5e ANNÉE. - N° 483.
INTÉRIEUR.
DIMANCHE, 21 DÉCEMBRE 1845.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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ii
1PKES, le 20 Décembre.
DECADENCE MORALE DU PARTI CLERICAL.
Une modification remarquable s'est opérée de
puis les dernières élections de Juin, dans l'esprit
public de la nation La défection f.il des lava
ges dans les rangs de l'opinion catholique-
politique. depuis qu il commence être constaté,
que la prépondérance n'appartient plus au
parti rétrograde et qu il est ré.luit tenter les
plus sublimes efforts, pour se conserver l'appa
rence d'une majorité.
Souvent nous avons fait pressentir que tel
aurait été le sort de celte opinion si fièresi
arrogante et dont le despotisme s'appuyait d'un
côté sur l'autel et de l'autre sur la division des
libéraux. Mais, en perdant le prestige de sa
supériorité, ce parti a bien perdu de ses forces.
Grand nombre de ses partisans et défenseurs ne
jouaient ce rôle ni par conviction, ni par (tout,
mais par crainte ou dans l'espoir d'obtenir des
faveurs.
Aujourd'hui il est constant qu'il existe un
parti avec lequel il faut compter et qui n'est
encore qu'à la veille de devenir' majorité II l est
déjà, mais par suite de la division du pays lé
gal en un certain nombre de collèges électoraux,
le nombre des électeurs n étant pas le même
partout, les élections des villes de second ordre
ont envoyé la Chambre des députés ministé
riels ou catholiques, tandis que les chefs-lieux
de province el la capitale du pays ont fait choix
presque tous de représentants appartenants
l'opinion libérale. C'est ainsi que les 25 députés
qui ont voté contre l'adresse, ont obtenu 33.000
suffrages, trois mille voix déplus que les 59 .Mi
nistériels. On pettl en tirer la conséquence que,
si la Belgiqueavait voté en un seul collège élec
toral, tous les députés libér aux eussent été élus
et les soutiens quand même du gouvernement
remplacés par des membres de l'opposition.
Malgré cette preuve évidente de la répulsion
qu'inspirent les doctrines cléricales, le parti
catholique-politique veut lutter jusqu'au bout.
Mais insensiblement les hommes qui jusqu'ici
l'ont appuyé, se détachent et saisissent les mo
ments de revers pour opérer la défection,
quand il est nécessaire de serrer les rangs pour
ne pas être vaincu. Onjpn est venu au point de
ne plus oser avouer sa bannière et les députés
les plus fanatiquement dévoués au clergé, se
parent du litre de libéraux. A les entendre, ils
sont les vrais défenseurs des libertés. Mais nous
avons vu l'œuvre ces histrions, pendant le
régime de réaction que nous avons subi et qui
est enrayé maintenant.
Quoiqu'il en soit, dans les idées du public, la
force morale du parti que nous combattons
avec tant d'énergie depuis cinq ans, décline et
diminue. Nous ne voulons pas dire que l'opinion
cléricale ne soit encore puissante et que nous
n'aurons plus de luttes soutenir. Au contraire,
plus nos adversaires se verront menacés plus
ils se cramponneront au pouvoir. Ce parti n'est
pas réduit l'agonie et pourrait encore se
rendre redoutable pendant quelque temps, si
les hornmesquijusqu'ici, ont pris la défensedès
libertés publiques menacées par les empiéte
ments du clergé, se relâchaient dans leurs
efforts.
Si nous devions fournir des preuves de ce
que nous avançonsconcernant la décadence
progressive du parti ciilhotique, nous tes trou
verions dans la brochure de M. De Decker
ennemi fanatique de 1 opinion libérale. Après
avoir présenté l'histoire de la lutte des partis
pendant quinze ans, avec la plus odieuse par
tialité, M. De Decker finit en faisant un ma
gnifique éloge du clergé et de larmée.
Après les avoir loués d'avoir sauvegardé la
discipline el le principe d'obéissance, prenant un
ion de prophète, il annonce qu'tz/te mission
providentielle leur est dévolue. Il est fâcheux
pour nous, que M. De Decker n'ait pas daigné
1 indiquer, car un homme averti en vaut deux,
dil-ou. Mais dans tous les cas on doit com
prendre par celte menace, que si le confession
nal ne suffit pas pour avoir raison du libéra
lisme, ou appellera le despotisme militaire son
aide. Celle prédilection pour l'armée que le
parti catholique affecte depuis quelque temps,
pourrait bien n'avoir dautre source, que l'idée
de trouver en elle un instrument, pour imposer
son système politique. En laissant percer I idée
qu'on pourrait appeler la force brutale son
secours, pour maintenir la prépondérance de
son parti, on convient tacilementqu'il est vaincu
sur le terrain de la légalité.
Le gentil troubad <urfurieux de ce que
Le Progrès s'est permis de trouver la chanson
qu il a fait imprimer sous son nom, archi-mau-
vaise, vient de produire en prose celle fois, une
élucubralion insérée dans l'autre journal. Jus
qu'ici il était parfaitement connu, que M. D.
comme avocat, plaidait fort mal, maisau moins
on croyait qu'il pouvait exprimer convenable
ment ses idées par écrit, quand il en avait. La
pièce qui a paru signée de l'initiale de son nom,
doit avoir dissipé celte illusion.
Nous ne savons quel M. V. il désire s'en
prendre, car jusqu'ici ce doit etre un person
nage fabuleux, fruit de l'imagination poétique
de M. D. On a beau chercher, on ne trouve per
sonne qui on peut raisonnablement appliquer
les imputations aussistupides que variées, que le
gentil poète adresse ce personnage imaginaire.
A cet égard on doit s'en tenir aux conjectures
moins de croire que M. D. a pris son modèle
parmi tes personnes qui l'entourent, qui, s'ils
n'ont pas encore pu placer une vingtaine de
membres de leur famille, eu ont été empêché
par leur impuissance, car ce n'est pas l'envie
qui leur manque.
Quant au professeur qu'il traite de pédant et
de lâcheil serait fort difficile, M. D. de faire
connaître ce personnage, moins cependant
qu'il n'avoue avoir voulu désigner un ex-pro
fesseur de poésie très-connu du petit séminaire
de Roulers, qui ces qualifications sont appli
cables juste litre et dont le nom depuis long
temps est voué au mépris public.
Nous engageons ce M. D. nous épargner
désormais les leçons et les avis sur l'arrogance
des autres, sur la morgue de certains individus.
En fait d'ambitieux, de prétentieux el d'autres
modèles de ce genre, les|personnes desa clique
surnommée par le vulgaire la Famille royale
peuvent lui servir d étude. Il en est qui sont
ILS LI\m ABfflioyasyx»
Suite et fin.)
YIII.
Cependant, quand quelques heures de repos eurent calmé celle
agitation inaccoutumée, Léonce réfléchit plus sérieusement qu'il ne
l'avait peut-être fait de sa vie.
Il était amoureux, il le sentait, il n'en avait pas honte; mais il
avait peur
Séduire Lise ce serait un crime honteux et lâche.
Car, se disait-il, elle m'aimerait si je voulais elle m'aimerait,
j'en suis sûr. et elle donnerait cet amour qui l'emporte en aveugle
tout ce cœur si facile briser? et que pourrais-je faire autre chose
que de le briser car l'épouser, folie impossible! Eh bien! ajouta—
t-il, je me souviens que, quand j'étais enfant, un jour que jetais
malade, ma mère m'emporta dans l'église, et nie mettant genoux,
Sur ses genoux, elle me tourna vers une Yieige, el me fil répéter
après elle:
Sainte-Vierge Marie, qui avez vu mourir votre fi s, sauvez-moi
jpour ma mère
Cette image que j'implorai m'est restée dans le souvenir comme
quelque chose de sacré et d ineffable, et dont jamais je n'ai dit le
secret personne de peur qu'une plaisanterie ne vînt 1 insulter. Eh
bien! Lise sera pour moi uu souvenir pareil, uue image céleste un
moment entrevue, et que je garderai dans le sanctuaire de mon
âme pour 1 abriter contre uia vie; car je ne mêle pas mou cœur
ma vie.
Eh! non je donne la dissipation, la débauche, au ridicule,
celle jeunesse, cette force pour laquelle notre siècle n'a plus de but
qui puisse la tenter; mais si j'avais vécu en d'autres temps; je ne
serais pas ainsi; car c'est honteux d'être ce que je suis. Ah si Lise
il était pas ce qu'elle est, si elle était une reine, je tenterais tout
pour la mériter je l'oserais eu pensant ces mots qu'elle porte sur
le cœur
Ce qu'un veut on le peut
Mais elle n'est ien. je ne pourrais que descendre jusqu'à elle. N'y
penous plus n'y pensons plus!
Pour arriver ce but, Sterny chercha occuper la fois ce qu'il
croyait encore son e.-pi il et son cœur.
Le lendemain, quaud il reparut au club, il s'dlteudait quelque
allusion de la paît de ses amis; mais une conspiration s'était orga
nisée contre lui, ou ne lui adressa pas uue parole ce sujet, seule
ment Eugène lui dit d'un air grave:
Je paiie vingt sous contre vous, Sterny.
Les dames de ces messieurs le salué»eut, en le recevant dans les
coulisses de I Op ra, avec «les révérences île rosières et des yeux
baisses. Sterny coiupiit la plaisanterie tt voulut y répoudre vicio—
rieuscuunt il joua comuie un furieux et fit presque peur Lingart
dont son audace dérangea tous les calculs.
Il poursuivit cette belle fille de l'Opéra, qu'on disait si parfaite et
qui venait de débuter avec un succès énorme. Ni Lingart, ni
Eugèue, ni les autres n'en purent approcher, tant il y mit d'ardeur
désespérée.
Au Lout d'une semaine elle appartenait Sterny qui l'avait trai
tée avec I insolence la plus cavalière.
Mais, quinze jouis après la partie de Saint-Germain, un soir qu'il
était avec sa lionne dans une loge des Français, il reconnut en face
de lui deux femmes qui le regardaient avec attention.
L'une était la femme de Prosper, l'autre était Lise.
Comme ou vous regarde de cette loge, lui dit la danseuse, est-ce
qu'on vous y connaît
Non, dii Sterny, qui rougit malgré lui de son mensonge»
Pourquoi doue vous retirer au fond de la loge On dirait que
vous avez peur
Ah! trêve de jalousies auxquelles je ne crois pas, dit Sterny.
Mais si ou ue vous connaît pas, il n'y a pas de jalousie avoir.
Sterny se pencha hors de sa loge, et vit Lise écoulaut deux jeunot
gens qui paraissaient parler de lui.
Tout-a-coup Li>e releva vivement la téte et regarda Sterny avec
un effroi indicible, comme si on veuait de lui dire
Cet homme est le bourreau.
Léonce se retira sans oser la saluerpour ne pas l'expocer a»x
égards insultants de ma maîtresse mais il voulut sortir.