68 ANNÉE. N* 597.
DIMANCHE, 24 JANVIER 1847.
JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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VIRES ACQlîIRIT EUNDO.
YPRES, le 23 Janvier.
s
JIEFAITS POLITIQUES DE M. D ANETIIAIX.
Depuis quelque temps, la presse cléricale est
•d'une humeur massacrante. C'est la discussion
du budget de la justice la chambre, que
nous devons attribuer ce débordement de fiel
dévôl et ces saintes fureurs, dont les feuilles
jésuitiques nous donnent assez souvent l'amu
sant spectacle. Comme en l'ao de grâce 11546,
M. D'Anethan, le ministre de la justice, a été
accusé et convaincu d'avoir commis des injus
tices tellement scandaleuses dans la collation
des emplois judiciaires, que les révé'ations,
faites cet égard par M. Verhaegeri, ont au
moins égalées celles qui concernaient le fameux
Hetsin, ce type d hypocrisie et de fourberie re
ligieuses.
Ne pouvant repousser les reproches adressés
M. D'Anethan, se trouvant dans limpossibi-
lilé de nier leur véracité, les feuilles jésuitiques
n'ont pas voulu laisser dans la désolation ce cher
et digne ministre de la justice, qui rend de si bons
pelits services au parti épiscopal. Mais la dé
fense des abus scandaleux commis par M.
D'Anethan, les actes effrontés de favoritisme
qui lui ont été reprochés, étaient trop patents
pour pouvoir être palliés, il a donc fallu in
venter une nouvelle lactique qui consiste
refuser la chambre, le droit de s'enquérir des
principes qui guident un ministre dans la col
lation des fonctions ressortissantes son dépar
tement. En vérité, cette plaisante assertion a
été émise la chambre par quelques chauds
défenseurs de l'épiscopat et dans la presse, par
tous les journaux jésuitiques et ministériels.
Oui, peu s'en est fallu que la majorité de la
chambre ne tournât sa sainte colère contre qui?
Contre M. D'Anethan?Eh non, contre M.
Yerhaegen, qui avait osé, voyez donc le crime,
scruter les actes de M. D'Anethan et ébruiter
les motifs qui lui avaient fait commettre des
scandales sans nom.
Mais expliquons de quoi il s'agit, car les
journaux du clergé et dit ministère n'ont eu
garde d'exposer celte affaire sous son vrai
jour. Loin de là. M. D'Anethan est une victime
de l'ultra-libéralisine et celui qui a été honoré
de ses faveurs, un vrai petit saint. L'an passé,
le titulaire du greffe de la justice de paix vint
décéder; son neveu, le sieur Lepoivre, qui avait
fait l'intérim pendant la maladie du précédent
greffier, demanda la place. Il était soutenu par
tout ce que Lessines comptait d honorable, ses
certificats étaient des plus favorables; enfin il
méritait de succéder sou oncle et pour ce
motif probablementil échoua. Dans la même
commune existait un marchand-fabricant de
chicorée, qui ne faisait pas, il faut le croire, de
brillantes affaires, puisqu'il voulait entamer
une nouvelle carrière. Il avait nom Orman. Cet
individu, agent électoral de bas étage, avait
soutenu ouvertement et prôné effrontément la
candidature de M. De Lannoy Soignies. Voilà
ses titres l'obtention des fonctions de greffier,
dont il ne savait le premier mot.
Mais cet Orman qui, sans titres, venait
d'emporter la nomination, avait été condamné
une première fois corrpclionnellement en 11526,
une seconde fois en 1828, pour rixe de cabaret,
avait eu un procès civil pour refus d'aliment
un enfant naturel reconnu et enfin était com
paru une troisième fois devant la justice cor
rectionnelle, pour avoir imité la inarque des
paquets de chicorée de la maison Orbau et fils
Liège. La vignette était la même, seulement
profilant de la ressemblance de nom qui ren
dait la confusion facile pour des gens peu lettrés,
il n'avait pas poussé la fraude jusqu'à s'empa
rer du nom de M. Orbau de Liège, pour ven
dre plus favorablement les produits de sa
fabrication.
A ces révélations, grand tumulte au sein de
la majorité. On trouvait indigne, quoi? que M.
D'Anethan eût confié le poste de greffier un
homme dont les antécédents sont déplorables?
Eh! non, c'était M. Verhaegenqu'on en
voulait, pareequ'il avait osé divulger les turpi
tudes du ministre. Aux yeux du parti clérical
et de la presse jésuitique, ce digne M. Orman
est 7ine pauvre brebis que les loups libéraux
veulent écraser. C'est un homme excellent,
d'une conduite des plus irréprochables et tout
cela pareeque c'est un courtier électoral du
parti catholique M. Dubus, le président du
tribunal deTournav, qui a peut-être été appelé
siéger dans l'affaire Orman lui a donné
un certificat de bonne conduite. M. Brabant
fait entendre sa grosse voix, en faveur de ce
protégé de M. D'Anethan et peut-être de son
ami, M. Dubus. Enfin la majorité de la cham
bre a trouvé mauvais qu'on lui fasse perdre son
temps avec de pareilles vétilles.
Si la chambre paraît être restée indifférente
aux accusations que soulève l'administration de
M. D'Anethan, l'effet sur l'opinion publique a
été plus défavorable au ministère. On com
prend mieux que jamais que les six-Malou
n'offrent aucune garantie pour le maintien de
l'indépendance du pouvoir civil. On est con
vaincu que l'influence occulte, qui déborde
de toute part, traîne nos ministres la remor
que, et exploite de jour en jour davantage la
Belgique déchue de son ancienne splendeur.
L'association libérale de Courtray a donné
signe de vie. Une réunion générale a eu lieu
pour discuter les actes auxquels les fonction
naires soumis l'élection ont pris part. Cette
proposition était l'adresse de M. Van Culsem,
qui après setre fait élire par les libéraux en
1841, avec M. Angiliis de Rumb.'ke, a indigne
ment passé au camp du parti clérical. Il paraît
qu'à Courtray, aucun journal libéral n'a signalé
cette trahison de M. Van Cutsem.
Dans le sein de l'association, et pour suppléer
au silence prolongé de la presse locale, M.
Pycke, secrétaire de la société électorale, a pro
noncé un discours qui expose la conduite de
M. le procureur du roi Van Cutsem, sous son
véritable jflLyr, en voici quelques passages:
Croirait-on en présence du mutisme des
journaux politiques de la localité, que, parmi
nos députés la chambre, nous comptons
un homme qui a passé l'ennemi? Croirail-
on que le parti libéral qui, il y a peu d'années,
se glorifiait d'avoir vaincu ses adversaires
avoue aujourd'hui que le magistrat repré-
sentant de son choix n'est qu'un transfuge
politique
Après une défection de cette nature, le si-
lence est non-seulement inexcusablemais
un armistice n'est pas possible après l'affront
qui nous a été infligé. Eh bien! si la presse
s'abstient de punir le magistrat qui n'est sorti
de son obscurité que grâce nos efforts,
l'Association libérale l'osera elle l'osera, car
c'est un devoir qui lui incombe.
Il n'est pas besoin, Messieurs, queje fouille
bien avant dans les actes publics de M. Van
Culsem, pour prononcer contre lui un juge-
ment de condamnation. A part l'abandon de
ses pi incipes, a-t-il jamais brillé par des con-
naissances spéciales? sur le banc où il se
pavane, il figure tristement parmi les infini-
ment petits. Et il serait bien peut-être de
lui dire qu'on n'atteint pas la hauteur in-
Feuilleton.
UM RORflAN LU SÊ8ERT-
II. (Suite.)
Ah ah ce Barbaro est excellent interrompit en riant le ca
pitaine Breton; mais il a toujours raisonné comme cela d'ailleurs. Je
me trouvais au combat de Saona, près de l'adjudant porte-drapeau;
un boulet passe, le drapeau et le bras du malheureux adjudant sont
emportés. Barbaro, rouge de colère, arrive franc étrier;il tempête..
L'adjudant succombait renversé je le lui montre je lui montre le
bras encore attaché la hampe du drapeau. Mais il n'avait qu'à
le mieux tenir répond le bon Barbaro. Et il retourne en murmu
rant Mains de beurre j» Sa vie est pleine de ces traits-là. Au
jourd'hui il parcourt le désert, et va jusqu'au Sénégal, la chasse
de grues d'autruches de crocodilles et de sangliers dont il veut
former une basse cour.
Mais s'il parcourt le désertil se pourrait que nous le rencon
trassions.
Ahle désert est grand 200,000 lieues tarrées.
Sans doute ce serait une étrange rencontre... Mais lorsque
accompagné de Yousef et d'Akber je conduisais Jenny chez lui, le
commandant Barbaro avait métamorphosé ses chacals et ses hyènes
en gardiens. Il leur laissait l'espace libre pendant la nuit et ces
sauvages bêtes parcouraient les vergers les jardins et les bois, rava
geant les plantations brisant les vases les cloches les vitres des
serres. Elles se battaient souvent et s'enlr'égorgeaient avec des ru
gissements affreux. Et Baibaro répétait invariablement sa femme,
qui ne dormait pas et qui s'effrayait u Je te demande seulement
de ne pas avoir peur ces rugissements ce n'est pas comme les aboie
ments n'aie pas peur, et tu dormiras, tu es bien gardée. Puis le
matin, il descendait armé d'un bâton ferré qu il manœuvrait en
maître. 11 visitait sa ferme et devant ses plans ravagés il disait
Elles ne sont pas encore habituées vivre dans un jardin, mais cela
viendra. Il relevait les bêtes égorgées et reprenait Elles ne sont pas
encore habituées vivre ensemble; c'est bien, elles s'y habitueront;
d'ailleurs je ne regrette pas ceux qui se font battre, ce sont les fai
bles je ne veux conserver que les vigoureuses. Et il renouvelait
ses provisions toutes les semaines car les féroces bêtes s'entr'égor-
gcaienl Ici unei après les autres. Mais il espérait, et il espère encore
qu'une combiuaisou sortira de ces renouvellements fréquents où
toutes se rencontrant de vigueur égale elles lutteront sans jamais
pouvoir s'égorger c'est l'équilibre qu'il poursuit. Cependant cet
équilibre n'était pas encore atteint quand j'arrivai conduisant Jenny
Jenny une visite c'était une surprise ravissante pour Mrac Bar
baro et sa jeune enfant, qui vivaient enfermées. Mme Barbaro reçut
Jenny bras ouverts et l'établit dans un appartement voisin du
sien. Une chambre me fut préparée dans l'aile correspondante du
pavillon. Un cabiuet pour Yt usef était près de celle chambre, un
cabinet pour Akher, près de l'appartement de Jenny. Toutefois, le
matin du second jour de notre installation Jenny, qui s était en
dormie Déclassante de fatigue s'éveilla rafraîchie et curieuse de
visiter la ferme. Son appartement donnait sur le jardin. Elle regarda
d'abord par la croisée puis elle se vêtit ouviit la porte de sa
chambre et descendit. Bondissant comme un chevreau Jenny
courut dans les avenues rieuse joyeuse et cuciilaul les fleurs. Le
commandant Barbaro, descendu avant elle, était sorti. La malheu
reuse enfant n'était informée de rien A l'iustant où sur le bord
d'un bosquet; elle se penchait vers une rose de Delhy, elle vit surgir
soudain, du milieu des branches, ta tête horrible d'une hyène. Elle