-disant religieux perdent de
plus en plus toute considération, mais n'en sont
pas moins agressifs; au contraire, ils ont ren
forcé ce système de calomnies et d'injures
qu'ils adressent, dans leur impuissance,
tous les hommes qui marchent sous la bannière
libérale. Depuis longtemps les feuilles béates
ont pour habitude de présenter l'opinion libé
rale comme un ramassis de démagogues et
d'anarchistes. Mais aujourd'hui, on exploite
celle calomnie avec ardeur et tant bien que
mal, on tronque les faits, pour trouver des
preuves l'appui de ces allégations.
C'est ainsi qu Bruxelles, on a voulu faire
passer, grâce la ressemblance de nom, M.
Jules Barlhels, pour son frère Adolphe, ancien
rédacteur du Catholique avant 11130 et depuis
rédacteur du Patriote belge. On criait la dé
magogie, parce que cet honorable avocat avait
été désigné comme candidat par VAlliance et
on lui reprochait de partager les opinions de
son frère. Mais M. Adolphe Barlhels, croyons-
nousquand il était rédacteur du journal le
Catholique, professait les mêmes principes avan
cés que ceux qu'il propage actuellement et n'a
cependant pas été repoussé avant 11130 commè
rédacteur d'un journal religieux, cause deses
opinions radicales. Mais alors tous étaient
admis dans la sainte bande, du moment qu'ils
juraient de faire de l'opposition quand même.
C'est ainsi qu'à Liège une question de per
sonnes, ayant amené une scission dans l'Union li
béraleles journaux dits catholiques ont voulu
absolument en faire une rupture entre libéraux
et radicaux. Et cependant personne n'ignore
que toutes ces divisions ont été soulevées,
par l'élimination d'un membre du comité. Il n'y
a pas de questions de principes au fond des dis
cussions des deux sociétés libérales; ou marche
sous la même bannière. Seulement peut-être
quelques ambitions ont été heurtées imprudem
ment et elles n'ont pas eu assez d abnégation
pour sacrifier leur mécontentement la conser
vation de l'union parmi les libéraux.
A Verviers, les feuilles religieuses annoncent
avec jubilation, que les radicaux ont emporté
deux nominations au conseil communal. Il est
possible, que ces élus, que les journaux ca
tholiques pour donner une couleur plus foncée
au tableau, qualifient de radicaux, sont peut-
être des libéraux exaspérés d'avoir dû subir
dans leur ville le contact des RU. BP. installés
par les soins de quelques familles puissantes.
A Verviers, l'opinion publique était forte
ment prononcée contre les jésuites qui ont été,
maigre les vœux de la population, s'introniser
là où on pouvait très-facilement se passer de pa
reils hôtes. Est-il étonnant que dans celle si-
luationdes esprits, on ail fait choix d'hommes
couleur tranchée pour siéger au conseil de la
commune et cela anuouce-l-il le règne des ra
dicaux en Belgique?
Que les journaux soi-disant catholiques con
tinuent déblatérer contre lopinion libérale,
qu'ils ne cessent de présenter son avènement au
pouvoir, comme le règne de l'anarchie, leurs
prédictions sinistres jouissent d'un crédit égal
celui qu'on accorde aux prophéties qui embel
lissent certains almauachs renommés. L'impuis
sance qui doit finir par être le lot du parti
catholique-politique, commence être trop
bien constatée, pour qu on ne devine pas le but
que les feuilles religieuses veulent atteindre. En
criant au radicalisme, on veut jeter le désordre
daus les rangs de l'opinion libérale, on croit
pouvoir amener la défection d'une partie de ses
adhérents qui, par crainte des idées radicales se
jetteraient dans les bras du parti clérical. Mais
que la presse catholique se tienne en joie, l'opi
nion libérale qui s'est vu refuser toute influence
par le parti catholique au temps de sa toute-
puissance, marchera la conquête de la prédo
minance qui lui appartient avec cette unanimité
et cet esprit d'ordre qui la caractérise. Bile a
été opposition et certes son point de départ
était bien peu formidable. Elle subira l'épreuve
du pouvoirl'époque n'en est pas éloignée et
ne faillira pas sa tâche.
Nous apprenons que les plans dressés pour
le tracé du chemin de fer de la Flandre occi-
dentale par l'ingénieur M. Henderson, vien-
nent d'être approuvés et arrêtés en leur entier
par M. le ministre des travaux publics. Les
ouvrages auxquels seront employés des mil-
liers d'ouvriers vont commencer incessam-
ment.
Cette nouvelle que nous extrayons du Jour
nal de. Bruges, peut être vraie quant la ligne de
Bruges Cou rirai. Nous croyons qu'on n'est
pas aussi avancé pour celle d'ï près Courtrai,
quoique nous soyons obligés d ajouter, que les
ingénieurs sont sur le terrain et que les études
se font sans perdre du temps.
On nous adresse la lettre suivante que nous
nous empressons d'insérer
A Monsieur le Rédacteur du Progrès,
ÏH MOT
SLR LA. FUSION ÉVENTUELLE DES SOCIETES
EXISTANTES A YPRES.
L'on se demande depuis longtemps pourquoi
l'on ne fait pas Tpres comme dans plusieurs
autres villesdu royaume, une fusion de toutes les
sociétés actuellement existantes La ville d'Ypres
n'est pas assez grande ni assez peuplée, pour
pouvoir satisfaire tous les goûts particuliers, et
laisser subsister diverses sociétés qui tendent
vers le même but et qui, par cela même qu'elles
sont diviséeslanguissent et s'enlredétruisent.
Si réellement la bonne intelligence et l'esprit de
fraternité régnent parmi les habitants, si chacun
Feuilleton.
II.
Suite
Le maire lut aux futurs conjoints les articles du Code qui pour-
▼oient leur bonne intelligence ils jurèrent de s'y soumettre,
déclarèrent s'accepter l'un l'autre, et on passa dans le bureau parti
culier où se donnent les signatures.
Signer un registre semble une action bien aisée, et cependant
il arriva que ce fut un petit événement où Léonce se fit remarquer
par Lise, et toujours d'une façon peu avantageuse. Quaud les deux
époux et leurs ascendants eurent signé, ce fut le tour des témoins;
Léonce fit comme les autres, et sa surprise fut grande en passant la
plume celui qui lui succédait, de voir Lise qui secouait la tète
avec une petite moue de mécontentement.
Est-ce parce qu il avait signé le marquis de Sterny? mais l'omis
sion de son titre lui eût paru peu obligeante pour Prosper Gobillou,
qui se targuait d'avoir un marquis pour témoin. Est-ce qu'il avait
signé avant son tour, ou pris plU3 de place qu'il ne fallait?
Stcruy restait fort intrigué, lui qui se croyait tout le savoir-vivre
d'un homme du monde, d exciter le mécontentement d'une petite
fille de boutique, et il voulait savoir en quoi il avait failli ses yeux»
Cela lui semblait amusant. Pour cela il demeura debout près du
bureau, en regardant tantôt Lise, tantôt ceux qui signaient après lui,
et qui lui semblaient faire absolument comme il avait fait, sans que
la jeune fille le trouvât mauvais; mais lorsque ce fut le tour de Lise
de signer, elle lui fit comprendre combien il avait été inconvenant.
En effet, lorsque le commis lui présenta la plume, elle s'arrêta, en
disant d'une voix tant soit peu moqueuse
Pardou, que j ôle mon gant.
Et le gaut ôté, elle sigua avec la main la plus fine et la plus
blanche....
Léonce comprit il avait signé la main gantée. Signer un acte de
mariage avec uu gant! Est-ce qu'on prête serment devant la justice
avec un gant!
Léonce y réfléchissait encore, lorsqu'on se mit en ordre pour
sortir. M. Tirlot, g.trçou d'honneur, et par conséquent grand-maître
des cérémonies, était descendu pour faire avance» les voitures;
Léonce crut doue pouvoir offrir de nouveau son bras Lise. Elle le
prit d'un air peu charmé, mais sans faire attention qu'elle avai*
oublié de remettre sou gant; et voilà Léonce qui marche côté
delle, la tête baissée, les yeux attachés sur cette main charmante
doucement appuyée sur son bras.
Au premier aspect, Lise lui avait semblé une belle jeune fille;
mais tout en lui accordant de prime abord une beauté éblouissante
de jeunesse et de fraîcheur, il u ayait pas pensé qu'elle possédât tous
ces détails de grâce privilégiée par lesquels les femmes du monde se
vengent d être pâles, maigres et fanées; il considérait celte main si
soyeuse et si eftilée, comme une rareté précieuse, égarée parmi les
Auvergnats, et peu peu ses yeux s'arrêtèrent sur un anneau passé
l'index, et portant une petite plaque en or. Sur cette plaque était
gravée en caractères imperceptibles une devise que I éonce s'obsti
nait vouloir déchiffrer. Il y mettait une telle attention, qu'il ne
s'aperçut pas qu ils étaient arrivés, et que l'on montait en voiture. Il
sembla que Lise ne fût pas absorbée dans une si profonde contem
plation; car ces jolis petits doigts que Léonce admirait si assidûment,
s'agitèrent d'impatience, et finirent par battre sur le bras de Léonce
un trille infiniment prolongé.
A ce moment Léonce regarda Lise; an mouvement qu'il fit pour
relever sa tète, elle le regarda, mais d'un air si moqueur, que Sterny
ne voulut pas être en reste et lui dit
Il paraît que mademoiselle est grande musicienne?
Et pourquoi ça fit Lise avec une petite mine de dédain.
C'est que vous venez dejouer sur mon bras un air ravissant.
Lise rougit mais cette fois avec un embarras pénible; elle retira
brusquement son bras nu du bras de Léonce, et, ne sachant plus ce
quelle faisait, ni ce qu'elle disait, elle balbutia et dit demi-voix.
Oh pardon, monsieur, j'ai oublié de mettre mon gant.
Comme moi, j'ai oublié de l'ôter, repartit Sterny. Voui voye*
que tout le monde peut se tromper.