5e ANNÉE. N° 502.
INTÉRIEUR.
JEUDI, 26 FÉVRIER 1846.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Feuilleton.
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YPRES, le 25 Février.
DEBACLE MINISTÉRIELLE.
11 n'était pas nécessaire d'être prophète pour
prévoir que l'issue de toutes les invocations
YUnion proférées par M. Vande Weyer et quel
ques catholiques qui comptaient sur une bonne
aubaine pour leur parti, devait être une crise
ministérielle la première discussion des prin
cipes qu'on aurait eus agiter entre libéraux
et Catholiques. La question de l'enseignement
moyeu restait décider, la division n'a donc pu
tarder éclater entre M. Vande Weyer, défen
dant les principes libéraux, aidé de M. d'Hoff-
sclimidl et les autres membres du conseil qui,
accoutumés de longue main baisser la tête
sous le joug du clergé, n'ont pointdans cette
question vitale pour les deux partis qui parta
gent la Belgique en deux camps, pu se dépouil
ler de leur obséquiosité l'endroit delà mitre.
M. Vande Weyer qu'on n'avait rappelé de
Londres que pour lui faire jouer le rôle de M.
Nolhômb, n'a pas voulu se prêter la farce. Il
est entré au cabinet comme ministre ayant
mission de stipuler au nom des intérêts de l'opi
nion libérale et n'a pas voulu dévier de celle
ligne de conduite. On avait compté sur la mal
léabilité en fait de principes, dont sont doués
d'ordinaire les diplomates; mais la fermeté,
les convictions du ministre de l'intérieur ont
produit un mécompte chez ceux qui spécu
laient sur une conversion scandaleuse; au moins
jusqu'aujourd'hui il paraît décidé ne pas se
laisser corrompre et quitter plutôt le minis
tère et quelques-uns y ajoutent même l'am
bassade de Londres.
Dans le temps, nous avons dit qu'il était
malheureux pour la Belgique de voir sacrifier
ses plus nobles enfants au maintien d'un sys
tème impossible et singulièrement favorable au
parti clérical, qui n'ose, quoique se disant ma-
jorilésaisir les rênes du pouvoir. C'est ainsi
que dans tous les ministères qui se sont suc
cédé l'élément libéral se trouvait soi-disant
repiésenlé, mais le libéral qui se prêtait celte
combinaisons'il était homme de principes
devait bientôt s'apercevoir que sa présence au
ministère ne servait que d'enseigne pour con
tenter les gobes-mouches politiques, qui une
satisfaction illusoire suffisait. Mais l'époque où
des ruses de ce genre pouvaient réussir est
passée; maintenant l'opinion libérale mieux dis
ciplinée et plus unie, sait ce qu'elle veut et en
tend rester en dehors du pouvoir, puisque les
compromis avec le parti clérical n'ont jamais
eu la loyauté pour base et que l'impartialité n'a
jamais présidé leur exécution.
La situation de M. Vande Weyer au milieu
d'un ministère dévoué la théocratie et sans
l'appui énergique de la couronne, est intoléra
ble. Il est impossible qu'il continue rester
membre du cabinet, sans qu'une modification
n'ait lieu. D'un autre côté, eu haut lieu, on ne
veut pas se brouiller avec les intriguants mitrés
qui inspirent assez de crainte, pour qu'on croie
devoir les ménager. Le seul mode de sortir de
toutes les difficultés inextricables qu'on s'est
créées, en soutenant les ministères mixtes, serait
de faire un appel au pays. Mais ce moyen indi
qué par la Constitution et les usages des mo
narchies représentatives, est trop simpleet trop
rationnelpour qu'on daigne y avoir recours.
On pataugera dans les biais et les replâtrages,
si on trouve encore des hommes qui veulent se
perdre dans l'opinion publique.
La tentative qu'on vient de faire avec M.
Vande Weyer qui devait ressusciter l'Union,
clôturera-l-elle celle série de programmes men
teurs mixtes ou unionistesdont le premier
défaut était l'impossibilité. Nous le désirons sans
oser l'espérer. Un ministère catholique doit fata
lement prendre le pouvoir, si M. Vande Weyer
quitte le cabinet, et nous souhaitons qu'il laisse
bientôt la place vide, si lui est impossible de
faire prévaloir ses idées dans la loi sur l'ensei
gnement moyen. Les catholiques en feront une
leur guise sans l'assentiment de l'opinion libé
rale. Eh! bien, ce ne sera qu'une mauvaise loi
de plus et une loi refaire, quand l'opinion
libérale aura eu raison de ces éternels ennemis
de toute idée de liberté et de progrès.
Nous ex trayons d'une correspondance de Brux
elles quelques détails sur la crise miuislérielle.
M. Vande Weyera présentéson projet de loi
sur l'enseignement moyen en conseil des mi
nistres. Au premier abordaucun membre du
cabinet n'a fait d'objeçtion grave. M. Dechamps
même était entièrement du même avis que M.
Vande Weyer. Mais M. Malou n'a pas voulu
passer outresans consulter les chefs du parti
catholique.
Les évêques réunis en synodeà Malines,ont
reçu, en qualité d'ambassadeurs de la part du
ministre des finances, MM- DeTheuxet Dubus,
chargés de Communiquer aux maîtres mitrés de
la Belgique, le projet sur l'enseignement moyen*
Il est de notoriété publique que toutes les ré-
sistancessont venues de Malineset qu'on a même
menacé M. Dechamps, s'il adhérait ce projet,
de retirer l'appui qu'on lui donnait dans ses
luttes électorales Ath. Le ministre des affaires
étrangères, quand il a eu connaissance du ré
sultat de la conférence entre les évêques et MM.
DeTheux et Dubus, a retiré sa parole et les exi
gences de l'élément calhpliqtte du cabinet sont
devenues incroyables. Il fallait, paraît-il, tout
un autre projet, celui é'aboré par M. Vande
Weyer, n'ayant pas l'heur de plaire aux six ty
ranneaux crosses et mitrés, qui en sont arrivés
imposer leur volonté tout le pays
«Il était donedevenu impossible des'entendre.
Un conseil des ministres a été tenu sous la pré
sidence du Roi.On assure que des paroles cruelles
ont été adressées M. Vande Weyer, probable
ment en récompense de son obéissance aux
désirs de la Couronne. On paraît avoir blâmé sa
fermeté, qu'on a qualifiée d opiniâtreté et d'en
têtement. C'est au sortir de ce conseil des mi
nistres que M. Vande Weyer est tombé malade
et la crise ministérielle ne fera plus uu pas jus
qu'à son rétablissement.
Hier, lisons-nous dans le PolitiqueM. le
colonel Dupont a remis entre les mains du roi,
la démission du général son frère, comme mi
nistre de la guerre.
Monsieur le rédacteur
Lorsqu'on se voyait l'année dernière la
veille de perdre la pomme de terretout le
monde s'alarmait des commissions d'enquêtes
furent nommées et jusqu'à la chambre législa
tive s'en occupa. On prévoyait la position criti
que dans laquelle le pays devait tomber par
(3©2»©Sia[îj
VII. w1lhelmime butler. {Suite.)
Anaoharsis Boisseau, après avoir relu deux fois oelle lettre, mit
part celles qui étaient destinées pour l'Empereur et pour la princesse
de Montlaur et dit au courrier Vous ne repartirez pas jusqu'à
nouvel ordre, allez vous reposer; vous, Glapisson d après l'ordre du
colonel.,..
A ces mots Glapisson mit sa main son bonnet de police et se
tint au port d'arme.
Vous aurez peut-être couper yos moustaches pour n'être pas
remarqué et mieux suivre un vieux drôle boiteux qui a de mauvais
desseins. Contre mon colonel NonGlapisson mais contre
les amis de votre colonelce qui est la même chose. Plus tard je vous
expliquerai cela. Suffitmonsieur quoiqu'il soit dur de couper
ça (et il prit ses moustaches en soupirant ça qui a été en Italie,
en Égypte, en Espagne et en Allemagne. Pourtant, si le colonel le
veut, ça sera fait.
Puis, s adressant son valet de chambre, Boisseau lui dit de tout
préparer pour sa toilette.
- Monsieur ya sortir demanda Joseph stupéfait. - Sans doute,
et vous allez dire au concierge d'aller Piuslant me chercher un
tiacre on en trouve toute la nuit la porte de Frascati.
Une demi-heure après, Boisseau, enveloppé d'un manteau, monta
en voiture, et dit au cocher d'aller rue du Faubourg-du-RouIe, 56.
Pendant le trajet, Anacharsis se réjouissait de se trouver même
d'être utile Raoul. Grâce aux détails que celui-ci lui avait donnés
avant son départ sur Mmr de Bracciano, il ressentait pour elle un vif
Titérêt. Et puis il trouvait uu certain orgueil être chargé de cette
affaire aussi importante que délicate} il supputait déjà par la pensée
les avantages qu'il devait trouver rendre un tel service de
Bracciano.
La iyuit était sombre et orageuse la pluie tombait torrents. Le
fiacre s'arrêta devant le numéro 56 de la rue du Fauboug-du-Rouie,
alors très-peu habitée. Boisseau mit la tête la portière vit une
maison isolée d'une misérable apparence. De chaque côté s'éten-
- daient de longs murs, qui bornaient sans doute des jardins} eu face,
e'étaient de vastes terrains inhabités.
*- Hum! se dit Boisseau, ça m'a tout-à-fait l'air d'un coupe-gorge.
C'est bien la digne habitation d'un pareil scélérat. Cooher, frappez.
Où ça, mon bourgeois? c'est une porte d'allée, et il n'y a ni mar
teau ni sonnette. Alors frappez des pieds et des mains. Ab ça!
c'est donc pour éveiller un médecin ou une sage-femme dit le
cocher.Frappez toujours,., et cent sous potir votre course si on
ouvre bientôt, car il fait un froid atroce....
Herman avait le sommeil très-léger, il fut réveillé en sursaut par
un coup assez fort donné sa porte. Il écouta, saisi d'une crainte in
volontaire. Par un mouvement instinctifil prit sous son traversin
un poignard renfermé dans sa gaine, et, le cœur palpitant, il atten
dit un nouveau coup, croyant s être trompé. On heurta de nouveau
sa porte. Herman essuya la sueur froide qui lui coulait du front,
et demanda néanmoins d'une voix ferme Qui est là? Que veut-on?
C'est un monsieur très-pressé qui veut vous parler, dit le portier.
Je me nomme Anacharsis Boisseau dit une autre voix. J'ai,
monsieur, une très-importante communication vous faire.
Un peu rassuré, Herman laissa tomber son poignard, alluma une
bougie pria Boisseau d'attendre un instant, s'habilla et ouvrit sa
porte, nonsaus une secrète émotion.
La physionomie de Boisseau offrait un curieux mélange de crainte,
de suffisance et de curiosité. Un moment il garda le silence, frappé
malgré lui de la beauté, de la jeunesse et surtout de l'air triste et
candide d'Herman. 11 ne pouvait croire que cette mélancolique et
charmante figure cachât un génie aussi pervers. Malgré son malen
contreux essai diplomatique, Boisseau, dans ce moment décisif, se
sentait fort embarrassé d'expliquer le sujet de sa visite. Il poussait
desfréquens hum, hum, en se débarassant de son manteau le plus