5e ANNÉE. N° 495.
DIMANCHE, Y FÉVRIER 1846.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
Feuilleton.
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1TPRES, le 31 Janvier.
LA. LOI SUR L'ENSEIGNEMENT MOYEN.
Malgré la confiance qu'inspire au parti clé
rical la majorité qu'il lui croit dévouée, le futur
projet de loi sur l'enseignement moyen ne
laisse pas que de lui causer quelques soucis. La
convention de Tournai a été rendue publique
trop tôt notre aviset nous croyons que le
Moniteur clérical, par celte révélation préma
turée, a nui aux prétentions du haut clergé
plutôt qu'il ne les a servies. Quoiqu'il en soit,
cette question est palpitante d'actualité et les
partis qui luttent en Belgique, ont l'attention
fixée sur M. Vande Weyer qui s'est posé en
redresseur de torts, en se vantant de présenter
sous peu de jours un projet de loi la satisfac
tion de l'opinion libérale.
Nous aimons croire que le ministre de l'in
térieur est animé de bonnes intentions et que
ses protestations de dévouement aux idées libéra
les sont sincères; mais l'enfer est pavé de bonnes
intentions et nous ne sommes pliis disposé
nous contenter de belles paroles, son prédé
cesseur a usé ce moyen de faire des dupes. Le
meilleur mode de constater qu'il ne veut pas sui
vre le système déplorable de M. Nothomb, c'est
de déposer au plus tôt, le projet de loi sur
l'enseignement moyen.
Le temps presse, il s'agit de ne plus laisser
tomber entre les mains du clergé les quelques
établissements qu'il convoite encore, car peine
dans toute la Belgique existe-t-il encore quel
ques institutions, où l'esprit monacal ne règne
en despote. Du reste, les adversaires de l'opinion
libéraleles fiers champions la chambre de
l'ultramonlanisme, ne sont nullement disposés
baisser pavillon devant les vœux du pays.
Certes celui-ci ne veut pas qu'on Je réduise
l'état de capucinière modèle, les élections gé
nérales et celles pour le choix des autorités
communales l'ont amplement constaté. Mais
aussi longtemps qu'un Dubus, un Dumortier
un De T/ieux, un De Me'rode se trouveront
la chambre, ils seront les trompettes des pré
tentions épiscopales. On a pu mesurer Ces exi
gences, nos prélats ne tendent rien moins
qu'à tenir l'enseignement moyen sous leur
férule comme déjà ils ont accaparé l'instruc
tion primaire.
On pourrait concevoir la rigueur, celle
arrogance de nos hauts-prélats, si l'enseignement
donné dans les institutions dirigées sous leurs
auspices portait de meilleurs fruits, que celui des
établissements qui existent sous le patronage
des communes et de l'état. Mais il s'en faut que
sous ce rapport même un parallèle puisse être
établi Resle l'instruction morale et religieuse
qu'ils disent négligée dans les établissements
communaux, ce qui est une allégalion calom
nieuse, et voyez la bonne foi du clergé, pour
faire en sorte qu'elle le soit, quelques évèques
ont pris le parti de révoquer les aumôniers
là où on refuse de souscrire aux exigences dans
le genre de celles que l'administration commu
nale de Tournai s'est laissé imposer.
Il est assez singulier et cela donne la mesure
dé cet immense orgueil de caste qui de tout
temps a animé le clergé catholique, qu'il soit
parvenu traiter avec le gouvernement civil de
puissance puissance et usurper la qualifica
tion d'autorité ecclésiastique, lui que la Consti
tution ne reconnaît pas comme corps constitué
et qui elle promet simplement protection,
comme aux ministres des autres cultes. Mais
aussi cela donne la mesure de la faiblesse du
pouvoir qui, en présence des empiétements du
clergé, eut dû y mettre fin depuis longtemps
et se passer de son concours, s'il s'était avisé
d'imposer des conditions exorbitantes.
Une autre prétention que le clergé tâche de
faire prévaloir par la presse et la prédication
c'est que lui seul a qualité pour juger de la
moralité des individus. C'est là encore une de
ces assertions que nul ne peut admettre et qui
frisent le ridicule. Mous pourrions bien, cette
occasion interpeller les journaux vertueux
pour avoir quelques explications sur certains
faits qui se dévoilent demi et qui ne prou
vent pas en faveur de ces jugeurs sans appel,
en fait de morale et de vertu.
A IH. Yande Weyer reviendra donc l'honneur
de doter son pays d'une bonne loi sur l'instruc
tion secondaire, si rien ne réussit le faire dévier
de la ligne favorable au parti libéral qu'il dit
être décidé suivre. Si M. le ministre de l'in
térieur le veut fermementune bonne loi peut
être votée, car en dernière analyse, il est le maî
tre de la situation. Qu'il se relire du ministère,
personne ne le remplacera et le cabinet qui
n'existe que par lui, sera forcé de se dissoudre
immédiatement.
M. le ministre des finances, vient paraît-il,
de se permettre un acte inqualifiable; dans la
question des toelaegen dont la chambre a été
saisie l'occasion du budget des finances, un cré
dit était demandé pour solder les héritiers Cow-
pez, qui, par arrêt passé en force jugée, avait
obtenu une condamnation contre le gouverne
ment pour arrérages d'un supplément de traite
ment accordé en 1827 et que depuis le gou
vernement belge n'avait pas voulu reconnaî
tre. Une douzaine d'autres procès identiques,
étaient pendants et le ministre qui croyait ne
pouvoir admettre le jugement de la cour de cas
sation dans l'affaire Coupez, était décidé pour
suivre les autres jusqu'au dernier dégré de ju
ridiction, ayant la conviction que les titulaires
des toelaegen n'avaient pas de droits parfaits, etc.
Mais, il y a quelque temps, M. le ministre des
finances a fait connaitreson désistement dans le
pourvoi en cassation contre les arrêts de la cour
d'appel dans l'affaire de M. Huysman d'Honsscm
et autres. Un conflit s'élévera nécessairement
entre les pouvoirs judiciaires et administratifs,
puisque le jugement acquiert nécessairement
force de chose jugée et devra être exécuté. La
chambre peut-elle faire autre chose que voter
les crédits qu'elle a rejetés, il y a peine un
mois moins qu'elle ne veuille passer sur tou
tes les règles et forcer legouvernementàdonner
l'exemple d'un refus d'exécution des arrêts de la
justice et fournir ainsi au pays un dangereux
antécédent, qui ne peut que porter atteinte au
respect que doit inspirer le pouvoir judiciaire.
[Suite.)
iii. confidences.
MŒ« de Bracciano attendait M. de Surville dans un très-élégant
boudoir blanc et or il y avait alors des boudoirs) rempli de fleurs
et meublé avec toute la lourde somptuosité de l'époque.
Jeanne de Souvry, duchesse de Bracciano, avait vingt ans envi
ron. Elle n'était pas d'une beauté régulière mais de grands yeux
bruns frangés de longs cils noirs, une pâleur rosée, une bouche gra
cieuse qu'effleurait presque toujours un sourire doux et mélancoli
que, de beaux cheveux châtains négligemment noués la Paméla,
fui donnaient un charme inexprimable. Elle semblait rêveuse et
triste. Un exemplaire de Werther en allemand était demi ouvert
auprès d'elle ses deux mains croisées sur ses genoux elle agitait
machinalement du bout de son joli pied les crépines massives d'un
fauteuil de bois doré.
Un valet de chambre annonça M. de Surville.
Jeanne et Raoul restèrent seuls.
Quel brusque dépari dit M»' de Bracciaao M. de Surville,
en le regardant avee intérêt; vous allez Vienne -Oui, ma chère
cousine..... je suis désolé de partir,... et pour plus d'une raison.
Après un assez long silence, Raoul reprit d'un air ému Je
voudrais vous parler avec une entière franchise,.. J'ai quelque chose
de grave vous dire, je suis votre ami, votre parent, et pourtant je
crains que mes paroles ne vous blessent j ne croyant pas mon départ
si soudain voulant prendre quelques renseignements encore avant
de vous faire part de mes soupçons, j'avais jusqu'ici retardé cet en
tretien. De quels soupçons? dit Mma de Bracciano étonnée.
Écoutez-moi, dit Raoul d'un ton de cordialité affectueuse vous
savez, n'est-ce pas combien je vous ai aîtnée Malheureusement
vous aviez de moi une si mauvaise opinion, que messoius ont été
repoussés. Une mauvaise opinion de vous! Non Raoul non
seulement j avais entendu parler de votre légèreté de votre incon
stance, quoique vous n'ayez jamais eu, dit-on, et je le crois ferme
ment, vous reprocher envers une femme, aucun mauvais procédé,
aucune perfidie. Si mou inconstance était mon seul défaut, pour
quoi n'avez-vous pas essayé de me rendre fidèle Cela vous était si
facile Oh c était une trop grande tâche entreprendre mon
cher cousin; vous étiez et vous êtes beaucoup trop la mode, beau
coup trop recherché, et, si cela se peut dire,... beaucoup trop heu
reux.
Mra® de Bracciano avait prononcé ces mots avec un accent singu
lier; Raoul la regarda fixement; elle baissa les yeux, et reprit après
quelques moments de silence Et puis vous avez sur l'autour des
idées qui ne serout jamais les miennes vous ne voyez qu'une dis
traction charmantequ'un plaisir éphémère, où je verrais, il me
semble, le destin de toute ma vie; aussi je n'ai jamais fait la coquette
avec vctûs; je vous ai dit soyons bons amis, et ne parlons plus d'un
sentiment qui ne peut exister entre nous. Vous m'ayez comprise
Raoul, vous êtes toujours resté mon ami, et je lésais, le meilleur de
mes amis, ajouta Mme de Bracciano en tendant sa main au oolonef.
Celui-ci la baisa aveo une respectueuse tendresse et dit, aprèg
quelques moments d§'un silence presque embarrassé Je pars ce
soir, et pour bien longtemps peut-être. Promettez-moi qu'en faveur
de cette sincère, de celte vive amitié laquelle vous croyez, voua
m'entendrez sans mal interpréter mes paroles. Ce que j'ai vous
dire est tellement étrange, que je n'en aurais pas le courage si votro
bonheur, votre avenir, peut-êtrene me semblaient pas menacés.
Expliquez-vous, Raoul Vous m'effrayez presque... —Écoulez-moi
donc,... et encore une fois si ce que je vous dis vous blesse si je
vous semble céder des sentiments indignes de moi,... rappelez-
VOùs que je suis un honnête homme, et incapable d'une action mé
chante ou honteuseMais en vérité, Raoul, je ne sais que pen
ser. Qu'avez-vous m apprendre pourquoi cet air grave pour
quoi surtout ces doutes Ne sais-je pas mon Dieu qui vous êtes
qu'il n'y a pas au monde un caractère plus noble, plus généreux que
le votre Allons vous me donnez du courage dit Raoul et il
reprit Mariée seize ans,... par un dévoùnient sublime
Raoul dit Jeanoe avec un accent de reproche. Oh! je suis impi
toyable, quand je parle de vos adorables qualités.... N eprouviez-
vous pas la plus vive répugnance pour le mariage que l'empereur
voulait vous faire faire Et quand, malgré le noble silence de votre
famille, par une frivole indiscrétion vous avez appris... qu'en fa
veur de votre union avec le duc de Braccianoles grands biens do
votre tante lui seraient rendus, et que deus de yos yieux parents