d'eux est, comme nous aimon9 le croire, animé
du désir de contribuer relever quelque peu le
nom Yprois tombé par trop bas dans l'opinion
des étrangerspourquoi ne chprche-t-on pas
compléter ce qui manque, rètrancher ce qui
est devenu inutile et composer ainsi une so
ciété d'élite qui soit noire bonheur, nôtre con
solation nous, et l'honneur de notre ville
l'étranger! Pourquoi les diverses sociétés musi
cales, organisées dans notre ville n'ont-elles pas
répondu jusqu'ici l'attente générale, et pour
quoi notre Société des Chœurs elle-même qui a
obtenu dernièrement un si beau triomphe, ren-
contre-t-elle tant d'indifférence?... Pourquoi la
Société de la Concorde n'est-elle pas fidèle son
programme? Pourquoi nonobstant l'art. 1 de
6on règlementse trouve-t-elle chaque hiver
dans (impossibilité de donner des concerts ou
soirées musicales? Peut-on faire disparaître ces
anomalies par la réunion de quelques-unes de
ces sociétés et quel devrait être dans ce cas le
mode d'organisation et d'administration Ces
questions valent bien la peine d'être examinées,
et nous espérons que le lecteur Yprois nous
saura gré d'avoir communiqué ce plan. Sans
doute il n'est qu'ébauché et imparfait, mais les
discussions qu'il peut faire naître, peuvent jeter
sur cette matière de grandes lumières; seule
ment nous désirons que ces discussions soient
animées par le même esprit qui a dicté ces lignes,
l'esprit d'impartialité et du bien-être général.
La Société de la Concorde est selon nous par
faitement organisée. En ne cilantque la réunion
journalière nous croyons qu'elle peut rivaliser
avec les meilleures sociétés de ce genre il n'en
est pas de même quant ses plaisirs d'hiver, qui
ne sont pas variés et qui se bornent quel
ques soirées dansantes, où une grande partie des
dames ne vont pas, et dont grand nombre de ca
valiers paraissent se soucier fort peu. Quelques
soirées musicalesdonnées propos dans son
local, viendraient interrompre cette monotonie
des balsou plutôt l'empêcheraient de naître
et tout en procurant un amusement d'un autre
genre, contribueraient rendre celui des bals
plus animé et plus intéressant.
Ces soirées ou matinées musicales, nous les
voudrions d une musique douce et agréable, en
symphonie. La musique d'harmonie faite pour
être exécutée en plein air ou dans une salle très-
vaste ne cause le plu-> souvent que des sensa
tions désagréables. Dans une salle sonore comme
celle de la Concorde, nous voudrions y entendre
de temps autre des exécutions musique d or
chestre ou d'instruments cordesdes solos
d'instruments ou de chaut et des chœurs avec
ou sans accompagnement. Ce genre beaucoup
moins bruyant et non moins agréable n'obli
gerait pas les dames se réfugiercomme il
est arrivé dimanche passé, dans la salle qui sert
de tabagie.
La Société des Cuoeurs donne de belles soirées
musicales, qui ont été généralement appréciées
par ses membres et par les étrangers qui y ont
été admis. L'orchestre et les voix composés de
ce qu'il y a de plus distingué parmi les ar
tistes et les amateurs, nous permet d'en faire ici
les plus grands éloges; nous voudrions seule
ment voir augmenter le nombre de ces soirées
délicieuses, mais les revenus de la société ne le
permettent peut-être pas.
La musique des Sapeurs-Pompiers et celle de
l'Harmonie forment deux sociétés séparées et
distinctes qui concourent néanmoins au même
but et au même genre d'exécution au détriment
l'une de l'autre: ces deux sociétés ne ressem
blent pas mal ces deux collèges d'instruction
moyenne érigés dans la ville, que par un in
concevable aveuglement l'autorité communale
d'autrefois, subsidiail tous deux pour les entre
détruire. Dans celte occurrence, la suppression
de l'une ou de l'autre de ces deux musiques
devient nécessaire voyons laquelle des deux
doit être supprimée.
La musique des Sapeurs-Pompiers est une
création nouvelleétablie sous les auspices les
plus heureux; sa bonne organisation, (grâce
aux soins désintéressés de son capitaine M. Alph.
Vanden Peereboom)le zèle et l'émulation sti
mulés incessamment par ses chefs, les progrès
qu'elle a faits en peu de temps, doivent néces
sairement exciter la jalousie de sa rivale sa
sœur aînée, qui, d'après le bruit public, paraît
un peu délaissée, et abandonnée au marasme
qui la consume. Et puis qu'en ce moment nos
administrateurs se trouvent dans la nécessité de
faire un sacrifice au bien-être de la ville, mais
un sacrifice énergique, n "est-il pas évident que
c'est l'Harmonie qui doit le subir? Nous enga
geons donc l'autorité communale, tou jours prèle
accueillir ce qui tend l'amélioration, dis
soudre la musique dite l Harmonie, et comme
celle des Sapeurs-Pompiers prévaut incontesta
blement, par son but d'organisation, et qu'elle
mérite d'être conservéeil s'agit de s'entendre
avec le commandant du corps sus-mention né
pour augmenter le nombre d'exécutants de 8
10 au moins, afin d'eu renforcer l'harmonie et
de faire mieux ressortir les phrases mélodiques
qui se ressentent surtout du nombre trop res
treint de musiciens.
Composée de celle manière, elle pourrait
exécuter et produire l'euthousiasme dans toutes
les occasions pour lesquelles une rétribution est
accordée; ensuite il faudrait joindre cette
musique une catégorie de membres exécutants-
honoraires, qui, là où l'exécution est gratuite,
seconderaient les efforts des exécutants ordi
naires; ce serait là, selon nous, un achemine-
Lise ne trouva rien répondre le inarche-pied d'une voiture
était baissé devant elle, elle y monta rapidement, si rapidement
que Léonce put voir le pied le plus étroit, le plus cambré, s'attachant
gracieusement la cbeville la plus mignonne. Sterny eut envie de
ae placer près d'elle; mais il eut le bon esprit de ne pas le faire. Sans
c'en apercevoir, Lise était montée dans la voiture de Léonce; il se
retira en disant vivement au valet de pied
Fermez et suivez les autres voitures; et il s'élança tout aussitôt
dans une remise où se trouvait Mm* Laloine.
Eh bien t s'écria la mère, et Lise, qu'en avez-vous fait
Je l'ai mise en voiture,
Avec qui? demanda la prudente mère.
Hélas 1 toute seule, madame.
Gomment, toute seule...
Oui, madame, elle a monté, sans s'en apercevoir, je crois,
dans ma voiture.
Ah fit Al m Laloine je ne sais pas ce qu'elle a; elle est tout
ahurie depuis ce matin.
C'est mon coupé, ajouta modestement Léonce; il n'y a que
deux places, et je n'ai pas osé....
M"e Laloine remercia Léonce de sa retenue par un salut silen
cieux et solennel, et ajouta
Elle va bien s'ennuyer toute seule.
Léonce eut une idée secrète qu'elle ne s'ennuierait pas.
En eflet, Lise fut d'abord étonnée de se trouver seule mais elle
en profita pour se remettre de l'embarras où 1 avaient jetée les paro
les de béonce, et, répondant aux réflexions qu'elle faisait comme
aux observations qu'on lui adressait, elle secouasa jolie tête en disant
Eb bah qu est-ce que ça me fait
Cela dit, elle se mit examiner ce splendide carrosse tout doublé
de satin, tout orné de glands de soie, et dont le balancement était
si sourd et si doux. Elle s'assit d'un côté et de l'autre pour en admi
rer l'épaisseur, et se mit sourire d aise de se trouver là.
Alors elle se rappela qu'ainsi devaient être faites les belles voilu
res de ces grandes dames qu'elle voyait courir dans les Champs-
Élysées; et sans penser qu'elle pouvait en occuper une aussi bien que
la plus noble d'entre elles, elle se laissa aller imiter le nonchalant
abandon avec lequel elles s'accotent dans un coin de leur équipage.
La folle enfant s'y ploya comme elles, demi couchée, pressant
de sa fraîche joue et de ses blanches épaules cette soie dont la sou
plesse la caressait si doucement, se prêtant avec un mol affaissement
aux mouvements de la voiture, clignant des yeux pour regarder d'en
haut ces pauvres gens pied qui tournaient la tête pour la voir.
Puis, comme apercevant au loin quelqu un de sa connaissance, se
mordant doucement la lèvre inférieure travers un fin sourire, et
balançant imperceptiblement la tête pour adresser un salut intime
au beau cavalier qui passe; et, dans cette petite fantasmagorie im
provisée, il se trouva que le beau cavalier fut Léonce Sterny,
En effet, quel autre que le beau lion Lise pouvait-elle faire passer
sur un beau cheval anglais, courant avec grâce côté d'elle? Ce
n'était certainement pas M. Tirot, qu'elle avait vu tomber d'âne
dans une partie de Mpntmorency. Ce fut donc Sterny qu'elle
adressa son plus doux sourire, sou plus doux regard, comme il
passait devant elle»
ment vers la formation d'une harmonie que la
ville d'Ypres pourrait noblement avouer comme
sienne, et dont elle n'aurait pas rougir; et
sous peu celte harmonie pourrait, ce nous sem
ble, lutter contre les meilleures sociétés rivales
du royaume.
Pour atteindre plus sûrement ce but et im
planter, pour ainsi dire, dans la ville u'Ypres,
l'amour de l'art musicalil faudrait l'inslant
même établir Ypres un conservatoire de mu
sique, où les aspirants capables qui se destinent
cel art divin seraient admis gratis ou en
payant. Celle institution qui. sans parler de son
utilité morale, serait la pépinière de nos artistes
futurs, n'exigerait pas de grandes dépenses les
classes d harmonie et de composition, ainsi que
la surveillance des autres classes vocales et in
strumentales. pourraient être confiées l'artiste
distingué, M. Keyser, qui nous a donné une si
belle preuve de son talent lors du concours de
composition Anvers M. Otto dont le zèle et
les talents sont également connus, pourrait con-
tinuerladireclion de la société musicaleel de plus
prendre l'enseignement de quelques classes in
strumentales une commission éclairée et indé
pendante serait chargée du plan d'organisation
et de la direction de l'ensemble de rétablissement.
Forte de cette institution communale, la
société musicale d'Ypres se verrait avant peu
secondée par de jeunes talents, et les revers
qu'elle pourrait éprouver par le départ ou le
décès de quelques sociétaires seraient bientôt
réparés.
Cependant rien ne peut contribuer plus
puissamment la réalisation de nos projets que
la vive sympathie que doit rencontrer l'art mu
sical au sein de l'autorité communale d'Ypres
et parmi les habitants les plus considérés. L en
couragement protecteur est accordé au dessin et
la peinture, pourquoi la musique ne l'obtien-
drail-elle pas de même?... Comme on l'a bien
dit, Monsieur le rédacteur, dans vos précédentes
colonnes la musique a droit toutes les sym
pathies, oui, toutes les sympathies des âmes
généreuses et bien nées; elle fait partie de lé-
ducation soignée qui dislingue la bonne classe
de la société c'est elle qui nous fait ressentir
les émotions les plus louchantes; par elle les
mœurs s'adoucissent et l'homme se dépouille
de ses derniers restes de barbarie. Dira-t-on que
nos élégants et nos élégantes y sont peu sensi
bles Nous croirions faire l'injure la plus san
glante nos concitoyens, en y croyant un seul
instant!... et s'il était vrai qu'à Ypres 011 fût
aujourd'hui peu sensible aux accords harmo
nieux, on n'y résisterait plus demain car n est-
ce pas la musique qui au temps d'Orphée (et
celte ancienne tradition sera toujours palpitante
de vérité et de bon sens) adoucit et humanisa
les tigres el les panthères?
Maiscom prenez quelle dut être sa stupéfaction quand elle aperçut
véritablement le visage de Léonce, mais immobile, mais pied, et
lui ollïaut la main pour descendre de voiture. Elle tressaillit d'abord
de se voir ainsi surprise daus ce nonchalant abandon comma
un enfant qui a pris une place qui ne lui appartient pas, et puis
quand Léonce lui dit en l'aidant descendre:
Qui donc saluiez-yous ainsi d'un si doux regard et d'un si doui
sourire
Elle eut voulu se cacher bien loin, honteuse et toute troublée.
Aussi ce fut tristement et lentement qu'elle entra dans 1 église, et
Léonce put remarquer qu'elle prît peu de part la oeremonie qui eut'
lieu. Lise ne regarda pas du coin de l œil la figure de la mariée, ni
la tenue embarrassée de 1 époux; elle ne suivit pas curieusement
l'anneau pour savoir s'il passerait la seconde phalange qui prédit la
soumission; Lise pria et pria sincèrement pour elle. On eût dit qu'iï
y avait un remords dans ce jeune cœur, et qu'elle demandait Dieu,
un vrai pardon de sa faute.
Dieu le lui accorda; car la fin elle se releva calme, heureuse,
forte; et au moment où l'on passa dans la sacristie, elle se tourna-
vers Sterny, qui l'observait avec une attention marquée, et sans pa
raître s'en apercevoir, elle marcha lui, et lui dit d'un tout autre ton
que celui dont elle avait parlé jusque-là:
Tout ceci vous ennuie sans doute beaucoup, monsieur
M'ennuyer et pourquoi?
C est parce que cela vous dérange de vos habitudes et de vo»
plaisirs; mais yous allez bientôt être délivré.
(la tailt nu prttlmn fi'.)