INTERIEUR. 6' ANNÉE. N# 531. JOURNAL D'APRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. DIMANCHE, 7 JUIN 1846. Feuilleton. On s'abonne Ypres Marché lu Beurre, 21et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre. Pour Tfpresfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro0-23 Le Pro ■9 Tout ce qui concerne la rédse- tion doit être adressé, franco l'éditeur du journal, Yprei. Le Progrès paraît le Diman che et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Qoinze centimes par ligne. TIRES ACQUIRIT EDNDO. TPRES, le 6 Juin. LE CONGRES LIBERAL ET LA PRESSE CLERICALE. Rien ne paraît avoir ému la presse cléricale plus profondément que la convocation d'un congrès libéral Bruxelles. Bien longtemps elle a cru que cette réunion de libéraux n'avait rien de sérieux et qu'elle parviendrait l'entraver. Mais l'ouverture du congrès est annoncée pour le 14 juin prochain, et toutes les calomnies toutes les insinuations mensongères des jour naux catholiques-politiques n'ont pu parvenir jusqu'aujourd'hui enrayer le mouvement libé ral. Les citoyens les plus notables, les personnes les plus modérées se sont ralliés sous une bannière commune, et profilant de la liberté d'association garantie par la constitution, ils ont voulu prendre part cette manifestation éclatante contre le système clérical qui s'est imposé au pays. Aussi est-il curieux de voir l'émoi que décèle la presse cléricale, l'approche de la réunion du congrès. Celle mesure proposée par la Société de l'A lliance de Bruxelles, quoique parfaitement légale, se trouve assimilée un acte révolu tionnaire. A aucun prix, les feuilles jésuitiques ne peuvent concédera leurs adversaires la même liberté d'association dont le parti qu'elles sou tiennent, a fait un usage si funeste la nation. Elles désirent ardemment que l'opinion libé rale reste sans organisation et sans discipline; car, le parli-prêlre le prévoit bien, du moment que nous serons unis, sa prépondérance seva- nouira. Le congrès n'a d'autre but que de formuler un programme qui indiquera les principes que le parti libéral prend pour point de départ et le système, qu'appelé au pouvoir, il veut mettre en pratique. Qu'y a-l-il d'anarchique dans celle conduite de l'opinion libérale? Le parti clérical n'a-t-il pas les synodes des évèques Maiines, et un concile d'un certain nombre de prélats qui doit se tenir Liège, l'occasion du jubilé du Saint-Sacremcntn'est-il pas annoncé depuis longtemps? 11 est croire que ces hauts digni taires ecclésiastiques ne se réuniront pas dans l'intention de s'occuper seulement des fêtes re ligieuses qui auront lieu Liège, et il nous semble qu'on peut, sans aller trop loin, se per mettre de supposer que le meilleur mode de museler les nationsaura une large part dans les discussions de ces saints personnages. Quand nous voyons d'un autre côté l'agita tion qui se manifeste parmi les meneurs du parti cléricalmesure que l'esprit public le répudiepeut-on douter qu'il ne soit pru dent de se mettre en mesure par une large association de repousser les tentatives qui se ront peut-être faites pour absorber entièrement le pouvoir laïc et faire plier tous les citoyens sous 1 influence occulte du parli-prêlre. C'est en présence de l'avènement de M. DeTheux, le chef du parti des évèques, au ministère, quel oppor- tunilé s'est fait sentir de réunir toutes les nuances du parti libéral sous une même ban nière et dans la poursuite de ce but, y a-t-il quelque chose d'inconstitutionnel, ainsi que les feuilles catholiques-politiques l'avancent avec une audace qui égale leur cynisme. Et cependant c est l'opinion la plus nationale, la plus constitutionnelle qui se voit traitée tous les jours par les séides du parti clérical, de révolutionnaire et d'anarchique! Oui, l'accusa tion a été portée contre ellequ'elle veut le bouleversement de nos institutions et c'est au nom même de ces institutions faussées, et dont elle veut la loyale application pour tous, qu'elle lutte contre les prôneiirs de l'ancien régime. Si on laissait faire ces bons apôtres qui, en 1B30 étaient insatiables de libertés, il ne resterait rien debout des conquêtes que des révolutions nous ont octroyées au prix des plus grands sacrifices Jusqu ici la tâche de la presse cléricale a été facile. Pour faire croire que le congrès pourrait bien aboutir un avortement, les feuilles jésui tiques se sont emparées de toutes les légères dissidences qu'elles pouvaient découvrir dans les opinions des publicisles libéraux. Mais en core cette fois-ci le parti-prêlre risque fort de prendre ses désirs pour la réalité. Pour toutes les nuances du libéralisme le point de départ est commun le but qu'on désire atteindre est admis. Si de légères divergences se font remar quer dans les moyens d'y parvenir, ces dissiden ces ne sont ni profondes, ni de nature amener une scission. Dailleurs nous ne sommes guère soucieux d'introduire dans nos rangs, 1 abnéga tion dont nos adversaires font profession l'en droit des ordres des évèques et, en matière politique, un certain libre arbitre doit être laissé tous ceux qui adoptent les principes du libé ralisme. Fidèles leurs habitudes, les organes du parti- prêtre ont tâché de semer la mésintelligence entre les grandes villes du pays, en présentant le congrès comme un lien qui pouvait les faire considérer comme traînées la remorque par la capitale. Ils ont fait un appel cet esprit de clocher si vivace encore en Belgique. Mais ils en ont été pour la honte d'avoir voulu tirer parti d'un moyen déloyal, car VAlliance n'a voulu en rien imposer une règle de conduite aux asso ciations libérales qui couvrent la surface du pays. Le seul but de la société électorale de Bruxelles a été d'introduire l'harmonie dans les nuances du parti libéral et certes les motifs sont assez louables, pour qu'aucune ville n'ait dû reculer devant l'appel fait ses sympathies pour le libéralisme. Malgré qu'il en ait, le parti clérical ne pourra parvenir faire échouer celte manifestation aussi opportune que constitutionnelle. Les libéraux ont voulu se réunir, se connaître, et délibérer au grand jour sur les moyens de résistance opposer aux empiètemens successifs du parti de T ancien régime et en dépit de toutes les ma nigances de nos adversaires, nous avons l'espoir fondéque les résolutions que prendra le con grès libéral, hâteront la décadence de l'opinion cléricale. II n'est pas de menées odieuses auxquelles nos adversaires n'aient recours pour semer l'in quiétude au sein de noire population paisible. Ainsi, chaque instant, quelqu'un de nos bons habitants, étourdi par leurs jérémiades intéres sées, vient nous dévoiler les trames qui s'our dissent, pour tâcher de comprimer les manifes tations légales de l'opinion publique, et arrêter, s'il était possible encore, un revirement dans lequel ils entrevoient la perte prochaine de ce pouvoir temporel qu'ils convoitent avec tant d'ardeur, nonobstant l'état de discrédit dans lequel il les a fait tomber, dès qu'ils en ont joui exclusivement. Tout, dans leurs paroles et dans leurs dé marches respire la tempête ils n'entrevoient que nuages, gros-temps, orages, commotions de tout genre; on croirait, les entendre, que l'ordre social n'ait jamais couru de dangers plus flagrants. HISTOIRE DU XVI» SIECLE. [Suite.) III. A peine en possession de l'ordonnance royale, Catherine en confia l'exécution Gondi. L'adroit courtisan envisagea surtout dans la mission dont il était chargé le moyen de tenir sa promesse, en s'eiu- parant par ruse ou par violence de la parure de la duchesse. Du reste, la conspiration qu'il avait signalée et qui servait de prétexte la vengeance de Catherine, n'était pas sans réalité. Un parti se formait secrètement contre la reine-mère, et c'est dans l'hôtel Montfort que se réunissaient, pour se concerter, les principaux chefs. Le lendemain de l'entrevue du roi avec Catherine de Médicis, l'heure où la foule revenait de i'ofiiee du soir (c'était un dimanche), quatre personnes s'entretenaient l'écart, dans une vaste salle de 1 hôtel de Montfort. A la richesse de leur costume et l'élégance de leurs manières, On reconnaissait d'abord des personnages de distinc tion. Le plus âge portait sur un justaucorps de soie cramoisie, un manteau noir dont le collet était'bordé jusque sur la poitrine d'une large fouirure d'hermine quoique sa barbe s'arrondissaut en col lier au-dessus de sa fraise, fui presque entièrement blanche, il avait l'œil vif, le teint animé et parlait avec feu. Le plus jeune pouvait avoir 45 ans. Il était grand et de fière mine. Au contraire du pré cédent, sa barbe et ses moustaches tailiées en pointe foi inaient une croix peu près semblable la poignée de l'épée attachée sa cein ture par une agrafe de diamants. Une toque de velours vert, ornée d'une aigrette, se tenait presque en équilibre sur le côté gauche de sa tête} il avait une jambe eu avant, le visage haut et la main sur la garde de son épée, dans l'attitude d'un homme prêt la riposte. Le premier était le vieux connétable de Montmorency; le second le duc François de Guise. Le troisième personnage, quoique d'extérieur et de costume forts différents, avait autant d'arrogance, mais moiusde raideur que le duc, auquel il ressemblait d'ailleurs par la figure. C'était sou frère, en effet, le trop célèbre cardinal de Lorraine. Le dernier des personnages contrastait avec ses compagnons par la dou ceur de sa physionomie et la modestie de son maintien c'était M. de Montluc, éveque de Valence et oncle de la duchesse. Dans l'em brasure d'une fenêtre, Diane se tenait discrètement assise l'un des angles de la salle, fort occupée, en apparence, broder sur un fond de tapisserie les armes de la maison de Montfort. Mon cousin de Valence a raison, dit le cardinal en regardant tour tour ses trois interlocuteurs avec un fin sourire. L'iutluence italieuue est beaucoup trop grande dans notre pays, et monseigneur le pape, qui je ne demanderai pas l'absolution pour cette hérésie, a trop souci, vraiment, de nos affaires. Vous l'avez dit, monsieur de Montluc, Rome nous envahit, sous prétexte de uous secourir; il n'y a plus assez de bénéfices en France pour récompenser le zele de nos trop dévoués protecteurs. Eh monsieur mou frère interrompit le duc de Guise avec humeur, laissons, s'il vous plaît, le pape faire les affaires de ses ser viteurs pourvu qu'il nous aide faire les nôtres. 11 s'agit bien maintenant de bénéfices obtenir ou défendre, et vous eu parlez, niesseigueurs, comme si la question était entre Rome et vous. A Dieu ne plaise, répliqua vivement M. de Montluc, que nous songions faire cause commune avec les hérétiques. A la mort, les huguenots dit le connétable. A la mort soit, reprit le duc; mou épée eu sera, je vous jure* Mais, vcntrebleu maître Calvinus, croyez-moi, n'est pas, cette heure, notre plus rude adversaire, et nous savons honorer, comme il convient, monseigneur le pape. Ni si haut, ni si bas, messires notre ennemi n'est pas de Rome il est de Florence il a robes et dentelles, et porte couronne royale au lieu de mîlre. Messeigneurs, messeigueurs, s'écria Diane effrayée, pour l'a mour de moi, parlez mieux de la reine. Pour l'amour de vous madame répondit le vieux connétable en s'approchaut d'un air de galanterie chevaleresque, tout est pos sible M. de Guise et uous.. excepté de louer votre ennemie. Mon ennemie monseigneur. Les bontés de la reine passent de beaucoup mes faibles mérites... Et comment, je vous prie, ferai-je ombrage ma souveraine ajouta-t-elle avec une charmante minau derie, indiquaut qu'elle pressentait la nature de la réponse qui allait lui être faite. Je donnerai demain dix caroli d'or mon poète Desporte, ponr qu'il vous dise cela d'une façon galante et digne de vous, belle du chesse. Dianecette déclaration, rougit de plaisir autant que de mo destie. Et que donnerez-vous, monsieur le connétable, interrompit le cardinal, la sainte cause que nous avons embrassée Ceci d'abord, répondit fièrement le vieux catholique en mon trant son épée, et trois cents hommes d aruies bien équipés et bien appris, sous mes ordres, remontrer l'hérésie d'estoc et de taille. Mon frère et moi nous en offrons le double poursuivit le cardi nal, et vous, monsieur de Moqtluo, ne ferez-vous rien pour notre sainte mère l'Église Mon frère de Montluc pourra bien, sur ma demande, ramener du Piémont ses compagnies pour les mêler aux vôtres, messires, sans trahir le roi* je pense.

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