La servante, son retour, vers 4 heures, trouva la porte de la maison ouverte et devant celte porte une grosse femme inconnue, qui semblait attendre, et qui, comme elle l'apprit plus tard, depuis quel que temps y faisait le guet, passant et repassant continuellement devant la porte. Elle demanda Van Lepithem ce que cela signifiait Il repondit: que cette femme devait faire pour lui une commis sion, mais que, puisqu'elle était rentrée, il la ferait lui-même. Après avoir ainsi que son neveu mangé une tar tine dans la cuisine, où il laissa la servante. Van Lepithem monta dans sa chambre, revêtit sa capote brune et partit accompagné de son filleul; il por tait sur ou sous le bras un assez gros paquet couvert de son sarrau en toile grise. Les sieurs De Keersmaeker et De Smet rentrèrent 11 heures et apprirent de la servante, mais sans s'en étonner, que leur domestique n'était pas en core rentré. Le sieur De Keersmaeker ayant affaire dans le bureau, pria De Smet d'en aller chercher la clé dans sa chambre coucher, où elle étiit habituellement déposée. De Smet ne la trouva pas. Les associés se dirent sans s'inquiéter: C'est bon, nous la retrou verons demain, et allèrent se coucher. Mais le lendemain matin le domestique n'était pas rentré et la clé du bureau ne se retrouva pas. Force leur fut donc de faire venir un serrurier pour crocheter la porte. C'est alors qu'ils aperçurent qu'on avait, l'aide d'un vieux ciseau de menuisier qui leur appartenait, fracturé leur caisse et enlevé la totalité de ce qu'elle contenait, savoir une somme de 3,ooo fr. Le voleur n'avait laissé que deux couronnes noircies qu'il avait prises sans doute pour de la fausse monnaie ou négligé de crainte qu'elles ne l'eussent trahi. Une montre en argent répétition qui se trouvait également dans le bureau, avait disparu. On s'aperçut en outre que Van Lepithem avait enlevé des draps, couvertures, toiles d'oreiller et line partie de la laine de son matelas. Ces objets fu rent retrouvés dans la maison de la fermière, chez qui le filleul du domestique était en pension, et avait servi garnir son lit. Après bien des recherches, le sieur De Keers maeker parvint savoir que le filleul de Van Lepi them se trouvait Ypres chez un nommé Cent, époux de Marie-Thérèse Callens. Ce jeune enfant après bien des tergivestalions, raconta Qu'a son retour du salut avec la servante, Van Lepithem l'avait emmené en disant qu'ils allaient se promener; que son parrain portait sur le bras un gros sac rempli de pièces de cinq francs recouvert de son sarrau qu'ils sont entrés dans un cabaret marché aux Grains; que son parrain lui laissant la garde de son sac était allé chercher une vigilante qui les avait conduits la station, près de laquelle ils étaient entrés dans nn autre cabaret; que Van Lepithem était sorti alors emportant son sac; qu'il était revenu trois quarts d'heure après avec le susdit sac qui était considérablement diminué qu'ils étaient partis pour Bruges où ils avaient couché dans une auberge près d'un pont; que le lendemain son parrain l'avait confié au conducteur de la diligence d'Ypres pour le ramener chez sou oncle Cent, où il avait été élevé, et qu'il n'avait plus revu depuis son parrain. Les premières informations qu'avait prises M. De Keersmaeker lui firent supposer qu'une nommée Joséphine Callens, qui récemment était allée clan destinement accoucher Bruxelles, était la maî tresse de ce François Van Lepithem et que c'était cette femme qui avait fait le guet la porte de sa maison et aurait été rendue dépositaire d'une par tie de l'argent que contenait le sac. Celte Joséphine Callens ayant été arrêtée et se voyant compromise, déclara alors que ce François n'était autre que sa sœur Virginie Callens, épouse séparée depuis plus de six ans de Pierre Clinckemaille et mère de I-ouis Clinckemaille que depuis plus de six ans, il avait pris des vêtements d'hommes et avait, avant d'en trer au service des sieurs De Smet et De Keersmae ker, exercé l'état de barbier, peintre et tisserand Oost-\ leteren; qu'il y avait même été le jardinier du curé dont il était très-bien vu, au point qu'il n'v était connu que sous le sobriquet de Siske van den pattoor. En effet, informations prises Oost-Vleteren, il en est résulté les détails suivants, que pour la mo ralité de la cause, il importe de raconter, quoiqu'ils n'aient trait qu'indirectement l'accusation de vol. Dans le courant de l'été i836 ou 1887, le curé d'Oost-Vlcteren, se promenant le long de la chaus sée d'Oost-VIeteren Elverdinghe, remarqua un jeune garçon d'une figure intéressante qui travail lait comme aide-paveur la chaussée et qui lui ôla poliment son bonnet. Le lendemain, le curé reçut la visite du jeune paveur qui lui demanda un catéchisme, disant qu'il voulait être instruit dans la religion catholique, qu'il n'était pas de cette religion et n'avait pas été baptisé. Le curé demanda au jeune néophyte où il demeurait Ypres, répondit-il. Alors c'est de la compétence du doyen de ladite paroisse, reprit le pasteur. Mais mon père qui est au service mili taire en garnison Ypres, répliqua le jeune paveur, et qui est protestant, ne consentira jamais ce que je change de religion il faut donc que ma conver sion soit secrète. Néanmoins le curé persista dans son refus et le jeune paveur se retira. Mais cet ardent catéohumène ne se rebuta pas et s'adressa au sieur De Floer, curé Zillebeke, auquel il fit croire qu'il était né Montefiascoue, qu'il s'ap pelait François Van Lepithem, que son père, alors au service français, était de Bruxelles, et que sa mère, avec qui il vivait en concubinage, était de Rome et avait accompagné son mari lors de la re traite des Français. Le bon curé tout fait dupe de l'air de sincérité et de bonne foi du jeune paveur, l'instruisit avec soin, l'euvoya l'évêché de Bruges avec un certifi cat et reçut de l'évêché la commission de le baptiser. François Van Lepithem. demeura enviroti un an Zillebeke charge du curé et de sa soeur qui l'a voient pris en amitié. Puis le curé de Zillebeke le recommanda au curé d'Oost-VIeteren, qui le mit en apprentissage chez un peintre de sa commune Van Lepithem apprit avec la plus grande facilité ce nouveau métier ainsi que celui de tisserand et de barbier. 11 devint même le jardinier du curé, qui ainsi que sa sœur le prirent sous leur protection. Ce fut celte sœur même qui le soigna sans découvrir son sexe, avec une sollicitude toute maternelle, pen dant une maladie grave qu'il y fit. 11 parait que Van Lepithem qui fut inscrit d'office ou qui se fit ins crire sur les registres de la milice dut tirer au sort et fut remplacé aux frais du curé d'Oost-VIeteren, et que c'est sur les recommandations de ce dernier qu'il est entré au service des sieurs De Smet et De Keersmaeker. Les efforts de l'autorité judiciaire pour faire ar rêter cette intrigante furent inutiles. On fit des vaines recherches pour l'arrêter Utrecht, d'où elle avait eu l'imprudence d'écrire sous le nom de Van Lepithem au cuvé d'Oost-VIeteren. Ce ne fut que quatre ans après en janvier 1847, que la justice fûtde la façon la plus inattendue remise sur ses traces. Le 1 1 janvier 1847, Ie procureur du Roi d'Ypres fut informé qu'une tentative d'assassinat, suivie de vol, avait été commise sur la personne de la nommée Nathalie Lewillie âgée de 40 ar>s> petite fermière Wervicq. 11 se transporta sur les lieux et trouva la fermière dans un état inquiétant elle avait une incision au cou des contusions sur le ventre et la poitrine, et vomissait des flolsde sang. Elle déclara que la veille deux inconnus âgés l'un de 20 22 ans et l'autre de 3o s'étaient introduits dans sa maison sous pré texte d'allumer leur pipe et s'étaient l'improvisle jetés sur elle avaient essayé de lui couper la gorge et lui avaient donné sur le ventre de nombreux coups de pied qui l'avaient fait tomber sans connais sance; qu'ils s'étaient emparés d'un billet de banque de Soo tr. que lui avait envoyé un certain avocat De Pocques d'Amsterdam, d'une obligation de 700 fr. souscrite son profil par son cousin Pierre Le willie,Charleroy, ainsi que de huit pièces de cinq francs. L'importance de ce vol excita les méfiances de la police, car elle avait appris que la fermière ne pou vait payer au propriétaire de sa ferme le montant de la prisée que celui-ci avait acquitté sa décharge et qu'elle était sur le pointfaute de payement d'être expulsée de sa ferme. En ellet on apprit bientôt qu'il n'existait pas d'avocat De Pocques Amsterdam ni dans aucune autre ville de la Hollande; que la tentative d'assas sinat, duut elle se prétendait victime, n'était qu'une lable; qu'elle s'était elle-même fait les blessures que les médecins avaient constatées et qu'elle avait pro voqué ljs vomissements en avalant du sang de porc dont une bouteille remplie fut trouvée dans son lit. La prétendue assassinée fut transférée Ypres pour y rendre compte de sa conduite et de sa fausse dénonciation qui avait eu pour suite l'arrestation de deux colporteurs parfaitement innocents; elle y fut reconnue par un agent de police pour n'être autre que Virginie Callens, c'est dire, François Van Le pithem. Interrogée sur le vol commis au préjudice de» sieurs De Smet et De Keersmaeker elle prétendit qu'elle n'était aucunement coupable du vol d'argent dont ces messieurs se plaignaient. Elle avoua seule ment que l'un d'eux lui avait confié pour son usage une montre en argent répétition et qu'elle a eu le tort de ne pas la lui restituer avant son départ de Gand. Cette montre qu'elle avait mise en gagejpour la somme de 20 fr. chez la fermière Beke Ghe- luwe, y a été retrouvée et saisie. Du reste cette habile intrigante, non-seulement a obtenu que son propriétaire lui fit l'avance d'en viron .4oo fr. pour payer la prisée, mais elle a obtenu en outre un prêt de 400 fr. pour acheter une vache et lui a montré pour le tranquilliser une reconnais sance de 764 fr. souscrileà son profit par un nommé Charles Lewillie, receveur au chemin de fer Char leroy, le 3 février i846 et qui a été reconnue être fausse. Devant le juge d'instruction, cette comédienne consommée a raconté une partie de sa vie. Née le 7 mars 1808 elle a épousé le 6 octobre t?88o Pierre- Ignace Clinckemaillie, dont elle eut deux ans après, un enfant qui est le petit Louis qu'elle faisait passer pour son filleul. Que s'étant brouillée avec son mari,qui prétendait que l'enfant dont elle étai t accouchée, n'était pas de luielle l'avait quitté amenant son enfant qu'elle fit élever ses frais chez ses sœurs et qu'elle était entrée en service Que son mari la poursuivant sans cesse, elle avait résolu d'échapper ses poursuites en prenant des vêlements d'homme Qu'elle a successivement été domestique chez le sieur Duhem, Armentières, conducteur des dili gences d'Ostende Dunkerque et de Bruges Blan- kenberghe; puis aide paveur sur la chaussée d'Ypres Menin, où elle s'est mise en relation avec les curés d'Oost-VIeteren et de Zillebeke Qu'ayant acheté d'un nommé François Van Le pithem qui était né en Italie son extrait de nais sance elle en avait pris le nom et avait pu ainsi tromper la religion et la confiance des deux respec tables ecclésiastiques ses bienfaiteurs Qu'ayant été forcée de tirer la miliceelle avait dù serviren personne pendant neufsemaines jusqu'à ce que, par l'intervention du curé d'Oost-VIeteren, elle eut pu se faire remplacer Qu'après un séjour de plusieurs années Oost- Vleteren elle était entrée au service des sieurs De Smet et De Keersmaeker. Elle a l'impudence de soutenir qu'ayant eu avec le sieur De Keersmaeker qui avait découvert son sexe, des relations intimes, celui-ci craignant qu'on ne vînt les découvrir lui avait conseillé de partir et lui avait remis une somme de 600 fr. qu'elle avait emportée le 24 septembre 1843 lors de son départ clandestin de Gand. En conséquence, la susdite Virginie Callens est accusée i° D'avoir volé, le 24 septembre 1848, lorsqu'elle demeurait commedomestiquegages chez les sieurs De Smet et De Keersmaeker Gand au moyeu d'effraction intérieure dans la maison et au préju dice de ses maîtres, une somme de trois mille francs ainsi qu'une montre en argent 2" D'avoir volé, dans le cours de l'année 1843, en la même qualité, dans la maison et au préjudice des dits sieurs De Smet et De Keersmaeker Gand trois pièces de drap, une certaine quantité de laine, une couverture de lit, deux draps de lit et un oreiller. Sur quoi la cour d'assises de la Flandre orientale aura se prononcer. Gand le 18 février 1847. Le procureur-général, Frantz Faider. Après la lecture de l'acte d'accusation, M. le pré sident procède l'interrogatoire de l'accusée. Virginie Callens entre dans un grand nombre de détails de sa vie aventureuse elle raconte comment elle s'est fait rebaptiser, comment elle a été succes sivement paveur, conducteur de diligence, peintre, tisserand, barbier, domestique, fermière, etc. On procède l'audition des neuf témoins cités, dont la déposition ne révèle aucun fait nouveau. Après les plaidoiries du ministère public et du défenseur de l'accusée, M. le président lit aux jurés les questions qu'ils auront résoudre. Après délibérations, le jury rapporte un verdict qui déclare 1* Virginie Callens non coupable du vol de trois mille francs, commis chez MM. De Smet et de Keersmaeker; 2* Ladite Virginie Callens coupable d'avoir volé au préjudice desdits messieurs lorsqu'elle demeu-

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Le Progrès (1841-1914) | 1847 | | pagina 2