5e ANNÉE. N° 313.
INTERIEUR.
JOURNAL D'Y PRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
DIMANCHE, 3 AVRIL 1846.
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XPKES) le 4 Avril.
LE MINISTÈRE CLÉRICAL PUR-SANG.
Enfin la Couronneaprès avoir longuement
avisé, vient enfin de doter la Belgique d'un
ministère, et quel ministère! Après un interrè
gne ministériel de presque deux mois un ca
binet clérical vient de faire son apparition le
1er Avril de la bienheureuse année 1846. Ce
n'est pas sans peine, qu'une solution est donnée
ala crise ministérielle et surtout elleest loin d'êlre
conforme aux vœux de la nation, ni même du
parti-prêtre. Jusqu'ici l'opinion cléricale n'avait
jamais voulu de cabinet composé exclusivement
d'hommes de sa couleur. Elle trouvait plus
avantageux de paraître partager le pouvoir avec
des soi-disant libéraux, qui n'étaient plus dignes
de ce nomdu moment qu'ils consentaient
se charger des iniquités catholiques d'un gou
vernement sur la marche duquel ils ne pou
vaient exercer la moindre influence.
La composition du ministère est connue. En
tête se trouve M. De Theuxl'homme de la
réaction l'auteur du fractionnement des com
munes, le ministre dirigeant du cabinet qui a
joué, en 1839, cette mirobolante comédie de
persévérance et courage. C'est l'homme selon
le £ceur des rétrogrades, et la personnification
du système théocratique mis en œuvre par le
clergé et ses adhérents, pour dominer despoti-
quement la Belgique. C'est le chef enfin de la
tourbe cléricale la chambre quidéjà dé
cimée par la volonté électoralen'inspire plus
que mépris et joue de son reste pour imposer
le joug clérical la nation.
M. Deschamps reste ministre des affaires
étrangères. Ce digne rejeton de St-Acheul, an
cien républicain peu après 1830, s'est engagé
au service de ceux qui lui paraissaient les plus
puissants, et quoique dans ces derniers temps
sa manière de voir parût s'être modifiée, il n'en
a pas moins toujours été compté au nombre de
ces eunuques politiques, la dévotion du parti
monacal.
M. Malou le sublime produit du cens cam
pagnard de l'arrondissement d'Ypres. conserve
le portefeuille des finances Dans la discussion
de l'adresse, il a cependant avoué la chambre,
qu'il estimait dangereux un ministère composé
de si x Malou. Le cabinet dit: Poisson d'avril, est
plus significatif, car il compte dans son sein des
réactionnaires d'une nuance plus foncée que le
ministre des finances. Malgré le danger qu'il
prévoyait alors dans la composition d'une ad
ministration de celle couleur, il n'en a pas moins
jugé utile de conserver son portefeuille dans la
nouvelle combinaison.
Le département de la justice paraît être in
féodé M. D'Anethan si bien apprécié par le
parti-prêtre pour ses complaisances son égard.
N'est-ce pas le défenseur du despotisme du haut
clergé l'endroit des desservants, et le promo
teur des largesses faites par l'état la caste clé
ricale? Aussi ne peut-on refusera M. D'Anethan
la justice de convenir, qu'il est noblement sa
place dans un ministère De Theux-Deschamps-
Malou.
MM. Prisse et De Bavay complètent le cabi
net du 1er Avril. Sans antécédents politiques,
ils seront nullifiés, s'il leur arrivait d'avoir une
opinion sur la politique intérieure du pays. Et
d ailleurs n'a vous nous pas, pour minislresd 'état,
MM D Huai t et De Muelenaei e. dignes acolytes
de M. De Theux et qui ont déjà donné au parti
clérical, des gages d'un dévoûmenl inaltérable.
Tel estle nouveau ministère chargé de diriger
les destinées de la Belgique. Jusqu'icinous le
répétons, depuis 1U30. nv|ns n'avons jamais eu
de cabinet plus réactionnaire, ni plus sincère
ment dévoué aux ordres de l'aréopage clérical
de Malines. Cependant, il faut en convenir,
nous avons au moins gagné que,1e gouverne
ment rentre dans les voies normales du système
représentatif. Ce n'est pas une mince victoire
pour le parti libéral, que d'avoir forcé ses ad
versaires composer un ministère homogène.
Nous ne verrons plus de ces revirements inex
plicables d'opinions.La situation sera nette, tran
chée, on appartiendra au parti clérical ou on
sera libéral. N eussions-nous gagné que cette
franchise d'opinion, dont on ne pourra plus se
dispenser, ce serait beaucoup. Un transfuge du
camp libéral ne se chargera plus, en guise de
bouc émissaire, de la responsabilité des énor-
milés cléricaleset les empiétements sur les insti
tutions libéralesdu paysque le ministère laissera
accomplir par le parti-prêtre, retomberont sur
lui, tandis qu'avec les mixtures, ou faisait sem
blant d'avoir l'opinion libérale pour complice.
Nous le verrons donc l'œuvre ce ministère
clérical pur-sang. Peut-être la réaction marche-
ra-t-elle tête levée maintenant et l'episcopat
on doit l'avouer, aura une belle partie, car les
ministres du premier avril se trouvent vis-à-vis
du synode de Malines, comme un bedeau l'égard
de son curé.
Le thème invariable débité par toutes les
feuilles cléricalespour expliquer l'avènement
au pouvoir d'un ministère clérical homogène,
elles qui s'entendaient comme larrons en foire,
pour préconiser l'indispensable utilité d'une
mixture est très-drôle. C'est par pur dévoue
mentque ce ministère s'est formé. Le dévoue
ment de M. Deschamps, qui en est sa troi
sième combinaison, ainsi que M. D'Anethan; le
pur dévouement de M. Malou, qui, après avoir
défendu la parfaite opportunité d'un ministère
mixte, fait partie d'une combinaison homogène
six mois de distance le sublime dévoue
ment #le M. De Theux, dont personne n'a oublié
la sotte démarche de 1840, pour rester au mi
nistère voilà certes quatre dévouements qui
mèneront la Belgique très-loin.
Mais dévouement qui? quoi? Peut-être
serait-ce laCourouue, quoiqu'il fut impossible
de lui avoir rendu un plus mauvais service? La
royauté a ouvertement fait connaître ses sym
pathies pour la gent cléricale et elle partagera
désormais l'impopularité qui pèse sur ce parti.
Dévouement au pays? mais dans toutes les oc
casions, la nation a signifié qu'elle ne voulait
pas subir le joug clérical et qu'elle prétendait
que la Constitution fut une vérité. Ce dévoue
ment a quelque chose de commun avec ce fait
d'un moinequi se fit donner par testament,
tous les biens d'une dévote, afin, disait-il, qu'ils
ne tombassent en de méchantes mains!
On y ajoute bien quelques airs de serinette,
sur impartialité et la conciliationdont fera
preuve une administration purement cléricale.
On peut s'y attendre de la part d'un cabinet qui
compte parmi ses membres, serpenl-De Theux,
Malou-trompetle, Dechamps-trombonne, et le
bonnet chinois D'Anethan, ainsi que les qualifie
burlesquement la Franchise Belge. D'ailleurs, si
le parti-prêtre avait voulu vraiment faire preuve
d impartialité et de sentiments conciliantsil
était iuulile de provoquer par ses résistances,
Fcilillrtoil,
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[Suite.)
XV. la terreur*
Le duc de Bracciano sortit des Tuileries tout-à-fait rassuré. Un
moment il avait craint que sa femme ou la princesse de Montlaur
n'eussent dévoilé l'Empereur les ténébreuses machinations aux
quelles il voulait employer Jeanne. Mais, réOéchissant au uoble ca
ractère de celle-ci, il reconnut combien il avait eu tort de la soup-
sonner capable d'une telle lâcheté. Désormais sur de 1 appui de
l'Empereur, il ne douta pas qu avec de la persévérance, et en me
naçant sa femme d'une retraite dans une de ses terres, il ne la
décidât accepter la charge de suriutertdante qui était, pour ainsi
dire, la pierre angulaire de tous ses projets, de toutes les ressources
de son ambition.
M. de Bracciano devait avoir le jour même un nouveau sujet de
joie. Il apprit par I Fmpereur que Raoul avait quitté Vienne malgré
les ordres malgré ;a m ission importante qui au»bit dû l'y retenir;
rapprochant ce départ si subit et si blâmable de la démarche de
Mme de Bracciano pour obtenir le divorce, 1 Empereur était fuiieux
««utre le colonel, et voulait le faire enfermer Vincennes son ar
rivée Paris. Tout concourait servir les desseins de tVl. de Brac
ciano et calmer ses craintes. Son âme était trop desséchée par
1 ambition et par l'égoïsme pour qu'il ressentît aucun amour pour sa
femme. Mais glorieux, mais orgueilleux l'excès il eût été profon
dément blessé dejouer un rôle ridicule. Il se demandait avec anxiété
si les assuidités de M. de Surville auprès de sa femme avaient été
remarquées. Tantôt il espérait que la parenté de Raoul suffirait pour
les expliquer convenablement tautôt au contraire, cette parenté
lui semblait devoir seivir de texte aux plus malins propos. Il se re
prochait amèrement d avoir jusqu alors reçu Raoul si intimement
car, si le duc ne doutait pas de la vertu de sa femme, il redoutait
beaucoup les médisances. Jamais NI. de Bracciano n'avait conçu le
moindre soupçon contre Herman. Comment imaginer qu'une fem
me puisse hésiter entre un malheureux enfant, pauvre, obscur, et
un homme aussi séduisant, aussi biillant que le colonel? La princesse
de Montlaur elle-mcme, bien qu'elle connut la générosité naturelle
du caractère de sa niece, n'avaii pas songé un moment quelle pou
vait être éprise d Herman, D ailleurs, Jeanne, dans la scène du
divorce, tout en affirmant qu'elle ne s occupait pas de.M. de Surville,
n avait pas dû prononcer le nom d'Herman ni devant sa tante, ni
devant son mari, autaut par lespect de soi que pour ne pas exposer
celui qu'elle aimai tau dangereux ressentiment de M. de Bracciano.
Des que la princesse de Montlaur l'eut quittée, Jeanne écrivit
la hâte ce billet Herman Tout est perdu,,,, il n'y a plus d'es
poir,,.. vous ne mourrez pas seul..,. On vous rapportera cette nuit la
croix de votre mère
Troisheures après qu'Herman Forstereut reçu celte lettre, Pierre
Herbin frappait la porte de l'hôtel de Bracciano. Il était dix heures
du soir.
Malgré cette journée si agitée, si remplie d'événements, M. de
Bracciano, doué d'une grande puissance de travail, terminait quel
ques rapports destinés l'Empereur. Son valet de chambre entra,
lui remit une lettre, et lui dit que la personne qui l'apportait, dé
sirait être introduite sur-le-champ ayant communiquer Son
Excellence des choses du plus haut intérêt.
-*-* Pierre Herbin disait le duc, en lisant la signature de celle
lettre, Pierre Herbin..... Je connais ce nom, j'en ai un vague sou-
veuir,.... cela doit dater de la révolution,.... Dijon.,.. Mais je ne
me rappelle rien de particulierQ'importe
Se tournant veis son valet de chambre Faites entrer, dit M.
de Bracciano,
Un moment après, Pierre Herbin parut.
Le cabinet de travail du duc était une grande bibliothèque. Sar
la table il n'y avait qu'une lampe. Le duo voulant, sans doute, aider