6° ANNÉE. - N° 544.
JEUDI, 23 JUILLET 1846.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
INTÉRIEUR.
On s'abonne Ypres, Marché
au Beurre, 21et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
par trimestre.
Pour Ypresfr. 5-00
Pour les autres localités 6-00
Pria d'un numéro 0-25
LePrs
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé, franco, A
l'éditeur du journal, Ypres.
Le Progrès para/t le Diman
che et le Jeudi de chaque semaine.
PRIX IIES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
VIRES ACQCtRlT EUNDO.
YPBES, le 22 Juillet.
HISTOIRE DE LA VILLE D'YPRES.
Dans sa séance du 25 mars 1846le Conseil
communal, sur la proposition du collège, s'est
occupé du meilleur moyen de pouvoir doter la
ville d'une bonne histoire de la splendeur de
la commune d'Ypres au moyen-âge, et de son
importance comme chef-lieu de la Wesl-Flandre.
11 a été décidé qu'un concours serait ouvert et
et que le programme serait Iracé par l'Acadé
mie royale de Belgique, qui resterait eu même
temps chargée de l'appréciation et du jugement
des ouvrages présentés au concours.
Cette décision du Conseil n'a pas été perdue
de vue el le collège échevinal s'est empressé de
faire la demande au minutie de l'intéi ieurde
donner communication l'académie des inten
tions du Conseil communal de la ville d Ypres.
Voici ce que nous trouvons dans le compte-
rendu de 1 Indépendancede la séance du 6
Juillet
M. le ministre de l'intérieur transmet, en copie,
la lettre suivante de la régence d'Ypres qui propose
d'accorder un prix l'auteur de la meilleure his
toire de celte ville:
u La- ville d'Ypres, aujourd'hui simple cheF-lieu
d'arrondissement, était jadis une des cités les plus
riches, les plus industrielles, les plus puissantes de
la Flandre. Son nom brille dans l'histoire générale
de celle époque côté de ceux des villes de Gand et
de Bruges.
Des privilèges nombreux lui furent accordés
par les souverains qui gouvernèrent le pays; des
institutions peine connues aujourd'hui lui furent
octroyées.
Plus tard, chef-lieu de la West-Flandre, la ville
d'Yp res eut soutenir des sièges dont les annales
militaires ont conservé l'histoire.
Deux monuments, la Halle et la cathédrale de
Saint-Martin, témoins irrécusables de la prospérité
et de la puissance de notre cité, sont des preuves
vivantes de l'importance que notre ville sut acqué
rir jadis.
Aujourd'hui, grâce l'intervention bienveil
lante de l'Étal el de la province, lu ville d'Y près
s'occupe activement fa ire restaurer ces monuments
dans leur style pvimilif.
Mais un monument d'une autre nature manque
la gloire de notre antique cité. 11 n'existe point
d'histoire de la ville d'Ypres.
Le conseil communal paraît disposé faire tous
ses efforts pour que celle lacune puisse être comblée
bientôt cet effet, un prix serait accordé l'auteur
de la meilleure histoire de la ville d'Ypres. Nos ar
chives, si riches et si peu connues, fourniraient de
précieux matériaux pour ce travail.
Mais un projet aussi important ne peut être
réalisé par les efforts d'une administration commu
nale; l'appui de l'autorité supérieure, les lumières
d'un corps savant qui voudrait bien tracer un pro
gramme el juger les ouvrages proposés au concours,
peuvent seuls en assurer le succès complet.
Convaincus, M. le ministre, qu'un projet aussi
noble, aussi éminemment palriot ique saura mériter
l'appui du gouvernement et les sympathies des
corps savants, nous venons vous prier de vouloir
vous adresser, en notre nom, l'Académie royale de
Belgique, l'effet d'obtenir que celte assemblée
consente tracer, de commun accord avec nous, un
programme de l'histoire de la ville d'Ypres, et ju
ger les ouvrages qui seront ultérieurement soumis
au concours.
Si l'Académie veut bien accueillir favorablement
notre demande, nous nous empresstrons de sou
mettre ce corps savant un programme contenant
les conditions du concours les points principaux
qui nous paraissent devoir être traités, ainsi qu'une
délibéialioii du conseil fixant le chiffre du prix
proposer, et qui nous avons lieu de le croire, sera
de deux trois mille lianes.
Le projet dont nous poursuivons la réalisation,
n'est pas d'un intérêt exclusivement communal,
l'histoire de la ville d'Y pi se rat tac lie suuveul
l'histoire du pays par la pari qu'elle a prise aux
événements généraux en outre, nous pensons que
si toutes les villes du royaume cherchaient a lavo-
riser lu composition de leur histoire locale, les écri
vains qui s'occupent de l'histoire générale de nos
provinces, trouveraient dans ces traités particuliers
des éléments précieux pour le travail important
dont ils s'occupent.
C'est en nous appuyant sur ces considérations
que nous croyons pouvoir vous prier, M. le ministre,
de vouloir bien joindre, aux sommes que le conseil
communal paraii disposé voter. Un subside sur les
fonds alloués au budget de l'intérieur, pour l'encou
ragement des belles-lettres el de l'histoire.
Agréez, etc.
,J.a classe des lettres décide que la proposition de
la ville d'Ypres, entièrement conçue dans l'intérêt
des lettres, sera favorablement accueillie, et elle
désigne MM. Paul Devaux, de Decker, Cornelisseu,
de Smil, Moke, el J. de Sai'nl-Genois pour arrêter
les termes du programme qui lui a été demandée.
Bien souvent on a cherché favoriser les lit
térateurs et de trouver le moyen «le créer, pour
ainsi dire, des écrivains, et rarement on a rencon
tré le meilleur mode d y parvenir. Nous croyons
que le gouvernement, en adoptant l'idée du
Conseil communal d Ypres, entrerait dans une
nouvelle voie, plus féconde que celle qu'on a
suivie jusqu'aujourd'hui.
La matière ne manquerait pas de sitôt, si une
histoire était demandée par toutes les villes de
notre pays qui se sont rendues célèbres un
titre quelconque En outre, ces travaux met
traient en lumière les pièces les plus remar
quables des archives communales el attireraient
I attention sur les études historiques qui, dans
1 intérêt du pays, ne sont pas aussi développées
qu'on pourrait le désirer.
L'élection de Soignies paraît s'annoncer sous
des auspices favorables au parti libéral. A
M. Gustave De Lannoy les libéraux n'oppo
sent qu'un candidatM. Rousselle prési
dent du conseil provincial du Hainaut. MM.
Bricourt. juge Gharleroy, et Desaive, proprié
taire de la Sentinelle des cnmpnijnesse sont
désistés de leurs candidatures, en faveur de M.
Rousselle. M. Desaive qui était secrétaire du
conseil supérieur d'agriculture, vient d'être
destitué par arrêté du ministre de l'intérieur,
parce qu'il n'a pas voulu sur l'injonction de
M De Theyx abandonner sa candidature la
place de représentant de Soignies. Enfin il
paraît que ta lutte sera vive et si nous (levons
en croire des nouvelles particulières qui nous
ont été transmises, elle aura une issue favorable
pour 1 opinion libéiale.
Hier Mardi, a eu lieu lin Te Detirn et grande
revue des troupes de la garnison l'occasion
de l'anniversaire de l'inauguration de S. M. le
Roi des Belges.
Dimanche passé, un lancier qui avait fêté
avec trop d'ardeur le divin Bacchus, étant allé
se promener sur les parapets des remparts,
perdit I équilibre el roula dans les fossés de
la ville. Après avoir barbolté pendant quelque
temps dans l'eau, on parvint le retirer, mais
déjà I asphyxie l avait frappé elce n'est que par
des soins bien dirigés, qu on est parvenu le
rappeler la vie.
On nous anmimice que la troupe d'artistes
dramatiques (opéra), sous la direction de M.
Dopré. vient de quitter Calais, pour se rendre
en celte ville. Elle arrivera Ie28 de ce mois, pour
faire son premier début le jeudi. 30 juillet.
Feuilleton.
BLANCHE.
I» (Suite.)
Le due de Bourgogne arriva le soir même; on le reçut avec pompe,
puisau bout de quelques jours de plaisirs, les puissants seigneurs
ordonnèrent les préparatifs du départ pour Paris. Ce fut par une
belle matinée de septembre que le col lège descendit des hauteurs
de Hurteveut. Deux hérauts portaut la bannière bourguignonne et
sonnant de la trompette, mai citaient en avant le marquis et le duo
venaient ensuite tous les deux montés sur des chevaux richement
caparaçonnes, et entourés de leurs gentilshommes, de leurs pages
de leurs serviteurs puis deux haquenéesau pas d'amble très-doux
supportaient la litière dans laquelle Blanche faible et mourante était
couchée accompagnée de la fidèle Jeanne. Derrière; étaient quel
ques chariots poitaut les bagages nécessaires et la marche était
fermée par une nombreuse troupe d'archers cheval. Quand le cor-
tege fut arri\é au village, il s arrêta devant l'église pour recevoir
la bénédiction du curé, La cloche s'ébranla, tous les vassaux viurent
•'agenouiller il y eut un moment de rofoud recueillement do
solennel silence qu'interrompit tout coup une femme échevelée et
farouche en s'écrianl d'une voix stridente:*— Voilà le marquis du
Pont seigneur de Hurteveut, qui va vendre sa fille!
Tout le monde reconnut celle femme, quoique ses traits fussent
singulièrement chaugés: c'était la marquise. Le seigneur de Hur-
tevent la fil arrêter.
Conduisez-la au château, dit-il aux deux archers qui s'étaient
emparés d'elle. Maître Olivier sait la conduite qu'il doit tenir son
égard.
Après ce petit incident, qui n'eut d'autres suites, le cortège con
tinua paisiblement sa route.
Pendant que Charles VI était atteint de Dette malheureuse folle
qui causa tant de tioubles dans le royaume, la reine Isa beau de Ba
vière avait fixé sa cour Viuceuues c'était en 1415. Ardtuteet
avide d'émolious, iucap«.ble de uiodéter ses désirs, ne respirant que
le faste, la mollesse et la volupté elle y donnait des feUs somp
tueuses où les eXcès du luxe et de la galauteiie n'avaient point de
bornes. Fille de Tadée Visconti de Milan, ce fut elle dont le cerveau
ingénieux trouver de nouveaux plaisirs, développa en France le
goût du bal masqué qui, de nos jours, est devenu uue véritable
folie. Toutes les fêtes que U reine doauoit au château de Yinceune*
étaieut marquées par des saturnales nocturnes où tout le monde se
masquait et se déguisait, et il n'y avait personne qui, la faveur du
masque, ne se livrât au libertinage et au scandale.
Pendant uue de ces fêtes, dans un vestibule voisin de Pimmeûse
salle où l'on damait, un jeune homme silencieux, et les bras croisés
sur sa poitrine se tenait immobile appuyé contre un meuble. A
voir son front soucieux ,son regard mélaucoliqlie sa lèvre dédai
gneusement arquée, il était facile de recouuaître que les accents
voluptueux qui s'échappaient du bal et frappaient son oreille n'é-
vcillaieiit dans son âine qlie des émotions douloureuses. Il y avait
peine quelques minutes qu'il était Seul, lorsque trois hommes mas
qués et bizarrement costumés vimeut se placer devant lui d'une
maniéré presque impertinente.
Eh quoi lui dit l'un d'eux toutes les dames te recherchent
et l'on dirait que tes trioiuph.-s t'attristent! Tu en es encore te*
premières armes, jeune troubadour, cela se voit sans peine j mais
en juger par ton coup d'c\>Sailu iras loin. Quant tes gaucheries,
elles doivi nt paraître charmantes aux d.niies j c'est du nouveau et
nous aurions mauvaise grâce nous ne pas céder le pas la jeu
nesse de viugt auset aux cheveux noirs. Mais, dis-moi, de qUelU
province viens-tu, et quel vent t'amène ici