EXTÉRIEUR. FRANCE.
ces deux leltres sont pleines d'intérêt, vraiment
touchantes, et renferment même plus d'un en
seignement moral. A ce titre, voici quelques
extraits de celle d'À..., adressés aux parents de
son amante.
Je suis fâché de la catastrophe qui arrive;
oui, mais la cause innocente, car s'il avait été
en mon pouvoir, L.ne serait pas morte. Votre
fille méritait un autre sort; le destin en a voulu
autrement..
Pourquoi donc aussi tant de sévérité envers
vos entants? Oui, si vous eussiez laissé votre
fille libre comme ses autres compagneselle
aurait pu aimer un jeune homme de son âge,
et elle n'aurait nullement pensé moi. Dans la
contrainte où vous la teniez, surtout votre mère,
votre enfant s'est exaspérée. Il y avait longtemps
qu'elle m'aimait sans que je m'en doutais le
moins du monde, car je ne faisais aucune at
tention elle; c'est ses avances qui m'ont fait
ouvrir les yeux. J'ai eu un amour-propre que
je regrette bien aujourd'hui. Primitivement j'ai
cru m'en amuser et rire, car je ne pouvais croire
qu'une jeune fille de seize ans puisse devenir
amoureuse d'un homme de mon âge.
Oui, j'aurais dû réprimer cet amour de
suite; mais cet amour-propre en moi d'être
aimé par une jeune fille, et une jeune fille
gardée comme elle, je me suis laissé aller, mais
sans prévoir les circonstances qui en arrivent
aujourd'hui. L'homme est faible et se laisse
aller! si l'on calculait tous les maux qui puis
sent en survenir, on serait toujours sage.
Comme je vous le dis, L... m'a aimé sans que
je pense elle, parce qu'elle était gardée par
vous trop; elle n'avait aucune liberté. Elle est
devenue amoureuse de moi, sans que jamais
je lui ai fait aucune avance. Eh! Seigneur mon
Dieu! comme j'étais tranquille avant cet amour
que j'ai cru pouvoir d'abord jouer! Elle s'est
enchaînée moi sans pouvoir rompre aucune
maille. Elle me donne un premier rendez-vous,
me, prévient qu'elle doit aller que j aille
l'attendre Une fois le premier pas fait, tous
les autres ne comptent plus rien.
Elle me déclare son amour et me conte
ses peines, comme elle est tenue sévèrement
par vous, qu'elle ne peut faire un pas sans
qu'on la gronde, et principalement c'est sa
grand'mère qui lui a fait le plus de mal. Elle a
toujours la mort en tête. Elle m'a écrit cent-
quatre-vingt-trois lettres; il y en a bien cent
cinquante qui parlent de suicide. Vousen aurez
la preuve en voulant les lire, puisqu'elles sont
là toutes présentes. Vous, père et mère, vous
voyez dat^ quelles positions vous mettez vos
enfants, en leur parlant toujours en colère
comme si vous vouliez les étrangler et en les
rebutant et les gardant tropvous les faites
penser ce qu'elles ne pensent pas. Vous êtes
méfiants, ils deviennent plus malins que vous.
La preuve en est que pas une fille n'était tenue
comme la vôtre et pas une ne saurait tromper
comme elle vous a trompés. Et vous voulez que
votre enfant soit sageet vous couchez avec
eux. Vous leur apprenez ainsi ce qu'ils doivent
ignorer.
Vous êtes pire que les animaux. Un animal
ne conçoit rien, c'est la nature qui le conduit,
et vous, pendant que votre jeune fille est vos
côtés, soyez donc prudents. INe leur apprenez
pas ce qu'ils doivent ignorer. Vous vous mon
trez sans réserve d'un côté et vous voulez être
rigides d'un autre, c'est une chose incompatible.
Votre fille a été précoce; elle est exaspérée et
aimante. Il faut qu'elle possède ou mourir.
Primitivement, j'ai eu grand tort, mais j'étais
loin de prévoir le résultat dà présent. J avais
d'abord pris cela pour un enfantillage, espérant
que ça se passerait. Vous devez avoir remarqué
combien de fois elle a pleuré. Eh bien chaque
fois qu'elle pleurait c est que je voulais la mettre
en bon chemin ou qu'elle était jalouse. Voyez
dans ses leltres combien de fois ne m a-t-elle
pas, supplié de ne jamais l'abandonner. Je lui
ai arraché plusieurs fois le poison des mains.
Un jour entre autres un verre deau de
javelle que j ai répandu terre, votre mère et
votre femme ont dû le remarquer. Mon cher
B..., il y a des caractères qu'on ne peut gou
verner que par la douceur et chez vous tou
jours la rigueur. Oui, combien de fois j'ai
cherché l'éviter mais elle me répondait:
Quand tu pourrais tout, jamais, non jamais,
ils ne consentiraient nous unir devant les
hommes... Je veux mourir, oui, je veux mou
rir... Que faire avec des esprits exaltés d'une
telle manière? Mon cher B..., quand j'ai voulu
me rétracter il n était plus temps. Elle m'a
subjugué. Je lui ai proposé de fuir pour arri
ver quelque changement tout cela n'a abouti
l ien. Quand je lui disais Veux-tu que je
dise quelque chose ton père? elle répondait
Si tu parles, je me détruis de suite. Com
ment donc aurait-il fallu faire Et malheureu
sement je devenais de jour en jour plus amou
reux d'elle, et elle plus exigeante. Il aurait
fallu que je sois toujours près d'elle, que je ne
parle personne. Oui, c'est votre faute, notre
mort est votre ouvrage.
Si vous eussiez laissé votre fille libre
comme ses autres compagnes, elle n'aurait nul
lement pensé moi, car je ne pensais nullement
elle car pendant quatorze moisje n'aiéprouvé
aucun reproche de mes maîtres, je ne pensais
qu'à mon travail, c'est elle qui m'a désœuvré,
et tout cela a contribué ma mort d'aujour
d'hui. Oui, parents sans prudence, c'est vous
qui avez perdu votre fille. Quand nous avons
été familiarisés ensemble, elle m'a tout raconté.
Les enfants ont des oreilles et des yeux. Votre
femme et votre mère, qui la tenait si sévère
ment, se sont-elles jamais aperçues d'un de ses
rendez-vous et d'une seule de ses lettres qu'elle
m'a écrites? Et cependant en voilà cent qua
tre-vingt, en sept mois de temps... Si vous
l'eussiez prise par. la douceur, vous auriez fait
d'elle ce que vous vouliez; quand je voulais la
ramener dans le bon chemin, elle pleurait, et
sa grand'mère la battait coups de bâton. J'en
ai vu les marques... Ce n'était vraiment pas le
moyen,
J'ai tenté ce que j'ai pu pour empêcher
cette catastrophe. Elle me disait a Je veux
mourir, et lu mourras avec moi!... Une autre
ne te possédera pas... Nous ne pouvons être
unis par les hommes, eh bien nous serons unis
en mourant; oui, nous mourrons dans les bras
l'un de l'autre.
Quand j'ai voulu mettre l'emplâtre au mal,
il n'était plus temps. Je ne puis comprendre la
fatalité qui l'a attirée moi je ne l'avais pas
seulement remarquée; il y a plus de six mois
qu'elle m'aimait que je ne m'en doutais point,
et j'aurais dû continuer au lieu de me laisser
aller avec mon amour-propre mal placé, ayant
l'amour-propre d être aimé d'une jeune fille de
dix-sept ans; oui, j'ai cru positivement en
rire, et je suis devenu amoureux d'elle comme
elle l'était de moi. C'est la destinée qui l'a
voulu. J'ai fait tous mes efforts pour en sortir.
Je n'en attribue la faute qu'à vous, car si L....
avait été libre comme les autres, elle n'aurait
pas pensé moi, et ces deux cadavres qui sont,
quand vous lisez ceci, dessus ce lit, seraient
encore existants... Pardonnez car nous ne
sommes plus que deux cadavres que la terre
va engloutir. Un peu plus tôt, un peu plus
tard, il faut que tout y passe; il reste plus de
malheureux que nous sommes. Adieu n
La lettre que la |jeune Lavait écrite
avant de mourir ne renferme pas la moindre
plainte contre sa famille; elle y faisait les adieux
les plus touchants sa famille et la vie, et
exprimait les sentiments de bonheur qu'elle
éprouvait en mourant avec son amant.
A une lieue de Fribourg, des troupes
du gouvernement, placées sur la route, avaient
reçu les insurgés coups de fusil. Les colon
nes, ébranlées par cette attaque inattendue en
avant de la ville qu'elles avaient espéré sur
prendre de nuit, du reste mal organisées et
mal commandées et entendant en outre sonner
le tocsin, après avoir échangé quelques coups
de fusil, perdu un homme et douze prisonniers,
ont rebroussé chemin vers Moral et Estavayer.
A présent une réaction est inévitable, car le
gouvernement de Fribourg voudra sévir contre
ies coupables, et tâcher d'obtenir des garanties
pour l'avenir. Il y a eu déjà beaucoup de per
sonnes arrêtées en villeet aujourd'hui les
troupes du gouvernement, composées d'infan
terie, de carabiniers et d'artillerie, se sont mi
ses en marche sur Morat pour l'occuper mili
tairement. On ne croit pas une grande défense
de la part des habitants, mais il y a craindre
pour la ville l'exaspération des troupes. Le
Directoire s'est empressé d envoyer deux com
missaires fédéraux M. Slockmar, membre du
gouvernement de Berne, et M. Wieland, mem
bre du gouvernement d'Argovie. On croit que
le but principal de leur mission est d'engager
le gouvernement de Fribourg la modération,
pour éviter l'avenir une nouvelle réaction.
Les désordres qui ont eu lieu dans un
grand nombre de localités de l'Irlande, se sont
reproduits Dublin le 8 et le 9 janvier, des
bandes de malheureux affamés ont attaqué et
pillé les boutiques des boulangers dans plu
sieurs quartiers de la capitale et dans les fau
bourgs. La police en a arrêté plusieurs, c'étaient
presque tous des gens de la campagne. Un fait
alarmant qui résulte des détails publiés dans
les journaux des provinces, c'est que la détresse
du pays prend une très-grande extension, et
qu'un grand nombre de localités dont la situa-
lion était naguère comparativement satisfai
sante, sont plongés leur tour dans les hor
reurs de la famine.
On lit dans la Gazelle d'Augsbourg du 6
janvier
Le roi de Bavière vient d'accorder la
veuve de Frédéric List une pension de 400 fl.
par an (1.200 fr et chacune de ses deux
filles 200 florins par an jusqu'à l'époque où elles
se marieraient. Le roi a en même temps auto
risé le comité qui s'est formé Munich dans le
but de donner la famille du promoteur du
Zollverein un témoignage de la reconnaissance
nationale.
L'Observer assure que sir Robert Peel est
entièrement étranger la circulaire de M.
Young aux membres de la Chambre des com
munes, qui votaient toujours pour lui, et qu'il
n'a nullement l'intention de jouer le rôle de
chef d'opposition.
Le doyen de la Chambre des communes
est aujourd'hui M. C. W. VVynn représentant
de Montgomery-Shire. M. Wynnest âgé de 76
ans; il siège depuis 50 ans la Chambre.
Il p araîtrait qu'une émeute aurait éclaté
Rennes. Des leltres reçues par les députés
d IIle-et-Vilaine, et lues la Chambre, donnent
l'émeute de Rennes un caractère fort grave
le préfet aurait été grièvement blessé par le
rassemblementet on aurait dû le rapporter
l'hôtel de la préfecture sur une civière. Deux
adjoints au maire de Rennes auraient reçu des
blessures plus ou moins graves. Un grand dé
ploiement de forces aurait eu lieu, et plusieurs
arrestations auraient été faites. Au départ du
courrier, le rassemblement n'était pas encore
dissipé. Les lettres ajoutent qu'un bateau de
grains et des boutiques de boulangers ont été
pillés. {La Patrie.)
On écrit de Paris, 12 janvier:
La chambre des pairs s'est réunie aujour
d'hui. Elle a reçu communication des pièces
relatives aux mariages espagnols et l'afFaire
de Cracovie. Au départ du courrier, elle était
réunie en séance secrète pour nommer les
membres de la commission d'adresse.
La chambre des députés a également eu
séance. Après la vérification des pouvoirs des
membres nouvellement élus, M. le ministre des
affaires étrangères a déposé sur le bureau les
pièces relatives aux mariages espagnols et l'af
faire de Cracovie.
M. le ministre du commerce a donné lecture
d'un projet de loi relatif 1 importation de
grains étrangers.
Jeudi la chambre se réunira dans ses bureaux