5a ANNÉE. - N° 479.
INTÉRIEUR.
DIMANCHE, 7 DÉCEMBRE 1845.
JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Feuilleton.
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VIRES ACQTIIRIT EUNDO.
1PRES, le 6 Décembre.
La faction rétrograde est vraiment admirable
dans ses allures: le croirait-on il y a quinze
jours, ni plus ni moins, que ses organes se
livrent une jubilation qui approche du délire;
c'est une ivresse dévergondée, une allégresse
sans bornes, c'est un bosanna général, réten-
tissant, assourdissant, et pourquoi, s'il vous
plaît Parce que la phalange ministérielle de la
chambre a volé le paragraphe de confiance.
Eh quoi! lors de l'ouverture des débats, vos
chefs, qui avaient pris une large part d'ailleurs
la rédaction de l'adresse, apparaissaient de
vant la chambre et devant le pays daus des dis
positions d'humilité peu communes; celui-ci
venait faire amende honorable de sa parti
cipation la loi du fractionnement; celui-là de
mandait pardon d'avoir coopéré la loi de
l'enseignement primaire; un autre se déclarait
repentant d'avoir appuyé la loi du jury univer
sitaire, un autre confessait quelqu'aulre méfait,
tous enfin promettaient de s'amender; et au-
jourd hui que le vole des fonctionnaires aux
quels leur position et le soin de leur avenir
défend de se poser en état d'hostilité vis-à-vis
le ministère, vous a donné quelque repli, vous
entonnez des chants de victoire! Cela est au
moins exorbitant.
Cela est pourtant vrai, et tout le monde s'en
mêle, et grands et petits s'en vont proclamant
que le parti-catholique (lisez la faction de la
réaction et du recul) se trouve au palais natio
nal l'état d'immense majoritébelle majorité
vraiment! on pourrait compter jusqu'à vingt
de ces braves champions, dont les électeurs ne
sont pas encore parvenus purger la représen
tation nationale, par des causes qui tiennent
aux vices de la loi électoraleet on vient nous
parler de majorité!
Espère-t-on par ces misérables jactances,
donner le change l'opinionet l'empêcher d'ap-
percevoir les plaies profondes qu'ont laissées
des blessures récentes encore? Partout où l'élé
ment éclairé de la nation n'est pas trop com
primé par l'élément campagnard, c'est-à-dire,
par le clergéles adeptes de la faction rétro
grade se voient évincés; chacun connaît les
désastres qui ont déjà placé celte faction
l'état de minorité la chambre, et dans la plu
part des conseils provinciaux, nous ne parlons
pas des conseils communaux de toutes les villes
uu peu importantes, où il n'est plus question
d'elle. Après celan'est-il pas curieux de lui
voir entonner des chants de victoire
Quoiqu'il en soit des lauriers dont nos ad
versaires se ceignent le frontnous n'y voyons
pas un motif, pour attacher un crêpe notre
rapeau, encore moins, pour nous ré-unioniser,
comme tous y convient quelques-uns des chefs
de file ue la presse cléricale. On n'est pas dupe
deux fois.
Le parti (libéral sait quoi s'en tenir sur la
franchise de ses anciens alliés; il n'a pas oublié
que lorsque ceux-ci se sont crus assez forts
pour marcher seuls ils ont rénié leurs amis,
ils se sont mis hors la loiqu'ils marchent
donc, et puissent-ils ne pas trop se meurtrir
contre les écueils qu'ils rencontreront en che
min.
Un Monsieur que nous voulons bien ne dési
gner que par l'initiale de son nom pour ne
pas trop froisser les justes susceptibilités d'un
amour propre naturel tous les êtres pensants,
et surtout aux enfants des muses, vient d'enri
chir le domaine littéraire de vingt-six vers, et
de quels vers encore insérés dans le Propa
gateur de Mercredi. 11 s'agit d'une chanson
nette tellement drôlette, tellement cocasse, que
nous n'avons pu résister la tentation d'en tou
cher quelques mots. On va voir... Procédons par
ordre
Au sortir de l'arène
Si j vois des Chevaliers
Cliêris de Melpotnèiie,
Le front ceint de lauriers,
Je crois leur vaillance,
Voilà ce que je pense,
Pensez-vous comme moi
Il va sans dire que les lauriers étant le
symbole de la victoire, quand on voit des lau
riers sur la tête de quelqu'un on doit augurer
qu'il y a eu un succès un triomphe quelcon
que. Tout cela est comme dans la chanson de
La Palisse, on sait que celui-ci
Disait que le vin nouveau
Avait pour lui plus d'amorce;
Oue moins il y mêlait de l'eau,
Plus il y trouvait de force.
Ainsi, que M. D. soit bien persuadé que nous
pensons ici comme lui. Poursuivons.
D'humeur peu compatible,
Plus d'un rigide Yprois
N'a pas l'âme sensible,
Aux accordsvde nos voix;
Narguons leur indolence
Qu'ils soient mis hors la loi,
"Voilà comme etc.
Maintenant, nous commençons ne plu3
penser comme M. D., car bien que nous soyons
convaincus que toutes les âmes ne seront pas
sensibles sa voix poétique, nous ne ferons pas
une notable partie de nos concitoyens l'injure
de croire qu'ils soient d'humeur incompatible,
intraitablesauvageque sais-je, comme qui
dirait des Béotiens, des Iroquois des Cochin-
chinois. Surtout nous ne voulons pas qu'ils
soient pendusuniquement parce qu'ils ne se
laissent pas impressionner par les doux accents
de la voix poétique de M. I). Que s'il s'agis
sait ici de l'absence d'oreille, (terme de musique)
nous ferions observer notre poëte que nous
oserions presque affirmer que la grande majo
rité des Yprois possède le précieux organe de
l'ouïe; tout le monde n'a pas, il est vrai, les
oreilles longues mais ce n'est pas une raison
pour que les plus favoris s'en fassent un litre
d'ostentation.
Riche de notre gloire
Ypres nous met au ban;
Hélas notre victoire
Est vendue l'encan.
Que cette indifférence
Ranime notre foi,
Voilà comme etc.
Ypres s'énorgueillit juste titre du beau
succès que sa Société des Chœurs a remporté
dans la capitale, mais elle ne s'énorgueillit
guère d'avoir donné le jour un rimeur de la
force de celui que vous savez.
Si de ma chansonnette
Vous n êtes pas contents,
Ah! Messieurs, je regrette
D'avoir perdu mon temps;
Imposez-moi silence,
J'obéirai, ma foi.
Voilà ce que etc.
Vous êtes trop modeste, M. D. Pourrions-
nous ne pas être charmés de votre chansonnette?
Nous vous garantissons que vous nous avez fait
passer un quart d'heure délicieux, et que nous
ne vous pardonnerions pas de regretter d'avoir
perdu votre temps, continuez... des chanson
nettes, des chansonnettes, s'il vous plaît! il y
va de nos menus plaisirs.
Des ménétriers chantent en complainte, dans
lès faubourgs, le martyrologe des moines et des
nonnes de l'ordre de S^Basile, eu montrant
leurs tortures sur un grand tableau, d'après le
ILI um
VI.
{Suite.)
Un seoond regard pouvait cependant me traliir je cachai ma
confusion et mes larmes dans mon mouchoir, et nous arrivâmes
ainsi l'hôtel. Ma mère recevait, et il y avait encore du monde.
M. d'Auterres la fait appeler mystérieusement dans sa chambre, où
je m'étais jeté sans rien dire sur un divan, la tète sur un coussin
pour me cacher. Ce fut alors que M. d'Auterres, d'un air profondé
ment lugubre et solennel, chercha expliquer ma mère les terri
bles nouvelles qu'il avait lui apprendre.
Ce secret, s'écria-t-il d'abordmourra dans mon sein; mais
vous comprenez que mes projets, mes espérances, sont jamais
anéantis.
Mais que voulez-vous dire
Hélas! reprit-il en me montrant, la voilà.... c'est une impru
dence une grande imprudence mais yo» conseils, l'exemple de
votre vertu
En effet, dit ma mère, quel est ce domino?
Ah! madame, dit M. d'Auterres, ne l'accablez pas de votre
colère. Je n'ose vous dire.
Mais qui êtes-vous donc? me dit la marquise.
C'est moi, ma mère, lui dis-je en grossissant ma voix.
Toi, Léonce, dit ma mère eu riant. Ah reprit-elle, je ne suis
pas si sévère que d'en vouloir mon fils d'avoir été au bal de l'Opéra.
Léonce! s'écria M, d'Aulerres, votre fils!... Mais mademoiselle
Votre fille
Elle est au salon.
M. d'Auterres éprouva un moment d'hésitation qui lui fit garder
le silence. 11 eut envie de se fâcher, et le premier regard qu'il jeta
sur moi fut terrible mais j'avais uu air si modeste et ma mère un
air si ébahi, qu'il prit le parti de rire et de raconter la mystification
ma mère.
Elle fut sur le point de se fâcher de ce que M. d'Auterres avait pu
croire ma sœur capable de cette inconséquence; mais le pauvre pré
tendu répétait toujours
Ce sont les pantoufles... cette pantoufle, disait-il, si petite#..
Mais, ma fille, monsieur...
Qui diable eût pu penser, reprenait-il, qu'un homme eût pu
chausser ces maudites pantoufles?
Je pris un air tragique et je lui dis gravement
Eh bien! monsieur, la voioi, cette pantoufle, prenez-la, et si
jamais il vous venait un soupçon sur ma sœur, qu'elle vous rappelle
vos injustes méfiances.
Je l'accepte, dit M. d'Auterres.
Et moi je prends l'autre lui dis-je. Je vous la rendrai le jour où
ma sœur me la demandera.
Voilà dix ans qu'ils sont mariés, et M, d'Aulerres n'a pas encore
osé raconter sa femme ce dont il a pu la soupçonner; aussi l'ai-je
gardée. Voilà l'histoire de cette pantoufle.
Cependant le temps se passait, et Lise, tout-à-fait remise, furetait
partout comme un enfant curieux. ce moment, un domestique
entra et déposa un énorme paquet de Petites-Affiches sur la table.
Voilà ce qu'a demandé monsieur le marquis.
Bien, fit celui-ci en les jetant dans l'encoignure d'un meuble
et en revenant monsieur et madame Laloine pour les empêcher de
Voir ce que ce pouvait être, il leur dit en même temps
m Est-ce que vous êtes curieux de ces petites choses? j'tu ai une