nobiliaires, de la clientèle de la maison Jacquinot. Il déjeûna Savigny, s'arrêta Toulry, s'in forma du curé et reprit enfin la roule d'Epoisse afin de terminer ses affaires et retourner le len demain Avallon, et de là Clamecy. Le len demain, en effet, il monta dans la voiture de Semur Avallon avec deux autres voyageurs et parcourut ainsi par conséquent la route qu'il avait déjà suivie la veille. Mais vers quatre heures et demie du malin, une bande de paysans armés de fusils et de faux arrêtent la voiture l'entrée du village de Toulry. On ouvre violemment les portières, et peine notre voyageur a-l-il été aperçu, que des cris s'élèvent de tous côtés: «C'est lui! c'est le brigand c'est l'incendiaire Sans qu'il ait le temps de dire un mot et de revenir de sa stupeur, il est saisi au collet, arraché de la voilure et entraîné les paysans le conduisent chez le maire, formalité assez dérisoire car ils ne laissent pas ce magistral le soin d'interroger le prisonnier. Le voyageur est traité comme un brigand. En vain il essaie de se justifier, en vain il livre ses papiers et désigne les personnes honorables avec lesquelles il entrelient des relations d'affaires dans le pays. Tel est le féroce aveuglement de ces mal heureux qu'ils résistent toutes les preuves. Il a passé la veille vers Toutry, et quelques heures après son passage un incendie a failli éclater der rière lui: c'en est assez, il faut le tuer. Qu'on se figure la situation du malheureux voyageur. Le maire, dont il invoque l'autorité, reste muet cl n'ose s'opposer la fureur de la bande ar mée. Là, chez lui, dans sa maison, les paysans décident que le prisonnier va être supplicié. Quel sera le mode (du supplice? comment s'y prendra-l-on pour le faire mourir lentement, le plus cruellement possible voilà toute la question. Les femmes, qui se montrent encore plus furieuses que les hommes veulent lui in- fligerle trailementd'Abélard et le pendre après. Cette motion obtient un grand succès. D'autres prétendent que le patient souffrira davantage si 011 l'écarlèle. Mais les hommes décident qu'il sera brûlé vif. Cette discussion s'est établie haute voix autour du prisonnier qui reste assis sur un banc, immobile, les yeux baissés et ré signé. On le frappe, les femmes les enfans lui crachent au visage; il se garde de faire un mou vement, il a vu qu'un seul mouvement serait pour lui la mort. Enfin on a décidé qu'il serait brûlé. 11 allait être emmené, lorsque deux gen darmes de Rouvray, en tournée dansces parages, ayant entendu parler de l'arrestation d'un in cendiaire, arrivent sur le théâtre du drame. Le voyageur, qu'ils ont la plus grande peine ar racher des mains des paysans, est enfermé Rouvray, la maison d'arrêt, puis conduit de vant le procureur du Roi de Semur qui le met en liberté. Nous tenons ces détails du voyageur lui- même, qui nous a prié de les accueillir dans nos colonnes pour servir d'avertissement ses con frères. On a découvert l'auteur du vol commis en 11143 dans une église d'Aix-la-Chapelle. Voici quelques détails ce sujet surée et des aujourd'hui vous pouvez prendre acte de ma parole. Dans cinq jours, quoiqu'il arrive etdussé-jey périr, vous aurez votre liberté. N oilà ce que j'avais vous dire vous voyez bien que le poignard était de trop. Après avoir aehevé ce petit discoursPierre salua profondément la prisonnière, et laissa Laure troubléeconfuse, mécontente d'elle- même. Elle se reprochait le moment de défiance qu'elle avait eu, et et ne se pardonnait pas d'avoir été vaincue en générosité. Les éloges de Pierre la ilattaient saus guérir entièrement la blessure faite son amour-propre ses procédés qui de plus en plus lui donnaient le prestige d'un héros de roman, achevaient de la gagner et d'affaiblir ce que sa profession avait d'odieux. Cet homme se parait du nom de bandit et se conduisait en chevalier. Pas la moindre liberté pas un mot, pas un geste qui n'exprimât le respect et ne trahit l'homme qui sait vivre. Elle était sa discrétion etloin d'abuser du droit de la force, il semblait pousser les égardsjusqu'à l'exoès. Pendant tout le cours de la nuit, ces réflexions assaillirent la jeune fille au point de troubler sou repos. Elle se promit d'essayer s'il était possible dc^ rompre la glace et de savoir quel était le mot de cette singulière euigme. v Quand I ieirc revint, dans la soirée du lendemain le poignard vénitien avait îepris sa place dans le trophée d'armes. Il s'en aperçut et ne put contenir un sourire. Laure s'était mise en frais de toilette quoique sans atleotatiou il était aisé de voir qu'elle attendait l'en nemi de pied terme, aveo un projet ariêté. Pierre ne songeait pas s'asseoir et après lui avoir fait part de quelques nouvelles mesures prises pour sa délivrance, il allait se re tirer quand elle le retint. En 1843, pendant les derniers jours du car naval, deux couronnesen orgarnies dediamants, qui ornaient la tête de la Vierge et de l'enfant Jésus, et un calice en or massif, furent volés dans l'église collégiale de Sainte-Marie Aix- la-Chapelle. Toutes les recherches qui; furent faites pour découvrir le voleur de ces précieux objets, dont la valeur intrinsèque était de 70.000 thalers (280,000 fr.), restèrent sans résultat. Le curé de Sainte-Marie vient de recevoir de Boston Etats-Unis une lettre d'un homme bien connu Aix-la-Chapelle et qui depuis près de trois ans a disparu de celle ville, lequel lui déclare dans celte lettre que c'est lui qui a commis les vols dont nous venons de parler, et qu'il est prêt restituer les deux couronnes et le calice, qui sont encore intacts entre ses mains, mais la condition qu'on les fasse prendre en Amérique, et que l'on s'engage lui payer durant le reste de ses jours, une pension an nuelle dans le pays étranger où if résiderait. Il faut convenir que ce voleur raisonne d'une sin gulière façon. Le mariage de l infanle aura lieu ainsi que celui de la Reine, le 10 octobre prochain pour l'anniversaire de la naissance de S. M. On assure que l'infante partira immédiate ment après la cérémonie pour Parisoù elle résidera avec son auguste époux. Le duc de Veragueza renoncé au traitement de 60,000 réaux qui lui sont dus comme cor- régidor de Madrid. L'Espanol prétend que la dispense nécessaire pour le mariage de la Reine avec son cousin est déjà arrivée. On écrit de Madrid, 30 août: Ce soir le gouvernement a expédié Rome un courrier extraordinaire qui porte M. Cas- tillo-Ayensa lordre desolliciter du Pape la dis pense nécessaire pour le mariage de S. M. la Reine avec son cousin. L'infant don François d'Assises a reçu les fé licitations des ministres, des grands d'Espagne, des sénateurs et de députés. Suivant le journal la Esperanzale projet de mariage entre l'infante Ferdinanda et le duc de Monlpensier, loin d'avoir été approuvé par le cabinet anglais, aurait donné lieu des ex plications graves entre M. Isturilz et M. Buhver, 1 ambassadeur britannique. L'importante nouvelle du prochain mariage de la Reine d'Espagne et de son auguste sœur excite un vif intérêt dans la cité. On ne voit pas sans une certaine jalousie les avantages com merciaux que la France pourra retirer de l'al liance des deux familles royales. Du reste les affaires en fonds anglais ne se sont pas ressenties de cet événement elles étaient très-calmes mais les prix bien tenus. On a fait courir le bruit la bourse d'a- vanl-hier que le mariage de l'infante avec le duc de Monlpensier occasionnerait des troubles et des révoltes, par suite des efforts que feraient les progressistes pour empêcher cette union; ces bruits n'ont obtenu .aucune créance parce que l'on savait qu'ils avaient été répandus par des spéculateurs la baisse. Asseyez-vous donc Monsieur, lui dit-elle résolument; vous êtes la seule âme vivanlede ce souterrain avec qui l'on puisse causer, et vous ne faites que paraître et disparaître. Vous voulez donc que vos prisonnières meurent d'ennui Mademoiselle répondit gravement Pierre il ne faut jamais tenter Dieu. J'ai résolu de vous renvoyer d'ici et pourtant vous êtes belle. Ne faisons rien pour que cela devienne impossible. Écoutez, monsieur, répliqua Laure,jene suis pas uue coquette; ce serait un triste jeu jouer ici, mais je ne vous cache pas que tout ce que je vois m'intéresse. J'ai peut-êtie tort j'en aurai peut-être duT*egret plus lard et pourtant il m'est impossible de résister ma curiosité. Je vous comprends Mademoiselle je pose devant vous comme un héros de roman etquand vous rentrerez dans le monde vous vous réservez de raconter une histoire de bandits avec un dénom ment entièrement neuf. Ah l monsieur que vous me jugez mal s'écria Laure, Et pourquoi pas Toutes les conditions s'y trouvent, Qui sait même, il y là le sujet d'un mélodrame et pendant que je conti nuerai fuir les gendarmes de forêt en forêt, ou me mettra en scène sur les boulevards de Paris. Pierre donna cette dernière phrase une expression si profonde de douleur et de colère que Laurè fut près de fondre eu larmes. Monsieur, dit-ellé, je vous répète que vous méjugez mal, très- mal. Pourquoi s'obstiner ne pas comprendre qu'une pauvre femme peut porter voire situation un intérêt réel Si jeune, si bien élevé, étes-vous voire place ici Allezmonsieurvous m'en feriez trop dire. La question du mariage (le I infante Ferui- nnnde avec le duc de Monlpensier continue d'occuper les journaux espagnols. L'infant dort François d Assises, s'élant trouvé légèrement indisposé ces jours derniers, na pu recevoir les félicitations des hauts dignitaires du palais et des officiers de la garnison. La nouvelle organisation de l'infanterie est résolue, elle se composera de 96 bataillons, il y en aura 90 de réserve. Le Gouvernement pourra ainsi remettre en activité les officiers et les sous-officiers en dis ponibilité. Nous lisons dans le Journal des Débats Un journal de Madrid. YEspanol. oppose: au mariage de l'infante avec M. leduc de Monté pensierrappelle celle occasion qu'au trait d'Ulrecht, conclu en 1713, se trouve annexé un acte public par lequel la maison de France et la maison d'Orléans renoncent la couronne d Espagne, qui aurait pu leur échoir en vertu de la loi salique. Nous ne voyons pas en quoi cet acte peut être considéré comme une objec tion au mariage de l'infante d Espagne avec un des fils du Roi des Français: il n'aurait pas même été un obstacle l'union de la Reine avec un prince de la maison d'Orléans, car l'ordre de succession au trône ne saurait se trouver en aucune façon interverti par l'une ou l'autre de ces deux alliances. DU DANGER DE PLAISANTER SUR LES GRANDES ROUTES. Dans la journée de jeudi dernier, dit la Ga zette du Berryun jeune homme de 13 16 ans, habitant du quartier St-Privé revenait de Levet. où il était allé conduire sa famille, lors que, s'en retournant Rourges, il fait rencontre d'un ecclésiastique qui, paraissait fatigué, che minait lentement. chargé d'un parapluieet d un petit paquet renfermant des effets et une som me de 300 francs environ. Ce jeune homme arrête sa voiture et fait l'offre au piéton de prendre place côté de luice qui fut accepté avec reconnaissance. Arrivés près des bois de Lissav, qui bordent la route de St-Amand, nos voyageurs descendent de voiture pour satisfaire quelque besoin lorsque l'ecclésiastique tout en devisant sur les dangers des grandes roules, surtout l'approche des bois, eut l imprudence de dire son conducteur Savez-vous qu un assassinat pourrait être commis'en cet endroit sans que l'autorité en fût instruite? Cela ne serait pas possible, Monsieur, la police de Rourges est assez active pour découvrir des crimes de ce genre. La police se fait donc bien chez vous? Oui, Monsieur; elle aurait promplement découvert les auteurs d'un pareil crime. Soudain, notre jeune homme, que la peur galopait d'une rude manière, remonte dans son véhicule fouette son chevallaissant son compagnon de voyage sur la route, tout ébahi, et, comme on peut le présumer, fort en peine de son argent et de ses effets qu'il croyait dé robés par un adroit filou et perdus tout amais. Cependant notre prétendu voleur arrive Rourges, et au lieu de se diriger vers sa demeure, Mademoiselle reprit Pierre je n'ai pas eu l intcntion de vous offenser il ne faut pas m'en vouloir. Le désespoir aigrit l'âme. Dès qu'un malheureux s'est jeté dans la carrière que j'ai embrassée il ne connaît plus que deux espèces d'hommes qui s'intéressent lui le gendarme et le bourreau. Ma vie désormais appartient l'un et l'autre. Et pourtant, ajouta le jeune homme aveo un soupir étouffé, Dieu sait que j'étais né pour un rôle meilleur J'en suis Certaine, répliqua Laure avec un peu d'exaltation il y avait en vous l'étoffe d'un grand capiUiue et non d'un chef de bandits. On ne commande pas aux hommes qui vous entourent sans un courage toute épreuve. Qui donc vous a pu jeter ainsi hors de votre chemin Ne me pressez pas là-dessus, mademoiselle ce secret n'est pas seulement le mien. 11 y a dans ma vie uue suite de fatalités qui s en- chàînent et c'est une longue histoire que mon histoire. A quoi bon d'ailleurs ajouta Pierre comme s'il chassait une idée importune. Ne suis-je pas un bandit N'ai-je pas rompu avec la si>ciété ne lai ai-je pas juré une guerre implacable N'insistez pLtfs mademoi selle et souffrez que je me relire. La curiosité de Laure excitée par cette résistance Gtun nouvel effort, et sa voix prit un caractère suppliant pour dire Pierre Monsieur parlez je vous en conjure. Le chef des bandits garda le silence pendant quelques instants il s'accouda sur la table tenant sa tête dans ses deux mains, et se re levant ensuite après ce geste de méditation et de recueillement Vous l'exigez, mademoiselle, dit-il tristement: eh bien! écoulez. [La suite an prochain w°.)

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Le Progrès (1841-1914) | 1846 | | pagina 3