INTERIEUR.
6* ANNÉE. N° 839.
JOURNAL D'APRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
DIMANCHE, 5 JUILLET 1846.
Feuilleton*
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VIRES ACQPIRIT EUNDO.
YPRES, le 4 Juillet.
Que de fois n'a-t-on pas répété dans ces der
niers temps Les questions politiques sont
oiseuses et ne servent qu'à aigrir les esprits.
Occupons-nous des intérêts matériels, c'est là
du solide et convions tous les partis lutter sur
ce terrain. Tel était le thème des journaux
du clergé quien possession de la prépondé
rance politique, voulait distraire l'attention de
l'opinion publique, des faits et gestes de ses me
neurs. Ces derniers ne demandaient pas mieux
que devoir les diseussions s'ouvrir sur les ques
tions industrielles. On auraitoubliédans le con
flit des intérêts, ce parti clérical, qui se voyait
le point de mire de l'opinion publique et dont
tous les actes étaient épiés et analysés avec dé
fiance. Lesjournaux qui, sous le masque libéral,
étaient vendus au pouvoir, tels que le Politique
el VÉmancipation,travaillaient de toutes leurs
forces entraîner les esprits dans celle voie.
Riais hélas! c'élaiten vaind'uncôlé que les béa
tes feuilles des évêchés et les pseudo-libérales
de l'autre suèrent sang et eau pour fourvoyer
le bon sens de la nation. Opiniâtrement elle
refusa de suivre le ministère sur ce terrain et les
questions politiques dominèrent toutes les au
tres.
Ce n'est pas cependant que le commerce et
l'industrie se trouvaient alors dans un état très-
prospère mais on avait compris que dans les
questions d'intérêt matériel, il y avait toujours un
côté politique. On prévoyait qu'aussi longtemps
que le parti rétrograde serait prépondérant, la
position de l'industrie et du commerce ne subi
raient aucune amélioration, parce que tout en
conviant les partis ne s'occuper que d'affaires
l'opinion cléricale voulait avant tout faire pros
pérer les siennes el que tout serait sacrifié son
égoïsme.
Mais, disait-on, les intérêts matériels méritent
d'altirerl'altentionde l'opinion publique Vains
appels, qui laissèrent tout le monde froid. On
se doula des motifs qui avaient poussé la presse
ministérielle et moins que jamais malgré leur
haute importanceles questions commerciales
et industrielles attirèrent l'attention.
Mais en se posant en hommes d'affaires com-
me les ministres mixtes, les questions d'intérêts
-
matériels rie subirent-elles pas le contre coup de
la politique que le cabinet était chargé de faire
prévaloir Pour la loi des droits différentiels
n'est-ce pas par les hauts-bonnets catholiques
que ce système a été prôné, soutenu et enfin
formulé en loi? et pourquoi? parce que sous
prétexte de protection c'était un système qui
tendait restreindre nos opérations commer
ciales, au lieu de les étendre.
Les mêmes tendances ne se firent-elles point
sentir dans les discussions de la question des
sucres et dans la conlexture de la loion s'a
perçoit par quelles idées, la législature a été
inspirée et quand elle a été votée, quelle im
pulsion la majorité a obéie en émettant son vole.
Nous arrivons maintenant la question de
l'union douanière, qu'on reproche MM. Lebeau
et Rogier d'avoir repoussée. Par les explicati
ons données la chambre par M. Dechamps, il
paraît que les premières ouvertures ont été faites
MM. DeTheux el DeMuelenaere par M. Molé,
en 1836. En 1838, M. DeTheux refusa d'entrer
en négociations pour la seconde fois. Le cabinet
Lebeau et Rogier n'a jamais eu se prononcer
sur celle questioncar peine avait-elle été
posée par M. Thiers, que le ministère français
du premier Mars se retira. Et cependant les
journaux du clergé savent qu'ils mentent avec
impudence et qu'ils calomnient sciemment, en
imputant MM. Lebeau et Rogier le fait d'avoir
refusé l'union douanière avec la France. Eh
c'est tout le contraire; avec un ministère libéral
l'union douanière serait possiblemais un ca
binet recevant l'impulsion du clergé ne voudra
jamais d'alliance intime avec la France.
Dans toutes les questions vitales qui peuvent
surgir pour un gouvernement quelconque les
intérêts matériels sont intimement liés au sys
tème politique que les ministres sont chargés
défaire prédominer. La solution qu'un ministère
libéral s'efforcera de donner aux négociations
douanières, ne sera point la même que celle que
poursuivra un cabinet catholique. Dans les ques
tions industrielles et commerciales, l'abîme qui
sépare l'opinion libérale du parti clérical est
aussi profond que sous le point de vue politique.
Jusqu'ici la politique commerciale et induslri-
elledu parti libéral n'a pu être appréciée, parce
qu'on a soin de l'éloigner autant que possible
du pouvoir, de crainte qu'il n'y reste, mais on
a pesé celle de l'opinion cléricale et elle nous a
donné pour résultatla misère et les ordres
mendiants.
Le parti clérical est en train d'essayer combien
de temps on peut exploiter utilement une ca
lomnie. C'est ainsi que depuis plus de trois se
maines,les discussions et les décisions du Congrès
libéral, ainsi que les personnes honorables qui
y ont assisté, préoccupent la presse cléricale et
il n'y a pas d'injures qu'elle n'a vomies, d'insi
nuations infâmes qu'elle nejse soit permises, de
lazzis ridicules, que les saintes feuilles n'aient
imprimés, pour amoindrir la signification de ce
Congrès libéral si anarchique avant sa réunion
si peu redoutable après qu'il avait délibéré. Au
jourd'hui tous pourront prendre communication
des discussions qui y ont eu lieu. Le compte-
rendu du Congrès libéral vient de paraître. Deux
sténographes attachés au Moniteur ontété char
gés de recueillir les débats et ils ont été fidèle
ment reproduits. Au bureau de celte feuille, on
peut s'en procurer des exemplaires, au prix de
50 centimes.
Nous sommes curieux de savoir, si la publi
cation de cette brochure pourra engager les
journaux du clergé modifier leurs allures.
Peut-être conlinuera-t-on de plus belle ca
lomnier le libéralismeet nous espérons bien que
l'aberration des feuilles cléricales ne s'arrêtera
pas en si beau chemin.
Le conseil provincial de la Flandre-occiden
tale se réunit, en session ordinaire, le mardi, 7
juillet 1846 Nous croyons que des questions
qui intéressent l'arrondissement seront disculées
celle année entr'autres la restauration d'une
partie du bassin du canal d'Ypres. Nous lâche
rons de tenir nos lecteurs au courant de ce qui
peut intéresser les localités comprises dans le
district administratif d'Ypres.
II est probable qu'après la discussion de la
convention avec la France, la clôture de la ses
sion sera prononcée. Le ministère clérical pur
sang, qui a eu tant de peine se tenir en équi
libre pendant que les chambres délibéraient,
se trouvera soulagé du poids de cette minorité
compacte de quarante voix, qui pesait sur
lui, et capable au moment qu'on y songeait le
moins, de renverser ce cabinet sans initiative et
SAL¥AT©IM [R©S^a
(Suite.)
Le vieux paysan, blessé par un refus auquel il était loin de s'at
tendre, eut envie de tourner le dos cette espèce de mendiant or
gueilleux, pour le punir ainsi de son mauvais caractère; mais il pensa
que l'injustice ou la dureté des hommes avaient peut-être aigri son
cœur, et il n'eut pas le courage de l'abandonner sa destinée. De
larges gouttes d'eau commençaient tomber sur les feuilles, le vent
sifflait avec furie, et le pauvre garçon, malgré la fierté de ses paroles
et l'assurance affectée de sa démarche, paraissait tellement bout
de ses forces, qu'il n'aurait pu faire trois pa3 sans succomber son
épuisement et sa fatigue.
Rosalvo l'arrêta donc par le bras au moment où il allait s'éloi
gner, et lui dit en souriant: Tu es un singulier garçon, sur le salut
de mon âme et quand tu serais le vice-roi déguisé, tu n'aurais pas
plus de morgue et plus d'orgueil. C'est égal, je ne veux pas me re
procher un jour de l'avoir laissé partir par une nuit pareille, au
risque de te casser le cou et de mourir de faim sur la route. Tu
paieras ton écot, puisque tel est ton bon plaisir. Je n'y mets qu'une
condition c'est que tu t'en rapporteras ma probité; et quoique tu
veuilles toute force transformer ma maison en taverne, je te pro
mets de ne pas trop t'écorcher.
Soit, reprit l'inconnu d'un ton d'indifférence, je viderai le fond
de ma bourse, mais il ne sera pas dit qu'un paysan de Sainte-Agathe
m'a vaincu de courtoisie et de générosité.
Rosalvo l'introduisit alors dans sa maison, et le présenta au reste
de sa famille. Le jeune étranger fut reçu sous ce pauvre toit avec
tant d'égards et de cordialité qïi'il passa de sa froide réserve et de
son dédain amer la plus franche expansion et aux plus vives sym
pathies.
On lui donua la meilleure place table le paysan lui servit lés
meilleurs morceaux, sa femme lui versa boire, ses enfants l'en
tourèrent; et on ne prit garde ses haillons que pour le fêter davan
tage. Point de cuohotemenls indiscrets, point de curiosité agressive,
point de questions importunes. Parlait-il, on l'écoutait avec intérêt;
voulait-il se taire, on respectait son silence. Bref, il fut tellement
charmé de cet accueil si affectueux et si simple, qu'à la fin du repas
il était de la famille.
Eh bien! mon enfant, reprit alors le vieux Rosalvo d'un ton
sérieux mais sans colère et sans amertume voulez-vous encore
payer votre compte comme si vous étiez au cabaret?
Pardonnez-moi, mon père, s'écria le jeune homme, eu lui ser
rant la main tandis que ses yeux se mouillaient de larmes, j'ai été
dur et injuste envers vous. Mon orgueil a dù vous paraître bien dé
placé et ridicule dans l'état où je me trouve mais j'ai tant souffert
depuis mon enfance J'ai été si abreuvé d'humiliations et de dou
leurs dès mes premières années", qu'au moraeut où les autres ne font
qu'entrer dans la vie, je voudrais déjà en sortir. Tenez, mon hôte
vous disiez tout l'heure que si j'étais le vice-roi en personne,
je ne serais ni plus résolu ni plus fier.... Eh bien dussiez-vous
m'acouser de folie, ajouta-t-il en portant la main son front, je me
sens là quelque chose qui me rend plus orgueilleux que les rois.
Calmez-vous, mon jeune homme, reprit le bon Rosalvo moitié
étonné, moitié attendri par cet étrange discours, vous n'êtes encore
qu'un enfant, et vous avez tant d'années devant vous que vous pou
vez bien braver l'injustice du sort et réparer ses erreurs.
Ma foi vous avez bien raison, s'écria gaîment le jeune homme
en changeant tout-à-coup d'expression; au diable la tristesse et les
soucis Vous pourriez croire, grand Dieu que j'ai le vin morose,
ce qui n'est permis que lorsqu'on en a bu de mauvais, tandis que le
vôtre était excellent. Mais aussi pourquoi me parlez-vous connue si
vous étiez mon père pourquoi cette belle enfant est-elle tout le
portrait de ma soeur? pourquoi enfin me faites-vous songera ma fa-»
mille
-, Comment demanda le paysan d'un ton de reprochevous