INTERIEUR.
6e ANNÉE. N° 558.
JEUDI, 10 SEPTEMBRE 184(1.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
feuilleton.
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VIRES ACQL'IRIT EUNDO.
Y PU ES, le 9 Septembre.
Il n'y a que des béats catholiques pour se
prôner avec la plus insigne mauvaise foi et
enjoliver leur système théocralique des plumes
du parti qui, en France, obtient le plus de succès.
C'est ainsi que l'opinion cléricaleau gré des
journaux de celte couleur, est devenue l'équi-
valenldu parti conservateur français. M. Guizot,
malgré le renvoi des jésuites et sa fameuse dé
claration sur l'enseignement public, est réclamé
comme un des leurs. La majorité conservatrice
française qui est voltairienne et très-éclairée, est
de tout point semblable la majorité cléricale
belge, fanatique et inintelligente. Enfin le parti
catholique grandit chaque jour enFrance, nous
dit avec emphase, le Journal des Bazileset,
dans les dernières élections, les légitimistes qui
sont les adhérents des évêques et des jésuites
en France, ont été éliminés de la chambre au
point de se trouver dans la plus complète nul
lité.
Le même journal s'élève contre les mandats
impératifs que les hommes du Trou et de l'Al
liance, dit-il, ont voulu introduire, et quelques
lignes plus haut, il avoue que le parti catholique
n'a accordé son appui qu'aux députés qui pro
mettaient sur l'honneurde favoriser la liberté
de l'enseignement public. N'est ce pas là imposer
un mandat impératif des députés P Ce sont
surtout les légitimistes qui ont essayé, d'après
les avis de M. de Montalembert, de s'assurer des
hommes qu'ils comptaient envoyer la cham
bre, en les liantpar un mandat impératif. Ce sont
M. de Montalembert qui n'a jamais passé pour
libéral et les légitimistes intimement unis aux
radicaux et aux républicains, qui ont voulu re
nouveler la mode des mandats impératifs, exi
gence que le Congrès libéral, malgré les trahisons
dont le libéralisme a été victime de la part de
quelques-uns de ses élusn'a pas voulu ad
mettre.
Le Journal des Bazilesdans son dernier
numéro, a publié une lettre, datée de Bruges,
qui nousanuonce monts et merveilles, quant aux
exploits de la compagnie concessionnaire du
railway de la Flandre occidentale. Avec grand
fracas, il est fait pari au public Yprois, qu'il se
construit sur la Lys près de Courtrai, un pont
qui doit servir la ligne de Bruges sur cette
dernière ville, etdesliné, probablemenlpar grâce
spéciale, notre voie également. Nous aurions
désiré un peu plus de modestie dans les termes
de cette réclame, car si les travaux avancent
rapidement du côté de Courtrai, ce n'est pas
pour notre ligne exclusivement qu'on y travaille,
mais pour celle de Bruges Courtraiet d'ail
leurs il est annoncé seulement que le tracé de
la moitié de la route de Courtrai sur Ypres est
arrêté. Nous aimons le croire, mais cependant
depuis longtemps des promesses ont été faites
concernant le commencement prochain des tra
vaux et même par les ingénieurs actuels, et nous
sommes encore nous demander Commen-
cera-l-on quelque jour sur le terrain?
Cette lettre s'attaque aux autorités de la ville
d'Ypres et insinue que c'est leur imprudence
que nous devons de ne pas avoir le chemin de
fer plus tôt. Cette insinuation vague et menson
gère ne saura dénaturer les faits qui sont con
nus ici de tout le monde. On savait n'en
pouvoir douter que les intérêts de la ville
d'Ypres devaient être sacrifiés par cette com
pagnie, et c'est au Gouverneur et des influen
ces brugeoises que nous sommes redevables
d'avoir vu commencer les travaux par la ligne
de Bruges sur Courtrai. C'est des intrigues
qu'en temps et lieu nous dévoileronsque la
compagnie s'est montrée si expédilive con
struire une ligne en concurrence avec celle de
l'Etat, tandis qu'on pouvait en établir une qui
devait lui donner plus que l'intérêt du capital
consacré son établissement et son matériel
d'exploitation.
Le correspondant prétend que les autorités
de la ville d'Ypres sont brouillées avec la Com
pagnie nous de savons en quels termes sont les
rapports de l'administration communale avec
la direction de la Compagnienous croyons
même qu'il n'en a jamais existé. Toujours la di
rection de la Compagnie a voulu avoir l'air de
n'avoir rien de commun avec la ville d'Ypres ni
avec ses chefs, si ce n'est quand elle avait be
soin d'elle pour être soutenue dans des nou
velles demandes de concession. Dans une occa
sion semblable, le conseil communal a cru
qu'il était inutile d'appuyer les intérêts d'une
compagnie qui montrait si peu de souci pour
les nôtres, et prudemment il s'est tenu l écart.
Si la société concessionnaire a des plaintes
faire elle doit s'en prendre elle-même et
son refus de faire droit nos légitimes exigen
ces. Y avait-il rien de plus raisonnable que
d'espérer qu'on eut commencé par la ligne
d'Ypres sur Courtrai? Les motifs les plus puis
sants ne se réunissaient-ils pas pour engager la
compagnie commencer les travaux en ce sens?
L'autorité communale a fait tout son possible
pour obtenir ce que la ville d Ypres, qui
jusqu'ici n'était pas reliée au chemin de fer de
l'état, tandis que Bruges et Courtrai sont tra
versées par le railway national, fut celle qui
devint le point de départ des travaux de la
Compagnie et si ce sont là les interpellations
intempestives dont parle le correspondant de la
feuille cléricale, nous trouvons qu'il y a lieu de
féliciter l'administration communale, malgré le
peu de succès de ses démarches de les avoir
faites. Nous croyons pouvoir assurer que ce
n'est pas l'imprudence ni la maladresse
des mandataires de la ville, mais bien un
mauvais vouloir et un laisser-aller de la
part de la direction de la compagnie l'endroit
de la ville d'Ypres, que nous devons la faveur
de n'obtenir la construction d'un railway que
probablement après que la province en sera
percée dans tous les sens.
Le journal clérical dit que le typhus continue
ses ravages. 11 n'ajoute pas en quelle localité,
cependant il est supposer qu'il veut parler de
la ville d'Ypres.
Nous avons voulu nous informer si l'intensité
de cette maladie est aussi grande qu'il veut bien
le dire. On nous a assuré que des personnes
qu'il dit malades ont toujours été bien por
tantes, qu'à I hôpilal il n'y a pas un seul cas de
typhus et que peut-être dans la ville il n'y a
pas quatre personnes atteintes de cette maladie.
1BJ U C- U tBu
Il y a des faits dont la simple annonce dans
les journaux, caractérise une époque ou définit
la situation politique d'un pays. Le fait suivant
est de cette nature. Les feuilles ont annoncé
qu'un grand nombre de personnes de distinc
tion se sont rendues au camp de Beverloo, pour
voir les manœuvres des troupes qui s'y trou
vent réunies. M. DeTheux qui habite sa cam
pagne de Meylandt, située non loin de Beverloo,
a fait au camp l'honneur d'une visite. En pu
bliant ce fait, les journaux constataient que M.
le ministre de l'intérieur, chef du parti qui est
la tête des affaires, est descendu chez le curé
de Beverloo
MM. Jacquemyns et Woets, membres délé
gués de la commission médicale de la province,
PiKMM. lïffl©yTOM.
VII. confidences.
Laure Grandval passa encore un jour dans le souterrain sans voir
le capitaine. Pierre se contentait de faire sentir de loin son influence
par des attentions délicates et des adoucissements au sort de la cap
tive. Les orgies de la troupe ne vinrent plus la troubler dans sa
solitude elle eut des livres pour se distraire des travaux d'aiguille
pour occuper ses loisirs Zéphyr ne semblait avoir d'autre souci que
d'aller au-devant de ses souhaits et de les prévenir par des soins
ingénieux j une reine n'eût été ni mieux comprise, ni plus prompte-
ment obéie.
La pensée va vite quand elle est livrée elle-même ,et que rien
ne lui fait diversion. Laure se mit réfléchir sur sa condition et
involontairement elle la rapprocha de cette singulière épreuve que
le hasard lui avait réservée.
Orpheline le besoin seul l'avait attachée au service d'une cour,
.;ct elle 11 avait jamais porté sans douleur les ohaînes dorées de cet
esclavage. La princesse de Lucques, quoique bonne au fond avait
comme toute souveraine ses heures de caprice de mauvaise hu
meur. 11 fallait supporter ces petites tempêtes sans murmurer et le
sourire sur les lèvres, être gaie ou triste propos, endurer les impa
tiences et les gestes désobligeants arriver au premier signal, en un
mot ne pal s'appartenir.
Le spectacle de cette cour était d'ailleurs peu édifiant pour les
yeux d'une jeune fille et quelque pure et ignorante qu'elle fût il
lui était impossible de ne pas comprendre le rôle que jouaient
auprès de la princesse les brillants cavaliers qui se succédaient
dans son intimité.
Si haut qu'on la place, la domesticité n'est jamais subie par des
cœurs vraiment élevés toute dépendance directe et persounelle
abaisse le caractère.
Dames d'houneur dames d'atour, dames de service, peu importe
le nom il y a toujours, dans ces titres et dans ces fonctions un sceau
de servitude par conséquent une flétrissure. On croit n enchaîner
que le corps -, c'est la pensée que l'on enchaîne.
Laure avait trop de fierté dans 1 âme pour se resigner a cette exis
tence sans combat et pour y persister sans regret. Il lui manquait
les deux grandes qualités des gens de cour l'esprit d'intrigue et
les habitudes de flatterie. Elle se sentait née pour le commande
ment non pour l'obéissance.
Au milieu du cercle corrompu qui l'entourait, ce qui l'avait mise
au-dessus de toute séduction, c'est le mépris qu'elle professait pour
tous ces hommes et puur tous ces usages. C était une nature droite
et fière, trop virile peut-être, mais surtout antipathique aux lâchetés
et haïssant moins le crime que la bassesse.
Cette disposition d'esprit la suivait dans sa singulière et périlleuse
aventure. En te voyant la merci des malfaiteurs, elle ne s'émut
point au lieu de remplir le souterrain de ses cris elle eut la force
d'observer froidement ce qui se passait autour d'elle.
La mort ne l'épouvantait pas j rien ne la rattachait profondément
la vie un certain dégoût venait en aide son courage naturel
et augmentait chez elle le mépris du danger.
Cependant dès la première apparition du chef de la bande, un
nouveau sentiment s'était mis de la partie, celui de la curiosité. Le*
scènes de cette vie étrange avaient agi sur cette âme vive et roma
nesque; elle avait pris de l'Intérêt ce spectacle et attendait le
dénoûinent sans trop d'impatience. Les égards dont l'entourait lu
jeune chef, cette affectation qu'il mettait ne point paraître devant
elle, remplissaient sa pensée et peuplaient pour ainsi dire sa solitude.
Pourquoi cette discrétion et celte réserve Était-ce de l'indiffo-
rence, était-ce de la précaution Craignait-il de ne pas rester aussi
généreux qu'il s'était proposé de l'être Ou bien se souciail-il peu
de la capture et croyait-il avoir assez fait eu la recommandant des
subalternes
Dans un sens ou dans l'autre, les réflexions de Laure étaient tou
jours ramenées verslemême sujet; ses rêvesen gardaient l'empreinte,
et son imagination se lançait sur le terrain des conjectures.
Une chose l'avait surtout frappée c'était la distance qui séparait
Pierre des hommes de sa bande. Ces derniers appartenaient évidem
ment aux dernières classes de la société le langage les types les
manières, tout les mettait au rang le plus bas de l'échelle sooiale.
Lui, au contraire» avait dans les traits une distinction remarquable;
•a parole suivant l'occasion, était douce comme celle d'un enfant
impérieuse comme oelle d'un maître ses maniérés n'étaient bru
tales que vis-à-vis des brutes qu'il commandaitet devenaient au
besoin celles d'un homme qui a vécu dans un monde choisi.
Qui avait pu déolasser celte existence et la vouer une semblable