68 ANNÉE. Ne 527.
INTÉRIEUR.
JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
DIMANCHE,24 MAI 1846.
Feuilleton.
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VIRES ACQUIRIT EUNDO.
ÏPBESjJe 23 Mai.
ASSOCIATION ÉLECTORALE.
Tous les électeurs libéraux de l'arrondisse
ment sont invités se réunir au Salon d'Apollon,
Mardi, 26 Mai 1846, six heures du soir.
Le but de la réunion estjde nommer un bureau
provisoirede discuter et d'adopter les statuts
ae l'association, de faire choix d'une commis
sion définitive et des délégués envoyer au
Congrès libéral, Bruxelles.
l'opinion libérale doit s'organiser.
Le moment décisif est arrivé; pour soutenir
la lutte contre des adversaires qui, pendant
quinze ansont eu tout le loisir de peupler
les avenues du pouvoir de leurs créatures, l'o
pinion libérale, si elle veut conserver l'influence
qui lui appartient, doit s'unir et former une
vaste association. Déjà d'autres villes nous ont
précédés dans cette voie et les preuves sont évi
dentes de ce que peut l'unité dans les efforts
des bons citoyens, pour maintenir les garanties
inscrites dans la constitution. Les premières
associations électorales ont eu pour effet de mo
difier profondément la composition de la légis
lature. Il s'agit d'étendre celle organisation
toute la Belgique et de faire prédominer les vœux
intelligents des citoyens sur les voles donnes
par crainte ou extorqués par la violence aux
hommes faibles qui subissent, regret souvent,
l'influence de la théocratie.
11 restait Ypres compléter l'organisation
du parti libéral qui y est en grande majorité, en
formant une association électorale, non-seule
ment pour la ville, mais pour l'arrondissement.
Des tentatives sont faites pour y parvenir une
première réunion est annoncée pour mardi,
26 de ce mois. Tous les électeurs libéraux de la
ville et de l'arrondissement s'empresseront
croyons-nous, de s'y rendre. En effet, Ypres est
jusqu'icipour ainsi dire, la seule ville de son
rang qui ne soit point dotée d'une société de ce
genre et la nécessité d'en créer uneétait de
jour en jour plus démontrée.
Une association telle que le parti libéral en
doit souhaiter la création, ne mérite ni le dédain
ni les jérémiades de la presse catholique. Bien
établie, c'est un moyen puissant de défendre les
institutions civiles contre les empiétements d'un
pouvoir occulte, qui, de jour en jour, acquiert
plus d'influence dans les hautes régions gou
vernementales. C'est une force morale qui pré
servera les membres qui en font partie, de ces
tracasseries et de ces vengeances cachées, dont
les adversaires que nous combattons, ont pour
suivi ceux qui osaient, en matière d'opinion po
litique, préférer la servitude, les inspirations
de leur conscience. Mais d'un autre coté, l'as
sociation électorale n'est point et ne sera jamais
que l'exercice d'un droit constitutionnel, dont
nos ennemis font un usage très-profitable et ne
dégénérera jamais en une machine émeutes
comme quelques feuilles cléricales se plaisent
l'insinuer. Pour s'en convaincre, il faut seule
ment s'enquérir, quels sont les hommes qui font
partie d'associations de ce genre et qui les di
rige. Partout les notabilités de la magistrature,
du commerce et de la richesse territoriale sont
la tête de ces réunions, qui ne sont convo
quées, que pour obtenir l'unité dans les vœux et
dans les voles politiques des électeurs.
C'est ainsi donc, qu'afin qu'une société telle
que le désir s'est manifesté d'en créer une
Ypres, soit forte et puissante, il faut que tous
les citoyens qui appartiennent l'opinion libé
rale de cœur et de conviction, s'unissent et s'em
pressent d'y apporter leur part d'influence. La
commission administrative doit résumer toutes
les classesde citoyens qui en font partie et toutes
les nuances du libéralisme. Afin que l'associa
tion soit durable, il faut qu'une fusion sincère
s'opère dans lesopinions individuelles, pour n'a
voir en vue que le triomphe des idées, dont on
est soi-même pénétré.
Les principesque l'association électorale nous
parait devoir prendre tâche de faire prédo
miner, sont ceux-ci l'indépendance du pouvoir
civil et l'égalité du cens électoral. Certes, c'est
là un programme auquel les hommes les plus
modérés, mais qui ont le sentiment de leur di
gnité, peuvent se rallier avec empressement.
L'indépendance du pouvoir civil, que la Belgi
que n'a jamais connue depuis quinze ans, est
une des principales prescriptions de la Consti
tution. En émancipant l'autorité religieuse, on
n'a certes pas voulu prétendre que celle-ci de
vait réduire la nation l'ilotisme, et cependant
par des intrigues souterraines et des influences
occultes, on était pour ainsi dire parvenu pla
cer l'autoritécivileen curatelle. Quantau second
point, l'égalité du cens électoral pour tous les
Belges, soit qu'ils habitent une ville, ou un vil
lage, c'est encore en vertu d'un article de la
constitution, que cette réforme doit être opérée.
Tous les Belges sont égaux devant la /oi, dit le
pacte fondamental, c'est le principe. Y a-t-il lieu
de faire exception pour les habitants des villes
et de leur refuser un droit octroyé aux habitants
des campagnes, puisque ces derniers sont ap
pelés aux élections, en payant un cens moindre
que les électeurs des villes? Le contraire pour
rait être soutenu avec avantage, moins, que
comme nos adversaireson défende la loi
électorale en vigueurparce qu'elle a assuré
la prépondérance au clergé, au détriment du
pouvoir civil. Les vœux du parti libéral en
Belgique peuvent se résumer en ces deux points
et tous les bons citoyens qui sont animés de
l'esprit de nationalité et des sentiments de di
gnité, qui siéent si bien aux habitants d'une na
tion libre, doivent se prêter un mutuel appui
pour les faire admettre au nombre des vérités
gouvernementales.
Le branle est donné et nous avons assez bonne
opinion de nos amis politiques, pour être cer
tains, que tous les libéraux sincères s'empresse
ront de coopérer l'institution d'une associa
tion électorale. Le moment est opportun et les
événements politiques que nous avons vu s'ac
complir, il y a peu de temps, exigent que le
parti libéral s'organise et se discipline dans tous
les centres de population. Le ministère qui est
arrivé aux affaires, ne s'est emparé des rênes du
gouvernement, que pour combattre outrance
l'opinion libérale, et favoriser le clergé et la
haute aristocratie aux dépens de la bourgeoisie
et du tiers-état. La lutte qui divise la Belgique
en deux camps, n'est que la continuation sous
d'autres formes et d'autres dénominations, de
celle que nos ancêtres ont soutenue. C'est le
parti de l'ancien régime qui combat pour recon
quérir son importance politique. Faut-il lui
laisser une victoire facile, ou veut-on maintenir
la prépondérance des classes moyennes C'est
la question.
HISTOIRE DU XVIe SIECLE.
I. {Suite.)
La duchesse était assise devant une table d'ébèue sur laquelle était
un miroir de Venise porté sur deux colonnettes d ivoire et couronné
d une guirlande de roses feuilles d'or tout près étaient un sablier
orné de rubis et un encrier en forme de buffet d'orgue de la fabrique
d'Urbin; près d'elle, sur un bahut de noyer consoles chimériques,
se trouvaient plusieurs coupes d'émail de Limoges, représentant le
passage de la mer Rouge et l'échelle de Jacob, un bassin et une ai»
guière reproduisant les scènes du sacrifice d'1 phi génie, par J. Courtois,
d'après Caravage. Tous les meubles de l'appartement étaient sculptés
avec le plus grand soin et masquaient, en plusieurs endroits, une fort
belle tapisserie de Dijon représentant le siège entre les Suisses et les
Impériaux en 1515. La duchesse portait ce jour-là un chaperon orné
de grosses perles et une robe grandes manches, de toile d'argent,
garnie d'une fourrure de loup cervier.
Maître Samuel, lui dit la duchesse en se tournant vers lui, vous
êtes deux fois le bien venu; asseyez-vous, et dites-moi vite que ce
sont des joyaux mon intention que vous apportez-là dans cette
cassette.
En effet, madame, dit Samuel en ouvrant la boite, voyez...
La duohesse poussa un cri d'admiration. Jamais ses yeux, habitués
au luxe d'une cour dont le faste et l élégance étaient sans exemple,
n'avaient contemplé une parure si éclatante. Ses paroles ne pouvaient
snffire exprimer son étonnement, et les transports de la joie enfan
tine laquelle elle se livrait firent sourire Samuel.
Mais savez-vous, dit-elle tout coup, que c'est là un ornement
de reine J'en sais même une ajouta-t-elle tout bas, qui pourrait
bien être jalouse. Eh Samuel, d'où vous viennent toutes ces riches
ses, et combien les estimez-vous?
Samuel expliqua comment il s'était trouvé possesseur d'une riche
collection de pierreries.... Quant au prix, ajouta-t-il en devenant
tout coup d'une pâleur extraordinaire, je n'ai rien réclamer....
Que dites-vous
Que j'ai été payé d'avance....
Qu'en tends-je et que signifient ces paroles dit la duchesse,
qui flottait entre la surprise et la colère.
Samuel parut réfléchir ses lèvres tremblaient...
Il y a madame répondit-il sans oser lever les yeux, nu fond
de cette boîte un papier qui vous expliquera ce que je ne puis dire.
Qui a osé
Un inconnu pour moi, mais qui ne l'est pas entièrement pour
vous, madame;... c'est du moins ce qu'il m'a assuré, et je n'ai aucun
droit de soupçonner sa sincérité.
Maître Samuel, reprit la duohesse avec une dignité un peu af
fectée, quel que soit l'auteur de ceci, je vous blâme d'y avoir prêté
ses mains..... Je lirai celte lettre pour connaître le nom dn témérai
reQuant au prix que vous ayez reçu, il doit êlre au-dessous d'un
pareil trayait.
En disant cela, elle se leva et alla prendre un rouleau d'or qu'elle
remit Samuel.
Je ne dois pas recevoir double salaire, madame.
La duchesse regarda Samuel avec étonnement. Vous êtes un
honnête jeune homme, lui dit-elle; allez, je ne vous oublierai pas.
Ce mot ramena la rougeur sur les joues de Samuel, qui se retira.
A peine Samuel fut-il sorti, quela duchrssc s'apprêta lire le mys
térieux billet. Mais, au momeut de rompre le cachet, sa main trem
blait et son sein se soulevait par bouds inégaux. Était-ce impatience
ou Curiosité? Non; car elle s'arrêta, s'assit pensive, le front appuyé
sur sa main comme pour réfléchir plus son aise.
Cette lettre me brûle, dit-elle aprèsquelques instants. Je ne sais
pourquoi, mais j'ai peur...
Serait-ce ce jeune Allemand qui, l'hiver dernier, m'accabla de
gauches prévenances, et dont l'esprit lourd et rétif attira sur sa tête
cet orage si gro3 de risée et de sarcasmes Oh non une telle idée
n'a pu germer dans une pareille tête... Serait-ce l'ambassadeur
Mais il n'était bruit que d'une aventure, dont l'héroïne, riche et
belle, attendait son retour pour enchaîner sa liberté... Ne serait-ce
paf plutôt le ministre qui, sous différents prétextes, trouve toujours
le moyen'de s'introduire ici Mais je suis folle de supposer tant de
folie dans un homme d'État.... A moins que ce ne soil....
Cette fois la duchesse n'acheva pas. Elle avait trop peur de so
tromper; car, comme il arrive d'ordinaire dans les cas douteux et
graves, elle ayait gardé pour la dernière la supposition la plus favo
rable, celle qui s'était offerte tout d'abord son esprit, et que son