6e ANNÉE. N° 570.
INTÉRIEUR.
JEUDI, 22 OCTOBRE 1846-
JOURNAL D'APRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Feuilleton.
On l'abonne Ypre» Marché
an Beurre, 1et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
par trimestre.
Pour prèsfr. 5-00
Pour les autres localités 6-00
Prix d'un numéro0-25
LeFro
Tout ce qui concerne ta rédac
tion doit être adressé, franco, k
l'éditeur du journal, Y près.
Le Progrès parait le Diman
che et le Jeudi de chaque semaine,
PRIX DES INSERTIONS.
Quinze centimes par ligne.
VIRES ACQBIRIT EtNDO.
YPRES, le 21 Octobre.
LE COLLÈGE DE T1RLEMONT.
Dans ces derniers temps, les administrations
communales de TournaiChimay et Verviers
ont dû se résigner ne plus voir d'aumônier
la tête del'inslruction religieuse dans leurs insti
tutions d'enseignement moyen. Ce n'est qu'à
regret qu'une pareille nécessité a été subie
parce qu'on craignait les résultats du refus de
l'autorité ecclésiastiquesur la prospérité des
collèges ainsi placés en interdit. Mais aujourd'hui
ces craintes se sont évanouies, cardans les éta
blissements en butte l'inimitié du clergé, le
nombre d'élèves n'a pas diminué.
A Tirlemont, on a essayé d'une autre façon,
de s'emparer de l'instruction moyenne. Le di
recteur, M. l'abbé Louis, a été forcé vers la fin
de l'année scolaire, de résigner ses fonctions
probablement par ordre supérieur. Il s'agissait
de savoir, si la commune continuerait subsi-
dier et diriger son collège. Cette question a
été décidée affirmativement l'unanimité au
conseil communal, mais peu de temps après, on
a voulu revenir sur cette décision. Des intrigues
ont été ourdies pour remettre l'établissement
communal entre les mains des frères Joséphiles.
Le bourgmestre s'est fait l'organe de cette
prétention du clergé, mais il a rencontré dans
le conseil communal, une opposition énergique
et unanime. L'Observateur donne, dans une
lettre, tous les détails de ce nouvel essai du
clergé, pour arriver au monopole de instruc
tion moyenne, ainsi que la preuve que de jour
en jour, l'esprit d'opposition l'endroit des
entreprises des évêques sur le pouvoir civil,
s'accroit et devient plus énergique.
Bientôt tous les établissements laïcs seront
privés d'un aumônier. L'athénée de Bruges qui
jusqu'ici avait vécu en bonne harmonie avec l'é-
piscopat, paraît être poursuivi par des sourdes
menées cléricales. Le Nouvellistecomme l'a
fait observer le Journal de Brugesvient de
jeter la première pierre celte institution et
on peut eu être convaincu, on ne s'en tiendra
pas là. Pendant que les journauxduhaut clergé
poussaient la ligue contre le paupérisme, les
évêques ont mis exécution leur coalition contre
l'enseignement laïc et dans peu de temps nous
verrons se dérouler les plans arrêtés au synode
de Malines.
Le Journal des Baziles, dans sou dernier
numérone ressemble pas mal ces lâches
adversaires qui, eu fuyant, crient: Victoire!
pour faire croire quand ils sont battus, qu'ils
viennent de remporter un succès. Nous sommes
déjà loin de l'aveu fait par la feuille cléricale,
que la diminution de la garnison est une puni
tion infligée la ville d'Ypres, parce que la
majorité de ses habitants ne professe aucune
sympathie pour le ministère actuel et ses adhé
rents. Elle patauge pour prouver qu'elle a eu
raison de se réjouir de l'injustice avec laquelle
nous sommes traitéset entre dans de longues
explications, qui ne ressemblent pas mal des
excuses.
Il est vrai que souvent nous avons eu lieu de
nous réjouir, de ce que la situation de la ville
d'Ypres relativement celle d'autres cités de la
Flandre et du pays était favorable. Nous
n'avons jamais chanté comme la cigale, que
plaisirs, bals et fêtes, choses que les jésuites ont
en horreur, puisque toujours nous avons émis
l'opinion que, par suite de l'absence totale de
grande industrie et de commerce, il fallait une
administration communale faisant valoir le droit
qu'on avait de profiter, dans une juste propor
tion, des voies de communication ferrées et
autres, qui auraient amélioré la position excen
trique de la ville d'Ypres. Toujours nous avons
dit, qu'il ne nous restait de noire splendeur
passée que notre industrie agricole et moins
de s'adresser uniquement des lecteurs
aveuglés par le fanatisme clérical, une
feuille quelque éhontée qu'elle puisse être
n'oserait jamais prétendre qu'une administra-
lion communale ail le pouvoir de changer la
situation industrielle d'une ville, quand le gou
vernement central prend tâche de rendre sa
position plus dure et plus malheureuse.
Le Journal des Baziles nous accuse d'être
en contradiction avec nous-mêmes. Oùa-l-il
fait celte découverte? Qu'il lui plaise de dire si,
dans son opinion, le retrait de notre garnison
de cavalerie n'est pas une perte pour la ville?
Devions-nous faire comme lui, sous prétexte de
morale, de religion, etc., trépigner d'aise de voir
cette calamité atteindre nos concitoyens,
l'approche d'un hiver qui sera rude traverser.
Mais la dévote et religieuse feuille devrait sa
voir que l'esprit du christianisme s'oppose ce
qu'on se réjouisse du malheur d'aulrui, et
plus forte raison notre béat ministère aurait
dû se garder, dans le but de satisfaire ses ran
cunes vindicatives, de faire du tort nos
concitoyens.
Le ton de la plainte na-t-il pas présidé
depuis longtemps notre rédaction plutôt que
l'allégresse se demande la béate feuille. Eh l
oui, certainement, quand votre parti recevait
un échec, quand les électeurs n'ont plus voulu
de vos hommes, alors vous vous posiez en pro
phète de malheur. Mais ici il s'agit d'une
iniquité commise l'égard d'une ville, dont
vous vous prétendez le champion chevaleresque,
est-ce vous défendre et excuser cette me
sure? Laissez là le clergé, qui n'a que voir en
cette affaire, le feuilleton et la morale, et dites-
nous, s'il vous appartient, vous, journal de la
localité, d'abandonner la défense des intérêts de
vos concitoyenssous des prétextes qui ne
prouvent que l'égoïsme incurable de votre parti
On dirait vraiment entendre les organes
ministériels, qu'il est si facile d'implanter dans
une localité, une industrie quelconque. Mais
malheureux ne voyez-vous donc point que de
puis quinze ans que votre parti tient le pouvoir,
vous n'avez même pu conserver dans une situa
tion prospère, celles qui existaient depuis long
temps. Quand la gène est générale dans les
Flandres, prélendriez-vous, par hasard, que la
ville d'Ypres seule, bien qu'elle ne soit pas un
des centres de l'ancienne industrie linièrene
doive pas en ressentir le contre-coup? Etc' est
alors ce pendantqu'on nous enlève ce qui donnait
de l'ouvrage un certain nombre d'ouvriers
11 faut que cette feuille soit imprégnée du cy
nisme jésuitique jusqu'à la moelle des os, pour
avoir I mpudeur de parler des pillages et de la
régence patriote. Elle ose demander qui pillait?
Eh! des gens qui étaient soudoyés pour com
mettre ces dévastations, et si la feuille des
Baziles le voulait, elle pourrait facilement nous
dire quels étaient les instigateurs et les payeurs.
Quant aux orgies de la régence hollandaise
nous ne savons ce que cela veut diremais
dans tous les cas on a pu voir les orgies du
fanatisme. On sait ce qu'elles peuvent enfanter.
Veut-on connaître la manière d'enseigner
l'histoire dans les institutions du clergé, il faut
recourir au Journal des bedeauxpour en avoir
une idée. Comment avons-nous perdu celte
grandeur passée au temps des comtes de
Flandre? C'est là une belle question et facile
résoudre lisez l'histoire, dit-il, probable
ment celle la façon du père Loriquetce sont
les factieux qui ea furent cause. Jusqu'ici on
PIËOMllg (RfflOyTÛKU
XIV. la. fuite.
Pierre marchait sous ces Toutes ténébreuses avec une assurance
qui indiquait une connaissance approfondie de l'état des lieux.
Quand il fut arrivé A une certaine distance du champ de bataille il
fil une halte et prêta l'oreille. Des cris, des plaintes se faisaient en-
tendre le oœur de Pierre en tressaillit de joie sa vengeance s'ac
complissait. Pour mieux en jouir, il oublia jusqu'au soin de sa sûreté,
et aulieudefuir, il continua recueillir les bruits qui lui parvenaient.
Cette imprudence allait lui être fatale; déjà des pas retentissaient
l'entrée de la galerie où il venait de s'engager, et une clarté vague se
révélait dans le lointain. Il n'y avait pas un instant perdre; on était
sur ses traces, il était poursuivi. Pierre se releva et reprit sa course.
La tranchée dans laquellé il se dirigeait alors ressemblait une
grande coupure pratiquéedan9 l'intérieur de la montagne. Ces phé
nomènes ne sont pas rares en géognosie, et la charpente des grands
reliefs en offre de nombreux exemples. Le globe en apparence s1
compacte est plein de ces déchirements intérieurs produit d'an
ciennes convulsions et les chaînes dn Var qui sont un rameau des
Alpes, abondent en labyrinthes de ce genre. Celui que Pierre par
courait s'ouvrait sur presque toute la hauteur de Bormes et semblait
plonger jusque dans les entrailles de la terre. Quoique la pente en
fût escarpée et rapidePierre s'y avançait d'un pas ferme sans
hésiter, sans trébucher, comme si des indices certains l'eussent guidé
au milieu des ténèbres et avec une sûreté de mouvements que
pouvait seule donner une longue habitude. Un faux pas, le moindre
etard, une chute, une erreur de direction suffisaient pour le perdre:
il était serré de près, et on semblait gagner du terrain sur lui.
Livrée par une sorte d'inertie machinale Laure se laissait em
porter dans ce royaume des ombres. Depuis une heure elle se croyait
la proie d'un rêve. Les événements auxquels elle était mêlée avaient
quelque chose de si fantastique que peu peu le sentiment des
réalités s'eifaçait ses yeux pour faire place une existence imagi
naire. Sa pensée voyait dans les espaces, et loin de réfléchir sous
le poids du danger, y puisait de nouvelles émotions et un nouveau
goût pour les aventures. A ses yeux Pierre était son sauveur son
seul appui au milieu de ees natures dépravées, 11 avait déjà eu
vaincre sa bande pour l'arracher au déshonneuret celte fois, dés»
espérant de la victoire il se dévouait pour elle et la dérobait aux
violences de ses gens. Tel était le roman de la jeune fille. Une cir
constance singulière vint y ajouter beaucoup de poids. Sur un pont
où là galerie décrivait une longue ligne droite Laure appuyée sur
l'épaule de Pierre, aperçut au lointain un homme qui bouchait, une
torche la main. Qu'on juge de sa surprise et de son effroi C'était
Poiut-du-Jour l'infâme qui avait porté la main sur elle. Dès lors
tout s'expliquait le mystérieux dialogue qu'elle avait entendu la
révolte de la bande, la fuite du capitaine. L'aventure était complète,
et Pierre y jouait un rôle si beau, qu'il était impossible de s'y montrer
insensible.
Le chef des bandits ne s'abandonnait pas des impressions aussi
douces il se savait poursuivi, et de près; sa seule préoccupation était
d'échapper cette chasse souterraine. Plus d'une fois il songea se
rejeter dans les enfoneements du rocher et tromper ainsi les Lom-
mes qui s'acbarnaieut sur ses traces. Mais oe n'était là qu'un moyen
insuffisant et dangereux et tant que le champ demeurait libre-
devant ses pas, Pierre préférait oourir toutes les chances de l'événe
ment, Le hasard avait livré le sccrct d une communication qu'il