INTÉRIEUR. JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. X 6e ANNÉE. - N° 553. On s'abonne Ypres Marché en Beurre, 21et chez tous les per cepteurs des postes du royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre. Four Y prèsfr. 5-00 Pour les autres localités 6-00 Prix d'un numéro0-25 terre DIMANCHE, 23 AOUT 1840. Tout ce qui concerne la rédac tion doit être adressé, franco, l'éditeur du journal, Ypres. Le Progrès paraît le Diman che et le Jeudi de chaque semaine. PRIX DES INSERTIONS. Quinze centimes par ligne. VIRES ACQUIRIT EDNDO. YPltES, le 22 Août. DISTRIBUTION SOLENNELLE DES PRIX AUX ÉLÈVES DU COLLÈGE COMMUNAL. Un des soins dont un gouvernement éclairé s'acquitte avec le plus de sollicitude est certes la surveillance de l'éducation de la jeunesse. En Belgique, depuis 1830, l'état a pris lâche de s'effacer aussi complètement que possible, dans cette branche importante du service public, et de gouvernemental, l'enseignement moyen laie est devenu communal, d'autant plus juste titre, que sans les efforts caractéristiques des grandes villes du pays, l'instruction moyenne serait de puis longtemps la proie d'une certaine caste qui en convoite le monopole. C'est pour ce motif cpte les distributions des prix offerts par l'autorité communaleaux élèves des institutions qui sont sous sa direction, doi vent être considérées comme des solennités communales. On s'y rend en foule, un public nombreux et choisi vient témoigner par sa pré sence de ses sympathies pour l'établissement qui ne relève que des hommes de son choix et qui prennent tâche de diriger l'instruction dans un esprit national, progressif et libéral. C'est ainsi qu'il en a été la distribution des prix du collège communal; un auditoire nom breux et d élite se pressait aux Halles, les pères de famille ont voulu prouver la confiance que leur inspire l'établissement communal d'instruc tion moyenne, en prenant part aux succès des élèves. I.es assistants pour la plupart, devaient être rangés parmi ceux cpii peuvent apprécier la valeur de l'instruction donnée dans une itisli- tulioii. Les élèves ont représenté une petite domédie on un acte, intitulée M. De Crac, dans son petit castel. [kir Collin dHar lu ville.. Les principaux acteurs se sont fait remarquer par leur aplomb et leur jeu animé. La pièce a été très-bien rendue et l'auditoire a vivement témoigné sa satisfaction par des applaudissements réitérés. M. le professeur de rhétorique, Corrissen, a lu un discours aussi bien pensé que bien écrit. Nous croyons faire plaisir nos lecteurs en le réproduisant tel qu'il a été prononcé. Mettieurs Appelé, en vertu des fonctions que je dois la confiance de l'ad ministration, prendre la parole dans celte solennité, je croirais me manquer moi-même], aux hommes éminents qui président aux destinées de notre preuiierétablissement d'instruction,aux habitants en général de celle ville, si j'en!reprenais, moi, étranger votre ville, votrê province, de vous exposer, l'importance des éludes clas siques, leur influence, sur le développement et l'amélioration des individus, ét par suite sur le sort des nations. Les lumières etle patriotisme qui distinguent éminemment l'anti que capitale de la West-Flandre; la persistance que vous avez mise, Messieurs, conserver et améliorer votre Collège communal lus sacrificespéouniaires qu'à cette fin vous vous êtes imposés Ja sollici tude dont vous plaisez a l'entourer, laconfiauce des pères de famille, leur empressement vous confier les objets de leur plus hau'e sollici tude, tout me dit, Messieurs, que dans ce projet, il y aurait de ma part, alors que les faits ont un langage si éloquent, présomption et Vanité. Qu'il me soit seulement permis, d'arrêter un instant votre bien veillante attention sur une branche des études, trop longtemps né gligée, encore trop imparfaitement comprise aujourd'hui. Je veux parier des éludes historiques. Et toutefois, Messieurs, j'ai hâte de le proclamer, ce n'est pas la néce site d'une réforme que je vieus vous proposer; ce n'est pas une lacune que j'ai la prétention de vous sigualer c'est simplement la justification du cours complet d'histoire, que vous voyez figurer au programme de l'établissement, que je vais tacher de vous soumettre. Émané du pouvoir central, accepté avec empressement par l'auto rité locale, ce programme est lui seul. Messieurs, par le fait même de sou apparitiou, et de sa ruCe en pratique, uii haut enseignement. Il prouve que de nos jouis, l'étude de l'bLtoire est un besoin fortement senti. Il indique en même temps qu'une révolution importante s'est accomplie, non-seulement dans l'instruction, mais encore, et 'surtout, dafis l'éducation. Que demandait-on autrefois vos collèges même aux plus avan cés Des jeunes gens capables d'entendre plus ou moins bien Horace et Virgile, de narrer les mélamôrpK&ès des dieux du paganisme, d'expliquer la constitution politique, les mœurs et les usages d'Athènes, de Sparte et de Rome, plus des détails biographiques sur les personnages les plus célèbres de l'antiquité. Quoi d étonnant, Messieurs, qu'avec un semblable système, le jeune homme, qui avait grandi citoyen d'une do ces républiques célèbres, se crût en quelque sorte dégradé ne se tiouvaut plus que bourgeois d'une de vos anti ques communes. De cette éducation imparfaite naissaient l'éloigne- meut et le dédain pour tout ce qui n'était ni grec ni romain. L'his toire delà jatr.e, ses monuments littéraires, ses édifices publics, recevaient lesépkliètes, fort peu honorables alors,drgaulùis, de gothi que. Les réparations, les agrandissements faits vos monuments na tionaux, étaient toujours en haine de ce que l'on appelait impropre ment architecture gothique, c'est-à-dire barbare. La peinture, la sculpture nationales par le cachet particulier que vos artistes savaient donner leurs œuvres, étaient étrangères par leurs tendances. Le grand mouvement littéraire qui a maïqué le.XVI® siècle, avait amené cet engouement, d'une part; ce dédain, de l'autre. Le premier nous aimons l'excuser; le second, nous lie pouvons trop le déplorer. La réaction en faveur de la littérature, des arts, des sciences, de la civilisation de l'antiquité avait de beaucoup dé passé le but. Les esprits les plus judicieux, les bienfaiteurs les plus estimés de la jeunesse, les Fleury, les Rollin, se bornent indiquer l'histoire nationale comme sujet de causerie 1 usage des darnes, et comme pouvaut avantageusement remplacer pour elles les cartes et les jeux de hasard. Eu somme, l'histoire était toute biographique et anecdolique Cyrus, Alexandre, Sésostris, longuement commentés, épilogues, voilà pour l'antiquité. Pour uue autre époque, lesuomsdes Charlemagne et des Godefroid étaient peine prononcés. Si nom ouvrons les longues élucucubrationshistoriques desXVI 1e et XVJI1® siècles, qu'y trouvons-nous l'histoire des maisons régnantes. Du peuple pas un mot. Et encore ces prétendues histoires, que l'on comparait dans le temps, aux œuvres des Thycidide, des Xénophon, des Hérodote, renfermaient-elles les données les plus fausses, les plus absurdes, Jes plus capables d'induire la jeunesse en erreur. C'était en un mot l'histoire l'usage de Monseigneur le Dauphin. Les plébéiens romains, réclamant leur part de soleil, sont représen tés comme des fauteurs de troubles, des séditieux, des anarchistes, Artevelde, d'Egmont, de Horn, ne sont plus que des factieux, et Philippe II.est presque un saint. Et doit-on s'en étonner une épo que où le chef de l'état résumait en lui tous les pouvoirs qu'il pou vait s'écrier: l'état, c'est moi! qu'il pouvait chasser coup de crava che ses membres du Parlement, image informe des anciens états- généraux! Si alors 1 élonuement était peine permis, aujourd'hui peut-il en être de même? Aujourd'hui, Messieurs, l'histoire ue coupait plus de privilèges. Jadis on n'y inscrivait que les personna ges éminents; pour y être admis, il fallait un grand nom ou un diadème on y montait comme dans les carosses du roi, un certificat de d'Hozier la main. Maintenant le peuple a reconquis sa place dans l'histoire il est reconnu que c'est lui surtout qui l'a fait, et chacun, conversant avec le passé, y trouve ce charme qui est cause, suivant l'auteur des Maximes, que deux amants ne se lassent jamais d'être ensemble, attendu qu'ils ne parlent que d'eux-mêmes. Si, une époque encore peu éloiguée, la royauté ne demandait aux collèges que des sujets fidèles et loyaux, la patrie aujourd'hui réclame des citoyens probes, intelligents, éclairés, amis de leur pays Ct des institutions qui le régissent. Elle veut, et nous devons ap plaudir cette volonté, elle veut qu'en quittant les bancs de l'école, qu'à son entrée daus le monde, le jeune belge ne trouve dans la société rien de bizarre, rien d'anormal, rien en un mot qui soit in compatible avec l'éducation qu'il a reçue. Elle veut que nos institu tions politiques et civile^, loin de choquer sa vue, ne lui apparaissent que comme la suite fatale des institutions que l'étude lui a rendues familières. Et pourquoi le veut-elle pour épargner la jeunesse bien des fautes, bien des erreurs, bien des déoeptions; la chose publique, des dangers peut-être. Et que faut-il pour arriver ce but? Nous l'avons dit réparer la maleucoulreuae aversion des der niers siècles, rendre l'histoire nationale la place que son impor tance lui assigne dans l'éducuttou, et se garder de tomber dans le défaut reproché aux novateurs du XVIe siècle, négliger par une réaction contraire, l'histoire de l'antiquité et celle de la civilisation générale dans le moyen-âge et les temps modernes. Pour atteindre ce Dut, s'il ne suffit pas de faire figurer le cours dont nous nous occupons dans des prospectus pompeux, suffit-il davantage de mettre entre les mains des élèves ces manuels dessé chants, arides ou incolores, que l'on croirait avoir été composés dans l'infernale pensée de dégrader ou d énerver les jeunes intelli gences Suffira-t-il davantage de confier leur mémoire ces livres où côté d un certain nombre de faits ct de noms historiques, figu rent des dates qui doivent se retenir au moyeu de formules plus ou moins ridicules, plus ou moi us baroques. L'histoire ne serait-elle qu'une longue tt faslideùsc nomenclature que l'on pourrait appren dre au moyen d'un mécanisme mnémonique? S'il eu était ainsi, l'histoire deviendrait bon droit un véritable épouvantail destiné a préserver jamais la jeunesse delà tentation d'y porter un regard scrutateur. Que dire, Messieurs, des personnes qui entendent ainsi l'enseignement Ne serait-on pas admis leur demander, si toute fois le choix de la méthode n'est pas destiné marquer une igno rance coupable, quels sont les motifs qui leur l'ont craindre de voir les générations nouvelles soulever pudiquement le long voile qui couvre les âges Pour atteindre ce but, Messieurs, pour donner l'état, non des machines, non des automates, raiis des hommes habitués a la ré- llexion, il faut d'autres livres, d'autres procédés. Il faut surtout se garder de vouloir éteindre dans la jeunesse, la chaleur, l'élit hou siasme qui débordent de toutes parts; il faut au contraire leur four- Veiiilleton. iPOIGMi: H©UT©lfL II. - IIYERES. (Suite.) Quelques jours après que cet ordre eut été donné, Élisa était assise près de Fauline, sur la terrasse du jardin, par uue de ces belles jour nées d'hiver, inconnues aux régions du nord. Autour d'elles les orangers, quoique jaunis par le froid, portaient encore des boulons demi épanouis et de beaux fruits d'or que les tiges de l'arbuste avaient peine supporter. Le sous-préfet était venu rendre ses devoirs aux deux princesses et aux environs se promenaient quelques intimes. Dans quelques heures on allait partir pour Toulon, afin d'assister un grand bal j que le préfet maritimedoimaiten l'honneur de la princesse Baciochi, Cependant celle-ci paraissait inquiète et se levait chaque instant pour aller jeter la vue du côlé du chemin. Pauline remarqua ce ma nège et se penchant l'oreille de sa sœur: Qu'as tu donc chère lui dit-elle il me sembe que tu es in quiète qui te préoccupe ainsi Rien, ma sœur, répondit la princesse Élisa. J'avais cru entendre le roulement d'une voiture, voilà tout. En même temps elle se dirigea vers un mur hauteur d'appui qui prolongeait sur la grande route. Allons, voyons, petite, lui dit Pauline qui se leva pour la re joindre. faisons notre confession tu attends quelque chose Mais, non, te dis-je. Encore Tu te défies donc de moi Voyons Élisa pas de Q fausse honte. Entre nous, quoi bon Est-ce un cavalier Tu es folle, Pauline. !j J'ai deviné c'est un beau Léandre. Tu soupires faire tourner on moulin vent. Tu en es encore là, petite Eli bien non curieuse, non, je vais tout te dire. Tu te fais magnifique chaque soir, lu m'as piquée au jeu, j'ai envoyé chercher mes diamants. Je m'en doutais, méchante. Eh bien embrasse-moi, tu m'as rendu service. Nous aurons Hyères un congrès de pierreries cela fera enrager Napoléon avec son Autrichienne. Le3 deux folles se mirent rire. Le sous-préfet, qui, par respect, s'était tenu l'écart, crut alors qu'il pouvait s'approcher, et, par une de ces flatteries de courtisan qui sont un devoir d'état il se prit rire sans savoir de quoi il s'agissait. L'hiralité des princesses en re doubla. Leurs Altesses impériales dit-il en se fendant la bouche jus qu'aux oreilles, ont une gaîté communicative laquelle on ne peut se soustraire. L'est fort drôle, vraiment, c'est fort drôle. Oui, monsieur le sous-piéfet, répliqua Pauline; il s'agit de l'em pereur vous voyez que le sujet en vaut la peine. A l'instant le sourire disparut de dessus la physionomie du fonc tionnaire; on eût dit que la foudre venait de le toucher. Il pâlit, balbutia Mille excuses. Altesses, j'ignorais de quoi il était question; j au rais dû rester l'écart. Mille excuses. Et il se retirait altéré sous le poids de sou inadvertance quand Pauline le retint. Parlons sérieusement, monsieur le sous-préfet. Voici ma sœur qui a envoyé chercher ses diamants a Lueques. Sans m'en prévenir dit le fonctionnaire en interrompant la princesse. Vous en prévenir? et pourquoi, monsieur? répondit Elisa. C'est que nous aurions fourni uue escorte la voiture: lesroùtes «ont infestées. Au fait, je n'y songeais pas reprit Fauline. Ma pauvre Élisa, tes pierreries courent des rix« s nous avons dans ce pays-ci un vo leur qui fait parler de lui; c est a qui m'entretiendra de ses prouesses. Voila déjà dix fois que monsieur nous eu fait le récit. Il s'appelle.... Pierre Mouton, Altesse. C'est cela, Pierre Mouton, un homme déterminé, un vrai héros de roman un bandit qui fait trembler les villageois vingt lieues la ronde. Sous l'empereur Qu'en dis-tu Elisa Ne vous en moquez point, Altesse, reprit le sous-préfet; Pierre Mouton est un garçon dangereux il nous a déjà uiis vingt gendar mes hors de combat. FiMonsieurun bandit! Est-ce que cela compte? Songez donc que nous vivons sons l'Empereur Elle dit ces mots de manière a couper court la conversation et entraînant «a sœnr elle laissa là le sous-préfet un peu confus et désappointé. La princesse Élisa semblait réfléchir la conversation du fonctionnaire était menaçante pour le sort de ses bijoux. Cepen dant, peu peu elle se rassura. Baciocchi, se dit-elle, est un garçon prudent il connaît le prix des choses il aura pris ses précautions. Cependant les heures s'éconlaientet il était temps de songer au départ. Madame Baciocchi ne pouvait euvisager sans un dépit secret le vide que produirait dans sa parure du soir le retard des diamants sur lesquels elle avait compté. Pauline allait paraître ce bal dans tout son éclat plus belle, plus resplendissante, elle devait attirer tous les regards et laisser sa sœur sur le second plan. On a beau être princesse de Lueques et de Piombiuo, même grande duchesse de Toscane, on ne se resigne pas paraître moins fastueuse, moins imposante moins richement caparaçonnée et empanachée qu'on ne le pourrait. Quel remède cela? Pester contre Baciocchi, se promettre de lui faire expier sa négligence La princesse Éli a n'y manqua point mais cette revanche ne réparait rien. Bon gré, mal gré, il fallait se rendre dans son appartement et songer sa toi lette. Madame Baciocchi allait s'y décider, et déjà elle gravissait les marches du perron quand uu homme en costume d'étal-major se présenta elle. La poussière de la roule encore répandue sus fps habits, et une chaise de poste arrêtée dans la cour, indiquaient qu'il arrivait l'instant même. Dieu soit loué, s'écria la princesse vous voilà enfin il était temps. Altesse dit le beau jeune homme, excusez-moi les chemins sont eu mauvais état. J'ai en beau faire diligence, courir de nuit el de jour, il m'a été impossible d'arriver plus tôt.

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Le Progrès (1841-1914) | 1846 | | pagina 1