6e ANNÉE. N° 576.
INTÉRIEUR.
JEUDI, 12 NOVEMBRE 1846
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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YPR£8, le II JVopembre.
LA SCISSION ENTRE LE LIBÉRALISME
CONSTITUTIONNEL ET LE RADICALISME.
Il n'est plus possible de se faire illusion
dans la Société de VAlliance de Bruxelles une
fraction minime s'était faufilée qui a une ban
nière distincte de celle que le libéralisme
constitutionnel a arboré. On la cache parce
qu'on n'ose la faire connaître. On la. voile parce
que du jour où on l'aurait exposée tous les
yeux, un mouvement de recul s'opérerait parmi
les adhérents qui se laissent aveugler par des
artificieuses protestations, et ceux qui l'ombre
du libéralisme, comptaient infuser leursopinions
démocratiques au corps électoral petit petit,
et imposer leurs volontés la majorité par mille
subterfuges et intrigues, se verraient abandonnés
leur propre impuissance.
Depuis, les députés de Bruxelles ont voulu
combattre cette influence radicale avant qu'elle
ne prît plus d'extension la société. Malheu
reusement quoique celte question fût au
fond la seule en discussion, c'est dire, si
la majorité de la commission administrative
allait faire perdre du terrain au libéralisme par
ses menées radicales et ses exagérations, ou si
on voulait y couper court, elfe li'a pas été com
prise par tous les membres de VAlliance et par
celle hésitation la fraction radicale a eu l'air
d'obtenir gain de cause pour les idées qu'elle
commence oser dévoiler.
Les chefs du libéralisme parlementaire se sont
retirés. A nolreavis, ils ont bien fait. L'Alliance
depuis la désunion qui la travaillait, avait perdu
tout prestige et le bureau du Congrès n'est plus
celui qui le libéralisme confédéré a mis sa
confiance et qui en a si mal usé.
Une nouvelle société électorale vient de se
constituer Bruxelles sous le litre d'Association
libérale. Elle représentera notre avis la nuance
du libéralisme qui est la seule que des hommes
sérieux et pratiques peuvent adopter. Nous croy
ons qu'elle retrouvera bientôt sa puissante
influence que F Alliance a perdue par suite de
la conduite de la majorité de la commission
administrative. C'estencore une nouvelle preuve
que l'opinion libérale donne de sa modération
et des idées d'ordre dont elle est animée, tandis
que le parti clérical donne la main ceux qui,
s'ils en avaient la faculté, seraient bientôt des
artisans de désordre.
Le ministère dans le but d'entraver la con
stitution de la nouvelle Association Libérale, a
défendu aux fonctionnaires sous peine de des
titution, de faire partie d'une société électorale
quelconque. Nous approuvons cette mesure en
principe, car il ne faut pas mentir son opi
nion ni ses convictions. Cependant afin que
celte défense soit juste et non sujette critique,
les fonctionnaires devraient être classés en deux
catégories, en fonctionnaires politiques chargés
de mettre en œuvre l'esprit du système et dont
les actes engagent la responsabilité ministé
rielle et en fonctionnaires non politiques ap
partenant l'ordre administratif pur. Ceux-là
ne sont pas les hommes du ministère, mais les
administrateurs de l'état. Ces derniers devraient
être libres de leurs actes et de leurs principes
politiques, ainsi que de leur libre manifestation.
Mais la première catégorie ne devrait jamais
pouvoir poser un acte politique contraire
celui de leurs chefs et nous voulons bien savoir
maintenant que le cabinet des six-Malou appli
que ce principe, pourquoi on sentait le besoin
de chanter sur tous les tons que M\l. Rogier et
Delfosse voulaient mettre la couronne eû cura
telle. Au moins la royauté était prévenue et le
ministère De Theux menace d'user et d'abuser
de la prérogative du Boisans lui demander
même sou consentement. Alors on tramait une
fourberie politique, on voulait bien laisser le
pouvoir occupé par les libéraux, mais sans leur
donner le moyen de s'y maintenir et de se
mettre l'abri de l'inimitié sourde des gouver
neurs et autres fonctionnaires politiques. Le
piège était habilement tendu, mais on en a été
pour la honte de l'avoir conçu.
Nous donnons plus loin le discours de la
couronne 5 il est aussi insignifiant que long.
Des promessesil n'y en a pas mal mais fiez-
vous aux hommes d'affaires des enfa nts d Ignace
de Loyola
wia»oooiimi
Lundi dernier, est arrivé en cette ville MM. le
baron Pecsteen de Lampreel et Vandromme,
membres de la députation permanente. Avec
MM. Donny et l ingénieur Prisse, ils consti
tuaient la commission d'enquête, pour recevoir
les réclamations qu'on aurait pu faire contre le
tracé du chemin de fer de la Flandre occiden
tale de Roulers Courtrai. Aucune opposition
n'a été faite. Ces messieurs ont été invités
dîner chez M. le Bourgmestre de la ville
d'Ypres.
■II IIJO
Par délibération de la Chambre de discipline
des notaires de l'arrondissement d'Ypres en
date du 4 de ce mois, il a été arrêté que doré
navant l'usage des Codes, de la Loi sur le nota
riat et d'ouvrages élémentaires de droit ou de
pratique, sera interdit aux aspirants qui se
présenteront devant elle pour subir leurs
examens.
UN QUASI-MEURTRE COMMIS PAR UN SAINT
SUR UN CURÉ.
Le 1er de ce mois, la statue de S'-Martin. d'une
grandeur de 5 pieds, qui était placée au-dessus
du grand autel l'église de Vladsloo, s'est dé
tachée de son cheval et s'est brisée sur le pavé
pendant la grande messe.
Ceux qui assistaient l'office en ont été quittes
pour la peur que cette chute leur a causée
mais M. le curé a reçu plusieurs blessures la
tête et a été transporté immédiatement chez lui.
Cet accident a pour cause, dit-on, la vétusté
du saint ét il est probable, si l'on n'y prend
garde, que le cheval occasionnera de plus grands
malheurs, s il lui prend fantaisie de suivre le
cavalier.
La première séance de la nouvelle Association
libérale de Bruxelles a réalisé tout ce que les
vrais libéraux attendaientdes hommes/>ra/ù}'Mes
et possibles qui ont présidé sa formation. Le
programme du Congrès libéral y est franche
ment et sincèrement proclamé, comme charte
du libéralisme. Deux centsoixante troiscitoyeus,
ont promis leur concours. A la prochaine réu
nion, il y aura de nouvelles et nombreuses
adhésions. Nous sommes désormais sans inquié
tude sur le sort du libéralisme dans la capitale,
et l'union des radicaux de Y Alliance avec les
catholiques, est désormais sans danger.
Nous avons annoncé la nomination de M.
Robert Verwilghen aux fonctions de juge-de-
paix Dixmude, en remplacement de l hono-
Fciiillcton.
PlIIRIRE l©UT©^a
XVII. le concert xc commissaire, [Suite.)
Le concert venait de commencer, et le comte Gabriel en sur
veillait l'exécution avec une sollicitude alarmante. Comme tous les
amateurs que la musique passionne, il se révoltait au moindre
bruit, fronçait le sourcil pour une chaise dérangée, pour une quinte
de toux, pour quelques mots échangés voix basse. La France a
aubi dans le cours des siècles, une foule de despolismes mais aucun
de ceux que l'histoire a flétris ne s'est signalé par des formes plus
acerbes que celui des musiciens et des amateurs de musique, lors-
qu ils se livrent leurs goûts familiers. Si on les laisse faire,
bientôt ils demanderont la tête des interrupteurs. Le comte Gabriel
était un de ces farouches partisans de la clé de sol et des sœurs que
le solfège lui a données. Cet homme, tolérant sur tout le reste, et
qui avait cherché dans les besicles un abri oontre la conseription,
cet auditeur an conseil d'état, institution éminemment pacifique,
aurait scalpé un interrupteur et bu dans son crâne, si la loi n'eût
contenu ses rancunes musicales. Quand on arrêtait au vol une de
•es notes par une porte ouverte ou fermée mal propos, il agitait ses
lunettes comme un Jupiter olympien; et remplissait l'assemblée en
tière des éclairs de ses regards. Un éternuement le jetait dans des
crispations épouvantables, le bruit d'un mouchoir le révoltait cet
homme ne faisait aucune concession aux. faiblesses de la nature
humaine.
Le programme du concert lui donnait six morceaux chanter:
un nocturne de Blangini, qui était alors le compositeur la mode
deux romances de Rigel, l'auteur de Petits oiseauxle printemps
vient de naîtreenfin, trois morceaux d'opéras récemment joués,
entr'autres un duo de Pernand Cortez. La première partie marcha
sans encombre, le chanteur avait une voix fraîche, une bonne mé
thode, toutes les qualités la mode. En mu.dque, cela varie un
jour on demande la voix de tête; uu autre jour la voix de poitrine.
Les ventriloques ont la voix du ventre; prochainement on se plaira
entendre la voix du nez. Le comte Gabriel avait la voix du mo
ment, et c'était un inappréciable avantage. Il savait prendre un peu
de ce grasseyement que Garat avait mis en vogue, montrait le
blanc de ses yeux comme s'il allait se pâmer, usait avec art d'un
râtelier agréable, et connaissait toutes les ressources de la bouche
en cœur. En somme, c'était un charmant, un délicieux talent de
société. Il ne faut pas être injuste envers l'empire.
Malheureusement le oomte Gabriel s'était prodigué deux mor
ceaux, c'était bien; trois, quatre même eussent encore passé. Six
morceaux, voilà où commençait l'abus. Les chanteurs n'en font
jamais d'antres; ils s'écouteraient gazouiller une journée entière, et
supposent, dans le public, le même goût pour cet exercice vocal. Ils
ne se contentent pas de plaire une fois, deux fois, ils veulent tou
jours, exclusivement, sans relâche. Notre époque, saturée de musi
que, doit comprendre par quel motif les princesses s'étaient peu
peu lassées des roulements d'yeux, du grasseyement, des roucoule
ments du comte Gabriel. Au quatrième morceau, l'auditeur au
conseil d'état commençait perdre du terrain dans l'assemblée; au
cinquième des chuchotements se firent entendre; il lutta et fou
droya de l'œil les interrupteurs. Malheureusement, les princesses
s'en mêlèrent, et il était difficile de conserver leur égard les allu
res d'un Jupiter tonnant. Enfin, le malencontreux morceau s'acheva.
Tout autre qu'un musicien eût terminé là l'expérience et remis la
suite du programme des temps plus prospères; mais on ne sait pas
ce qu'est un musicien et ce qu'est un programme. Un musicien
tombe, mais ne se rend pas un programme fatigue, assomme, en
dort, mais s'exécute. Plus le comte Gabriel rencontrait d'obstacles
plus sa passion musicale s'exaltait. Des bâillements contagieux cir
culaient dans l'assemblée; il les brava, prit par la main la com
tesse de Stolberg, la conduisit au piano et lui présenta galamment
sa partie.
C'était un duo de Fernand Cortez, celui entre Cortez et Amazili,