INTÉRIEUR.
6' ANNÉE. - N° 591.
DIMANCHE, 3 JANVIER 1847.
Le Progrès parait le Diman
che et le Jeudi de chaque semaine,
PRIX DES INSERTIONS.
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
REVUE RÉTROSPECTIVE DE L'ANNEE 1846.
On s'abonne Ypres, Marché
au Beurre, 1, et chez tous les per
cepteurs des postes du royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT,
par trimestre.
Pour Y prèsfr. 5-00
Pour les autres localités 6-00
Prix d'un numéro0-25
LePro
Tout ce qui coneerne fa rédac
tion doit être adressé, franc
l'éditeur du journal, Yprea.
Quinze centimes par ligne.
VIRES ACQUIRIT EUNDO.
t
YPRES, le 2 Janvier.
L'année 1846 vient de finir et sous ie rap
port politique et matériel, la Belgique s'en
ressouviendra longtemps, comme d'une année
néfaste et digne de figurer au nombre de ces
époques de désolation et de misère, qui vien
nent de temps en temps tourmenter les mortels.
Commencée sous des influences matérielle
ment déplorables, l'année qui vient de s'écou
ler, n'a offert sous le rapport politique, que des
péripéties inattendues et qui ont tourné la
confusion du parti ihéocratique. On se rappelle
qu'après les élections de 1845, le père delà mix
ture, ce fameux adorateur de la majorité mixte
qui d'après lui, avait produit de si belles choses,
M. Nolhomb ne crut plus la place tenable et le
ministère tomba en dislocation. La couronne
s'adressa aux libéraux. Jouée une première fois
par des intrigues de palais et victime des roueries
de ceux qui étaient obligés par l'honneur de la
seconder activement, l'opinion libérale crut
devoir prendre celte fois ses précautions. Elle
stipula des conditions et soumit Sa Majesté
un programme. Les tentatives faites pour pla
cer au timon des affaires, un ministère libéral
échouèrentet un ambassadeur débarqua
Oslendepour sauverce que répandaient
quelques charlatans, le trône et 1epays.
M. Vande Weyer, qui souleva les défiances de
l'opinion libérale par sa conduite étourdie, en
abordant la question de l'enseignement moyen,
apprit ses dépens, que les concessions faire
devaient toutes venir d'un côté et que le système
mixte n'était en réalité, que l'exploitation hypo
crite du pays par le parti des honnêtes yens.
Tous ses efforts pour engager le parti des évê-
ques modérer ses prétentions, furent inutiles.
Tout ou rien disaient les fanatiques. En pré
sence des prétentions exorbitantes et slupides
que le parti clérical voulait faire sanctionner par
le projet de loiil donna la preuve qu'il était
libéral et entendait ne pas trahir ses amis po
litiques; il déposa sa démission entre les mains
du roi et repartit pour Londres. Le parti libéral
fut au moins heureux de ne pas avoir trouvé
en M. Vande Weyer, un homme d'état hostile,
et que les grandeurs avaient rendu infidèle sa
foi politique, quoique cependant celle équipée,
en dernière analyse, fût désavantageuse notre
opinion, en laissant nos adversaires le temps
de respirer.
La couronne crut encore devoir recourir
quelques députés libéraux et leur confier la
mission de former une administration libérale.
Mais les tergiversations du chef de l'État, la
répugnance qu'il avait déjà laissé voir d'éloi
gner certains hommes ennemis acharnés du
parti libéral et dont les suggestions perfides
devaient créer des difficultés chaque jour re
naissantes aux hommes d'état libéraux qui
auraient assumé la responsabilité du gouverne
ment rendirent les conditions du programme
plus précises. Comme au fait, on n'avait voulu,
en confiant la mission de former un cabinet
M. Rogier, que donner une apparente satisfac
tion l'opinion libéraleon rompit les négo
ciations, et deux jours après, un ministère
catholique formé de toyles pièces apparut dans
le Moniteury comme jadis Minerve sortit toute
armée de la tête de Jupiter..
Ce fut un coup de maître; deux jours aupa
ravant une pareille combinaison semblait en
core dangereuse et incompatible avec la marche
de l'opinion publique. Mais placé au pied du
mur, l'entourage du Roi ou ce qu'on est con
venu d'appeler la Camarilla, préféra tenter un
coup de désespoir, plutôt que de passer par
les conditions du programme libéral, con
ditions aussi sages que constitutionnelles, quoi-
qu'en disent quelques publicistes salariés.
Le pays fui alterré de tant d'audace; au pre
mier jour, on avait peine croire le régime
théocratique intronisé en la personne de MM.
De Theux, Malou. Deschamps et compagnie, au
ministère. On se demandait avec effroi, si on
était appelé voir revivre une seconde repré
sentation du ministère Polignac, tandis que îes
organes ministériels faisaient des promesses
doucereuses et calmantes sur les projets et les
iutentions des six-Malou.
Peu de temps après, le congrès libéral s'ou
vrit Bruxelles. Le parti catholique qui avait
poursuivi celte réunion de ses clameurs et de
ses calomnies, dût rendre hommage la sagesse
des délégués du libéralisme qui, au nombre de
326, adoptèrent un programme, symbole poli
tique du parti libéral.
Le ministère dans la chambre ne trouva d'ap
pui que du coté droit. Les membres foncièrement
connus pour ne représenter au Palais de la nation
que les intérêts du haut clergé, lui accordèrent
leur confiance. La question de cabinet sou
levée par M. D'Elhougne, fit voir que le ministère
ne disposait que d'une majorité numérique de
50 voix sur 95 membres dont se compose la
chambre. Ce résultat n'était pas de nature
faire sourire le parti clérical aussi se promit-il
de faire tousses efforts pour augmenter le nom
bre de ses adhérents la chambre.
Une occasion se présenta bientôt. La mort
de M. Duvivier fit convoquer le collège électoral
de Soignies. De deux cotés, on attachait grande
importance cette élection l'opinion libérale,
parcequ'elle la première depuis le congrès li
béral et l'adoption du plan de confédération
du libéralisme. Le ministère l'emporta, parce
qu'une trahison ce qu'on prétenddétacha
des voix de la phalange libérale. Cependant
dans un arrondissement oû le clergé et l'aristo
cratie étaient puissants, il ne manqua au candi
dat libéral qu'une vingtaine de voix pour
être élTi.
A la suite de la convocation d'un nouveau
congrès libéral décrété par la société de l'Al
liance, une scission s'opéra au sein de cette
association. Un certain nombre de dissidents
élevèrent une nouvelle société et cette division
infusa la joie la plus douce dans les veines
de cette momie qu'on appelle parti clérical.
Mais nous avons l intime conviction, que celte
satisfaction sera de courte durée et que ce dé
classement n'aura que peu ou point d'influence
sur les destinées ascendantes du libéralisme.
A l'ouverture des chambres, la question de
cabinet a été posée et résolue en faveur du mi
nistère une majorité relative de 18 voix. Ce
pendant quelques députés qui ont voté avec lui,
ont expressément demandé au chef du cabinet,
s'il considérait le vote en faveur de l'amende
ment ministériel comme une adhésln au sys
tème théocratique que les six-Malou sonw:hargés
de faire prévaloir. Ce n'est que sur une réponse
négative, que l honorable président da la cl
bre a volé en faveur de l'amendement.
La fin de l'année 1846 a été propice au pa
libéral. Par la mort de M. Savart, une élecliî
a dû avoir lieu Tournay. M. Lehon était
candidat du parti libéral et M. Huyghebaert,
beau-fils de M. Savart, un libéral modérése
présentait sous le patronage de l'évêque. M.
Lehon l'a emporté une immense majorité sur
sou concurrent. Élection significative s'il en fût
jamais et qui doit donner réfléchir au minis
tère et ses amis.
Sous le point de vue matériel, nous rencon-
Fciaillcton.
MKDUTOM.
XXIV. - le jugement. (Suite et fin.)
Ponr éviter les rencontres fâcheuses Pierre et ses compagnons
ne quittaient que rarement leur asile. Cependant les soins de leur
subsislanoe les appelaient souvent au dehors. Il fallait se procorer
des vivres, soit par des coups de main, soit au moyen d'intelligences
qu'ils eutretenaient avec des mendiants de la campagne. Pour ces
excursions, ils choisissaient les nuits les plus sombres, et ne les pro^
longeaient jamais au point d'être surpris par le jour. Jusque-là
toutes ces sorties avaient été heureuses rien ne les avait troublées.
Quand elles devaient avoir lieu, on examinait avec soin l'état de la
plaine, les mouvements qui s'y apercevaient, les bruits qui s'y fai
saient entendre. Un soir, une expédition avait été résolue on était
au bout des approvisionnements. Pierre, aux dernières lueurs du
crépuscule, tenait les yeux fixés sur une ligne de buissons qui régnait
sur la berge opposée du ravin
Kh bien capitaine, partons-nous lui dit Zéphyr,
Un momentmon gars il rae semble que j'ai vu remuer ces
broussailles, et il n'y a pas un souffle dans l'air.
Zéphyr dirigea ses regards vers le point que lui avait signalé
Pierre, et répondit, après quelques minutes d'observation
Illusion, capitaine rien ne bougej quelque bête aura traversé
le fourré.
La nuit se fit d'une manière complèteet les trois malfaiteurs se
décidèrent partir. De l'ouverture delà colline, ils avaient des
cendre dans le ravin par un escarpement rapide et en s'aidant de
touffes de pariétaires qui croissaient dans les fentes du rocher. La
descente eût élé périlleuse pour d'autres qu'eux j mais ils y étaient
familiarisés et se trouvèrent bientôt dans le lit du ravin. A peine
venaient-ils de se rallier et de se reconnaître, qu'une douzaine
d'hommes embusqués fondirent sur eux en criant
Rendez-vous rendez-vous
Us voulaient fuirmais ils étaient cernés ils déchargèrent leurs
pistolets mais les coups se perdirent dans les ténèbres. Alors une
lutte corps corps commença. Un homme s'était surtout attaqué
Pierre et le pressait vivement. Rampant comme un ligre, il s'élança
sur lui par un bond furieux et lui porta un coup de poignard qui le
renversa. Pierre chercha se défendre encore, mais la blessure était
profoude il roula sur le sol. Quand l'agresseur le vit étendu, il se
pencha sur lui, et, s'approchant de son oreille, lui dit
Pierre, c'est Point-du-Jour et Glaire qui te frappent Claire et
Point-du-Jour, entends-tu?
Ces paroles parurent ranimer le mouraut. D'une main il saisi t sou
enuemi par la cravate tandis que de l'autre il lui plongeait sou
poignard dans la région du cœur.
Ab c'est Claire, dit-il, comme épuisé par l'effort ab c'est
Claire I voilà qui est bon savoir.
Puisil retomba inanimé près du cadavre de son adversaire.
Au milieu de ces événements, la justice avait suivi son cours. Une
première instruction avait admis la complioité de Laure et le procès
criminel s'était engagé. La jeune fille aurait peut-être trouvé de
l'indulgence pour la faiblesse qui l'avait empêchée de dénoncer
Pierre Mouton j mais il restait encore contre elle une charge acca
blante celle de sa présence dans le jardin au moment où le vol
venait d'être commis. La déposition de la comtesse, qui l'avait prise
sur le fait, était formelle, ci quand on lui opposait cette circonstance